Je me retrouve à nouveau seule au milieu du camp. Cette fois, pourtant, je sais exactement où je suis et où je veux aller. Je slalome entre les tentes jumelles et m'autorise à détailler les personnes qui croisent ma route. Je suis moi-même stupéfaite de la facilité avec laquelle j'ai réussi à me repérer dans le camp.

Après cinq minutes de marche, je me retrouve enfin face au réfectoire. J'espère juste réussir à trouver du raisin sans devoir fouiller partout.

— Aaliyah !

Le cri s'accompagne d'une silhouette qui me fonce dessus et me serre dans ses bras. Je manque de tomber, mais le poids s'équilibre et je découvre le sourire de Sûm lorsqu'il s'écarte.

— Tu m'as manqué !

J'éclate de rire.

— Je vois ça.

Il m'adresse un large sourire, auquel je ne peux m'empêcher de répondre. Puis, il semble prendre conscience de l'endroit où nous sommes et demande :

— Tu fais quoi, ici ? Tu n'étais pas censée être avec Kaylan ?

— Si, mais Alora et lui devaient s'entretenir de quelque chose.

Je jette un regard circulaire autour de moi.

— Tu sais où je pourrais trouver du raisin ?

Le regard de Sûm s'illumine.

— C'est pour Sayna ?

Je hoche la tête et l'interroge du regard.

— Tout le monde ici sait qu'elle en raffole. On lui en laisse toujours de côté. Attends-moi là !

Avant que je ne puisse ajouter quoi que ce soit, il s'échappe en courant. Quelques minutes plus tard, il revient vers moi, essoufflé, une grappe de fruits verts entre les mains.

Je le remercie en riant.

— Bon, tu m'excuseras, j'ai été ravi de te voir mais je dois retourner éplucher des patates.

Je hausse les sourcils, ne comprenant pas trop de quoi il me parle. Sûm me lance un clin d'œil en réponse.

— Ce sera bientôt ton tour. On t'a dit qu'ici c'était donnant donnant, princesse !

À l'entente de ce surnom stupide, j'avance mon bras et le cueille sur l'épaule.

— Aïe ! Mais qu'est-ce qui te prend ?

— On n'insulte pas une reine de princesse, malotru.

Nos regards se croisent et nous éclatons de rire au même instant. Il n'y a plus de système de royauté chez nous depuis des siècles, mais les termes sont restés et ont aujourd'hui une valeur sentimentale qu'il m'est difficile d'oublier à cet instant. Le mot est sorti si simplement de la bouche de Sûm que c'en est presque effrayant.

Pour éviter de me poser trop de questions, je m'éloigne en lui adressant un signe de la main :

— Allez, retourne à tes pommes de terre ! On en reparlera !

— Compte sur moi pour ça !

Il repart en courant vers l'atelier d'épluchage où un groupe d'individus manie le couteau avec aisance et il se retourne seulement pour me saluer. Son énergie inépuisable me tuera.

Satisfaite de ma trouvaille, plus grâce à Sûm qu'à moi-même, je pars en direction de la boutique de Maïh, pour remercier Sayna de ses magnifiques vêtements.

Arrivée devant la grande tente bariolée, je soulève doucement la toile et annonce ma présence. Maïh, occupée à ranger des tas de linge, se tourne vers moi et m'adresse un sourire :

— Ma cliente la plus difficile de l'année est revenue !

Je lui adresse un sourire gêné.

— Je ne pensais pas avoir été si embêtante.

Elle éclate d'un rire léger, qui contraste avec sa carrure et son ton bourru de la dernière fois. Puis, sa main vient se poser sur mon épaule et elle me guide vers un siège pour me faire asseoir.

— Mais non, mais non. Je ferai n'importe quoi pour Kaylan, de toute façon. Ce garçon est un ange, même s'il est caché derrière un visage de marbre.

Elle soupire et, soudain, je me demande si elle n'a pas été payée pour me faire aimer Kaylan :

— Tu sais, il n'a pas eu une vie facile ce pauvre garçon. Il s'est pourtant toujours très bien occupé de Sûm, il prend soin des autres avant lui-même et il ne laisse jamais ses sentiments interférer avec ses affaires. Il gère le camp d'une main de maître depuis...

Elle s'arrête, relève la tête vers moi et semble se rendre compte qu'elle en a trop dit.

— Mais ce n'est pas à moi de te raconter tout ça, voyons ! Qu'est-ce que tu viens faire ici, d'ailleurs ? Il se faite tard, il n'y a plus personne dans les parages.

Je fais semblant de ne rien avoir remarqué du trouble qui l'a saisie et lui sourit :

— Je suis venue vous remercier pour votre aide hier. Je voulais aussi trouver Sayna et lui dire merci pour les magnifiques tenues qu'elle m'a créées.

Pour preuve, je lui montre la grappe de raisin qui est toujours dans ma main et elle hoche la tête. Un léger sourire est revenu sur ses lèvres.

— Elle est reparti voilà de longues minutes ! Tu la trouveras sûrement dans sa tente, elle est un peu plus loin dans cette direction.

Elle tend sa main droite vers l'extérieur de la tente.

— Compte treize tentes à partir d'ici et tu devrais la trouver !

Je remercie Maïh pour son aide précieuse et la laisse terminer son rangement. Ses paroles à propos de Kaylan continuent de résonner dans ma tête et soulèvent de nouvelles questions, qui ne trouveront sûrement jamais de réponse.

Je compte les tentes une à une, suivant les indications de Maïh, et arrive finalement devant une toile comme les autres en apparence, mais dont s'échappe quelques cris :

— Certainement pas ! Tu ne vas pas remettre ça sur le tapis encore une fois ! Il est hors de question que je lui dise quoi que ce soit !

Un ricanement masculin répond à la réplique et je me décide à entrer pour indiquer ma présence.

— Salut.

Un glapissement effrayé accueille ma réplique et le garçon ricane plus fort alors que Sayna me reconnaît.

— Oh, désolée. Désolée !

Elle se fond en excuses inutiles et je lui adresse un sourire que j'espère rassurant.

— Je voulais te remercier pour les tenues que tu m'as faites. Je t'ai apporté du raisin, il paraît que tu en raffoles.

À ces mots, elle rougit violemment et bafouille :

— Oh, euh, merci. Merci. C'était rien. Je veux dire, c'était normal. Enfin...

— Ce qu'elle veut dire, c'est qu'elle a été très heureuse de confectionner la tenue de l'âme-sœur du frère du garçon sur qui elle craque depuis notre enfance.

Il me faut un moment pour relier tous personnages de cette histoire, mais le visage écarlate de Sayna m'éclaire quelques peu sur les détails. Le regard noir qu'elle lance à celui qui a prononcé ces paroles également.

J'éclate de rire sans savoir pourquoi.

— Sûm ne m'avait pas dit qu'il avait autant de filles à ses pieds.

Sayna attrape le raisin en se renfrognant et marmonne :

— Personne n'était censé ne le savoir, en même temps.

— Oui, enfin, tout le monde dans le camp l'a remarqué.

Le garçon, qui me semble être celui qui était à côté de Sayna dans la boutique de Maïh, ricane de plus belle. On dirait que son jeu favori est d'enfoncer cette pauvre Sayna.

Pour la remercier, en plus du raisin, je me décide à lui porter secours :

— J'ai faim, je vais aller manger. Vous voulez vous joindre à moi ?

Le regard soulagé de Sayna me signale que j'ai bien fait de leur proposer. Sans réfléchir, elle s'écrie :

— Oui !

Le garçon secoue la tête, désabusé, mais nous emboîte le pas. Avant de sortir de la tente, Sayna attrape une poignée de raisins et rougie en s'apercevant que je l'ai remarquée.

Je ne fais aucune remarque et lui souris doucement. Cette fille a sûrement plus besoin d'être rassurée qu'autre chose. Elle se place devant moi et guide notre trio dans le dédale de chemins.

Ce n'est qu'au moment où nous nous installons à table que je songe à demander son nom au garçon qui nous accompagne :

— Au fait, je ne te connais pas encore. Moi c'est Aaliyah.

Il hausse les épaules.

— Je sais. Mon prénom à moi, c'est Laël.

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Hey !

Me revoilà avec un nouveau chapitre et de nouveaux personnages, ou plutôt une découverte plus en profondeur de personnalités croisées trop rapidement.

D'ailleurs, il va falloir que je me remette vite à l'écriture parce que je vais finir par manquer de chapitres à publier et ce serait un terrible drame 😱

J'espère que ce récit vous plaît toujours autant et que ce rendez-vous hebdomadaire vous enchante autant que moi ✨

A la semaine prochaine !