❧ Épilogue ❧
« Le bonheur et le malheur ne font qu'un. Seule l'illusion du temps les sépare. »
Eckhart Tolle
Je cours. C'est tout ce que je parviens à faire. Je cours. Pieds nus dans une forêt. Les brindilles acérées m'entaillent les pieds mais ma conscience m'ordonne de courir sans me retourner. Aucun oiseau ne chante dans la canopée au-dessus de ma tête, seul ma respiration saccadée semble troubler cet endroit verdoyant. Que fais-je ici ? Pourquoi cours-je ?
Je voudrais m'arrêter seulement je ne peux pas, mes jambes continuent de se mouvoir, voire accélèrent la cadence. Il fait chaud, l'air qui entre péniblement dans mes poumons est lourd. Nous sommes encore en été, j'en ai la certitude. Mais que fais-je ici ? Je devrais être morte et reposer en paix, pourtant...
— Par ici ! entends-je une voix grave et dissonante s'écrier derrière moi.
Je ne sais pourquoi ni comment mais je parviens a courir plus vite, au grand damn de mes pieds meurtris. C'est comme si je voulais fuir à tout prix cette voix masculine. Mes mains empoignent les deux pans de la longue robe pour ne pas trébucher. Mes poumons sont en feu, je veux m'arrêter. Lorsque des aboiements de chiens me parviennent aux oreilles, je ne m'autorise aucun répit. J'étouffe une plainte. Fonce, Elie !
— Nous allons te trouver ma jolie, se réjouit une autre voix grave, d'un air de jeu malsain.
J'entends des branches et des brindilles craquer de plus en plus proche de moi. Je n'y arriverais pas ! Puis un aboiement plus féroce se fait entendre et mon pied se prend dans une branche en travers de mon chemin. Je rencontre le sol sans ménagement, la respiration sifflante. Aussitôt, deux chiens a la gueule écumante grogne a mon encontre. Des chiens de chasse, remarqué-je avec horreur, dont je suis la proie.
— Tiens tiens tiens, rit une autre voix gutturale en s'approchant, les brindilles craquant sous le poids de l'étranger. Voilà la p'tite effarouchée !
Les canidés, au nombre de trois, m'encerclent et m'acculent contre un arbre centenaire. Je n'ai d'autre choix que de m'y coller. Des rires gras sont les seules choses que j'entends alors que cinq puis six silhouettes massives se plantent devant moi. Mon regard s'attarde sur leurs vêtements : bottes en cuir pleines de boue, pantalons de lin foncé, chemises amples sales et vestons sans manche à la coupe grossière. Je crois avoir atterri dans un mauvais film d'époque : Ils semblent tous tout droit sortis du dix-septième siècle...
— Alors, ma jolie, m'interpelle l'un d'entre eux en me donnant un coup de pied dans la jambe, on veux pas jouer avec nous ?!
Et tous se mettent à rire à gorge déployée. J'ai peur et mon regard affolé de part et d'autre de la forêt doit le leur montrer.
— Moi j'la garderais bien pour moi tout seul ! surenchérit un homme à la cicatrice parcourant l'entièreté de sa joue.
— Moi j'paris qu'elle est pleine de ressources, s'esclaffe un autre avec un regard intéressé sur mes jambes écorchées.
— Elle m'a l'air en bon état pour toi Gil, dit un autre en faisant une accolade à son voisin trentenaire.
Tous rient de nouveau. Aucun son ne sort de ma bouche, l'adrénaline bat dans mes tempes pourtant elle me paralyse.
— Moi j'essayerais bien la marchandise avant de m'prononcer, affirme un autre en s'accroupissant vers moi.
Je me recroqueville et recule contre le tronc a m'en enfoncer un bout de bois dans le dos. Ce rustre allait parvenir à toucher mon mollet lorsqu'une voix forte derriere lui l'interpelle :
— Ose la toucher et ce sera déduit de ta paye Art !
L'inconnu qui émerge du groupe lentement d'une démarche assurée est plus jeune. Il doit avoir un peu plus de la vingtaine et est mieux vêtu que les autres. Le rappel de sa presence fait s'écarter le groupe sur son passage comme preuve de son autorité sur des hommes qui sont pourtant ses ainés. Il porte une veste de cuir ouverte sur sa chemise brodée immaculée, signe de richesse. C'est pourtant leur accent à tous qui m'interpelle : cette manière de baisser l'intonation sur les « r », d'accentuer certaines syllabes et leur vocabulaire dépassé... Ils sont anglais ! Mais comment suis-je arrivée en Angleterre ?!
D'un regard froid, il fait reculer le dit Art d'un pas. Deux de ses hommes font reculer les chiens qui continuent pourtant d'aboyer en ma direction, écume au bord des babines retroussées sur des crocs acérés. Le jeune chef s'accroupit a son tour devant moi, me détaillant de la tête au pied sans aucune gêne. Ses cheveux mi long sont d'un noir de jais tandis que ses yeux d'un bleu polaire font courir sur ma peau des frissons de terreur. Deux de ses sbires m'encadrent et se saisissent de mes bras pour m'immobiliser contre l'arbre tandis que sa main fait pivoter mon visage sur le côté pour mieux le détailler. Je me débat avec force sous leur exclamations rieuses. Ils me qualifient d'exubérante avant de rire aux éclats. Lui pourtant me scrute, comme fasciné, et je ne détourne pas le regard du sien, par provocation ou bêtise. Sa main caresse même ma joue.
— Laissez-moi partir, trouvé-je la force d'affirmer, ma poitrine se soulevant a un rythme effréné.
— Ce n'est pas possible, je le crains, tranche-t-il calmement, ses yeux froids toujours ancrés dans les miens.
— Que me voulez-vous ?
Le jeune homme se lève sans m'accorder d'autre regard, un faible sourire étirant la commissure de ses lèvres fines. Son expression calme pourrait presque apparaître rassurante à côté de celle de ces rustres.
— Elle est parfaite. Emmenez-la, ordonne-t-il enfin en me tournant le dos et en s'éloignant.
— Non, ne me touchez pas, crié-je en me débattant alors que ces hommes me soulèvent du sol et me trainent à la suite de leur chef.
— Elle f'ra un excellent trophée à la collection chef !
— On va bien s'amuser, tu verras !
— J'adore toujours les p'tites nouvelles, elles ont un truc que les autres n'ont pas...
Les autres ? Mon sang se glace. Où suis-je ? Ou plutôt : quand suis-je ? En Angleterre au dix-septième siècle...me chuchote ma conscience. Je prie pour que tout ceci ne soit qu'un cauchemar.
Et c'est alors qu'une pensée s'impose à moi : J'aurais préféré la mort à ce qui m'attends.
Voilà la fin de Contre le Temps : 20's ! N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé en commentaire, en espérant que cette histoire vous a plu. J'ai envisagé le tome deux dès le début, les aventures d'Elie étant loin de se terminer ! Je compte sur vous ! Une partie vous invitant à répondre à un petit sondage sur cette histoire se trouve dans une des parties suivantes, cela me ferait très plaisir d'avoir votre ressenti sur mon histoire !
À Bientôt !
@WhiteFeather04
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