-- Chapitre 5 - nouveau !
Elle avance encore et découvre la véritable nature des pilonnes. La vérité l'emplit d'une joie telle qu'elle se sent des plus légère. Si légère que la balance des âmes fléchirait sous le poids de la plume d'une autruche de Merideth. Ces étranges pilonnes sont des cuves incubatrices qui abritent des silhouettes humanoïdes baignant dans un liquide nourricier luminescent.
* * *
A l'arrêt depuis une poignée de secondes à attendre l'opportunité d'emprunter l'avenue d'en face, ses doigts se crispent de plus en plus sur le volant. Ils ne sont plus qu'à quelques rues de la maison des Colbert et Simon appréhende sa rencontre avec les parents de la jeune fille. Une ouverture se dévoile enfin et la brusque accélération par le lieutenant fait quasiment sauter sa voiture de l'autre côté de la rue transverse. La pluie a cessé depuis quelques minutes mais le sol encore mouillé gêne la tenue de route de sa guimbarde. En cause les reflets de la lumière par les flaques d'eau riches en méthane qui empêchent les vieux capteurs optiques et l'ordinateur de bord de faire correctement leur travail de reconnaissance des formes et des distances. Simon devine les pensées de sa nouvelle coéquipière mais ses comptes ne sont pas assez garnis pour une nouvelle voiture.
L'immeuble devant lequel ils arrivent enfin présente une façade typique du troisième mouvement architectural themysien. Il s'agit d'une tentative ratée de mélanger d'anciens styles terrestres avec des notes de baroque, de classique et d'art décoratif. Si les investisseurs et les promoteurs se sont vite aperçus de l'échec commercial de cette... « recherche artistique », il n'en reste pas moins un témoin historique de la volonté de Themys de se détacher culturellement de Terra au plus vite après son indépendance. Les deux lieutenants sortent de la voiture et se dirigent vers l'immeuble. Simon inspecte rapidement les alentours d'un regard vif. Le quartier semble calme bien que situé aux abords d'un autre moins sûr à cause d'un conflit ouvert entre trois pontes et leurs familles qui s'y disputent le marché de l'oxygène et autres marchandises.
Les lieutenants entrent dans l'immeuble et emprunte le vieil ascenseur en espérant qu'il ne flanche pas sous leur poids à tous les deux. Les dix étages sont étonnamment gravis sans difficulté aucune et les voilà devant la porte de l'appartement des Colbert. Kate s'apprête à frapper à la porte quand elle s'ouvre brusquement. Une douce odeur printanière s'échappe de l'embrasure de la porte dans laquelle apparaît une petite femme brune d'une quarantaine d'années qui les invite à entrer et s'installer.
« Je vous attendais avec impatience, dit leur hôte d'une voix fluette.
- Nous sommes venus dès que nous pouvions, madame Colbert, lui retourne Simon.
- Merci.
- Pouvez-vous reprendre ce que vous m'avez dit au téléphone afin que ma collègue puisse mieux comprendre la situation ?
- Bien sûr. Ma fille... Freeya... se met-elle à dire en hoquetant et en commençant à sangloter. Ma fille a disparu...
La femme marque une pause pour se calmer.
- D'habitude, elle appelle quand elle reste tard à la bibliothèque et pour que mon mari ou moi allons l'y récupérer. Mais... mais hier soir, nous n'avons reçu aucun appel avant minuit... Alors mon mari a décidé d'y aller et de l'attendre devant la bibliothèque. Comme il ne la pas vue après quelques minutes, il l'a cherché de partout dans le bâtiment.
- Et je ne l'y ai pas trouvé, poursuit une voix rauque.
Les lieutenants se tournent automatiquement vers la source de cette voix. Un homme bien bâti à peine plus âgé que leur hôte est apparu dans la pièce, tenant un pinceau d'une main et un torchon de l'autre.
- Bonjour, dit Simon. Vous devez être monsieur Colbert.
- Oui. Et le père de Freeya.
L'homme prend place dans le canapé et continue de parler après avoir posé le pinceau enroulé dans le torchon sur une table basse.
- Comme vous l'a sans doute déjà dit mon épouse, notre fille a l'habitude d'appeler dès qu'elle risque de travailler tard à la bibliothèque et quand elle s'apprête à en partir.
L'homme devient nerveux et se met à faire osciller de haut en bas une de ses jambes à en marteler le sol de son pied.
- En général, elle nous appelle aux alentours de vingt-deux heures trente... Mais hier soir, nous avons attendu plus longtemps... Quand... quand j'ai vu qu'il était minuit... j'ai décidé d'y aller mais je ne l'y ai pas trouvé.
- Avez-vous vérifié de partout ? demande doucement Kate, consciente de l'état du père. Avez-vous essayé de la joindre une fois sur place ?
- Evidemment ! crie-t-il.
Lui qui paraissait si calme à son entrée dans la pièce ressemble maintenant à une marmite prête à exploser. Simon, près à bondir de sa chaise pour calmer le père, arrive presque à imaginer de la fumée s'échapper de son corps.
- Que pensez-vous que j'ai fait !? J'y ai passé au moins une heure ou deux à la chercher dans la bibliothèque et aux abords du bâtiment ! Je n'ai rien trouvé ! Rien !
L'homme craque et s'effondre sur le canapé, en pleur. Les lieutenants se regardent. Kate se lève et s'assied aux côtés de l'homme pour essayer de le rassurer. Simon reste avec la mère.
- Madame Colbert, je vais prendre l'affaire en main.
A cette nouvelle, la femme esquisse péniblement un sourire.
- La seule chose que je puisse vous promettre est de faire mon maximum pour retrouver votre fille. Mais pour ça, j'ai besoin que vous me renseigniez au moins sur sa tenue vestimentaire, les personnes qu'elle fréquente et son emploi du temps. »
De retour au poste accompagnés des parents Colbert, les lieutenants les installent dans une pièce d'où ils pourront les aider, et s'y reposer si toutefois ils y arrivent. Kate s'installe à son bureau et commence à rassembler des informations à partir de celles qu'ont donné plus tôt les parents de Freeya. De son côté, Simon organise leur tableau d'enquête sur la grande baie vitrée prévue à cet effet depuis son ordinateur. Bien qu'il ne maîtrise pas très bien l'outil informatique, il y a peu de choses qu'il sait faire et ceci en fait partie. En peu de temps, les deux lieutenants sont en présence d'un panneau d'enquête capable d'afficher la chronologie des événements en relation avec l'emploi du temps de Freeya, l'arborescence de ses connaissances jusqu'au troisième degré avec leurs fiches d'identités et emplois du temps respectifs.
Simon s'enfonce dans son fauteuil dont le dossier bascule légèrement en arrière, et écarte les bras pour poser les mains au sommet de sa tête et prend un peu de temps pour admirer le fruit de sa collaboration avec sa nouvelle partenaire. Il n'en est pas peu fier et Kate le remarque. Elle esquisse un sourire en coin et fais un mouvement de bras depuis son écran vers le tableau. Une carte montrant les positions en temps réel des personnes reliées à Freeya Colbert ainsi que l'historique de leurs déplacements sur plusieurs jours y apparaît. Simon écarquille les yeux et n'en revient pas de ce qu'il vient de voir.
« Comment as-tu fait ça !? C'est de la magie ?
- On peut dire ça. C'est la magie de la technologie, répond Kate en souriant.
- C'est vraiment formidable ! J'adore ta carte. Elle va rudement nous simplifier la tâche. Et dire que je le faisais sur du papier...
- Tu ne serais pas le dernier flic de cette ville à travailler sur papier ?
- Vas-y moques-toi, rétorque Simon en voyant sa partenaire s'amuser de le voir prendre la mouche. C'est bon, j'ai compris. Je suis un dinosaure.
- Ce n'est pas ce que j'ai dit.
- Non mais c'est tout comme, dit-il en souriant. Bon. Voyons voir tous les liens possibles entre les événements et les connaissances de Freeya.
Simon quitte son fauteuil pour se planter devant le tableau comme un arbre et reste les bras croisés quelques secondes avant de remarquer quelque chose.
- Que remarques-tu à propos du jardinier du parc ?
Katelyn se lève à son tour et regarde leur tableau en prêtant attention au moindre détail. Elle se met à bouger les différentes rubriques avec le bout de ses doigts dans un ballet qui paraît élégant aux yeux de Simon.
- Il est resté plus tard que d'habitude et n'a pas travaillé dans le secteur habituel.
- Exactement ! Je crois qu'on tient notre premier suspect. Tu as son adresse ?
- Oui, j'ai tout envoyé dans nos terminaux personnels.
- Très bien. Avant d'aller l'interroger, demandons aux parents ce qu'ils savent de ce type. »
Les lieutenants entrent dans la salle de repos où les Colbert encaissent tant bien que mal la difficile attente de la moindre nouvelle qui concerne leur fille. Kate prend les devants en s'inquiétant d'abord de leurs états respectifs puis poursuit la discussion au sujet du jardinier du parc de la bibliothèque et d'éventuelles autres personnes qui y travaillent. Simon découvre avec quelle facilité sa partenaire arrive à mettre les personnes à l'aise et à tisser des liens avec elles. Lui qui doit fournir tant d'efforts pour n'arriver qu'à la moitié des résultats dont il est témoin en est presque déconcerté. Simon la laisse faire et prend note de tout ce que les Colbert peuvent dire. Une fois la discussion finie, Kate sort de la pièce et revient aussitôt avec deux gobelets remplis d'eau qu'elle tend aux parents de la jeune fille.
Simon et Kate laissent les Colbert dans la salle de repos et discutent brièvement des informations qu'ils viennent d'avoir. Il ne fait aucun doute qu'ils doivent prendre leurs affaires et partir à la recherche d'un certain Patrick Titus, jardinier de son état. Simon est sur le point de sortir du poste quand le capitaine Fitzgerald l'interpelle depuis son bureau. Il se retourne et le vois le foudroyer du regard. Simon fait signe à Kate de l'attendre dehors et s'avance vers son supérieur.
« Chef, je sais que l'attaque de la CTB est prioritaire mais on a une jeune fille qui a vraiment disparu. Pour l'instant, les preuves tendent à montrer que c'est peut-être un enlèvement.
- Oui, je suis au courant. Pourquoi ne pas m'avoir averti de l'avancée de votre enquête ?
- Et bien c'est-à-dire que...
- Je ne veux rien entendre. Sachez simplement que je ne vous retire pas l'affaire. J'ai même décidé de lui donner la priorité absolue. Il faut retrouver cette jeune fille au plus vite, et si possible vivante.
- Et l'attaque de la CTB ?
- C'est beaucoup moins urgent qu'une disparition ou un enlèvement. Je mets d'autres binômes sur le coup. Ils ont pour consigne de vous prévenir de la moindre avancée qu'ils auront fait. Et vous, de votre côté, n'hésitez pas à appeler du renfort si vous en avez besoin.
Simon est décontenancé par ce revirement de situation.
- Mer... merci Chef.
- Ne me remerciez pas encore, Simon. Et avant que vous partiez, tenez. C'est votre accréditation provisoire d'agent de terrain. »
Le capitaine sélectionne un fichier sur l'écran de son terminal et le lui donne d'un simple geste horizontal de sa main vers lui. Simon court rejoindre sa partenaire. Arrivé sur le seuil du poste, il marque un temps d'arrêt, se tourne vers le capitaine et lance « Merci Chef ! ». Il pivote brusquement et heurte un homme vêtu d'un imperméable beige qui vient d'entrer dans le bâtiment.
« Pardon monsieur, je ne vous avais pas vu arriver. Je ne vous ai pas fait mal, j'espère ?
- Non, ça va aller, répond le visiteur.
- Et bien dans ce cas, passez une bonne journée.
- Merci... hésite à dire le visiteur. Vous... aussi. »
L'homme s'aperçoit que le lieutenant n'a pas pu l'entendre car il venait juste de disparaître en dehors du poste.
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