Chapitre 39
J'ai pas le tempsss, mon esprittt, glisse ailleursss
Baptiste
Je n'arrête pas de penser à Amélie, et non au cours qui se déroule en face de mon bureau, qui devrait être nettement plus important pour moi et mon avenir. Mais ça fait déjà une semaine que nous sommes ensemble et je ne pense qu'à elle. Ses cheveux, ses yeux et ses lèvres, ses vêtements et son corps, ses joues et son sourire. Tout.
L'amphithéâtre est blindé, tout le monde est encore concentré malgré la fin d'année scolaire qui approche. J'essaye de reporter un peu mon attention sur le cours de droit international privé, ennuyant à mourir. Enfin non, ennuyant parce que mon cerveau est ailleurs, perdu dans des mèches roses.
Depuis que nous sommes ensemble, notre relation est assez particulière. En fait, j'ai l'impression que nous sommes beaucoup plus timides qu'avant, qu'on ne réagit pas pareil, plus hésitants. Si on arrivait à communiquer comme des amis avec des petits flirts, maintenant c'est un peu comme si nous étions des adolescents. Un baiser volé de temps à autre, une main prise avec hésitation, un sourire en coin. Tout est mignon, intimidant mais ça me plait. Je n'ai jamais connu ça, en fait. Amélie a déjà fini les cours, alors elle a commencé son entraînement pour les mondiaux. Sacha et Lissandre se sont proposés pour la coacher quand ils ne bossent pas, mais sinon elle doit assurer seule. Jocelyn a aussi tenté d'approcher le groupe, mais ses amis l'ont de suite congédiée, de peur qu'elle ne retourne à l'hôpital. Plus de peur que de mal, mais elle doit se ménager.
Alors Amélie passe ses journées sur l'eau à s'entraîner, seule ou accompagnée. Il me semble que Charline recommence à se traîner de temps en temps avec elle, mais à son rythme. Avec les convocations au commissariat, sa peur de recroiser Adam malgré tout et sa santé mentale fragile, je sais qu'Amélie y va mollo pour ne pas la briser. Mais après tout, c'est une planchiste. Un coup sur l'eau ne peut faire que du bien.
Je soupire et mon voisin de gauche me lance un regard noir. Décidément, ils ne sont pas tous sympathiques les Français. Le cours touche bientôt à sa fin de toute façon, et comme je suis près des marches, je vais pouvoir aller faire un tour. Objectif : vider la vessie. Le professeur nous dit à peine au revoir que la moitié de l'amphi se vide pour une pause méritée. Sans me faire prier, j'abandonne mes affaires pour vite rejoindre les toilettes et faire mon affaire. En sortant, le couloir est bondé et la queue devant les distributeurs ne cesse d'augmenter. Honnêtement, si j'avais été motivé, un café ne m'aurait pas fait de mal. Mais bon, trop la flemme de faire la queue pour un truc immonde et trop cher.
Bredouille mais soulagé, je retourne dans l'amphi, un peu dans les nuages, pour rejoindre ma place. Quand je l'atteins, deux mecs de dos me bloquent le passage, discutant juste devant mon siège. J'attends quelques secondes pour qu'ils me remarquent, mais personne ne semble se retourner.
— Excusez-moi ? demandé-je en soufflant discrètement d'agacement.
Personne ne me répond. Personne ne se retourne. Génial ! Saoulé, je touche l'épaule du plus grand, un homme à la peau sombre et les cheveux bien rasés, en espérant qu'il me sente par-dessus son sweat à capuche. Il ne sursaute pas, ne semble même pas étonné, et je le vois se tourner lentement vers moi. Quand ses yeux caramel s'accrochent au mien, le ciel me tombe sur la tête. Il se met à sourire comme jamais avant de me prendre dans ses bras, tapotant mon dos avec puissance. Quand il ouvre la bouche, je sais déjà qu'il va me parler en italien.
— Buddy ! Come va ? Abbiamo riconosciuto la tua borsa e il tuo computer, ma non eravamo sicuri. Ci sono molte aule in questa facoltà, impressionante. (Mon pote ! Comment tu vas ! On a reconnu ton sac et ton ordi mais on n'était pas sûr du tout. Y a pleins d'amphithéâtres dans cette fac, impressionnant.)
Je déglutis péniblement et tente de rendre son sourire à Ricardo. Paolo qui était resté muet jusqu'ici vient me saluer brièvement avant de reprendre la pose de beau gosse qu'il a l'habitude de faire.
— E le donne, mio Dio ! (Et les femmes, mon Dieu !) il intervient en s'humectant les lèvres. Avevo sentito dire che era una cosa francese, ma non volevo crederci finché non l'ho vista ! (On m'avait dit que c'était un truc les Françaises mais je ne voulais pas y croire avant de le voir !)
— Già... (Ouais...) marmonné-je en frottant ma nuque nerveusement en sachant que mon italien est un peu rouillé. Cosa ci fai qui ? (Qu'est-ce que vous faites ici ?)
— Non siete felici di vederci ? (Tu n'es pas heureux de nous voir ?)
Ricardo passe son bras autour de mes épaules avant de me secouer en riant. Ce que je craignais arriva, la moitié du monde nous observe avec beaucoup d'intérêt ce qui semble ravir mes amis. Être le centre de l'attention c'est leur truc à eux, ils savent qu'ils sont beaux et sexy, et ça se confirme en regardant les gens qui nous regardent d'un œil.
— Sì, sono felice, (Si, je suis content), m'exclamé-je en m'écartant de Ricardo. Ma ora sono in classe e non ho ricevuto alcun messaggio o altro, quindi non mi aspettavo di vederti. (Mais je suis en cours là, je n'ai pas eu de message ni rien, je ne m'attendais pas à vous voir.)
— È stata un'idea di Paolo, ci annoiavamo e volevamo venire qui per il mio compleanno, il quindicesimo, ricordi ? (C'est une idée de Paolo, on s'ennuyait et on prévoyait de venir ici pour mon anniversaire, le quinze tu te souviens ?)
— Sì, sì... Ma non siamo noi i quindici qui... Cioè, sono contento di vederti dopo tanti mesi di assenza, ma è il 27. Il tuo compleanno è tra quasi tre settimane, Ricardo. (Ouais, ouais... Mais on n'est pas le quinze là... Enfin, je suis content de vous est le 27. Genre, ton anniversaire est dans presque trois semaines, Ricardo.)
— Sappiamo che ! (On sait !)
Je commence à me sentir mal. J'aime mes potes, on a passé des bons moments, mais je n'ai pas envie de mélanger ma vie en Italie avec ma vie ici. Et puis, y a Amélie. Je connais mes amis, dès qu'ils la verront ils seront cons, c'est évident.
— E quando parti ? (Et vous repartez quand ?)
— Il 17 (Le 17), m'explique Paolo. Una pausa dalla festa e tutto il resto. (Pour se reposer de la teuf et tout ça.)
Mes deux amis se tapent dans les mains comme si c'était une preuve de leur virilité avant de rigoler en majuscule. Heureusement que notre professeur vient d'entrer dans la salle, le cours va commencer d'un instant à l'autre.
— Ragazzi, la mia lezione sta per iniziare e non posso svignarmela così. Non potete andare da qualche parte ad aspettarmi ? (Les gars, mon cours va commencer là et je ne peux pas m'éclipser. Vous ne pouvez pas aller m'attendre quelque part ?)
Les deux me regardent de haut en bas avant d'éclater de rire comme si j'avais fait la vanne de l'année. Je commence à regretter de les voir ici.
— Ma no, guarda. (Mais non, regarde.)
Paolo s'avance vers mon siège, prend les affaires du mec à ma gauche et celui encore à gauche puis les déplace vers le milieu où il y a quelques trous. Ricardo me passe devant et les deux s'installent sans honte d'avoir dégagé des mecs qui étaient là avant. Je soupire, regarde autour de moi sans remarquer mes voisins, et m'assoie avec honte sur ma chaise. J'espère au moins qu'ils ne vont pas faire trop de bruit pendant le cours...
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