Chapitre 19
Vibes de Damiano David, flow de 2Be3
Amélie
Je finis d'appliquer mon eye-liner rose sur ma paupière avant de poser une fine couche de mascara sur mes cils histoire d'avoir bonne mine. Cette douche a été un véritable don du ciel ! Après cette navigation plutôt épuisante et tout ce sel qui s'est collé à mon corps, j'ai trouvé grâce de sentir l'eau clair rincer le tout et le gel douche à la fraise épouser ma peau. Les gels douche moussant sont la meilleure invention de la terre entière.
J'attrape ma veste orange que j'enfile par-dessus ma robe roses aux motifs... de fraises justement, et me munie de ma super paire de basket à cœur. Me faire jolie me fait du bien, j'avoue.
Je descends en trombe dans l'escalier, constatant que je suis légèrement en retard mais je sens le regard de mes parents dans mon dos. Depuis le fameux dîner d'il y a quelques jours, j'essaye de les éviter au maximum. Je me sens un peu ridicule d'avoir eu un comportement si puéril surtout devant leurs amis sans raison apparente. Si je suis assez tendue en ce moment, je sais que ce n'est pas une raison suffisante pour excuser ce que j'ai fait. Au moins, Baptiste ne m'en veut pas de l'avoir menacé avec une arme blanche.
— J'y vais, je me sens obliger de dire en attrapant mon sac à bandoulière. Ne m'attendez pas ce soir.
— Où tu vas ? demande papa en posant le journal qu'il lisait tranquille.
Maman tourne la tête vers moi, intéressée par ce qu'il se passe sous son nez.
— Baptiste, le voisin, a plus ou moins réparé ma voile l'autre jour. Alors pour le remercier je l'emmène manger quelque part.
Papa essaye de dissimuler un léger sourire en remontant son journal vers son nez quand maman, elle, sourit de toutes ses dents.
— Passe une bonne soirée, ma chérie.
— Merci maman.
Je profite de cet échange pour littéralement fuir de cette maison avant qu'on ne devienne trop intrusif. Dehors, l'air se rafraichit mais il fait encore bon. Je cherche mes clés de voiture et monte dedans pour aller m'arrêter devant la maison de Baptiste, soit à deux secondes de chez moi. Je klaxonne comme dans les films et il sort en trombe, titubant à cause de la marche qu'il loupe. Je ris doucement quand il entre à mes côtés, les joues rosies de honte.
J'avoue qu'il est plutôt beau ce soir. Il a pris le temps de mettre une chemise noire à demi ouverte comme la dernière fois, révélant ses clavicules et le début de ses pectoraux. Son pantalon noir me donne encore envie qu'il se retourne pour que j'admire ce fessier et quant à ses yeux... j'aime bien quand il met du khôl dans sa muqueuse. Ça rajoute un petit truc.
— Tu es très jolie, me dit-il avec sincérité en s'attachant.
— T'es pas trop mal non plus, pour un idiot.
— Eh, oh, j'ai fait des efforts. Je pensais t'avoir fait changer d'avis en moins d'une semaine !
— Je n'ai pas changé d'avis, tu m'occupes.
Je mens ouvertement même si ce n'est pas faux. J'avoue que depuis samedi dernier, le fait de traîner avec lui de temps à autre, de le croiser en sortant les poubelles ou qu'il me parle à la voile, ça me fait du bien. Je sais que c'est mal, que je le prends comme pansement alors que Charline ne me parle presque plus, mais je ne peux pas m'empêcher. Plus le temps avance, et plus mon cœur prend Baptiste en otage pour combler la peine qui me submerge. Parce que ma meilleure amie me manque, c'est indéniable. Et même si je ne peux pas oublier comment l'italien s'est comporté à notre rencontre, quelque chose de supérieur me pousse à rester avec lui. Comme si c'était mon destin.
Foutue dépendance affective.
— Toujours du noir, on dirait, lâché-je en sortant de la rue.
— Et toi du rose. Heureusement que se sont des fraises et pas des poneys, tu aurais été capable d'être allergique à un motif !
J'explose de rire et lui tape gentiment l'épaule. Je profite de ce moment pour connecter mon téléphone à la voiture mais il me l'arrache des mains.
— Pas de téléphone au volant, c'est toi qui me l'as appris.
— Bien vu, Sherlock. Met ma playlist alors.
— J'espère qu'elle est aussi bien que moi.
Je lui lance un clin d'œil en prenant un rond point puis m'élance sur la voie rapide. Mon co-équipier lance ma playlist et c'est Billie Eilish qui se met à raisonner dans l'habitacle. J'ouvre la bouche pour chanter, incapable de me retenir mais Baptiste chante plus fort que moi, mon téléphone dans la main pour faire comme si c'était un micro.
— I try to live in black and white, but I'm so blueeeee.
— I'd like to mean it when I say I'm over youuu, complété-je en y mettant toute mon âme.
Nous continuons en cœur cinq bonnes minutes jusqu'à ce que j'arrive sur le parking d'un supermarché. J'abandonne Baptiste dans la voiture sans qu'il ne me reprenne et part acheter de quoi nous faire un apéritif sur la plage. Je prends une salade pour deux, si l'un de nous a encore faim après ce que je prends puis retourne à la voiture où on entend Baptiste hurler une chanson bien qu'il soit enfermé.
— TON PRÉNOM, EST INDÉLÉBILE DANS MES PENSÉES, crie-t-il en fermant les yeux à s'en faire couler le maquillage.
J'explose de rire en mettant tout dans le coffre puis le rejoins pour chanter la suite des paroles avec lui. Pendant une bonne demi-heure, il se laisse faire, ignorant totalement où je l'emmène. Nous passons le pont de l'Iroise, arrivons dans des petites campagnes avant que ce ne soit des routes plus sinueuses. Pas une seule seconde il ne s'arrête de chanter ce qui me rassure quant à la qualité de ma playlist. J'ai presque envie qu'on reste ici pour discuter et chanter ensemble, mais malheureusement ce n'est pas mon programme. Je tourne dans une sorte de champs entouré d'arbres et me gare dans les herbes hautes.
— T'es sûr que c'est un parking ça ? me demande enfin Baptiste, l'air peu rassuré.
— C'est pas un parking, mais ça va nous servir de parking. Regarde, y a une voiture là-bas en plus.
Je lui montre une vieille Clio qui semble avoir vécu de belles années avant de sortir. Je déteste sentir l'herbe sur mes jambes, sachant qu'il doit y avoir une demi-tonne d'araignées qui grouillent autour de moi. Je récupère mon sac à main, le sac de courses dans la voiture avant que Baptiste ne me le prenne, galant.
— Merci, marmonné-je en courant vers le sentier, hâte de ne plus avoir des centaines d'insectes sur moi.
Nous longeons le chemin pendant cinq minutes jusqu'à ce que celui-ci commence à descendre en pente douce, puis c'est la décadence. Je suis déjà venue là plusieurs fois, mais la descente est toujours compliquée. Je m'accroche à la sorte de corde mise à notre disposition et descends avec prudence, presque sur les fesses parfois quand c'est trop risqué.
— Merde ! lâche Baptiste avant que je ne me retourne et que je le vois sur les fesses.
J'éclate de rire et il se redresse difficilement, maudissant le rocher sur lequel il a glissé. La grève apparaît devant nous, mais le plus dur reste à venir. Un rocher en pente, presque entièrement lisse sur un bon mètre, nous permet d'y accéder. Seulement voilà, il glisse vraiment beaucoup. Le nombre de fois où je me suis vautrée dessus, je ne vous dis pas !
Je prends de l'élan et le peu de courage que j'ai sur le moment, puis dévale à toute vitesse le rocher. Je manque de trébucher plusieurs fois en arrivant sur les cailloux mais m'arrête de justesse avant de toucher la mer. Baptiste me regarde avec de grands yeux écarquillés, soudainement assez stressé.
— Donne-moi ça, j'ordonne en prenant le sac qu'il porte.
Je le récupère et m'écarte, mais à ma grande déception, Baptiste arrive à me rejoindre sans problème.
— Ça doit être un problème de petite personne, déclare-t-il avec un sourire mauvais.
Indignée, j'ouvre grand la bouche et me détourne de lui, bien prête à l'abandonner. Il me rattrape et prend mon poignet dans sa main pour que je me retourne. Je fronce les sourcils pour paraître énervée, mais je peine à retenir le rire qui menace de sortir de ma gorge.
— Tout ce qui est petit est mignon, non ? tente-il en riant doucement.
— Tu viens de dire que je suis mignonne ?
— T'as bien parlé de mon cul tout à l'heure.
— Touché.
Il me lâche et je lui indique un gros rocher près de l'eau. Je pose mes sacs à son pied puis tends deux bières pour qu'il les ouvre. Il enlève une partie de sa ceinture pour décapsuler les deux comme un pro alors que je sors un paquet de chips.
— Dis donc, tu t'y fais rapidement à la Bretagne toi, ricané-je.
— Qui te dit que je ne savais pas faire ça avant ?
— Tu n'as pas une tête à devoir ouvrir tes bières sans un vrai décapsuleur. Non, je pense même que tu en avais un en or en Italie.
— Tu me penses si riche que ça ?
— Ton père est chirurgien.
— Et alors ?
J'hausse les épaules mais il n'a pas tord. C'est débile les préjugés. J'attrape ma bière et m'assoie sur un caillou plus gros que les autres tout comme Baptiste qui se joint à moi. J'ouvre quelques autres paquets de gâteaux histoire de grignoter et trinque avec mon co-pilote.
— À ta réparation de voile !
— À ta force légendaire !
Nos bouteilles font un tintement quand elles se touchent et j'avale une gorgée du liquide amère. Baptiste pique quelques chips qu'il se met à grignoter avant d'ouvrir grands ses yeux verts, comme s'il avait eu la révélation du siècle.
— C'est quoi cette merveille ? demande-t-il en attrapant le paquet.
— Des chips fromage du Jura, tu connais pas ? J'avoue que je préfère les pesto mozzarella mais ils n'en avaient pas...
— Presque plus Italienne que moi.
Je ris doucement et pique la chips qu'il tenait dans sa main. Tout de suite, son visage se décompose et il porte une main à son cœur.
— Fais gaffe Amélie, à tout moment je sors un couteau et je te menace avec pour m'avoir volé cette chips !
J'éclate de rire et lui aussi, son rire rauque prenant vite le pas sur le mien. Le calme revient et nous observons en silence la vue devant nous. Il fait encore jour et beau mais on sent que la soirée arrive. Les lumières face à nous commence à éclairer de plus en plus le lieu, assez pour interpeller Baptiste.
— On est où au juste ? Je n'ai rien regardé tout à l'heure, j'étais trop occupé à chanter.
— Pas loin de la pointe d'Armorique, là t'as les Ducs d'Albe, j'explique en montrant les deux gros blocs de béton dans la mer en face de nous, et derrière sur la côte c'est l'Île Longue.
— C'est une île ?
— Pas vraiment, c'est juste le nom que ça porte comme c'est une presque-île, je suppose. Et c'est militaire donc fait pas le con.
— T'inquiète, je ne montrerais pas mon cul dans cette direction alors.
Nous rions de plus belle et les conversations commencent à devenir plus naturelles. Baptiste parle de son pays natal, de ses cours qui le passionnent et me partage les inquiétudes quant à sa sœur, Livia. Moi je lui parle des environs, des partiels qui arrivent et de mes craintes quant aux championnats du monde. Chacun se rassure comme il peut, et l'autre l'épaule. En fait, parler comme ça avec lui est plutôt plaisant. Il est loin d'être un ignorant et m'explique des choses pertinentes. Jusqu'à ce que la nuit tombe sur nous et que seules les lumières de la côte en face de nous éclairent, je ne vois pas le temps passer. Nous grignotons en buvant des sodas pour moi et lui des bières. Le seul moment de la soirée où je regarde mon téléphone, je constate qu'il est déjà plus de 23h, soit plus tard que ce que j'avais prévu.
C'est le moment que nous choisissons pour partir. La remontée est un peu laborieuse mais beaucoup plus simple que la descente. Baptiste s'est mis derrière moi parce qu'il a peur que je ne chute en arrière, comme s'il pouvait me rattraper...
Essoufflés mais en un morceau, nous quittons le pseudo parking qui en fait n'en est pas un mais sûrement un terrain privé très peu entretenu par ses propriétaires et je regrette déjà la soirée. C'est passé si vite ! Je ne pensais pas que se serait si agréable et que Baptiste serait de si bonne compagnie.
— Excuse-moi, dis-je alors que je m'élance dans la campagne.
— Pour ? Si tu parles des chips, j'ai presque envie de dire que c'est raciste de penser que je préfère le pesto et la mozzarella, s'exclame-t-il en riant.
Je souris mais au fond, il sait que je ne parle pas de ça.
— De t'avoir traité de con, j'ai mal réagi.
— Tu t'excuses pour ça ? Amélie, t'as totalement raison ! Je suis un con, c'est un fait. Le fait que tu me repousses autant, que tu me remettes à ma place pendant des semaines, ça m'a aidé plus que tu ne le crois.
Je baisse le son de la musique, l'incitant à poursuivre ce qu'il veut dire ? J'avoue être un peu perdue pour le coup.
— Je ne sais plus si je te l'ai déjà dit, mais je n'avais pas de bonnes fréquentations en Italie, ça m'a décidé à suivre ma famille. Mes potes... ils sont particuliers. Ils n'ont plus aucune notion de bien et de mal, je te jure c'est impressionnant ! Je me suis comporté comme un connard pendant des années jusqu'à ce que je me rende compte que j'ai changé. J'ai changé au point que je m'en suis rendu compte, t'imagine ?
J'acquiesce doucement, les yeux droits devant moi sur la route.
— Enfin bon, je ne voulais pas te traiter de grosse, t'es loin de l'être et t'es super canon même. Seulement j'ai merdé, je me suis comporté comme eux, comme je l'aurais fait s'ils étaient avec moi. C'est dégueulasse, je me suis senti tellement dégueulasse. T'avais toutes les raisons de m'en vouloir, tu as toutes les raisons de m'en vouloir. Je suis vraiment désolé, Amélie. Je ne le pensais pas.
— Je ne t'en veux plus, Baptiste.
Sa mâchoire se décroche et il m'observe avec inquiétude, si bien que je dois me faire violence pour ne pas tourner la tête.
— T'aurais pu continuer à te comporter comme un con, t'aurais pu me détester quand je t'ai menacé avec ce couteau. T'aurais pu faire tellement de choses après ça, mais t'as rien fait. Même si je ne me souviens pas totalement de tout, je sais que tu étais là quand j'ai pleuré ce soir-là. T'étais là après. Et t'es venu ce soir. T'es pas si con que ça, au final.
— Tu ne sais pas...
— Baptiste, dis-je en riant, tu as retenu que je suis allergique aux poneys ! Tu chantes du Billie Eilish dans ma voiture ! Et du Yseult ! Tu n'es pas un con. Tu ne peux pas être un con par le simple fait que tout ce que j'apprends sur toi me prouve le contraire.
— Merci, dit-il simplement dans un souffle.
Je remonte la musique et commence à chanter. Baptiste reprend avec moi les paroles, et nous hurlons à pleins poumons comme d'habitude. Si l'ambiance a changé, elle n'est pas pour autant lourde, bien au contraire. C'est comme si on c'était libéré d'un poids qui nous étreignait tous les deux.
Dans cette voiture, à presque minuit, je ris et chante avec un garçon sur du Destiny's Child, et je ne pense à rien. Je chante et danse au volant, je suis heureuse de souffler dans l'éthylotest quand des gendarmes nous arrêtent, et je chante de plus belle quand nous repartons sans problème. Parfois, je me risque à jeter un coup d'œil à Baptiste, je laisse mes yeux tomber sur sa moustache et ses lèvres jusqu'à ce que je m'en rende compte. Mais le pire, c'est que je souris. Je souris et j'emmerde tout le monde. J'emmerde Charline et Adam. J'emmerde Noémie. J'emmerde mes parents qui ne comprennent rien. J'emmerde Lays et ses séances de pumping. J'emmerde la fac, la voile et mon corps. J'emmerde tout ce qui rend ma vie telle qu'elle est, mais je souris. Je souris et je suis heureuse.
« If I surround myself with positive things, I'll gain posterity »
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