Vingt-quatre heures
Quand il s'était enfin endormi, Sherlock avait rejeté les draps. Il était allongé sur le côté, sa joue reposant sur ses deux mains. Ses lèvres portaient encore la marque du violent coup qu'il avait reçu un peu auparavant. Ses vêtements traînaient en tas près du lit. Il respirait doucement.
Seigneur, comment peut-il dormir, comme ça, dans une pièce aussi fraiche ...
Les vingt-quatre heures qui venaient de s'écouler avaient été particulièrement éprouvantes. John ressentit une vague d'épuisement le saisir. Déposant précautionneusement sur le chevet la tasse de thé qu'il était allée chercher, il se pencha vers Sherlock. Souriant à demi pour lui-même, et parce qu'il savait très bien qu'il jouait de son statut, sans aucune nécessité à ce moment précis, John ne put s'empêcher de poser légèrement sa main sur le front du détective, comme ça, au cas où, juste pour vérifier et effleura avec légèreté le creux de son cou où il savait qu'il allait trouver son pouls.
Evidemment qu'il allait bien ...
John ramena le drap jusqu'aux épaules de Sherlock et s'assit sur le lit à côté de lui. S'appuyant contre l'oreiller, remontant ses genoux vers sa poitrine, John laissa de nouveau ses pensées l'entraîner vers la tourmente qui les engloutissait chaque jour davantage depuis les événements de Sherrinford.
La veille, les tabloïds s'étaient déchaînés plus que de raison. L'horizon d'un procès mettant en lumière des strates du gouvernement qui, d'habitude, restaient dans l'ombre, faisait saliver tous les chiens de la presse. L'affaire Holmes contre Holmes était sur toutes les lèvres, dans toutes les conversations. Et ce n'était pas Sherlock, qui cette fois-ci, était le plus visé. Les projecteurs étaient tournés vers son frère aîné, sorti avec violence des lieux obscurs où il oeuvrait à l'accoutumée. L'énigmatique, le puissant Mycroft Holmes était jeté en pâture à la vindicte d'une foule qui criait au scandale. Un procès était inévitable. Une tête devait tomber.
Il n'était pas étonnant, dans ses circonstances, pensa John, que Mycroft fût sur le point de sombrer. Ce que lui avait dit Sherlock la veille au sujet de l'alcool et du reste était presque prévisible. Jamais John n'avait vu Sherlock autant désemparé que quand il l'avait retrouvé au Diogène. Les pires moments qu'ils avait traversés avec Moriarty ne semblaient rien au regard de la détresse qui avait saisi le détective la veille en constatant combien son frère était au bord d'un gouffre duquel il paraissait ne pas vouloir revenir. Et ce qui avait juste suivi après la disparition de Mycroft de son club témoignait de l'immense inquiétude de Sherlock.
John ramena de nouveau le drap qui avait glissé sur les épaules du détective. La respiration de ce dernier s'était faite plus forte et il s'agitait dans son sommeil.
Dors, Sherlock
Le détective n'était pas le seul à subir la violence de la tempête déchaînée par les événements. John ne put s'empêcher de penser à Greg qui, lui aussi, d'une autre manière, payait le prix fort. Le médecin revit le policier quand Sally l'avait ramené d'Exeter. Il semblait si perdu, si désespéré. Les paroles du lieutenant résonnaient encore en John.
C'est vrai ? Pour vous les Holmes, je ne serais jamais qu'un minable petit flic du Yard ... ?
Bien sûr, à ce moment là, John avait tout de suite compris. Et avait proposé leur sofa, plus tard dans la semaine, quand les cauchemars avaient commencé. C'était une nécessité. Forcément, la veille, c'était lui, l'ami de longue date, que Sally avait contacté tout de suite.
Le boss est avec vous ? Il a pris sa moto. Suis inquiète. Sally
John avait montré le message à Sherlock, qui, depuis que son frère avait disparu, ne cessait de tourner en rond frénétiquement.
- « Il va le rejoindre, c'est évident. Mais où ? Et pour faire quoi ? avait murmuré le détective, plus nerveux que jamais. J'ai besoin... j'ai besoin de réfléchir », avait-il jeté, avant de s'enfermer dans un silence inquiétant.
Et c'est comme cela qu'avait commencé l'interminable quête qui venait de les ramener enfin à Baker Street un peu plus tôt.
John s'allongea davantage. Il se sentait pourtant incapable de dormir tant la tension des dernières heures avait été forte. Alors que d'habitude, c'était lui qui cédait au sommeil et que Sherlock ne cessait de retourner encore et encore les données jusqu'à ce qu'elles fissent sens, aujourd'hui, les rôles semblaient s'être inversés. Les relations entre Sherlock et son frère apparaissaient enfin telles qu'en elles-mêmes. L'aura de sarcasmes, de moqueries et d'exaspération mutuelle s'était dissipée, laissant place à la réalité d'un lien que John avait pu déjà entrevoir au moment où, contre toute attente, à Sherrinford, Mycroft avait offert sa vie contre la sienne, avec une pirouette si brillante qu'elle aurait presque réussi si Sherlock n'avait pas été ... Sherlock et n'avait tout deviné. Aujourd'hui, Mycroft était aux portes de l'enfer. Greg était juste derrière lui. Et forcément, Sherlock n'était pas loin.
Avec un soupir, John recouvrit encore une fois le corps de Sherlock avec le léger duvet qui avait glissé tant le détective bougeait dans son sommeil. Le médecin s'allongea un peu davantage, fermant les yeux, attentif à ne pas réveiller son ami. Dans une tentative d'apaisement, il avait glissé sa main dans la chevelure brune et caressait d'une main légère les boucles, alors que ses pensées inquiètes ne cessaient de l'étreindre. Et, soudain, bien qu'il croyait Sherlock profondément endormi, il le sentit se rapprocher de lui et l'entendit murmurer :
- « Arrête de penser et viens te serrer contre moi. J'ai froid. »
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21 heures plus tôt
Grégory Lestrade, finalement, n'avait que très peu hésité. Il avait pris la direction de Dartford. Mycroft et lui devaient dîner ensemble, un rendez-vous fixé de longue date ... Peut-être ne l'aurait-il pas annulé ? La peur, la colère et, au-delà de tout, un sentiment d'urgence absolue l'avait poussé à accélérer plus que de raison sur les routes encombrées de la sortie de Londres. Progressivement le trafic s'était fait moins dense, à travers les banlieues désertées. La Harley traçait la route avec précision. En moins de deux heures, Greg se retrouva devant cette maison qui, au fil du temps, était devenu leur refuge intime. La rue était silencieuse et vide, en ce milieu de journée où tous les habitants du quartier étaient partis travailler dans le centre de Londres. Pourtant, quand il s'approcha après avoir éteint sa moto, il ne put que constater que les volets de la maison étaient fermés. La porte aussi était verrouillée.
Un sentiment de désespoir envahit le policier. Comment son instinct avait-il pu le tromper autant ? Comment ce qu'il éprouvait pour Mycroft avait-il pu l'aveugler à ce point ? Avait-il été incapable d'envisager que l'autre homme ne puisse pas venir trouver refuge en ce lieu ?
Lentement, Greg fit le tour de la maison. Derrière aussi, tout était fermé. Il faisait gris et déjà sombre. Le crachin pénétrait tout et ruisselait sur son blouson en cuir, désormais trempé. Décidé à agir coûte que coûte, Greg revint sous le porche d'entrée et sortit la clef que lui avait donnée Mycroft, quelques mois auparavant. Il se répéta qu'il ne pouvait pas s'être leurré lui-même à ce point. Ce fut à ce moment précis qu'il entendit une voiture s'arrêter non loin et qu'il vit une haute silhouette sortir en chancelant du véhicule et se diriger vers lui.
Une vague de colère inouïe brutalement remplaça tout le reste.
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21 heures plus tôt
Sherlock et John avaient sauté dans le premier taxi qu'ils avaient trouvé en sortant du Diogène. Ils étaient restés deux heures au club à réfléchir, à passer en revue toutes les pistes, mais soudain Sherlock avait décrété, d'une voix tendue:
- « Non, John, non ... C'est impossible ... Je ne peux pas réfléchir ici dans ces gris et ces bleus ... On retourne à Baker Street. »
Dans le taxi, l'un et l'autre s'étaient enfermés dans leurs pensées. Sherlock passait en revue avec frénésie tous les éléments probants qu'il avait en sa possession. Des données. Voilà ce qu'il lui fallait. Des données. Les habitudes de son frère. Ses relations. Son hôtel particulier à Belgravia. Ses lieux de rendez-vous. Ses rites de travail. Il n'en sortit rien. Evidemment. Le détective, les nerfs à vif, envoya son poing dans la vitre du taxi en jurant.
John, de son côté, avait senti son esprit l'emmener vers d'autres horizons dont il ne soupçonnait même pas l'existence. Ce n'était pas tant des données objectives qu'il tentait de croiser les unes avec les autres que des fils ténus, des sensations éprouvées, des regards qu'il avait surpris... Mycroft, son parapluie à la main, sortant du Home office... Mycroft encore, dans ce bâtiment sinistre des confins de Londres où John l'avait rencontré la première fois ... La berline sombre qu'il ne conduisait jamais ... Tous ces détails devaient bien mener à une piste, pensa John.
- « Sherlock,je...»
Ce fut à ce moment là que John vit apparaître un message sur l'écran de son portable.
Mycroft avec moi, juste bcp bu, ça va aller. G
Une onde de soulagement traversa le médecin qui aussitôt montra le message à Sherlock. D'un air à la fois plus rassuré mais excédé, le détective reprit :
- « John, demande-lui où ils sont, on y va.
- Non, on les laisse tranquilles. Greg sera vigilant, il a de bonnes notions de secourisme et demandera de l'aide s'il en a besoin. Pas question de les déranger ... surtout maintenant ». Et il pianota une réponse sur son écran.
OK. Pas de bêtises, ni l'un ni l'autre, promis? J
Promis. Juste besoin de parler. G
- « Comment a-t-il su? Moi-même, je n'ai pas deviné, et je ne vois toujours pas ... Mais il faut les trouver »..., continua Sherlock, d'une voix urgente. Il était toujours sous le choc d'avoir trouvé son frère, quelques heures plus tôt, dans cet état de vulnérabilité extrême. John posa une main apaisante sur l'épaule de son ami :
- « Ce n'est pas sa tête qui l'a mis sur la voie, c'est son coeur...ça devrait te rassurer, il te fait confiance, au fond, et il te croit quand tu dis que Mycroft ne voulait pas juste profiter de lui. Je ne dis pas que ce sera leur plus grand moment de sérénité, mais ils ont besoin de se retrouver, là.
- John, je sens que mon frère est en danger, et ça dépasse les compétences de ..., coupa Sherlock l'air plus buté que jamais.
- Ah, non, là tu exagères! Je comprends que tu sois inquiet pour ton frère, mais... Mais de nouveau, Sherlock ne lui laissa pas finir sa phrase :
- John, ce n'est pas ce que je veux dire ! Arrête d'être aussi sentimental, je ne veux pas juste remettre la main sur mon frère et l'empêcher de vivre sa vie ou quelque chose comme ça, mais, je ...
-Mais quoi ? Qu'est-ce que tu veux dire ? demanda John qui ne suivait plus bien le raisonnement de son ami.
-Regarde les faits, John ! Mycroft a réussi a quitté le Diogène, comme ça ? Ce n'est pas normal qu'une surveillance par le MI5 ait eu un tel raté ! Alors de deux choses l'une: c'est vraiment un raté, dans ce cas il y a des gens qui méritent un bon coup de pied au derrière et je vais me faire un plaisir de m'en charger. Au passage, aussi, ce ne sera qu'un juste retour des choses au vu de l'état où ils nous ont renvoyé Lestrade ! Ou bien...? John... ou bien ? Le médecin répondit aussitôt :
- Ou bien la surveillance a volontairement été relâchée? Mais quoi ça servirait ? A rien ! continua-t-il d'un air étonné.
- C'est exactement ça ! A rien ni à personne! Et Sherlock avait repris son air magistral qu'il affectionnait tant quand il était lancé dans l'une des ses démonstrations :
- Mycroft est celui qui a pris toutes les décisions pour Sherrinford! Qu'il disparaisse sans qu'on sache ni où ni comment, ça n'arrange absolument personne. Les gens qui veulent régler rapidement et discrètement l'affaire? Ils doivent en discuter avec lui. Ceux qui veulent continuer à faire vendre avec ladite affaire et la perspective d'un procès hypermédiatique? Ils doivent pouvoir afficher leur cible. Ceux qui convoitent sa position? Ils doivent pouvoir s'assurer que la victime expiatoire reste sous contrôle...Donc, ce n'est pas ça non plus...
- Mais qu'est-ce qu'il reste comme solution ? lança John qui ne voyait pas où le détective voulait en venir.
- Il faut en imaginer une autre, John ! Pense encore à l'écran de fumée, ce que l'on veut faire voir, et pas ce que l'on devrait regarder...
-Tu penses que quelqu'un a intérêt à nous faire croire que la surveillance s'est relâchée alors qu'il sait très bien où Mycroft se trouve? En quoi est-ce intéressant pour cette personne, ce que nous croyons?
Sherlock reprit d'un air entendu :
- Peut-être que le plus important n'est pas ce que nous croyons, mais ce que Mycroft croit. Tu connais mon frère !" Et Sherlock s'autorisa un très léger sourire :
"Il est capable d epenser les avoir semés ! Pourtant dansl'état où il est , jenesuis pas bien certain de qui a une longueur d'avance ! Et qu'est-ce que ces gens voulaient faire, ou l'amener à faire, s'ils pouvaient envisager qu'il n'était plus surveillé ? John commença à comprendre et de nouveau interrogea Sherlock :
- Tu crois que ton frère, s'il a cru les avoir semés, s'est dit qu'il pourrait alors...disparaître... d'une manière ou d'une autre, sans que personne s'en aperçoive ?
- C'est exactement ça ! Je vois que tu commences à connaitre mon frère ! Et c'est ce sur quoi des gens comptaient ! Qu'il disparaisse, soit en partant, soit en mettant fin à ses jours sous la pression de la campagne médiatique...
- Mais il ne l'a pas fait..., continua le médecin, qui maintenant avait saisi la pensée de son ami.
- C'est pour ça qu'il faudrait trouver où ils sont... Ceux qui ont cet objectif risquent peut-être de vouloir passer une vitesse supérieure ! Et le détective se mit à débiter à toute vitesse, absorbé dans son raisonnement :
- John, essaie quand même de rappeler Greg, ou de lui envoyer un message. A moi il ne voudra pas me parler, il doit toujours m'en vouloir de ne pas lui avoir dit que je savais où était Mycroft la semaine dernière. Mais alors que le détective continuait à marmonner, il porta porta soudain sa main à sa poche :
- Ah ! Téléphone! Il ne manquait plus que ça! AliciaSmallwood...
- Elle saura peut-être où est Mycroft, soupira John, qui pourtant n'y croyait pas trop .
- Tout de même, ça m'étonnerait qu'il lui ait indiqué l'adresse de son jardin secret, mais bon, sait-on jamais ! Je compte davantage sur elle pour savoir ce que fabriquent les services de surveillance et si je pourrais aller botter quelques fesses ! » Et Sherlock décrocha l'appel.
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21 heures plus tôt
Mycroft, resté immobile un instant à la vue de la moto puis de Greg, s'avança le premier. Greg fit à peine un pas et lorsque Mycroft fut à portée, il lui saisit le bras. Sans ménagements, il l'entraîna dans la maison et lui adressa seulement quelques mots, à voix basse et sur le ton le plus neutre possible, mais qui laissait transparaître la plus noire colère:
- « Qu'est-ce que tu as pris ? »
La réponse de Mycroft fut un mélange de "doucement" et de mots inaudibles. Greg cria presque alors qu'il refermait la porte:
« Qu'est-ce que tu as pris ?
- La bouteille...deux cachets... »
La partie encore lucide de son esprit permit à Greg de se rassurer et d'estimer l'éventuel danger restant par quelques gestes simples. Il envoya aussi un message pour informer John, mais alors qu'il prenait le pouls de Mycroft, celui-ci sembla sortir un instant de son détachement, voulut se dégager et ânonna un vague "laisse-moi, va-t-en...".
Aussitôt, Greg lui attrapa les deux poignets et, lui levant les bras, le plaqua contre le mur. Les ondes de peur, de doute et de colère qui l'avaient traversé ces derniers jours déferlèrent à nouveau, toutes ensemble, en lui.
« Pourquoi tu veux que je te laisse ? Pourquoi tu veux me laisser ? Pourquoi tu m'as fait ça ?" Et il ajouta d'une voix blanche d'exaspération :
- Ça suffit maintenant cette comédie, Mycroft ».
Un besoin irrépressible de flanquer une espèce de raclée à cet imbécile enfermé dans son amour-propre ou Dieu sait quoi d'autre l'avait saisi. Mycroft resté immobile, sa haute et longue stature vacillant encore un peu, lui tournait le dos. Greg s'approcha alors de lui, le fit pivoter, et lui passa une main légère sur la joue. Il attira son menton vers lui, le regarda droit dans les yeux.
Tu sais que c'est nécessaire
Une immense vague de désir le traversa alors, sans pour autant effacer ses autres sentiments. Elle le conduisit à se serrer, de toutes ses forces, contre Mycroft. Toucher à nouveau, après les épreuves subies cet homme déjà tant aimé, tétanisa presque la totalité de son propre corps, durcissant son intimité mais aussi les muscles qui enserraient son amant. Celui-ci laissa échapper un gémissement de douleur et quelques mots répétés - « Arrête, tu me fais mal..."- mais Greg ne desserra pas son emprise et voulut faire cesser la supplique.
Il lâcha un des poignets et de sa main libre, attrapa la mâchoire de Mycroft, le forçant à descendre ses lèvres au niveau des siennes et à s'ouvrir. De ses lèvres, de sa langue, de ses dents, Greg reprit possession de la moindre parcelle qui lui était accessible dans la bouche de Mycroft, sans s'inquiéter de le blesser, faisant même à plusieurs reprises jaillir le sang des lèvres et de la langue.
La bouche de Mycroft s'ouvrit aussitôt sous la caresse presque brutale de Greg et un gémissement fait à la fois de souffrance et d'acceptation récompensa le policier. La souffrance des jours qui venaient de s'écouler devait trouver une expiation, d'une façon ou d'une autre. Ce n'était pas un jeu. Il était hors de question d'être un pion supplémentaire dans les sombres règles que Mycroft assignait au monde et s'infligeait à lui-même. Il devait reprendre le contrôle, quelle qu'en fût la manière.
Greg poussa Mycroft plus avant dans la pièce et le fit trébucher sur ce canapé qui avait vu leur première étreinte dans cette maison. Glissant un genou entre les jambes de Mycroft, il épingla dans une poignée de fer ses deux mains qu'il tenait toujours ensemble au dessus-de sa tête et dévora de baisers fiévreux la gorge qui s'offrait à lui. Mycroft ne disait rien mais un tremblement incoercible de ses lèvres traduisait la douleur et le plaisir mêlés. Dans le désir qui prenait le pas sur tout le reste, il avança son ventre pour venir le plus étroitement possible à la rencontre de Greg. Tout se bousculait en lui à ce moment précis : cette aversion de lui-même, ce qu'il avait fait subir à Greg ces derniers jours pour le protéger, mais aussi et surtout cette envie irrépressible de retrouver sa chaleur, sa peau, son odeur... Mycroft tenta de libérer ses mains. En vain. Il cessa alors brusquement de lutter, reconnaissant de cette étreinte puissante et déterminée qui lui disait, à sa manière, combien il était désiré, voulu, aimé. Il s'abandonna complètement, tout à la sensation de ce corps brûlant qui l'écrasait maintenant sans ménagement.
Greg, de son autre main, avait tiré violemment sur les boutonnières de la chemise de Mycroft. Il y avait eu un craquement, vite étouffé sous le bruit des baisers dont Greg couvrait la poitrine mise à nue de Mycroft. Le policier leva la tête pour regarder Mycroft qui avait fermé les yeux et qui, maintenant, ondulait sous lui, au rythme que Greg leur imposait à tous deux.
- « Mycroft, regarde-moi ... Dis-moi pourquoi, Myc, dis-moi pourquoi ? Je t'aime toujours, tu sais..." chuchota-t-il dans un souffle brûlant à son oreille. Mais Mycroft, les yeux clos, ne répondit que par un gémissement de désir, à peine contenu.
Greg glissa alors sa main vers l'intimité brûlante de son amant. Mycroft poussa un cri léger qui tenait autant du plaisir que de la surprise. Les gestes de Greg redevinrent alors ce qu'ils étaient toujours, doux et attentifs. Ses lèvres continuèrent de choyer le torse de Mycroft, mais maintenant avec une délicatesse extrême. Il s'était lui-même dénudé et, de sa main, les avait enserrés ensemble. Sa caresse rapide les enveloppa alors tous deux dans une chaleur partagée. Le plaisir les saisit en même temps alors que Greg, de nouveau, avait posé ses lèvres sur celles de Mycroft, avait forcé l'entrée de sa bouche et l'embrassait profondément. Mycroft, les mains enfin libérées de l'étau que Greg leur avait imposé, avait su trouver les hanches de son amant pour les attirer à lui. Dans un dernier souffle de plaisir, ils ne furent plus qu'un. De longs moments s'écoulèrent, sans que ni l'un ni l'autre n'éprouvât ni la force ni le désir de bouger. Greg reposait sur Mycroft dont il sentait le coeur encore rapide battre contre sa poitrine nue. Une fois sa respiration retrouvée , il s'était redressé et avait regardé Mycroft. Ce dernier, les yeux brisés d'épuisement, l'avait fixé, l'air buté, malgré le moment d'amour qu'il venait de partager. Chez Greg, la colère était toujours là, mais il y avait maintenant, par dessus-tout l'exigence urgente et absolue d'une réassurance.
- « Dis-le, dis-le » ..., demanda Greg. Mycroft plongea un regard interrogatif dans les yeux de son amant.
- « Dis-le que ce n'est pas fini. Je veux t'entendre le dire. Maintenant », continua Greg.
- « Je ... Je suis ... désolé », chuchota Mycroft, d'une voix peu assurée, reprenant la parole pour la première fois depuis le début de leur étreinte.
Greg le regarda, étonné de cette simplicité, à laquelle Mycroft , dans ses propos, ne l'avait jamais habitué.
Et ce fut d'une voix où l'incertitude et le chagrin le disputaitent à l'exaspération qu'il répliqua :
- « Désolé ? Désolé ? C'est tout ce que tu as à me dire ? Tu ne crois quand même pas, Mycroft, que tu vas t'en tirer comme ça ? »
Et, se penchant vers lui, il le serra encore plus fort, cette fois contre sa poitrine convulsée de sanglots.
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15 heures plus tôt
Alicia Smallwood avait prié Sherlock et John de les rejoindre à Thames House, dans son bureau. Elle paraissait à la fois inquiète et vaguement mal à l'aise, quand elle prit la parole.
- « Voilà, M. Holmes. Je voulais vous parler de David Eldridge, qui, vous le savez puisque c'est vous qui l'avez débusqué, a donné votre frère en pâture aux journalistes. C'est...délicat. » La fonctionnaire fit une longue pause en fermant les yeux. Elle semblait chercher ses mots :
« Nous travaillons avec Eldrige depuis longtemps. Il a beaucoup d'amis puissants, et aussi des hommes de main sur le terrain, pour accomplir les oeuvres de bas- étage. » A ces mots, Alicia Smallwood fit une mue désapprobatrice mais poursuivit :
« Il nous paraissait fiable. Ces derniers mois, Mycroft lui a délégué un grand nombre de responsabilités. Au début, je n'ai pas vraiment compris pourquoi. Je n'ai pas tout de suite saisi que votre frère avait commencé à avoir, comment dire...d'autres priorités. » Un fin sourire se dessina sur son visage et elle continua :
« J'aurais préféré qu'il me le dise franchement, d'ailleurs. Enfin bref, il semblait que tout se passait bien... » Mais Sherlock l'interrompit :
- « Allons, Lady Smallwood, vous n'avez pas été si étonnée que cela quand je vous ai donné son nom. C'est comme si vous aviez attendu que je désigne quelqu'un que vous-même, vous ne pouviez pas pointer du doigt, éventuellement parce qu'il a des amis qui ne sont pas les vôtres, mais peu importe... Vous avez pris soin de dissimuler votre visite de l'autre jour chez moi, et de vous assurer que, si elle venait à être connue, on puisse penser qu'elle concernait le cas Magnussen, pour lequel vous m'avez sollicité il y a quelques temps déjà.
- Comment savez-vous tout cela ? interrogea la fonctionnaire, l'air interloqué.
- Aucune importance, je vous dis. Tout ça, c'est l'écran de fumée, et on n'a pas vraiment le temps. Vous avez donc, vous aussi, agité l'encensoir devant David, n'est-ce pas? Cela me laissait le temps d'enquêter et d'aller le voir, et vous en avez profité pour vous informer plus avant sur lui, c'est ça? Qu'avez vous découvert? Comme moi, qu'au regard de la fortune de sa famille, l'argent ne pouvait être sa seule motivation? Avez-vous pu aller plus loin ?
- A ce qu'il semble, avec les missions confiées par Mycroft, David a vu s'entrouvrir des portes...portes que maintenant, il a peut-être envie de pousser un peu trop vite.
- ...et Mycroft ne lui a pas tout à fait laissé toutes les clés...
- Cela voudrait dire, intervint John, qu'il a encore besoin de Mycroft !"
Alicia soupira et reprit :
"Mais ne viendra-t-il pas un moment -si ce n'est pas déjà le cas- où l'élève pensera qu'il a dépassé le maître et où le maître peut devenir gênant ? »
Sherlock, soudain très tendu, demanda :
- « Vous êtes en train de nous expliquer qu'une...disparition...de Mycroft...sous une forme ou sous une autre...pourrait, dès maintenant, arranger les affaires de David ? C'est bien ça ? »
Et dans l'intonation du détective, il y eut soudain un effroi témoignant de l'immense menace amoncelée au-dessus de la tête de son frère.
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14 heures plus tôt
Mycroft sommeillait, brisé autant par l'alcool que par la tension des dernières heures et les vagues de plaisir dans lesquels Greg l'avait entraîné. Ce dernier se dégagea doucement du corps avec lequel il était encore enlacé, alla chercher une couette qui recouvrait l'un des lits là-haut et revint protéger Mycroft. Des paroles familières résonnèrent en lui.
Viens contre moi. Tu sais que j'ai toujours froid après.
Repoussant un souvenir aujourd'hui devenu douloureux, Greg se dirigea vers la cuisine et mit la bouilloire en route. Du thé serait nécessaire pour ce qui allait suivre. Beaucoup de thé. Et aussi de quoi se restaurer. Il ne savait même plus depuis combien de temps il n'avait rien avalé de solide.
Mycroft, toujours allongé sur le sofa, avait les yeux ouverts quand Greg revint dans le salon. Il sentait se diluer lentement les effets de l'alcool et des médicaments, tandis que demeurait, et même s'amplifiait, l'effet produit par l'intimité retrouvée avec Greg. Bien sûr, ç'avait été un contact brutal qui l'avait, par moments, effrayé et auquel il n'avait pu vraiment réagir comme il aurait convenu dans le flou induit par les substances absorbées, mais comment s'en étonner après la façon dont il l'avait traité ? Surtout, il essayait de garder à l'esprit la ferme conviction qu'il était impossible de rester auprès de Greg. Mais son corps l'avait trahi, et il n'avait pu retenir de longs soupirs ni même des gestes tendres lorsque son amant, dévasté par la colère et le désir mêlés, s'était à nouveau glissé en lui. Pourtant, il fallait retrouver très vite la force de continuer à mentir, de cacher l'horreur et le chagrin qui le traversaient à la vue des blessures infligées par les agents du MI5. Il lui fallait très rapidement se reprendre, partir, et éloigner encore une fois, le plus possible, l'homme qu'il aimait, qui l'aimait et venait, malgré tout, de le lui prouver.
Greg se mit en devoir de lui effacer sommairement les traces de leur ultime étreinte qui coulaient sur son ventre, puis passa un doigt sur ses lèvres, le long de deux renflements sanglants et douloureux causés par ses morsures, sans rien dire. Ce fut Mycroft qui parla le premier :
- « Comment m'as-tu retrouvé ? Comment savais-tu que je viendrais ici ? » Greg eut un rictus amer.
- « On devait dîner ensemble, ici, ce soir. Cela, tu ne l'as pas oublié, toi, visiblement. »
Mycroft resta silencieux, et Greg continua en se levant et en entrant dans la salle de bains :
- « Quand tu as fixé ce dîner, tu as absolument voulu qu'on vienne ici, et tu sais quoi? Je crois qu'on devrait faire ce qui était prévu, manger et discuter un moment. Je meurs de faim et sans vouloir te vexer, avec la mine que tu as et tout ce que tu as bu, ça ne te ferait pas non plus de mal. »
Il ferma la porte et Mycroft répondit, tant que l'eau ne coulait pas encore:
- « C'est vrai, mais puis-je te rappeler que tu ne m'as pas franchement aidé à me remettre sur pied ? C'est vrai aussi que j'ai peut-être utilisé des mots un peu trop crus et blessants, mais toi, tu t'es peut-être imaginé beaucoup de choses ! J'en suis désolé, et je suis désolé que cet abruti d'agent ait pris son rôle un peu trop à coeur, mais tu allais faire une énorme bêtise que rien ne justifiait ! »
Mycroft trouva beaucoup plus simple que Greg soit derrière une porte à ce moment. Il ne le verrait pas lutter contre les larmes et serrer les dents.
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12 heures plus tôt
L'obscurité de la nuit, qui était tombée, avait assombri le bureau de Lady Smallwood. Un silence tendu et inquiet remplissait la pièce quand Sherlock reprit la parole :
-« Lady Smallwood... Dites-moi...d'une manière ou d'une autre...David Eldridge peut-il avoir accès aux données concernant la surveillance de Mycroft ?
- Oui, ce sont des documents pour lesquels il est accrédité...
- Il peut donc s'être rendu compte du comportement suicidaire de mon frère ces dernières heures. Il peut aussi avoir constaté que mon frère n'a pas mené ce...projet...à son terme. A-t-il d'une manière ou d'une autre la main sur les ordres donnés au personnel chargé de cette surveillance ? »
John et Alicia se regardèrent, les yeux agrandis par l'effroi.
- « Non, répondit la fonctionnaire, pas directement. Mais on ne peut pas exclure...des amis redevables, ou qui voudraient rentrer dans ses bonnes grâces...oh, Seigneur... »
John saisit son téléphone, mais Greg ne décrochait pas. Le médecin hurla presque son message vocal.
« Greg, il faut absolument qu'on parle et qu'on sache où vous êtes ! C'est ta vie et celle de Mycroft qui en dépendent!...Des ordres ont peut-être été donnés pour qu'il...disparaisse...Soyez très prudents, et... » Il coupa la communication, tapa un sms, rappela encore et encore et encore.
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11 heures plus tôt
Greg, quand il sortit de la salle de bains, ne savait même pas par où commencer. Mycroft, de nouveau plongé dans le silence , assis sur le sofa, ne l'aidait pas. Le policier fit un geste vague vers l'escalier qui menait aux chambres.
- « Tiens, je t'ai préparé une tasse de thé. Tu as besoin de boire. La salle de bains est libre, si tu veux. Je vais voir ce qu'on peut se préparer à manger ». Mycroft disparut derrière la porte sans rien ajouter et Greg poussa un long soupir. Il trouva des plats préparés et les glissa dans le four à micro-ondes.
Ce fut à ce moment-là que quelqu'un frappa à la porte et Greg fut aussitôt sur ses gardes. De l'extérieur, il entendit une voix :
- « Il y a quelqu'un ? C'est pour livrer une commande! Un gâteau ! »
Un gâteau ? Mycroft a oublié de le décommander, celui-là?
Greg grommela une vague réponse au livreur qu'il entendit s'éloigner. Reprenant son téléphone, il vit qu'il avait eu un nouveau message.
Rappelle-moi stp. Il faut qu'on sache où vous êtes. Vous êtes peut-être en danger. J
John et Sherlock étaient vraiment les dernières personnes qu'il avait envie de voir débarquer dans ces lieux que plus ou moins consciemment et raisonnablement, il avait toujours considéré comme n'appartenant qu'à lui et à Mycroft. En outre, il était fermement décidé à faire la lumière sur les intentions de celui-ci. Il répondit tout de même.
Un peu plus tard, ok ? G
Alors qu'il appuyait sur "envoi", Mycroft sortit de la salle de bains. Ils s'attablèrent sans un mot, et après quelques bouchées, Mycroft tourna la tête et débita du ton le plus neutre possible :
- « Anthea va venir me récupérer. Elle me ramènera chez moi, où tu ne chercheras plus à me recontacter. Je lui ai interdit de communiquer avec toi. Elle t'a, de fait, donné de faux espoirs, je suis désolé de cela aussi.
- Encore ton « désolé » ? Alors, c'est quoi la vérité, Mycroft ? Une vaste comédie simplement pour coucher avec moi, ou juste pour m'éloigner, maintenant ?
-Greg, la vérité, c'est ce qui te permettra de vivre après tout ça. Tu peux croire ce que tu préfères, mais il faut que tu continues à vivre ta vie, à t'occuper de ton métier -sans écouter ce que te dit Sherlock à ce sujet, d'ailleurs- et de ta fille. Savoir si je t'ai menti, où, quand, comment, n'a aucune importance. Je l'ai tellement fait que je dois en payer le prix. Moi seul. Tu peux être rassuré, et rassurer Sherlock et John, tout à l'heure ce n'était qu'un mauvais moment....
-Mais c'est quoi , Myc, cette soupe que tu me sers là maintenant?", coupa Greg que la colère et le désespoir reprenaient. Et il continua :
- Mes sentiments à moi t'importent si peu, alors? Je ne te les ai jamais cachés, tu aurais au moins pu...enfin, peu importe. Tu ne me diras rien, tu ne me diras pas aujourd'hui à quel moment tu m'as menti, n'est-ce pas? Mais tu ne pourras pas m'empêcher d'espérer. Ce que je ressens pour toi ne disparaîtra pas comme par magie, et tu es certainement très fort dans ton domaine, tu as passé ta vie à manipuler des gens ... » Il s'arrêta, soudain, brisé ... Il avait tant de choses à dire encore. Et sa colère des jours derniers et son immense peur de l'avoir perdu et sa détermination de le protéger, même contre lui-même.
Greg continua, dans un dernier effort :
- « Viens, ça ne va pas ici pour parler. On va monter. On va s'allonger. On va parler, mais vraiment cette fois-ci. Viens », répéta-t-il.
A son grand étonnement, Mycroft le suivit sans résistance. Il était plus pâle encore qu'hier. Il semblait tout à la fois perdu et terriblement buté. Sa démarche était encore chancelante, malgré les heures de repos qui venaient de s'écouler.
- « Allonge-toi, tu n'es pas bien encore. Je le vois.» Et Greg appuya fermement sur son épaule pour le faire s'étendre sur le lit. Et de nouveau, Mycroft n'opposa aucune réaction; il semblait éteint, comme détaché du moment présent; à son tour, Greg s'allongea et se tourna sur le coté, faisant face à Mycroft qui, lui, très raide, fixait, un point invisible au plafond.
Greg reprit la parole :
- « Tu n'as pas l'intention de m'aider, on dirait ... »
- « Grégory...Je...»
L'emploi formel de son prénom fut reçu comme un coup brutal.
Grégory ... Donc, on en est là maintenant ...
Ce fut plus que Greg ne pouvait en supporter à ce moment-là. Malgré ce qu'il s'était promis à lui-même, il explosa :
- « Non, regarde-moi Mycroft. Je ne te laisserai pas encore me sortir tes ... »
- « C'est toi qui vas m'écouter maintenant », coupa Mycroft, d'une voix qui ne souffrait plus aucune contradiction. Il semblait soudain avoir regagné son maintien et son ton habituels, mais il continuait à refuser les yeux de Greg, comme s'il n'avait pas le courage d'affronter la détresse qu'il sentait dans son intonation. « Tu n'as pas compris ... Il ne nous est plus possible ... C'est fini. C'est tout. C'est comme ça », ajouta-t-il d'une voix déterminée.
- « Mycroft, mais pour l'amour du ciel, explique-toi. Je ne suis plus rien pour toi, c'est ça ? Rien qu'un flic minable ... ? » Et sa voix trembla sous les mots immondes que Mycroft avait prononcés quelques jours auparavant. Il ne put néanmoins répéter les autres outrages qui avaient été prononcés. « Tu as décidé comme ça, tout seul, que notre histoire s'arrêtait là ? »
Seul un silence buté lui répondit.
- « Myc », reprit -il d'une voix tellement blanche que Mycroft ne put s'empêcher de se tourner à demi. « Regarde-moi, je t'en prie. Les faux semblants, les dérobades, ce n'est pas pour nous, tu le sais. Parle-moi, Myc, parle-moi. »
Mycroft détourna enfin son regard de ce plafond que, de toute façon, il ne regardait pas. Il se tourna complètement vers Greg et le poussa doucement jusqu'à ce qu'il fût allongé sur son dos. Mycroft caressa alors de sa main fine la bouche de son amant et murmura :
- « Tes lèvres ... comme je les ai aimées ... C'est leur douceur qui m'accompagnera là où je vais. Non , ne parle pas, mon amour - et ce mot, donné dans ces circonstances, fut comme un coup de poignard pour Greg - si tu savais ... si tu avais la moindre idée de combien je t'aime ... » Le regard de Mycroft rencontra enfin celui de Greg et ce fut alors comme un océan de tristesse qui vint à sa rencontre. « C'est parce que je t'aime que je ne t'emmènerai pas dans le naufrage que va devenir ma vie. Jamais, tu m'entends, jamais on te te fera du mal en mon nom », ajouta-t-il d'une voix qui maintenant semblait hantée. « Ce qui arrivera et quoi que cela soit, je l'affronterai seul. La déchéance, la prison, un péril peut être plus grand... C'est mon histoire. A moi seul. » Sa voix s'enraya, il s'éclaircit la gorge et reprit :
« Mais toi, tu seras heureux, n'est-ce pas ? Tu vas vivre. Tu riras au soleil à nouveau. Tu vas vivre pour moi et tu seras joyeux et fort et puissant. » Mycroft marqua une pause et reprit, quelques instant plus tard avec une voix plus lointaine, comme s'il déjà ailleurs. « Comme je t'aurais aimé, ... J'aurais choyé ton corps, caressé ta peau, dévoré ta bouche. Comme nous aurions ri encore ensemble, mon amour ... » La voix de Mycroft se cassa sur ce mot.
Dans un dernier effort, il continua :
- « Mais, il n'est plus temps. Promets-moi, promets moi que tu seras heureux ... »
Greg, au moment où Mycroft prononçait ces paroles, était d'abord resté interdit., chaque mot, dont il sentait la lourde menace, l'atteignant davantage au plus profond de lui-même. Mais, progressivement, la lumière se fit en lui sur le comportement de Mycroft lors de cette folle semaine où tout avait basculé. Il se redressa et avec une lenteur infinie, il attira le visage de l'homme qu'il aimait vers le sien et posa un baiser sur son front. Puis, il s'écarta un peu et, contre toute attente, il se mit à rire très doucement et ce fut au tour de Mycroft de le regarder sans comprendre :
- « Myc, si tu savais, si tu pouvais imaginer ce que je ... » et son rire s'éteignit. « Pour une fois, c'est toi l'idiot », conclut-il brusquement avec un drôle de sourire.
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6 heures plus tôt
A Baker Street, Sherlock tournait comme un lion en cage. Cent fois, il avait repassé la menace révélée par Alicia Smallwood. Il en avait saisi d'emblée l'extrême gravité. Le Home Office n'était pas connu pour être indulgent avec ses propres enfants. Mais le détective avait beau retourner les données en sa possession, rien ne le menait à son frère. Il n'avait jamais ressenti avec un tel désespoir combien son aîné était brillant. Mycroft avait su tisser autour de lui des barrières de protection si denses que rien ni personne - et même pas Sherlock - ne semblait pouvoir les abattre. Mycroft Holmes avait disparu, volontairement, et s'était réfugié dans un lieu connu de lui- seul ... et, sans aucun doute, de Grégory Lestrade.
John avait préparé du thé. Evidemment, Sherlock avait dédaigné la tasse offerte, mais le médecin, lui, assis dans son fauteuil, sirotait le breuvage, les yeux à demi clos. Un peu plus tôt dans le taxi qui les ramenait chez eux, il avait laissé ses pensées dériver et avait eu une sorte d'intuition fulgurante qui s'était échappée. Mais maintenant, dans les effluves sucrées qui montaient de la tasse, il sentait que revenait cette possibilité d'avancer. La première gorgée de thé fut la révélation. Tandis que l'arôme délicat d'orange et de vanille envahissait sa bouche, une image soudaine vint à sa rencontre. Il ouvrit les yeux, reposa la tasse et lança :
- « Sherlock, je sais qui va nous mener à lui », reprit John. Et sa voix, à ce moment- là, ne trahissait plus aucun doute.
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12 heures plus tôt
Le sergent Harris qui avait assuré la surveillance de Mycroft Holmes au Diogène n'en décolérait pas. Ce David Eldrige pour lequel il bossait de temps à autre ne lui avait pas encore réglé sa petite récompense du mois dernier. Et en plus, il lui avait demandé un autre service. Et en plus de cela, il avait des ennuis d'argent. Bien sûr, il buvait trop. Il le savait. Il n'aurait jamais du se lancer dans tous ses paris insensés. Mais maintenant, il n'avait plus le choix. Il fallait rembourser. Aussi, il n'avait même pas réfléchi. C'était l'occasion de regarnir son compte et, quelque part, de venger les humiliations de la vie quotidienne. Il prépara tout très rapidement. Pas question de prendre une voiture. Trop visible. Il sortit d'un placard son Nikon et un téléobjectif, celui qui lui servait à faire les gros plans de son gosse, l'été à la plage. Bonnet et écharpe. Dieu merci, il faisait froid. Il ne serait pas reconnaissable. Au moment de s'engouffrer dans le métro, en détournant son visage des caméras, il lança Telegraph et envoya un message à Paul, son contact habituel au Daily News. Cette histoire et cette photo allaient le sauver. Il lui fallait juste être très prudent. Et ne pas oublier ni la boite de carton ni son revolver.
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6 heures plus tôt
Bien sûr, Anthéa avait tout de suite répondu. C'était John qui avait compris qu'une seule personne pouvait les mener à Mycroft. Il n'y avait que la jeune femme, brune et sucrée, pour être dans l'intimité la plus secrète du frère de Sherlock. .
47, Cooper Road, Dartford. A
Quand le médecin avait prononcé le prénom de la jeune femme, Sherlock l'avait regardé avec une telle reconnaissance que John n'avait pu s'empêcher de sourire, l'air de dire « Tu vois, je ne suis pas si idiot que ça ... » et il avait entendu le détective murmurer :
- « John, mon John, mon conducteur de lumière ... ». Mais naturellement, cet instant n'avait duré qu'une seconde et, tout de suite, Sherlock avait repris la main sur la situation. Ils avait foncé dans la nuit vers cette banlieue lointaine de Londres.
Ça n'était plus qu'une question de minutes.
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4 heures plus tôt
- Greg, mais qu'est-ce que tu ... ?" voulut demander Mycroft. A cet instant, le portable de Greg vibra à nouveau et, par lassitude, il décida de jeter un oeil à l'écran. Les notifications défilèrent alors sous ses yeux.
Greg, réponds. J
Greg, c'est urgent. J
Mycroft est toujours avec toi ? J
Allume ton putain de téléphone. J
Est-ce que tu vas bien ? Est-ce que Mycroft est sain et sauf ? J
Greg, pour l'amour du ciel, réponds !! J
On sait où vous êtes, on arrive J
Au moment où Greg lisait le dernier message, le téléphone sonna et cette fois-ci, il décrocha.
- « Enfin !, fit John, bégayant presque. Ecoute, vous êtes en danger, il est possible qu'on cherche à vous tuer! Il faut absolument que Sherlock vous explique! Mets le haut-parleur, il faut que Mycroft entende aussi ! »
Sherlock détailla son cheminement et ses conclusions, la tension dans la voix, et termina en retrouvant un peu d'ironie:
- « Il comptait sans doute sur ton suicide, mon cher frère, et comme ta bonne étoile a décidé de s'incarner ces temps-ci dans un officier de police un peu trop sentimental, il n' est rien arrivé de tel. Il est peut-être passé à d'autres projets plus funestes... Alicia est en train de chercher à accéder à ses communications, et aux ordres donnés cet après-midi... »
Mycroft poussa un long soupir.
- « Calme-toi, Sherlock, tu veux bien? Tu es en train de raconter n'importe quoi! Eldridge a encore bien besoin de moi ! Et tout est calme ici, il n'y a que les banlieusards qui commencent à rentrer chez eux et... ce n'est pas la peine de venir, je t'assure ... »
Sherlock, exaspéré, prit le téléphone de John et le ferma d'un coup sec.
"Mon cher frère ... ! Lui et sa soi-disante supériorité ... Ce qu'il peut être stupide parfois ! Allez, on fonce !"
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3 heures plus tôt
Dans le taxi qui roulait vers Dartford, Sherlock ne cessait de regarder l'écran de son portable, de nouveau désespérément sombre. Ni le téléphone de son frère ni celui de Greg ne répondaient plus .
John avait posé une main qu'il voulait apaisante sur l'épaule de Sherlock. Il savait que le détective avait anticipé le pire, et lui-même ne pouvait s'empêcher de penser avec angoisse aux manoeuvres qui se construisaient dans l'ombre. Il fallait arriver plus vite que l'ennemi. Deux vies étaient peut-être en jeu. Alors qu'il songeait déjà à la bataille qui nécessairement allait venir, il sentit Sherlock se rapprocher de lui et lui murmurer à l'oreille :
« John, je ... » mais le détective s'arrêta.
« Oui, Sherlock ... ? » encouragea le médecin. Sherlock reprit d'une voix, où l'incompréhension le disputait à la détresse.
« C'est donc ça, l'amour, John, ça rend idiot ? » et dans cette phrase, c'était tout un abîme d'interrogations qui se laissait deviner. John se permit un sourire. Il prit la main de son ami et la portant à ses lèvres, il répondit :
« Mais non, Sherlock, l'amour ça rend heureux »
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4 heures plus tôt
Au moment même où la communication avait été interrompue entre Sherlock et lui, Greg s'était brusquement rappelé quelque chose :
- « Mycroft...le livreur ...», fit Greg, se rappelant l'homme alors même qu'il l'évoquait en paroles.
« Greg, quoi, le livreur? Enfin, ça ne te suffit pas, toi qui es policier depuis une éternité, de suggérer des choses totalement contraires à la loi, il faut en plus que tu ajoutes à la paranoïa de mon frère? Personne n'a vraiment besoin de déployer des efforts insensés pour me tuer, voyons !"
Greg se mit à questionner Mycroft en essayant de se remémorer tous les détails.
- « Alors, tu avais vraiment oublié de décommander le livreur de tout à l'heure...qui portait le dessert ? Pour le dîner que tu voulais organiser ? »
Mycroft se raidit.
- « Non, pas de livreur...c'est Anthea qui devait tout amener. Elle va venir, oui...mais juste pour me ramener chez moi et renouveler ce qu'on a utilisé ici. Mais ça peut n'être qu'une erreur !
- Une coïncidence? Je n'y crois pas ! Et toi non plus, tu ne crois pas à ça!
- Peu importe, de toute façon. Anthea va arriver d'un moment à l'autre. »
Mycroft soupira et leva les yeux au ciel, mais ne dit rien. A l'extérieur, la nuit était encore bien noire. Sur le rebord d'une fenêtre, une boîte en carton sur laquelle était dessinée l'enseigne d'une pâtisserie avait été déposée. Mycroft ouvrit la fenêtre et s'en saisit malgré le geste négatif de Greg, qui approcha quand même pour examiner la boîte. Une sensation le saisit immédiatement à son approche:
- « Cette odeur, sur le carton...comme chez Sherlock ! Le nitrate d'ammonium et le chlore... c'est un explosif, Mycroft !
- Greg, tu veux bien arrêter tes élucubrations? Cette odeur peut avoir n'importe quelle origine, regarde, c'est bien un gâteau à l'intérieur, et dans un quartier aussi peuplé, qui prendrait le risque de tuer des gens pour m'éliminer ? reprit Mycroft très calme. Mais Greg n'en démordait pas :
- Et si quelqu'un avait voulu installer un dispositif à faire fonctionner, mais constaté que tu n'étais pas seul ? Mycroft, tu veux vraiment prendre le risque ?
-On va faire des vérifications, la maison doit de toute façon être remise en ordre par des agents de sécurité, et on va analyser le dessus de la boite, mais personne ne trouvera rien! Qui se donnerait la peine de me tuer ? Je suis déjà condamné ...", ajouta-t-il d'un ton qui semblait presque détaché. Sans que Greg n'ait le temps de rétorquer quoi que ce soit , Mycroft conclut :
"Anthea va venir me chercher. Nous partirons les premiers, Alicia Smallwood enverra bien des fouineurs, au moins pour vérifier la sécurité du quartier. Je n'ai pas très envie de voir tout ce monde, mais tu n'es pas obligé de rester non plus. D'où que soit venue la tentative d'attaque, à supposer que c'en ait été une, je vais faire en sorte d'être en sécurité chez moi, ne t'en fais pas. Je vais débrouiller tout ça, puis attendre la suite. »
Greg le regarda, sans mot dire. Décidément Mycroft était plus buté que jamais.
Si tu crois que je vais te laisser faire comme bon te semble
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3 heures plus tôt
A la demande de Sherlock, le taxi les déposa à quelques rues de leur destination. « Je passe devant, tu assures les arrières. »
Sherlock avait retrouvé sa superbe et virevoltait comme un diable dans son Belstaff. Rien ne le rendait plus vivant que le danger. John tâta la crosse du Sig à l'arrière de sa ceinture.
- « Je suis juste derrière toi », répliqua-t-il. « Sois prudent. Ce ne sont pas des enfants de choeur », ajouta-t-il. Mais Sherlock s'était déjà envolé plus loin. En quelques pas, il furent dans Cooper Road. Soudain John vit son ami s'arrêter brusquement et revenir vers lui.
- « Regarde », fit le détective, en chuchotant à voix très basse et en montrant du doigt un homme à moitié dissimulé derrière un van, « on dirait qu'on n'est pas seuls, ici » et il ajouta avec un sourire joyeux et pétillant qui en disait long sur son envie d'en découdre :
« Le jeu commence ! »
Et John lui emboîta le pas.
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3 heures plus tôt
Harris ne comprit rien à ce qui lui arriva. La seconde d'avant, il surveillait toujours la maison au 47 Cooper Road, et maintenant , une douleur intolérable lui vrillait l'épaule par l'arrière tandis qu'une voix grave et impérieuse lui soufflait dans l'oreille à toute vitesse :
- « Photographe de pacotille. Les professionnels utilisent des Leica. De toute façon, ta coupe de cheveux parle contre toi : tu es forcément militaire et un bas de gamme en plus, sinon tu ne serais pas ici. Marié depuis douze ans. Modèle d'alliance fabriqué seulement cette année-là. Des dettes. De grosses dettes. Besoin d'argent. Sinon, pourquoi s'embêter à faire ça ? Deux enfants ....non un seul, ta femme ne t'aime pas assez pour t'en avoir offert un deuxième. C'est pour ça que tu as la photo et le numéro de téléphone d'une escort qui dépasse de ta poche arrière. Ton gosse n'aime pas se faire photographier en vacances. D'où le téléobjectif pour le prendre en photo sans qu'il ne s'en aperçoive. Homme de main pour Eldrige. Comment? Mais oui, bien sûr, des explosifs. Tu pues le nitrate ! Et en plus Gorge profonde pour un torchon de la presse du soir. C'est le Daily News qui va te payer. C'est le pire de tous. C'est cela, Sergent ? C'est bien cela ? »
Harris n'attendit pas la fin de la phrase. Il s'était laissé surprendre mais son entraînement quotidien lui permit de réagir presque aussitôt. Il se dégagea de la prise que lui infligeait Sherlock, se retourna et lui donna un coup à l'aine qui mit le détective à terre avec un gémissement. Un deuxième coup vint s'écraser sur le menton et les lèvres de Sherlock. Il y en aurait eu un troisième si Harris n'avait pas vu une silhouette, encore lointaine se précipiter vers lui. Il embrassa la situation d'un coup d'œil. Un homme à terre mais qui commençait déjà à se relever et un autre dont la course rapide et le maintien trahissaient l'ancien soldat, n'allaient lui laisser aucune chance. En une seconde, il prit sa décision...
John arriva dans l'instant et plutôt que de se mettre à la poursuite du fugitif, il s'agenouilla très vite près de Sherlock qui avait du mal à reprendre son souffle.
- « Ça va Sherlock, rien de grave ? Laisse moi regarder ! »
Sherlock se redressa un peu , grimaça et demanda avec une ingénuité désarmante, tout en se frottant le menton :
- « Mais, John, pourquoi il ne m'a pas dit que j'étais génial ? »
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- « Pas question que tu sortes d'ici sans moi, Myc ». On part ensemble ou on ne part pas . C'est comme ça. Policier, ça te dit quelque chose? », lança Greg, dans un sourire crispé qui laissait devenir son anxiété. Et il sortit du holster son arme de service qui ne le quittait jamais. »
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Sur Cooper Road, devant la maison, tout dérapa en un éclair. Il y eut soudain le bruit d'une bagarre derrière un van stationné le long du trottoir. Des coups furent échangés entre deux hommes. Le plus grand d'entre eux tomba à terre tandis qu'un troisième, surgi de derrière et monté sur ressort comme un diable, se précipitait vers celui qui venait de s'affaisser. A ce moment-là, la porte de la maison s'ouvrit. Deux hommes étaient l'un derrière l'autre, le premier protégeant le second et faisant barrage avec son propre corps. Le deuxième le dépassait d'une tête. Un seul coup se fit entendre. Harris ramassa son appareil photo et déguerpit, sans demander son reste.
Mycroft avait brusquement fait un pas sur le côté, les yeux fixés sur les silhouettes à terre qu'il avait reconnues instantanément. Une balle siffla. Dans un gémissement de douleur, il tomba à genoux, alors que Greg, en vain, essayait de le retenir.
Le bruit du tir figea, l'espace d'un instant, Sherlock et John. Mais dans un même mouvement, ils levèrent la tête. Ce fut John qui le premier vit Mycroft s'affaisser brutalement devant la maison. Il jura sourdement, se releva et se précipita. Sherlock le suivit dans la foulée. Le médecin s'était déjà agenouillé près de Mycroft, les yeux clos, dont Greg soutenait la tête avec précaution.
Aucun autre tir n'avait suivi le premier. La rue avait retrouvé son calme habituel.
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3 heures plus tard
- « Arrête de penser et viens te serrer contre moi. J'ai froid. » murmura Sherlock.
- « Je vais voir ton frère et je reviens », répondit John à voix basse.
Mycroft dormait dans la chambre du haut. La balle avait juste effleuré son bras. Rien de grave. John n'avait eu qu'à nettoyer et bander le blessure, une fois que tous les trois étaient revenus à Baker Street. Le médecin se pencha sur le corps immobile de Mycroft et avec délicatesse, pour ne pas le réveiller, vérifia ses signes vitaux.
Aucune inquiétude à avoir
Mycroft avait juste besoin de dormir.
Les deux frères Holmes avaient besoin de dormir. C'était évident.
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Greg enfourcha sa moto. Il avait décliné, quoi qu'il lui en coûtât, la tentation d'accompagner Mycroft à Baker Street. John lui avait certifié qu'il allait bien, qu'il n'y avait aucun danger, que c'était une blessure mineure, que dans trois jours, il serait remis. Il avait embrassé très doucement Mycroft, et, alors que ce dernier n'avait pas encore rouvert ses yeux, lui avait glissé à l'oreille quelque chose que lui seul avait le droit d'entendre.
Il zippa d'un geste résolu son blouson de cuir, fit vrombir le moteur de la Harley et prit la direction de Londres, sans jeter un seul coup en arrière.
Tu vas bientôt savoir, mon amour, jusqu'où je suis capable d'aller pour toi
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