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Prendre soin de lui

"Rester calme, se répétait Greg. Rester calme".

Malgré l'angoisse qui s'insinuait. Malgré le comportement un peu trop énergique, au volant, de Sally -mais l'officier de police n'avait-il pas donné lui- même la consigne de presser l'allure? Malgré un certain ressentiment, aussi. Le séminaire d'échanges de pratiques antiterroristes qu'il venait de quitter quelques instants auparavant et où il avait été inscrit in extremis faisait rétrospectivement l'effet d'un prétexte qui avait permis de l'éloigner de Londres et de lui dissimuler les affaires d'une certaine fratrie. Et voici que Sherlock venait de l'appeler, d'une voix inquiète, d'une voix qui lui ressemblait tellement peu que la mauvaise humeur de Greg suscitée par cette mise à l'écart inexpliquée s'était brusquement dissipée pour laisser place à une profonde anxiété qui alourdissait sa poitrine.

- "C'est une tueuse ... Elle est très dangereuse. Personne ne doit échanger le moindre mot avec elle, personne, vous entendez ? Elle s'en est pris à moi, à John. Et ..., il y avait eu une pause, ...à Mycroft. John et moi allons bien. John est avec moi, mais... Les mots s'arrêtèrent à nouveau, et Greg reprit la parole, de la manière la plus détachée possible :

- Dites-moi où vous êtes ".

L'officier de police s'était alors organisé, mis en route, avait envoyé des agents sur les lieux désignés par Sherlock. Tout cela en essayant continuellement d'appeler Mycroft. Au moins entendit-il du bruit pendant ces préparatifs, mais le silence qui s'était installé dans la voiture ne lui permettait plus, maintenant, d'ignorer son estomac tordu par l'angoisse. Son esprit cherchait un point fixe où s'accrocher pour ne pas céder à cette sensation; il ne cessait de manipuler nerveusement son portable, sous l'oeil de Sally, silencieuse, certes, mais dont la conduite rapide et précise témoignait de sa compréhension de la situation.

L'écran du téléphone s'illumina soudain, affichant un nom. Le coeur de Greg s'emballa brutalement.

- "Mycroft! Tu vas bien ? Tu n'es pas blessé ? D'une voix blanche et hâtive, Mycroft répondit :

- Je ne peux pas te parler très longtemps. Je ... Sherlock et John?...Tu sais si ...?

- Oui, Je suis en route pour les rejoindre...Dès que j'ai tout réglé pour eux, je viens te retrouver. Dis-moi où...

- Greg, j'ai quelque chose à te dire ... La tueuse, c'est ... c'est ... "

La communication fut coupée brutalement, et Greg essaya de rappeler à plusieurs reprises, sans se faire trop d'illusions et à peine rassuré. Soudain, émergeant de la nuit et saturant son calme, un ballet d'agents, de personnels de santé et de voitures de police lui indiqua que l'on était arrivé. Le lieu était sinistre. La silhouette imposante d'une ruine quasi-calcinée barrait le chemin au bord duquel Greg retrouva John et Sherlock. Les visages, à peine visibles, restèrent immobiles et figés à son approche. Les deux hommes, murés dans le silence, semblaient encore sous le coup d'une immense terreur. Greg s'employa à effacer les marques de sa propre inquiétude pour se montrer rassurant. Il apostropha Sherlock en marquant, le plus possible, la résolution dans sa voix.

- " Je viens de parler à votre frère. Il est un peu secoué, mais ça va....

- L'arroseur arrosé..."

John avait lancé cette phrase du bout des lèvres en levant un regard empli d'animosité vers Greg, qui sentit la colère se réanimer en lui, en même temps que cette anxiété qu'il s'était efforcé de réprimer. John considérait donc que Mycroft était le coupable de tout cela ? Mais Sherlock reprit aussitôt la parole, regardant au loin, comme s'il ne voulait pas s'entendre lui-même prononcer ces paroles :

- " Et au fait, Lestrade,, prenez soin de lui. Il n'est pas si fort qu'il n'y paraît " , rajouta-t-il, d'une voix basse et presque rageuse. Ramenant ses yeux vers l'inspecteur, il l'observa, le regard à la fois interrogateur et légèrement incertain...Greg frissonna. Le vent froid plaquait contre lui l'étoffe trop mince de sa veste. Mais ça n'était pas seulement les rafales qui le faisait trembler. Il y avait dans la voix épuisée de Sherlock, pensa Greg au moment où le jeune homme s'était retourné vers lui , une supplique à demi-voilée, une demande inachevée, lourde d'une inquiétude tangible, qui s'exprima aussi à travers la poignée de main que lui tendit le jeune homme. Sherlock, pâle et glacé, sembla soudain vaciller et se raccrocha, comme un naufragé, à Greg.

- " Eh, Sherlock, ça ne va pas ? interrogea Lestrade, d'une voix sourde et inquiète... Mais Sherlock avait déjà repris le contrôle de soi et c'est de son ton habituel qu'il interpella John, encore drapé dans la couverture dont on l'avait couvert quand on l'avait sorti, à demi-noyé du puits :

- N'est-ce pas, John ?

- N'est-ce pas quoi, Sherlock ? demanda John , avec une grimace qui en disait long sur son propre état d'épuisement, et sans vraiment comprendre la question sibylline de son ami. Je t'assure, ce n'est vraiment pas le moment de parler par énigme ...

- Mycroft ..., ajouta Sherlock, laissant pourtant sa phrase en suspens sur ses lèvres.

- Et bien quoi, Mycroft ?

- Il ... il ... , reprit Sherlock, d'une voix encore qui dérailla à nouveau. Il a été...touché, durement ... et plus fortement encore qu'il n'y paraît. Plongeant son regard dans celui de l'inspecteur, il ajouta :

- Nous nous comprenons, n'est-ce pas Lestrade ? "

Greg se sentit soudain rougir sous les paroles de Sherlock. Il aurait dû pourtant savoir que rien n'échappait jamais à l'extrême acuité du détective, et encore moins tout ce qui pouvait concerner son frère. Greg soupira, et dans une tentative désespérée pour détourner les pensées de Sherlock le plus loin possible de Mycroft, il ajouta :

- " Vous feriez mieux de ramener John à Londres. Regardez, il est blanc comme un linge. Et vous-même, vous n'êtes pas beaucoup mieux. Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais ni l'un ni l'autre, vous ne ...

Sherlock, sans bouger d'un pouce, les yeux rivés au sol et les mains jointes sous le menton, reprit la parole et en aparté, murmura presque silencieusement à l'officier de police.

- 'Il ne faut pas en vouloir à John...Il est vraiment passé très près de l'irréversible...'

- Greg a raison, renchérit John, venant au secours de Lestrade sans en avoir conscience. Oui , Greg a foutrement raison. On rentre, Sherlock. Tu es épuisé... et je ne vaux pas beaucoup mieux. Ce qui s'est passé ici, c'est ..."

Mais les mots s'arrêtèrent sur ses lèvres en voyant Sherlock pris d'un tremblement que, visiblement, il ne pouvait maîtriser.

- Allez, maintenant on rentre ", répéta John, s'approchant du détective qui, les yeux clos, le teint plus pâle que jamais, semblait figé sur place..

Lestrade, ramenant plus près du corps sa veste qui décidément ne le protégeait en rien des rafales de plus en plus cinglantes à mesure que la nuit s'avançait, fit un geste de la main montrant le coupé aux vitres sombres qui attendait les deux hommes un peu plus loin.

- " Allez, partez maintenant, je prends la suite , fit -il en désignant les membres de son équipe qui, dans le halo blanc des voitures de police, examinaient encore les lieux. Dans un dernier effort, Sherlock s'approcha de Lestrade et lui glissa, les lèvres bleuies par le froid et la fatigue :

- Vous prendrez soin de lui, n'est-ce pas... Greg ? " en s'attardant légèrement sur le prénom.

Sans répondre, le cœur battant trop fort, trop vite, Gregory Lestrade s'éloigna lentement. Pour la première fois, et cela faisait pourtant longtemps que le détective et lui vivaient l'un dans l'ombre de l'autre, Sherlock venait de l'appeler par son prénom. Comme étourdi, vacillant sous la surprise, il s'appuya contre la voiture banalisée, au volant de laquelle l'attendait Sally. D'un geste las, il fouilla la poche de sa veste pour en sortir un paquet de cigarettes détrempé par la pluie. Il observa d'un regard aigu la voiture de Sherlock et John qui s'éloignait sans la nuit, exhala une longue bouffée de fumée puis ferma les yeux, sentant se fissurer le monde de certitudes dans lequel, il venait de le comprendre brutalement, il s'était abrité jusqu'à aujourd'hui...

"Greg" ... Oh, Putain ... Il sait.

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Greg s'approcha du véhicule où était enfermée la tueuse et s'attela aux inextricables démarches qui permettraient de la renvoyer vers sa prison avant de l'y réinstaller sans danger. Il n'aspirait qu'à une chose, se débarrasser le plus vite de toutes ces formalités et foncer retrouver Mycroft, qui devait être encore à Sherrinford. Au moment où l'inspecteur s'engouffrait dans la voiture auprès de son adjointe, il sentit son portable vibrer contre sa cuisse. Sa nervosité était telle que, c'est d'une main tremblante qu'il extirpa l'appareil de sa poche sous le regard faussement détaché de Sally.

Il serait souhaitable de prendre contact avec lui. A

Pendant quelques secondes, Greg regarda son écran, sans comprendre. La vitre du portable s'assombrit et le visage du contact s'effaça progressivement de l'écran. L'habitacle de la voiture, qui venait de s'éclairer brièvement, replongea dans le noir. Le téléphone vibra à nouveau et Greg ne put s'empêcher de sursauter à nouveau. Il exhala un long soupir.

- "Ça va , Patron ? " lança Sally qui regardait du coin de l'œil son supérieur dont le visage blême en disait long sur son ravage intérieur. La journée avait longue et plus qu'éprouvante. John Watson n'avait été sauvé de la mort qu'en toute dernière extrémité et Sherlock, même aux yeux de Sally, qui n'éprouvait pour le détective qu'une antipathie connue de tous, avait paru tellement perdu, tellement dévasté que la jeune femme semblait avoir mis de côté la froideur qu'elle lui manifestait en toute occasion. Elle connaissait les liens personnels qui unissaient Sherlock Holmes, John Watson et Grégory Lestrade, son supérieur pour lequel elle éprouvait respect et loyauté depuis le premier jour de leur collaboration; elle savait combien le danger encourus aujourd'hui par les deux hommes à Sherrinford avait profondément bouleversé le lieutenant quand il avait été mis au courant des faits et qu'il avait pris la direction des opérations. Sans répondre à Sally qu'il avait à peine entendue, Greg regarda à nouveau son portable.

Lieutenant ? A

Comment est-il ? GL

Cette fois-ci, l'inspecteur avait répondu immédiatement, le regard rivé sur l'écran où était apparu le visage de la même jeune femme. La réponse arriva quelques minutes plus tard, brève, mais lourde de sens, les mots choisis, lui sembla-t-il, avec une prudence et une neutralité qui l'alarmèrent encore davantage.

Un soutien paraît nécessaire et urgent. A

Greg sentit une vague d'anxiété l'envahir. Les dernières paroles de Sherlock l'avaient déjà ébranlé mais le message de la jeune femme ne fit que confirmer ses inquiétudes. Jamais encore Anthea ne l'avait sollicité directement, de cette façon. Greg sentit une vague nauséeuse brûler sa gorge; une moiteur rageuse trempa soudain ses mains.

Oh Myc. Qu'est-ce que l'on t'a fait ?

Où ? Quand ? GL

Je vous rappelle. A

Le téléphone vibra à nouveau et Greg décrocha immédiatement.

- " Je vous envoie les coordonnées de la base à Exeter où nos services ramèneront M. Holmes. C'est à environ une heure de route d'ici. Lui devrait arriver d'ici quelques heures, je ne sais pas trop, en tout cas dans la matinée. J'ai reçu des personnels des services secrets la consigne claire de ne pas y aller. Je ne crois pas que ce soit votre cas... Or, M. Holmes a pu m'appeler pour me demander de venir vous chercher mais je pense qu'il va lui être désormais rapidement interdit de communiquer avec qui que ce soit... Si ce n'est déjà fait. Et vous n'ignorez pas que s'il en va des questions de sécurité nationale, cela se fera dans des conditions plutôt drastiques, notamment de mise à l'isolement, au moins le temps d'un interrogatoire...Mais c'est la procédure...Ce n'est pas ce qui m'inquiète vraiment.

- D'accord, reprit Greg après un temps de réflexion, et donc à part le fait qu'il puisse être traité comme le dernier des terroristes juste après tout ce qu'il a subi, qu'est-ce qui peut vous "inquiéter" vraiment ?

- Eh bien...D'abord, L'affaire Holmes contre Holmes -comme on commence à la désigner en haut lieu- est déjà l'objet de nombreuses discussions au sujet de l'issue à lui donner. Beaucoup de gens qui tiennent le haut du pavé dans ce problème ont conscience que M. Holmes a fait tout son possible pour concilier plusieurs objectifs, tout cela au prix de lourds sacrifices... Ce qui, voyez-vous, est également mon point de vue. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde, d'autres cherchent déjà à ce qu'il paie le prix fort..."

Au bout de la ligne, il y eut soudain comme une longue hésitation ... Puis Anthéa reprit la parole :

- " Et ...vous... je ne sais pas si... "

Mais l'officier de police ne laissa pas la jeune femme terminer sa phrase. Il la coupa brusquement pour la remercier et raccrocha. Il se concentra alors sur l'itinéraire et le paysage pour endiguer la vague d'angoisse qui se muait maintenant en écoeurement. Il sentait son coeur comprimé dans un étau à la pensée de Mycroft, seul et enfermé pendant des heures avec un mort près de lui, avec l'omniprésence de ce qui s'était passé et bientôt peut-être accusé d'être le seul responsable de tout cela. Mais sa réponse à Anthea n'était rien d'autre qu'un fait, et ce qu'il se disait maintenant lui apparaissait comme une vérité plus irréfutable encore. On va faire face ensemble, mon amour...

- " Sally, on change de route. Direction Exeter. Je prends le volant, jeta-t-il d'une voix sèche, rapide et qui n'autorisait aucune contradiction. Sally haussa les épaules.

- C'est n'importe quoi, Patron. Vous êtes crevé. Passez derrière. Allongez- vous. Dormez trois heures et après on verra. Pas envie de risquer ma vie, si c'est vous qui conduisez, ajouta-telle en marmonnant.

- Oh Sally, soupira le lieutenant, l'air excédé.

- Quoi, « Sally » ? Je n'ai pas raison, peut-être ? Vraiment pas envie de me foutre en l'air, renchérit-elle, parce que vous êtes HS.

- Arrêtez de me materner. Je ne suis pas en verre. Je peux quand même conduire ! rétorqua Lestrade, les nerfs prêts à exploser.

-Et vous, arrêtez de râler. Pour une fois, faites ce que l'on vous dit, Lieutenant, reprit-elle avec un sourire en coin. Dormez, prenez des forces ... et elle ajouta la voix un peu plus basse, comme si elle s'autorisait à franchir une limite qu'elle n'avait jamais encore dépassée. Quelqu'un va avoir besoin de vous."

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Dans le coupé qui fonçait vers Londres, John Watson regardait Sherlock. Le détective s'était posé à l'autre extrémité de la banquette. Le corps raidi, il avait appuyé son front sur la vitre. Les yeux clos, le détective semblait, plus encore que d'habitude, retiré comme en lui-même, inaccessible au monde et à ceux qui l'entouraient. Depuis qu'il avait adressé la parole à Lestrade un peu plus tôt, il n'avait plus prononcé un mot. Il s'était engouffré dans la voiture et avait remonté le plus haut possible le col de son Belstaff. Il avait d'abord regardé droit devant lui, les mains posées à plat sur les genoux dans une attitude qui révélait à la fois un épuisement total et une extrême tension. John n'avait pu faire autrement que de remarquer la tempe bleuie du détective là où Eurus avait tenté de l'atteindre, dans un geste désespéré fait à la fois de peur et d'attaque.

- "Laisse moi regarder si tu veux bien ", avait-il tenté, en effleurant de sa main légère et précise la blessure à demi dissimulée sous les boucles noires. Mais Sherlock avait rejeté sa tête et s'était réfugié de l'autre côté, d'un mouvement brusque, évitant le geste, pourtant délicat et prudent, de John. Ce dernier ne s'était pas découragé :

- " Eh Sherlock, avait-il repris avec douceur, je suis docteur, tu te rappelles ? Laisse-moi voir, tu saignes encore un peu, tu sais ". Et comme le détective ne semblait pas vouloir se laisser approcher, le médecin avait éloigné sa main et avait simplement demandé :

- Tu as mal ?

- Mais non, John ", répondit Sherlock, d'une voix basse qui voulait dire en fait tout le contraire. Et en prononçant ces paroles, il s'était affaissé au plus profond du siège en cuir de la voiture et avait appuyé sa joue contre la vitre de la fenêtre. Sa main droite s'était posée sur ses yeux, comme pour les protéger de toute intrusion de lumière et sa main gauche n'avait cessé depuis de pianoter avec nervosité sur la banquette. Le silence s'était installé entre les deux hommes, lourd des événements qu'ils venaient de vivre. John ressentait encore la terreur glaciale de l'eau sombre du puits prête à l'engloutir. Il avait beau régner une chaleur confortable dans la voiture, il avait l'impression d'être saisi jusqu'au plus profond de son être par l'inexorable montée du flot sombre et nauséabond. Sherlock, lui, avait maintenant fermé ses yeux. Il semblait sommeiller mais John pouvait voir sa paupière gauche agitée de tressaillements incontrôlés et sa carotide battre trop rapidement. Revivait-il le moment où il avait cru que Molly allait mourir sous ses yeux ? Songeait-il à Victor ? Aux raisons pour lesquelles l'enfant était mort ? Entendait-il les paroles manipulatrices de son frère destinées à l'abattre lui plutôt que le médecin ? Sentait-il s'enfoncer sous sa gorge le canon d'acier du revolver, tandis que le compte à rebours fatal amenuisait ce qui lui restait à vivre ?

Encore une fois, Sherlock, tu as voulu mourir pour moi ... ?

- " Sherlock, parle-moi, chuchota John. Reviens, parle-moi ", répéta-t-il. Mais le détective ne répondit pas. Il semblait ne plus être présent, parti quelque part dans les méandres de sa mémoire. C'était plus que n'en pouvait supporter le médecin, précisément à ce moment- là, où de nouveau, on avait cherché à l'arracher de Sherlock. John dans un dernier effort pour atteindre son ami, murmura alors d'une voix inaudible, comme pour lui-même.

- " Tu n'es pas seul, Sherlock; être seul, ce n'est pas ça qui te protégera ..."

Mais alors que le médecin, découragé, pensait qu'encore une fois, Sherlock avait fait le choix de la solitude, il sentit le jeune homme se rapprocher de lui, sa main hésitante se glisser dans la sienne, le long pouce fin du détective caressant avec douceur et sans jamais s'arrêter l'intérieur de sa paume.

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Du demi-sommeil agité où il était plongé, Greg entendait Sally répondre à voix basse dans la radio embarquée de la voiture de police.

- " Pas question que je le réveille. Ça attendra. Non, je vous dis qu'il a besoin de dormir et de toute façon ... "

Le reste des paroles de la jeune femme se perdit dans les brumes du sommeil lourd dont Greg ne parvenait pas à s'extirper complètement. Il s'était allongé sur la banquette arrière du véhicule et il pouvait sentir la couverture de service que Sally avait jeté sur lui pour le réchauffer. La laine râpeuse sentait le tabac froid, mais toute inconfortable qu'elle fût, elle n'en offrait pourtant pas moins une chaleur bienvenue. Greg se recroquevilla sur le côté, les genoux remontés presque au menton, cherchant davantage de chaleur. Ses pensées, confuses, allaient et venaient, sans ordre. C'était tantôt l'image de John, qu'on avait sorti du puits à demi noyé; tantôt celle des yeux fous d'Eurus, murmurant des paroles dépourvues de sens, menottée entre les deux officiers de police; le visage de Sherlock, bouleversé comme jamais, venait se superposer aux deux autres. Lui, si clairvoyant d'habitude, avait l'air de ne plus rien comprendre : ses yeux allaient de John à sa sœur et revenaient à John, comme pour s'assurer que le médecin était bien vivant. Et dans ce kaléidoscope indescriptible, ce qui refaisait sans cesse surface à l'esprit de Greg, c'était sur l'écran noir de son téléphone le message d'Anthea qui bipait et cognait dans la nuit : urgent, urgent, urgent ... Mobilisant toute sa volonté, Greg parvint à s'extirper de état second et se redressa en étirant son dos.

- " Réveillé, Patron ? demanda Sally en regardant dans son rétroviseur.

- J'ai dormi longtemps ? demanda Greg.

- Il est presque 5 heures ... Café ? interrogea Sally. On est presque à Exeter. On devrait faire une pause.

- Putain, j'ai dormi autant que ça ? Oui, un café, c'est pas de refus ", murmura Greg dans un bâillement interminable. Il se frotta les yeux et se passa une main dans sa barbe naissante. Des mots prononcés peu de temps en arrière résonnèrent en lui.

Greg, pour l'amour du ciel, s'il te plait... d'abord .... rase-toi, tu sais que je n'aime pas quand tu piques ...

Approchant près d'une aire de pause, Sally arrêta la voiture. Il faisait encore nuit, et un sale crachin mouillait le pare-brise du véhicule. La jeune femme sortit d'un sac un thermos et versa un large café dans un gobelet qu'elle tendit à Greg.

- " Pas de sucre, comme d'habitude, Patron ?

- Merci Sally, répliqua Greg, étouffant un autre bâillement. Je sors prendre l'air; et j'ai vraiment besoin d'une cigarette ", ajouta-t-il.

Une bise glaciale l'accueillit au moment où il sortit du véhicule. Allumant une cigarette, se réchauffant les deux mains contre le gobelet de café brûlant, Greg s'abrita sous un arbre et s'appuya lourdement contre le tronc, se laissant envahir par l'âcreté mêlée du café et du tabac. Il respira profondément, laissant son regard errer sur le ciel. Les couleurs de l'aube à peine visibles lui ramenèrent le souvenir du matin où Mycroft et lui s'étaient éveillés ensemble -le seul, coincé entre une interminable filature nocturne et un départ pour une rencontre diplomatique à l'autre bout de la planète. "Voici l'aurore aux doigts de rose...", avait-il entendu murmurer à son oreille au lieu de l' habituelle alarme stridente de son portable. Greg inhala profondément une bouffée de cigarette et sa mémoire, toujours soucieuse de conjurer l'angoisse, le ramena encore en arrière, quand tout avait commencé entre eux devant l'hôpital où Sherlock avait été admis la veille dans un état critique, après avoir été blessé dans la poitrine par balle. Il faisait aussi froid et la même pluie martelait de côté son visage. Il avait passé une partie de la nuit, avec John, dans la salle d'attente, guettant les allées et venues des médecins.

Oui, c'était arrivé d'une manière et à un moment totalement inattendus, même s'il n'avait pu s'empêcher, depuis quelque temps, de laisser dériver des pensées d'une certaine nature vers le frère de Sherlock, l'énigmatique Mycroft Holmes. Les deux hommes s'étaient reconnu, depuis quelque temps, l'un pour l'autre, une certaine attirance. Quelques rencontres, un verre partagé à l'occasion, des regards échangés, des mains frôlées un peu par hasard leur avait laissé entrevoir que, peut-être, il y avait comme une promesse à venir.
Quand à l'aube, on était venu leur dire que le jeune homme était tiré d'affaire, Greg avait mis John dans un taxi et s'était autorisé, après le départ du médecin, à cette cigarette, fumée avec nervosité, devant l'hôpital, chaque bouffée rapide apaisant l'anxiété qui, toute la nuit, avait mis ses nerfs à mal. C'est à ce moment-là qu'il l'avait vu arriver et descendre de la limousine noire. Le chauffeur l'avait abrité sous un parapluie. Le visage blême de l'homme, guindé dans son costume trois pièces impeccablement taillé, ne laissait entrevoir aucune émotion particulière, mais son extrême pâleur avait frappé Greg.

- " Mycroft, je pensais que vous étiez en France ... Vous avez pu rentrer cette nuit ? Dieu merci ! Il est tiré d'affaire, lui dit aussitôt Greg, qui était allé à sa rencontre. Venez, je vous emmène au 15ème. Il est en soins intensifs. Mais ça va, ça va, je vous rassure, rajouta-t-il très vite en voyant l'expression bouleversée de Mycroft. Vous connaissez votre frère, un vrai miracle sur pattes ... Il va s'en sortir, comme d'habitude."

L'inspecteur avait alors guidé Mycroft, toujours silencieux et plus que jamais réservé, à travers les couloirs. Sur le seuil de la porte, il l'avait laissé passer devant lui et s'était arrêté :

- " Je vous laisse avec votre frère. Un seul visiteur à la fois. Pas plus de cinq minutes. C'est la consigne. Et elle est stricte. Il a besoin du calme le plus absolu.

Mycroft s'était retourné et, le visage tendu, avait prononcé très simplement :

- Merci, Lestrade."

Le lendemain, cet idiot de Sherlock s'était éclipsé de sa chambre d'hôpital, frappant de terreur un entourage déjà très éprouvé par la tentative de meurtre sur sa personne. Greg était passé faire le point des recherches avec Mycroft, qu'il avait trouvé assis à son bureau, concentré sur un écran d'ordinateur. Il n'avait pas levé les yeux sur son visiteur, resté debout tout le temps de la discussion, et lui avait indiqué, d'un simple et très cavalier mouvement du revers de la main, que l'entretien était achevé.

- " Qu'est-ce que ça veut dire ? Dites donc, vous me prenez pour qui ? avait lancé Greg, dépité.

Mycroft avait levé les yeux sur son interlocuteur, et réalisé la portée de son geste. Il s'était levé, pâlissant au même rythme que ses mouvements, et avait appuyé sur un bouton pour obtenir une communication avec une pièce voisine.

- Anthea, ma chère, pouvez-vous prendre le relais dans l'affaire de Varsovie, s'il vous plaît ? Oui, je vous remercie.

Il s'était ensuite tourné vers Greg en s'appuyant sur son bureau.

- Je suis désolé...Je pourrais vous dire que la disparition de Sherlock me préoccupe, que ce problème en Pologne nécessitait toute mon attention, mais rien de cela ne rend excusable la façon dont je vous traite...vous qui êtes là pour nous depuis si longtemps, et qui ... représentez tellement...tellement plus... »

Et c'est à cet instant que tout avait basculé. Greg avait vu Mycroft chanceler et n'avait eu que le temps de contourner le bureau pour le rattraper. Il l'avait retenu, avait senti sur sa poitrine la respiration erratique et sur son épaule, le souffle court. Un simple coup d'oeil avait suffi au policier pour déterminer que ce malaise était physiologiquement sans gravité, simplement causé par la fatigue, le stress et une alimentation négligée, dans l'ordre et l'importance que l'on voudrait. Mais ce qu'il croyait depuis des mois -des années?- n'être qu'une légère sensation d'agacement avait alors explosé et s'était propagée en lui comme le souffle d'une bombe. Il s'était rapproché encore davantage de Mycroft et lui avait murmuré, sans même se rendre compte qu'il abandonnait la feinte réserve d'un vouvoiement qui n'avait plus de sens :

- " Non, s'il te plaît, ça suffit. Je ne veux plus te voir comme ça, avec tout ce que tu supportes à cause de Sherlock, il te fait du mal, il faut qu'il arrête...

Et Mycroft aussi avait répondu, avec un tutoiement si familier et naturel que Greg en avait eu le souffle coupé :

- Il n'y a pas que Sherlock, et toi aussi, tu en supportes beaucoup de sa part ...

- Oui, mais ce n'est pas la même chose... ", avait-il répondu. Puis, Il était parvenu à faire asseoir Mycroft, à s'installer près de lui et à lui faire boire le jus d'orange d'un plateau repas intact laissé là quelques heures auparavant. Regagnant des couleurs, reprenant petit à petit le verre dans ses mains, Mycroft ne quittait pas Greg des yeux.

- " Il faut attendre un peu, maintenant, mais surtout, reprends quelque chose à manger dans un moment, sinon ce sera pire. Je ne veux plus te voir comme ça, c'est clair ? " Son intonation, qu'il avait voulue sans appel sur la dernière phrase, se brisa complètement mais il souhaita encore une fois reprendre le contrôle des émotions qui le submergeaient. Et c'est d'une voix presque exaspérée qu'il chuchota :

- " Aussi impossibles l'un que l'autre, les frères Holmes ... "

Mais alors que l'officier de police s'attendait plutôt à un sourire ironique , il avait vu, stupéfait, le visage de Mycroft se décomposer, les yeux brillants de larmes contenues. Il respirait bruyamment, le regard vide. Sans réfléchir, Greg s'était approché de Mycroft et l'avait serré contre lui, comme pour le réconforter. Comme si, seul un contact physique avait pu alléger son désarroi. Abandonnant son habituelle contenance, Mycroft avait posé sa tête sur l'épaule de l'inspecteur, la chaleur de son souffle blessé brûlant la nuque de l'autre homme.

- " Oh, Greg..."

- " Ca va aller, Mycroft, ça va aller, calme-toi, calme-toi ", avait répété Greg inlassablement, comme une berceuse ...


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« Ca va aller, Mycroft, calme-toi » ... En inhalant la dernière bouffée de sa cigarette, dans ce petit matin glacial, Lestrade pouvait encore entendre ses propres paroles et sentir la respiration haletante de Mycroft Holmes palpiter contre sa nuque. Un moment était venu où Mycroft avait posé sa main sur la joue de son partenaire, cherchant à l'attirer encore plus près. Tous deux s'étaient encore approchés l'un de l'autre, puis Mycroft s'était penché, et Greg avait suivi son mouvement. Il se remémorait surtout de ce moment précis de la sensation de son propre coeur, comme bondissant hors de sa poitrine, alors qu'il enlaçait dans une étreinte rassurante cet homme qui, depuis des mois, allait et venait dans son esprit, dans une attente naissante. Une chaleur brusque s'était répandue dans son ventre. Et involontairement, il s'était durci et, en retour, avait discerné la même réponse chez l'autre homme. Mais Greg avait alors croisé leurs doigts et avait, au prix d'un effort immense sur lui-même, s'était légèrement reculé :

- "Attends... J'aimerais...enfin, qu'on ne fasse pas n'importe quoi, n'importe comment, tu vois... Et puis, il faut que j'aille aider les collègues à chercher ton frère, que je ramène John qui est bien inquiet aussi, il m'attend dans la voiture... Et quand tout ça ira mieux, enfin, si tu veux... si tu es encore..." 

Les mots s'étaient là aussi noués dans sa gorge, et Mycroft l'avait sans doute perçu, car il avait ajouté :

« Tu as raison... pour tout... Je t'appellerai. Et je te promets de faire attention, murmura-t-il dans un demi-sourire »

Et Puis Mycroft s'était repris. Il s'était levé, avait rejoint son bureau. Une main nerveuse réajustant sa cravate à demi dénouée. C'était de nouveau Mycroft Holmes, réservé, contenu, lointain ... Mais le regard de l'homme, quand il avait levé les yeux vers Greg Lestrade, avait signifié bien autre chose que cet éloignement forcé. Un étonnement, un désir, un champ de possibles prêt à éclore. Alors l'inspecteur l'avait regardé, avec un sourire apaisant :

- " Ca va mieux, Mycroft ? Et Mycroft avait répondu très simplement :

- Merci, oui, Grégory. "

Greg avait encore serré leurs mains jointes et était parti. A ce souvenir, l'inspecteur écrasa son mégot encore fumant sous son pied.

- " Sally, il nous reste combien de temps pour rejoindre Exeter ? "

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