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Route des dunes

Alicia Smallwood faillit lâcher le téléphone. A l'autre bout de la ligne, son chef de bureau n'en menait pas large. La respiration laborieuse, il reprit embarrassé son récit. Il était un peu plus de cinq heures du matin et les ordres étaient on ne peut plus clairs. On ne dérangeait jamais Lady Smallwood avant 5h30. Jamais. Les circonstances, néanmoins, lui avaient paru à ce point exceptionnelles qu'il avait pris sur lui de déroger. Mais plus il expliquait les événements, plus il sentait la tension de sa supérieure monter, incrédulité et exaspération mêlées jusqu'au moment où Lady Smallwood le coupa sèchement :

- Vous ne savez pas où ils trouvent ? Vous moqueriez-vous de moi? Vous tenez vraiment à votre prochaine nomination ? Ou bien avez-vous soudainement envie d'un poste de l'autre côté de la planète, dans les bas-fonds de ce qu'il reste de notre empire ?

Alicia Smallwood raccrocha, trempée d'une sueur froide. Son bureau était plongé dans l'obscurité. Elle venait à peine de remonter de la salle d'entrainement où tous les matins elle se livrait à une demi- heure d'exercices intensifs avant de faire un premier point avec son chef de bureau. Mais aujourd'hui, la journée commençait sous les auspices les plus sombres. Cet appel, passé sur sa ligne personnelle cryptée, portait en lui une menace qu'elle aurait cru pourtant impossible.

Seigneur ... Il est donc finalement passé à l'acte ?

- Allez, fit-elle en se tournant vers son assistante, contactez Heathrow pour avoir un plan de vol pour la France le plus vite possible! Et elle rajouta à demi-mots, maintenant pour elle-même :

Ces Holmes finiront par avoir raison de ma santé mentale! Dans quel gouffre cet idiot est-il en train de se perdre ?

Fronçant les sourcils, elle reprit son téléphone et composa un numéro. Elle s'approcha près de son bureau tout en fourrageant dans un dossier et en attendant que son interlocuteur décroche. Elle entendit un long bâillement et une voix fatiguée qui maugréait fortement. Mais elle ne lui laissa aucune possibilité de prendre la parole et d'une voix particulièrement abrupte, elle interrogea :

- Où sont-ils, Docteur Watson ?

Et comme le médecin ne lui répondait pas, elle répéta d'une voix qu'elle aurait voulu plus impassible mais qui dénotait son exaspération.

- Je vous le demande une dernière fois, Docteur Watson. Réfléchissez bien et vite. Où sont Gregory Lestrade et les frères Holmes ?

A l'autre bout du fil, John perçut immédiatement l'inquiétude, la colère et la panique montante d'Alicia Smallwood.

Il y a un problème. C'est donc pour cela qu'ils ne sont pas revenus hier soir

Une brusque vague d'anxiété lui serra la gorge.

- Docteur Watson, j'attends, fit la voix de plus en plus autoritaire.

- Je ... Je .... Rappelez-moi dans une heure, répondit-il et il coupa d'un coup sec la conversation.

Il avait pris son téléphone en tâtonnant dans le noir quand le vibreur l'avait brusquement réveillé une minute plus tôt. Il se rejeta en arrière sur l'oreiller quand il prit conscience que Sherlock n'était plus à côté de lui. Les draps étaient glacés. Il devait être parti depuis un bon bout de temps. Etouffant un demi juron, John se leva. Il n'entendait rien que le bruit des vagues.

Quand Sherlock et lui étaient arrivés de Londres quelques heures auparavant, qu'ils avaient trouvé Mycroft, seul, dans la maison Route des dunes et que ce dernier était parti rejoindre Greg sur la plage, ils avaient convenu d'attendre le retour des deux hommes. Mais les heures avaient passé lentement. Sherlock ne tenait pas en place. Sa conversation avec Mycroft semblait avoir ébranlé sa confiance que John avait eu tant de mal à lui faire trouver. Il faisait les cent pas, maugréait, regardait sa montre, pianotait sur son téléphone. Il s'était mis en tête d'allumer un feu de bois dans l'ancienne cheminée et il n'arrêtait pas d'enfourner les bûches et de tisonner à un train d'enfer. John, dans un parfait contrepoint, était rêveur. Son esprit ne cessait de revenir sur l'étreinte dans laquelle Sherlock et lui s'étaient volontairement perdus dans le train. Il ressentait un calme absolu, l'aboutissement qu'il avait depuis longtemps cherché mais qu'il n'avait jamais osé s'avouer ni même formuler, d'une façon ou d'une autre. Alors, quand Mycroft avait eu l'air finalement si sûr de lui devant son frère, quand il lui avait clairement indiqué avoir fait un choix, John, dans un mouvement intérieur similaire, avait reconnu la teneur du propos et s'était mis à espérer que Sherlock, enfin, ne baisse sa garde. Mais le détective, s'il semblait avoir accepté pour lui-même une certaine forme d'évolution, semblait particulièrement rétif à l'idée que celui qu'il considérait encore comme son aîné, un modèle qu'il se défendait pourtant comme un beau diable d'imiter, pût vouloir de son plein gré renoncer à ce qu'il avait érigé comme une loi indéfectible depuis leur jeunesse et qu'il avait répété à l'envie.

Aimer n'est pas un avantage, Sherlock.

Pendant que le détective réchauffait ses mains devant l'âtre et grinçait des dents en maudissant son frère et son beau gosse, comme il l'appelait, John avait préparé du thé et des biscuits. Évidemment Sherlock, comme d'habitude, n'avait pas faim mais John avait réussi à le cajoler suffisamment pour qu'il acceptât d'avaler des tartines de miel. Il avait pris un air dégoûté quand John lui avait proposé d'ouvrir une boite de soupe trouvée dans un des placards de la cuisine et il s'était contenté de lécher sa cuillère sucrée, le regard perdu dans les flammes.

La nuit était tombée sur les dunes. La mer montait. On entendait les vagues rouler puissamment sur le rivage à quelques encablures de la maison mais Mycroft et Greg n'étaient pas rentrés. L'agitation de Sherlock n'avait fait que croître au fil des heures. Puis il s'était brusquement calmé.

- Ils ne rentreront pas ce soir, avait-il dit d'un ton bizarre en regardant encore une fois son téléphone. Il s'était alors jeté tout habillé sur le lit d'une des deux chambres. John l'avait rejoint, lui avait enlevé ses chaussures et l'avait couvert d'une couverture car Sherlock, dans un demi sommeil agité, marmonnait déjà qu'il avait froid. Le médecin s'était alors endormi jusqu'à ce que l'appel de Lady Smallwood ne le réveillât avant l'aube dans un lit froid et déserté.

John ouvrit la porte de la chambre. L'aube n'était pas encore levée. Il faisait sombre dans le salon éclairé seulement par les braises mourantes qui rougeoyaient faiblement dans l'âtre. Sherlock n'était pas là. La maison était vide. John mit en route la bouilloire. Il s'était passé quelque chose. Forcément. L'appel d'Alicia Smallwood n'était pas anodin et la voix âpre résonna de nouveau en lui.

Où sont Gregory Lestrade et les frères Holmes ... ?

Faisant infuser un sachet de thé dans sa tasse, John alluma machinalement la télévison. La voix de lady Smallwood allait et venait dans son esprit encore embrumé d'un mauvais sommeil.

Où sont Gregory Lestrade et les frères Holmes... ?

Ce fut presque sans surprise que sur l'écran du téléviseur John vit apparaître en gros plan le visage de Greg tandis que défilait en bas le bandeau des nouvelles urgentes. Il y aurait eu, d'après les dernières informations, l'attaque d'un hélicoptère sur une plage de Dunkerque.

Tu m étonneras toujours, Greg ...

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Dans les bâtiments silencieux du club, Greg lisait et relisait la carte, le coeur battant la chamade, incapable de dire quoi que ce soit. Lorsqu'il arriva à lever les yeux sur Mycroft, celui-ci lui demanda sur un ton presque hésitant.

-« C'est ce que tu veux? Qu'on vive tous les deux, où que ce soit, même si je suis un hors-la-loi privé de tous ses biens, si on ne revient pas tout de suite à Londres...ou même pas du tout ?

Greg soupira.

Seigneur ... Qu'est-ce que je peux faire de plus pour le convaincre ?

Ce fut d'une voix très assurée qu'il réaffirma encore :

- Evidemment, mon amour, quelle question! C'est pour ça aussi que je t'ai fait partir. Ce procès qui allait t'envoyer loin de moi...C'était tellement injuste, de toute façon...

-Oui, je connais ton point de vue à ce sujet. Tu as certainement raison, je n'étais pas vraiment en état de me poser la question, en fait...Je suis prêt à répondre de mes choix, pourtant..., reprit Mycroft qui ne semblait pas vouloir s'abandonner complètement encore.

- Mais oui, je comprends, pas devant des accusateurs publics qui ne veulent que du spectacle, de l'argent ou ta disparition. Quand quelqu'un aura un regard un tant soit peu équilibré sur tout ça, on pensera à rentrer. D'ici là, Gabriel m'a dit qu'on pouvait rester autant qu'on voulait. Si on doit rester jusqu'à la période où il loue habituellement la maison aux touristes, on ne le laissera pas y perdre. Les transferts de nos biens qu'Anthéa a prévus sur nos nouvelles identités ont fonctionné, à ce qu'il semble ..

Greg fit une pause et reprit la voix plus basse et un peu hésitante :

- Tu sais ... j'ai pensé ... Qui sait, en joignant ton goût pour la peinture et le mien pour la photo, on pourrait même l'aider dans sa galerie... ?

Mycroft posa sur son amant un regard plein de tendresse.

"Alors c'est vrai, tu as des projets pour nous deux... Ça me paraît vraiment magnifique, mais dans l'immédiat...

Mon Myc ... tellement rationnel ...

Greg ne le laissa pas finir.

- Dans l'immédiat ... tu vas fermer les yeux ...

- Tiens donc ... murmura Mycroft qui avait déjà compris. Et il sentit les lèvres de Greg se poser avec assurance sur les siennes. Dans un vertige, Greg se revit chercher les lèvres de Mycroft, lors de ce premier baiser, près de ce square à Londres quelques mois auparavant. C'était le jour où ils avaient fait leur première balade en moto. Mycroft avait ouvert sa bouche si lentement, si timidement que Greg avait d'abord cru qu'il se refusait à la caresse intime, mais finalement, il s'était laissé apprivoiser par la douceur du baiser offert et s'était donné, avec cette fragrance de bergamote qui n'appartenait qu'à lui. Aujourd'hui, les épreuves avaient muri leur amour. Ils étaient allés jusqu'au bout d'eux-même, chacun pour sauver l'autre de la folie de la chaine d'événements qui allaient les broyer. Ils avaient tout combattu. Ils avaient tout surmonté. Ils étaient prêts l'un pour l'autre, plus assurés, plus déterminés qu'ils ne l'avaient jamais été. Greg plongea avec assurance dans la bouche de Mycroft.

Si tu savais, Myc, comme je vais t'aimer encore plus

Il glissa son bras derrière le dos de son amant pour l'attirer étroitement contre lui et se mit à dévorer ses lèvres et sa langue de la sienne, impérieuse, passionnée, tandis qu'il attirait ses hanches au plus près de lui-même.

Personne ne t'enlèvera à moi

Mycroft, sous l'assaut exigeant, s'était renversé en arrière, goûtant l'exquise sensation, la peau râpeuse, la barbe piquante que finalement il aimait tant et qui maintenant était partout, dans son cou, sur le lobe de son oreille, sur son torse dénudé à la hâte. Les lèvres de Greg revenaient sur sa bouche, jamais rassasiées, caressaient sa langue presque avec rudesse, exigeaient leur dû tandis que les mains du policier broyaient son dos dans une étreinte abrupte. Le souffle rauque de Greg brûlait sa gorge qu'il avait tendue pour mieux recevoir l'ardeur du baiser. Il gémit de plaisir quand Greg lui mordit l'épaule et encore plus fort quand ce dernier adoucit sa bouche contre son oreille, lui murmurant une litanie de j't'aime, Myc ... Et il aurait joui, intouché, juste caressé par ses lèvres désormais légères qui s'attardaient dans son cou, si Greg, à bout de souffle ne s'était pas légèrement écarté, rompant leur délicieuse étreinte.

Les deux hommes se regardèrent, la respiration haletante. Aucun mot ne fut alors prononcé, les quelques minutes suivantes. Il n'en n'était pas besoin. Ce fut Greg qui reprit la parole :

- Que disais-je donc ? Ah oui ... dans l'immédiat, on va marcher un peu. Il faut qu'on arrive à trouver à manger sans trop attirer l'attention, avant de s'organiser pour partir. Il y a un centre commercial derrière la dune, un de mes amis d'enfance s'occupe de la boulangerie de la grande surface du coin. Il doit déjà être à son poste.

- Il n'aura pas d'ennuis s'il aide deux fugitifs ?, demanda Mycroft tandis qu'ils se mettaient en route.

Greg s'esclaffa.

- Ce ne sera pas le plus gros des ennuis qui lui colle aux basques ! Il n'y a pas que toi que j'ai mis au-dessus du respect de la loi, figure-toi ! Il y a quelques amitiés, aussi.

Ils avançaient tranquillement vers la zone déserte qu'ils abordèrent par l'arrière d'immenses entrepôts vaguement éclairés. Mycroft eut soudain un sourire.

- A quoi tu penses ?, demanda Greg sur un ton taquin qui laissait supposer qu'il connaissait la réponse.

- Ça me rappelle un peu l'endroit et le matin où l'on a dû s'arrêter, à Dartford, tu ne trouves pas... ?

- C'est exactement ça, mon coeur. Finalement, on aura vécu très peu de choses chez toi ou chez moi, continua Greg, l'air un peu pensif, on a eu nos meilleurs moments dans des coins où on s'est trouvés complètement par hasard...

- Oui, pour l'instant, mais je suis persuadé que nos heures les plus magnifiques sont encore à venir dans des endroits que nous ne connaissons pas encore..."

Alors que Mycroft concluait ses mots d'un baiser sur sa tempe, Greg aperçut un homme faisant des allées et venues entre un camion et l'entrée d'un bâtiment, et lui fit signe.

"Hey, Louis! Salut !

-Greg ! Eh ben, t'as pas loupé ton retour, cette fois! On te voit pas mal à la télé, mais pas pour les mêmes raisons que d'habitude ! Si on m'avait dit un jour que c'est toi qui serais le voleur et pas le gendarme ! En plus, ajouta-t-il en regardant Mycroft et en souriant, t'aurais pas un peu volé un des trésors de la Couronne britannique, si j'ai bien compris... ?

-Tu as sûrement des trucs encore plus incroyables à nous raconter, va ! Je te présente Mycroft, dont je t'ai déjà parlé. Mycroft, l'individu dont tu dois supporter les propos douteux est Louis Vargas, qui forme avec Gabriel l'insupportable duo que je subis tous les étés depuis ma plus tendre enfance!

- Monsieur...

-Très heureux! Hey, appelez-moi Louis, dites donc! Mais vous n'êtes pas restés Route des dunes?

-On s'est fait repérer et on a dû se planquer au club de voile, je t'expliquerai...mais pour l'instant, il faudrait qu'on mange quelque chose.

- Venez vite, je vais vous donner de quoi faire au moins pour aujourd'hui. Il vaut mieux que vous ne traîniez pas trop dans le coin, les flics patrouillent régulièrement. Ils sont après les pauvres bougres qui essaient de vaguement se nourrir dans les poubelles ou avec ce qu'on veut bien leur donner, en attendant d'essayer de passer en Angleterre...

Louis les entraina alors rapidement vers l'arrière de l'entrepôt et tandis qu'il les guidait, il ajouta

- Bon alors, vous allez rester là et vous réchauffer un peu parce que vous avez vraiment l'air d'avoir froid... enfin surtout Mycroft, continua-t-il. Je reviendrai vous voir un peu plus tard. Il y a à manger. Reposez-vous un peu, aussi, vous aurez besoin d'être en forme si vous devez...partir plus loin...Je vous amènerai des couvertures, des vêtements...La cavale, ça se prépare, et j'ai pas franchement l'impression que vous débordiez d'expérience en la matière... Bon, je vous dis pas que je vous donnerai ma voiture ... J'ai comme l'impression qu'elle a été repérée à Londres. Je vais voir si Gabriel ... »

Il n'eut pas le temps de conclure sa phrase. Au moment où il prononçait ces paroles, la porte de l'entrepôt s'ouvrit et les trois hommes entendirent le voix joyeuse du cousin de Greg.

- « Tiens donc, on dirait que les grands esprits se rencontrent. Salut Louis ! Salut Greg ! Alors il parait que tu descends les hélico de la gendarmerie maintenant ? Je savais pas que tu avais viré rebelle ! Gabriel continua de plus belle. Ah ! Au fait Mycroft, j'ai quelque chose pour vous ... euh ... plutôt quelqu'un ... je vous ai amené votre petit frère ! »

La tête boudeuse de Sherlock s'encadra alors dans la porte. Il regarda son frère en fronçant les sourcils d'un air tellement exaspéré et avec une telle grimace que les trois amis d'enfance partirent d'un fou-rire inextinguible.

Face à son frère, Mycroft resta, tout naturellement, impassible.

« Il voulait vraiment savoir où vous étiez... Il m'a appelé, fit Gabriel, essayant de contrôler les derniers hoquets de ses rires et prenant un air innocent. Je crois que je commence enfin à connaitre les frères Holmes. Quand ils veulent quelque chose ... . Bref, j'ai cédé. A cette heure-ci et après ce qui vous est arrivé, il n'y avait que deux endroits où vous pouviez être... Vous voyez Sherlock ? Je vous avais dit que Greg était plein de ressources, qu'il connaissait le coin par coeur et qu'il mettrait votre frère à couvert. »

- « Ok, continua Louis. Je vous amène encore deux-trois trucs et on va repartir Route des dunes. En fait ça m'étonnerait beaucoup que les flics d'ici fassent du zèle, mais je me méfie des espèces de James Bond qui ont traversé la Manche à vos trousses. On va tous rentrer par la plage avec les marcheurs du matin! Passez-moi votre veste, Mycroft. S'il faut, on fera diversion, Gabriel et moi. J'ai un peu la même carrure que vous, et Gabriel la même que Greg. On les trompera un moment..."

- « Tiens, fit Greg en enlevant son pull et en le posant sur les épaules de Mycroft avec un geste d'une infinie tendresse, mets ça à la place, mon coeur... »

Les yeux de Sherlock s'agrandirent de stupéfaction lorsqu'il entendit ce qualificatif, ce qui fit repartir tout le monde dans d'incontrôlables fous rires.

- « Allez, reprit Gabriel, en route ! Sherlock...vous voyez que votre frère et votre ami vont bien, qu'ils ont prévu ce qu'ils vont faire...et surtout...que c'est ensemble qu'ils veulent le faire ! Il n'y a rien que de très normal dans tout ça, vous savez ! »

Gabriel avait prononcé ces derniers mots sur un ton particulièrement enthousiaste, qui avait en fait accru la stupéfaction de Sherlock. Voyant cela, le cousin de Greg se reprit:

« Enfin...si on excepte la cavale et tous les trucs dans ce tonneau-là. C'est Greg, vous le connaissez...Vous ne vous êtes pas associé avec lui sans raison, n'est-ce pas ? Une vraie tête brulée, mon cousin ... Ce qu'on a pu faire comme 400 coups lorsque j'y repense, quand on était gamins avec Louis ! Quant à votre frère, honnêtement, vous ne vous attendiez tout de même pas pour lui à une vie où il rentrerait tous les soirs à 19h dans son pavillon de banlieue, non ? Mais bon, bref, vous voyez ce que je veux dire ! »

Sherlock poussa un soupir, puis son attention fut attirée par un texto sur son téléphone. Une mine contrariée remplaça un instant l'étonnement qu'il ressentait devant la tendre complicité entre Greg et Mycroft, qu'il avait finalement assez peu vus ensemble. Sans répondre à Gabriel, Il initia pourtant le départ de tous en sautant brusquement d'un meuble où il s'était assis. Tous se remirent en route vers le littoral, où des groupes hétéroclites de marcheurs, amateurs de chars à voile ou même audacieux nageurs allaient et venaient dans la brume matinale un peu fraîche et le bruit apaisant des vagues. Mycroft ralentit légèrement et fit un signe à Sherlock, qui atténua son pas pour se trouver à la hauteur de son frère. Greg, malgré la situation délicate, conversait joyeusement avec Louis et Gabriel devant eux, sans que Mycroft le quitte des yeux.

- « Tu as eu un message de John qui t'avertissait d'un gros problème, n'est-ce pas? Greg et moi ne sommes pas tirés d'affaire, c'est cela ? »

- « J'aimerais pouvoir te dire que vous allez partir en lune de miel ou quelque chose comme ça, mais ce n'est pas le cas...Alicia n'a pas vraiment l'air décidée à te laisser filer. C'est curieux, quand même...Elle n'a pas dû être particulièrement heureuse que tu ne lui retournes pas ses avances, certes, mais de là à lancer tant de monde à tes trousses...D'autant qu'elle a été informée de l'arrestation du chirurgien ! Et en ce qui concerne le procès autour de Sherrinford, ça n'intéresse déjà plus les gens. C'est vraiment... » Avec un soupir de rage, il jeta son pied contre un monticule de sable. Les grains s'envolèrent au vent.

"Mycroft, reprit Sherlock, aide-moi à comprendre. Cherche avec moi, jouons tous les deux une dernière fois, avant que...je ne sais pas, appelle ça comme tu veux, que tu partes, que tu prennes des vacances, que tu ailles où tu voudras avec ton..."

Il se rappela les mots de John, ceux de son frère, sa propre cruauté avec celui-ci.

"Avec l'amour de ta vie que tu ne me remercieras jamais assez de t'avoir présenté", fit-il, un reste de sarcasme dans sa voix cherchant à cacher l'émotion avec laquelle il cherchait maintenant à dire à son frère « j'ai compris! ». Mycroft considéra les choses avec un mélange de soulagement et de surprise.

C'est à peine croyable ... Deviner les intentions d'Alicia est pour lui comme un de ces jeux de quand nous étions enfants, il a l'air d'oublier que, si moi aussi, je dois trouver la solution, ce n'est pas pour m'amuser... Sherlock ... Tu en grandiras donc jamais ?

"Très bien, fit pourtant Mycroft, à la fois pour résumer ses idées et pour indiquer à Sherlock qu'il acceptait de jouer, que savons-nous? Alicia ne nous donne visiblement pas la chasse juste parce que nous sommes partis. Elle nous a localisés. Il y a donc plus important, Greg ou moi pourrions représenter une menace quelconque qu'elle ne maîtriserait pas...

- Alors voyons, commença Sherlock sur un ton à nouveau enjoué ... Toi ? Elle a pourtant accès à tous les dossiers sur lesquels tu travailles... Greg ? Elle se doute bien, maintenant, qu'il ne te veut pas de mal. Donc ça vient d'autre part. Quelqu'un d' autre assoiffé de vengeance à ton égard qui se sert d'elle et de la situation pour ...

- Ou quelqu'un en lien avec les affaires précédentes. Je comprendrais que la famille d'Eldridge m'en veuille, par exemple. Et la première fois que j'ai mis le holà aux activités du chirurgien, il travaillait discrètement pour... mais non, ça n'a rien à voir...

- Qui, alors, reprit Sherlock impatiemment ?

- Moran...mais il est au secret, en prison...

- Peut-être pas autant que tu le crois... Si c'était ça, on aurait la solution...LES solutions...

-Sherlock, qu'est-ce que tu racontes ? Sherlock grimaça tout en repoussant d'une main nerveuse les boucles que le vent marin rabattait sur son visage.

- Oh, ça va te plaire et ne pas te plaire en même temps, tu vas voir ...

Il mit ses mains en cornet et appela Greg, toujours devant avec Gabriel et Louis. Les trois amis s'attrapaient par les épaules, se faisaient des croches-pattes. Ils avaient retiré leurs chaussures et allaient patauger dans l'eau glaciale qui montait tout doucement. Mycroft, tout en discutant avec son frère, les entendait rire et discuter dans un français doux et fluide. Son regard était fixé sur Greg qu'il ne lâchait pas un seul instant, enfoui dans le parfum de vétiver de son pull, absorbé dans la contemplation de la silhouette qui se découpait au premier plan du rivage.

Il va être gelé comme ça, juste en chemise et les pieds nus...

Mais Sherlock le ramena à la la réalité.

- « Greg ! Venez un peu par ici me parler de votre ami de l'administration pénitentiaire ! »

Greg fit signe à Louis et à Gabriel de continuer sans lui devant. Il revint en arrière vers les deux frères et son regard se porta d'emblée sur Mycroft, l'air interrogateur. Il n'avait pas besoin de demander.

Je sais qu'il y a encore un problème, mon amour

Il se rapprocha de Mycroft et c'est sa main dans la sienne, son pouce caressant l'intérieur de sa paume dans un geste tendre, qu'il se tourna vers Sherlock.

- Oui, Sherlock, besoin d'informations ? Et les deux hommes se mirent à discuter à voix basse, tandis que Mycroft écoutait sans mot dire. La discussion se termina alors que le petit groupe arrivait sur la plage au bout de laquelle s'ouvrait la route des dunes. Tous aperçurent très vite John Watson, qui les guettait visiblement depuis un moment en haut du sentier et leur faisait de grands signes.

- « Eh, fit le médecin comme tous arrivaient à sa hauteur et regagnaient la maison, la grande patronne ne va pas tarder à débarquer si je ne lui prouve pas par A plus B que vous êtes bien ici avec moi. Elle m'a donné une heure pour vous trouver et c'était...bah, il y a une heure, alors..."

Juste comme il terminait sa phrase, son téléphone sonna.

-« Laissez-moi décrocher, fit Mycroft, ça fait longtemps que j'aurais dû lui parler de toute façon continua Mycroft d'un ton ferme... Allô, oui, ici Mycroft Holmes !

- Mycroft !"

Le ton traduisait à la fois le soulagement, une certaine colère et une forme de résignation. Mycroft s'en voulut tout à coup terriblement de ne pas s'être davantage ouvert à cette femme qui était l'une des rares personnes en qui il avait pleinement confiance. Elle lui avait beaucoup appris sur l'univers qui était encore le sien quelques heures auparavant. Le suicide de son mari et ses soupçons à lui, infondés, envers elle, dans l'affaire qui avait conduit à la mort de Mary n'avaient certes pas amélioré son caractère, mais elle avait toujours été corps et âme, comme lui, au service de leur pays. Cela, combiné au souvenir de toutes les années passées à ses côtés, effaçait maintenant tout le reste. Elle restait pourtant celle qu'il fallait convaincre de leur rendre leur liberté, à lui et à Greg. Il connecta le haut parleur.

-« Alicia, il faut que je vous explique...

- M'expliquer quoi ? Je peux comprendre des choses, moi aussi, figurez-vous ! Que quelqu'un vous aime assez pour vous permettre d'échapper à tous vos fardeaux, que vous ne vouliez pas vous soumettre à des jugements hâtifs... Mais, de là à travailler sciemment à la mort de masse de personnes innocentes...

Sur le visage de Mycroft passa l'expression d'une incrédulité extrême.

- Mais de quoi parlez-vous ? coupa-t-il d'une voix où il ne pouvait retenir ni la sidération ni l'émotion que les propos d'Alicia Smallwood avaient suscités en lui.

- Ecoutez Mycroft, la police a trouvé un stock d'explosifs à Charing Cross ! Explosifs saisis au cours d'une opération que VOUS aviez ordonnée, et qui avaient disparu, vous voyez ? Mais vous êtes au courant, n'est-ce pas? Des gens qui partent travailler, ou rentrent, chaque jour, des mères de famille... Oh, Mycroft, comment avez-vous pu prêter la main à ça ?

- Jamais, non...Bien sûr que non...Alicia...une seule chose...croyez-vous que je n'ai pas encore assez de fautes à porter, et à faire porter avec moi à Gregory Lestrade, que je veuille encore..." Sous le poids de l'accusation, il ne pouvait plus que balbutier, tandis que des tremblements secouaient son corps. Louis et Gabriel se regardaient, stupéfaits. Greg avait, lui, pâli de colère et se retenait visiblement de crier. Sherlock, le premier, parla.

- Lady Smallwood, et la voix de Sherlock claqua avec un dédain qu'il ne cherchait même pas à dissimuler, Mycroft Holmes, le dernier des terroristes ? Vous avez perdu la tête, ma parole ! Le MI5 n'est plus ce qu'il était ... Pas étonnant que l'Angleterre ne recule tant, fit-il, l'air exaspéré. Vous allez faire baisser le QI de toute la nation avec ces imbécillités ! Evidemment que mon cher frère n'est pour rien dans tout cela. Ce que Lestrade vient de me dire confirme mes hypothèses et vous savez que j'ai toujours raison : Sebastian Moran, théoriquement au secret et ancien employeur du chirurgien, communique avec l'extérieur; c'est lui qui est à la tête de ce projet d'attentat. Lestrade et Donovan avaient commencé à explorer cette piste, poursuivez-la avec les moyens qui sont les vôtres ! Sherlock baissa soudain la voix, mais l'air plus résolu que jamais, il poursuivit :

Et avec cela... Soyez sincère avec vous-même, écoutez aussi ce que vous dit votre coeur sur mon frère, sur le souci qu'il a toujours eu de nous protéger tous, au prix de tant de sacrifices de sa part, sa famille, son pays... vous... " Il reprit après une hésitation, et dans un souffle: « Moi..."

Le silence se fit à l'autre bout de la ligne. Alicia tentait de toute évidence de démêler de multiples dilemmes.

"Très bien, reprit-elle. Vingt-quatre heures. Je leur donne vingt-quatre heures pour partir où ils voudront. Je vais vérifier ce que vous avancez. Parce que je suppose que l'étape suivante, si je ne fais pas ces deux choses, c'est la possibilité que vous parliez à la presse des lacunes de notre administration pénitentiaire supposée garder des terroristes avérés...

-Je vois que nous nous comprenons, fit Sherlock qui avait retrouvé là une forme de jeu du chat et de la souris qui n'était pas pour lui déplaire.

-Je vais même faire mieux: l'air du temps est à la résolution de toute cette histoire avec une audition de votre frère par une commission parlementaire très discrète, s'il choisit de revenir à Londres. J'aurai moins la main pour ce qui concerne M. Lestrade, mais tout de même...Je vais cependant garder quelques garanties en la personne de l'ancienne secrétaire particulière de M. Holmes, qui saura sans aucun doute où le trouver à tout moment...Je n'ai pas beaucoup aimé la forcer à parler, mais il faut bien que je prévoie aussi une porte de sortie...

Avec un petit sourire triomphant, Sherlock se rapprocha de Mycroft au moment où Alicia Smallwood prononçait ces dernières paroles et lui souffla à voix basse en aparté :

- J'aimerais bien que tu me le dises, une fois, une seule fois dans ta vie , mon cher frère, tu sais ... le mot qui commence par M et qui finit par I ...mais Mycroft se contenta de sourire ironiquement, tout en regardant son frère droit dans les yeux :

- « Alicia, reprit alors Mycroft...vous faites le bon choix, vous savez... Jamais, jamais j'aurai mis les mains dans une chose pareille... Merci, Alicia.Et il appuya longuement sur le prénom de cette dernière, les yeux plein de malice tournés vers Sherlock ... Encore une fois, merci Alicia ...

Inconsciente de ce qui se jouait entre les deux frères à ce moment là et qui amusait fortement les autres hommes dans la pièce, malgré la tension du moment, Alicia reprit une dernière fois la parole.

-Si je fais le bon choix, utilisez bien ces vingt-quatre heures. Et tâchez d'être heureux, vous le méritez. J'espère tout de même que vous reviendrez à Londres, tous les deux."

Elle coupa la communication, laissant à tous un immense sentiment de soulagement, de plus en plus intense alors que chacun prenait conscience des conséquences de ce qui venait de clore, d'une certaine façon, la chaine des événements qui, depuis Sherrinford, les avait menés jusqu'à ce jour ici en France.

Un silence étrange s'installa entre les six hommes, seulement entrecoupé par le bruit des flammes que John avait ranimées en attendant le retour des autres. Sherlock s'était étendu sur le sofa, les genoux remontés sur la poitrine, les mains sous le menton. Louis et Gabriel avaient commencé de leur côté une conversation animée bien qu'elle se déroulât à voix basse. Ce fut John qui, avec son bon sens habituel, brisa le silence :

- Allez, viens me donner un coup de main, Sherlock ... Je crois que tout le monde a besoin d'un solide petit déjeuner.

Avec une grimace, mais parce qu'il savait que John avait raison, le détective se leva et les deux hommes s'éloignèrent dans la cuisine pour préparer de quoi se restaurer. Greg, épuisé par l'incertitude et les tensions endurées, s'endormit quasiment en un instant dans un des fauteuils, et, assis près de lui, Mycroft posa les yeux sur celui qui, inlassablement, depuis des mois maintenant, lui donnait des forces inimaginables. Il se rappela l'état d'épuisement dans lequel il se trouvait lorsqu'ils avaient, pour la première fois, cédé à leur attirance mutuelle, le bonheur de ce premier baiser auquel il ne parvenait pas à croire. Il se rappela ce jour de Noël chez ses parents, où les menaces s'accumulaient, et où pourtant il avait été si heureux d'un timide message, qui témoignait de l'hésitation du policier sur la conduite à tenir, dans un tel moment, dans leur histoire toute neuve: "Passe un bon Noël, je pense à toi"...Il revit aussi tous les instants au cours desquels Greg l'avait soutenu au cours de la condamnation de Sherlock, avant que Moriarty ne semble réapparaître, ainsi que les longues soirées solitaires où le policier devait partir en opération et où, lui, se demandait jusqu'où et comment lui faire partager les sombres secrets de sa vie. Pourtant, même le sinistre souvenir de ces moments d'angoisse ne pouvait ternir le bonheur qu'avaient été leurs premières heures intimes, chez lui, mais aussi dans cette improbable et anonyme petite maison de la banlieue londonienne délaissée par les agents qui surveillaient le quartier. Là, ils s'étaient complètement abandonnés l'un à l'autre pour la première fois. Là, Greg était venu le chercher et lui avait montré combien il était aimé, alors que la tempête déjà déchaînée menaçait de les emporter loin l'un de l'autre. Là, il avait compris que ses mensonges, à son amant ou à lui-même, étaient entièrement vains, et qu'il ne pouvait faire autrement qu'avouer son amour alors même qu'il le croyait condamné. Là, alors qu'ils sortaient, il avait conçu l'espoir alors insensé que la force de leurs sentiments mutuels pourrait les sauver, et maintenant encore, il pouvait à peine croire à la réalisation de cette douce et indestructible folie.

Mais ce qui résonnait en lui, plus fort que tout, encore une fois, et il n'aurait pas su dire pourquoi à ce moment-là , c'était le souvenir de cette première balade à moto quand ils s'étaient donnés rendez-vous l'une des premières fois, sa surprise intense quand il avait vu Greg lui tendre un casque et l'inviter à monter derrière lui. Il avait senti les mains du policier attraper les siennes pour l'attirer contre son dos et, oui, c'était à ce moment-là, quand il avait posé sa tête sur l'épaule de Greg et qu'il s'était noyé dans ces effluves de cuir et de vétiver, qu'il avait su, de manière irréversible , que son coeur appartenait désormais à l'homme contre lequel il s'abandonnait totalement.

Alors qu'il songeait à tout cela, il entendit que John et Sherlock étaient revenus dans le salon et il réalisa que ses doigts avaient enlacé ceux de son amant endormi et que les autres hommes jetaient de temps à autres un oeil sur leurs mains jointes, souriant légèrement. Il rougit, lâcha la main et releva la tête. Greg s'éveilla alors, cherchant avant tout Mycroft du regard, les yeux encore embrumés de sommeil.

John avaient apporté du thé, du café et des toasts. Il avait même réussi de quoi faire une omelette qui fumait, encore brûlante sur une assiette. Les six hommes s'installèrent comme ils purent, un peu de guingois, Mycroft et Greg sur le sofa, Louis et Gabriel, sur deux tabourets, Sherlock debout, collé à cheminée et John, assis par terre, le dos appuyé contre le mur. Le feu avait réchauffé la petite maison et le ronflement des braises couvrait le bruit du vent et des vagues toute proches. Un parfum délicieux de pain grillé avait envahi la pièce et même Sherlock semblait prendre plaisir à grignoter quelque chose, surtout depuis que John avait trouvé ce pot de miel dans un des placards de la cuisine. Une conversation joyeuse s'était installée entre Greg et ses deux amis d'enfance, ponctuée de « tu te souviens quand ... ? » et de « oh la la, cette soirée là ... ». Mycroft écoutait, ravi de découvrir tout un pan de l'histoire de Greg qu'il ne connaissait pas. Sherlock regardait son frère. Il semblait plus tranquille, mais avec encore une dernière lueur d'interrogation dans le regard. John avait posé sa main sur son bras, dans un geste d'apaisement et de douceur mêlés qui voulait dire tout à la fois « laisse-les » et « pense à nous aussi maintenant ». La matinée, dans cette maison perdue dans les dunes, s'écoula comme dans un rêve entre rires, frémissements, paroles retenues et regards intenses.

Vers midi, cependant, ce fut Sherlock qui revint le premier vers la réalité. Les yeux brillants, impatient, il n'avait pas cessé de regarder John depuis deux heures. Toute sa personne criait Londres, Baker Street, Rosie, Madame Hudson ... la maison, John. N'y tenant plus, il déclara :

- « John et moi, nous ne devons pas tarder si nous voulons attraper le prochain Eurostar, n'est-ce pas John ? Et il y avait tant d'ardeur, tant d'impatience contenue dans sa voix que Mycroft et Greg ne purent s'empêcher de sourire en se regardant. Les yeux brillants du même désir, John acquiesça. Une page sombre était tournée. Une autre, pleine d'un avenir à inventer encore, allait s'ouvrir. En une minute, le sac fut bouclé et Sherlock, désormais intenable, virevolta comme un diable, son Belstaff encombrant la petite pièce. Les deux hommes se levèrent alors pour raccompagner Sherlock et John. Tandis que ce dernier saluait chaleureusement Greg avant de s'installer au volant, Sherlock, resté encore à l'extérieur de la voiture, s'approcha très près de son frère, les yeux plantés droit dans les siens.

-« C'est quoi, Mycroft, « ce qui est le mieux » ? Tu n'as pas l'intention de revenir à Londres ? » Très prudemment, Mycroft, choisissant ses mots avec soin, répondit :

- C'est possible que non ... Je n'en ai aucune idée encore.... Ne te tracasse pas davantage, tu en as fait déjà énormément... et on verra ça avec Alicia, Greg et moi.

- Autrement dit, tu me laisses tomber, c'est bien ça ?, tenta Sherlock une dernière fois.

Greg, qui avait entendu la dernière phrase, fusilla Sherlock du regard.

"Je plaisante... Tâchez de ne pas devenir tout à fait stupides, tous les deux, où que soit le bocal des poissons rouges...

- Oui, enfin, coupa John, Sherlock veut dire "soyez heureux, et faites-nous signe de temps en temps si vous le voulez ou si vous le pouvez..."

Sherlock attira alors son frère vers lui et lui murmura quelque chose que John et Greg n'entendirent pas. Les yeux de Mycroft s'embuèrent et il lui murmura dans l'oreille :

- « Merci, Lock ... Et très doucement, il ajouta :

et toi, plus besoin de liste maintenant, je le sais ».

L'un et l'autre se séparèrent sur ces mots qui n'appartenaient qu'à eux-seuls, échangeant une dernière accolade. Louis et Gabriel sortirent à ce moment, et demandèrent à John de les déposer au centre commercial. Ils saluèrent aussi Greg et Mycroft, qui les remercièrent avec émotion, non sans promettre de leur donner des nouvelles. La voiture disparut bientôt, et les deux hommes demeurés seuls ne purent s'empêcher de sentir leurs coeurs se serrer. Greg parla le premier pour dissiper la tension.

-« Et voilà... Bon, je pense tout de même qu'on pourra revenir à Londres le coeur léger et la tête haute, mon chéri...

- Grâce à toi...Tu as tout compris, tellement vite...Et moi, je n'ai cherché qu'à me voiler la face et à m'aveugler...

- Mais tu as fini par choisir de prendre la route avec moi, et de ça je ne te remercierai jamais assez...

Greg avait saisi la main de Mycroft et l'avait attiré de nouveau à l'intérieur de la maison. Il prépara du thé; le parfum délicat de l'Earl Grey envahit la pièce; il avait mis en sourdine un peu de musique. La chanson familière distillait les paroles magnifiques que tous les deux aimaient tant.

Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant

Les deux hommes s'étaient assis sur le sofa, face aux flammes qui dansaient encore dans l'âtre. Mycroft était resté assis mais Greg, les pieds nus, s'était allongé de tout son long, les jambes sur les genoux de Mycroft. Ils restèrent silencieux de longues minutes, l'un et l'autre absorbés par cette intimité délicieuse, le sentiment d'être seuls au monde, de n'exister que pour l'autre. Mais, malgré la quiétude du moment, et parce que la tension des dernières heures ne l'avait encore tout à fait quitté, les pensées de Greg dérivèrent alors vers ce moment où , quelques semaines auparavant, Mycroft avait été libéré de Sherrinford par les services secrets et emmené à Exeter, et que Sherlock, qui pourtant avait érigé comme principe de ne jamais téléphoner, l'avait appelé, paniqué, en lui demandant de veiller sur son frère. Greg pouvait encore entendre les mots du détective, sa voix, encore plus basse qu'à l'accoutumée, sa diction d'ordinaire parfaite, maintenant heurtée, son propos rempli d'un sous-entendu sombre qui avait terrifié le policier.

Elle s'en est pris à moi, à John. Et ..., il y avait eu une pause, ...à Mycroft. John et moi allons bien. John est avec moi, mais...

Greg n'avait jamais éprouvé une tel affolement intérieur. L'espace d'une minute, il avait complètement perdu pied avec la réalité qui l'entourait. Le coeur battant à tout rompre, une nausée acide coincée au fin de la gorge, les mains trempées de sueur, son cerveau avait refusé de fonctionner. Mais il avait enfoncé ses ongles dans la paume de ses mains, mordu ses lèvres et l'intérieur de sa bouche pour avoir mal. Le goût du sang l'avait ramené au moment présent, dans cette voiture qui fonçait vers Musgrave Manor. Céder à l'effroi n'était pas ce qui allait pouvoir aider Mycroft. Il lui fallait remonter à la surface, revenir aux faits, réfléchir. Et déjà, il savait, intimement, lors de cette première minute, qu'il n'y aurait aucune limite qu'il ne s'autoriserait pas à franchir. Rester calme, s'était-il dit.

Rester calme

A ce souvenir, Greg frissonna sur le sofa et se lova davantage contre Mycroft qui avait saisi ses pieds nus et les caressait d'un mouvement sans hâte de ses mains longues et fines. Il portait encore le pull que Greg lui avait passé le matin-même. Il n'avait pu se résoudre à l'enlever et il frottait son menton contre le cachemire gris dont il respirait la senteur aimée. Ses pensées l'emmenait déjà vers un avenir qui se dessinait en lui avec force depuis quelque temps maintenant. Il rompit le silence :

- « Greg, je ..., » mais il s'arrêta soudain incertain.

Toi aussi, tu veux rentrer à Londres ...

Mais Greg, comme s'il avait deviné le cours de la pensée de Mycroft, dit, la voix assurée

- « Pour le moment on doit penser à partir, pas trop loin mais un peu, en faisant attention. Avec les fausses identités, ça ira. Il y a un endroit où tu voudrais qu'on aille ? »demanda-t-il. C'était plus qu'il n'en fallait à Mycroft pour ouvrir la porte à ce qu'il avait imaginé, rêvé pour eux deux.

-« Tu es déjà allé en Italie, mon amour ? Florence ? Amalfi ? »

Greg écarquilla les yeux.

L'Italie ? Tu me surprendras toujours mon amour

- « Rome, vite fait, répondit-il. Mais aucune autre ville, non... »

- « Alors, c'est mon tour de t'emmener. Tu te rappelles sûrement un peu, songe à cette douceur...La mer est magnifique, la lumière si chaude, à Amalfi... Toi qui est tellement doué avec la photo... Et à Florence... Tous ces artistes qui ont inventé l'ordre et la beauté... Comme ils t'auraient aimé, comme ils auraient aimé te peindre..., tu es tellement ... » Mais Greg ne lui laissa pas finir sa phrase :

- « Les artistes, vraiment ? Juste Botticelli, Michel-Ange?...Tu ne partirais pas plutôt sur les traces de tout ce qui permettait aux Médicis d'étancher leur soif de pouvoir ? » reprit Greg, étouffant un rire amusé.

- « C'est tentant aussi, oui, mais ce sera avant tout le voyage du calme et de la volupté. Et je te promets qu'on trouvera une chambre pleine de fleurs parfumées, de miroirs, où jamais les draps de notre lit ne seront froids car je ne cesserai pas de t'embrasser, j'assouvirai ton moindre désir et je t'aimerai de toutes mes forces..., ajouta Mycroft. Ses mains avaient quitté les pieds nus de Greg et caressaient maintenant avec douceur ses jambes, dans une invitation non déguisée. D'un commun accord, sans avoir besoin de parler, ils se dirigèrent vers l'une des chambres et s'allongèrent sur le lit.

Greg attira alors Mycroft dans un baiser insistant, et Mycroft céda très vite à cette demande non formulée. Ils se donnèrent l'un à l'autre dans une passion heureuse, libérée des tensions des heures précédentes. Mycroft enlaça Greg avec une force prodigieuse. Soumis à cette vigueur, Greg désira immédiatement s'offrir tout entier à son partenaire retrouvé, et chuchota alors que sa tête touchait à peine les draps: "je veux être à toi, mon amour, tout à toi...". Délaissant l'un des lobes qu'il avait longuement léché et mordillé, Mycroft soupira au creux de son oreille, le souffle déjà court et brûlant: "oh mon adoré, je veux t'aimer... comme je vais t'aimer... si tu savais comme je vais t'aimer..." Il continua par un baiser d'une sensualité étourdissante, prolongé tout le long du cou de Greg, arrachant de légers cris à celui-ci. Ils se dénudèrent avec lenteur et ferveur à la fois, laissant de longues caresses et d'interminables baisers sur le moindre fragment de peau offert. Mycroft acheva ensuite de dévêtir son partenaire, passant une main presque timide sur la chair déjà enflée de désir. Dans un long gémissement, Greg expira comme un "s'il te plaît, encore....", posa sa main sur celle de son amoureux et initia un geste plus intense et plus rapide. Il guida les longs doigts de Mycroft plus bas, relevant ses hanches, de sorte que son amant comprenne qu'il devait maintenant préciser ses caresses.

« Ce n'est pas la première fois, n'est-ce pas ?...

"Non, mais j'aurais beaucoup aimé que tu sois le premier..."

Mycroft dit cela en souriant, posa un baiser délicat sur les lèvres de Greg tout en enlevant ses derniers vêtements. Il revint tout contre son partenaire qui sentit la force de son désir et s'en mordit la lèvre.

"Mon bien-aimé, parle-moi si ça ne va pas, si quoi que ce soit..."

Greg posa un doigt sur les lèvres de son amant.

"C'est promis, mon amour, mais avec toi, tu sais...je le sais...ce sera bien, je serai bien...viens..."

La sensation toute neuve de Mycroft s'insinuant en lui, à la fois concentré sur ses gestes mais sans rechercher un plaisir égoïste, faillit lui faire abandonner tout contrôle, mais il réussit à reprendre ses esprits et à guider encore mieux leur étreinte. Le summum du plaisir les surprit pourtant presque, tous les deux en même temps, alors qu'ils avaient accéléré leurs mouvements sans vraiment le vouloir. Mycroft s'effondra sur le corps de Greg avec un long gémissement alors qu'il s'abandonnait totalement en lui, et Greg, au dernier moment, amena la main de son compagnon pour lui offrir la preuve torride de son absolue délectation.

Il y eut ensuite des respirations apaisées, des baisers à nouveau simplement doux, des enlacements des plus tendres. Quelques larmes aussi. Ils parlèrent, encore et encore, d'avenir. Le sommeil les saisit en même temps, et les emporta quelques heures. Ce fut Greg qui se réveilla le premier. Le drap avait glissé. Et il savait exactement ce que Mycroft allait lui dire. Mais avant de remonter l'étoffe sur le corps de son amant, il le contempla savourant sa beauté fine, ses longues jambes et ce léger duvet roux qui ombrait son torse.

J'aimerais tellement te prendre en photo, là maintenant ...

Mais Mycroft s'agita un peu et ouvrit à son tour les yeux.

- « Greg ... »

Ce dernier se leva soudainement.

"Viens, je voudrais te montrer quelque chose..."

Il les fit ressortir. Un franc soleil montait maintenant dans le ciel dégagé, encore parcouru tout de même de quelques nuages poussés par le vent assez fort. Greg guida Mycroft vers la plage, mais une fois arrivé en haut de la dune, lui fit tourner le dos à la mer.

"Je ne t'ai jamais parlé de mon grand-père paternel, n'est-ce pas ?

- Non, je ne crois pas...

- Il a dû passer un long moment par ici...Mon père et Patti ont passé beaucoup de temps à chercher exactement où, il faudra que je lui demande, ... en 1940, en attendant d'être réembarqué pour l'Angleterre.

- Opération Dynamo...

-Oui, mon grand-père a fait partie de ceux qui ont pu monter sur un bateau, tous n'ont pas eu cette chance...mais il a été blessé et il est mort peu de temps après. Et ma grand-mère... Eh bien, elle l'a connu...quelques heures, juste avant qu'il reparte, dans la maison que tu vois là-bas, à l'intérieur des terres, près de ce silo, sur la droite. C'était à l'époque l'un des bâtiments d'une ferme. Mon père est né, mais elle n'a jamais revu mon grand-père. Elle aurait bien voulu, et c'est sans doute un peu pour ça que mon père a fini par aller s'installer de l'autre côté de la Manche.

- Mais par conséquent, tu as encore de la famille ici...

- Oui, ma grand-mère s'est mariée avec un de ses amis proches, après la guerre. Elle a eu deux autres enfants, dont la mère de Gabriel. Mon père n'a jamais voulu rompre les liens avec sa famille française. Tu sais, quand j'étais petit, il me parlait toujours en français ... et j'ai passé toutes mes vacances d'été, ici, avec Gabriel. C'est au club de voile qu'on a connu Louis et qu'on devenu inséparables. Je suppose que nous avons eu de la chance de rester en contact, et en bonne entente. Sans Gabriel, jamais ...

- Vous avez un coeur immense, tous..., murmura Mycroft, la gorge serrée. Greg, comment pourrais-je te remercier assez un jour de...de m'avoir ouvert les yeux, de n'avoir jamais cédé, d'avoir toujours maintenu le cap...pour nous... contre vents et marées.

Les larmes montèrent aux yeux de Mycroft et Greg l'attira contre lui.

- « Ce que je veux te demander en te racontant tout ça, c'est, toi, de rester avec moi, de ne jamais partir, mon amour. Parce que le départ de mon grand-père, dans ces circonstances terribles, ça l'avait rendue plutôt triste, même si c'était quelqu'un d'optimiste... Tu comprends ça ... perdre son amour ... Et moi... je ne peux même plus imaginer la vie sans toi, maintenant... Je sais qu'après ce qui s'est passé cette nuit, tu as envie de recommencer beaucoup de choses. Je veux à n'importe quel prix que ce soit avec moi. Et pour nous deux, je n'abandonnerai jamais. »

Mycroft enlaça Greg plus étroitement encore. Les mots furent alors inutiles. Ce fut alors, à nouveau, Mycroft qui entraîna Gregory. Celui-ci se laissa emmener, encore incrédule, jusqu'aux vagues mourantes sur le sable puis jusqu'à celles, bien vives, un peu plus lointaines. Toujours muet de surprise, le ravissement se peignant sur le visage, il se laissa aussi pousser plus loin dans l'eau, sous les baisers de son compagnon, et sous les flots sans cesse renouvelés.

Ensemble ... larguer les amarres ... 

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