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❧ Chapitre 21 ❧




« En chacun de nous existe un autre être que nous ne connaissons pas. Il nous parle à travers le rêve et nous fait savoir qu'il nous voit bien différent de ce que nous croyons être. »

                            — Carl Gustav Jung


    Elie est partie. Je le sens. À mon réveil, je suis étendue dans mon lit. La commode a reprit sa place habituelle tandis que je remarque que la porte est étrangement tordue, je dois bien l'avouer. Sur un fauteuil amené à mon chevet, James, la tête renversée en arrière et les manches de sa chemise relevées sur les coudes, dort à poing fermé. Il a dû me veiller toute la nuit. Je me redresse et fais tomber en même temps le linge humide collé à mon front. Ma tête est affreusement lourde, toute énergie a visiblement quitté mon corps. Lorsque j'observe mes mains, mes bras puis mes jambes, je constate que je les vois sous un angle différent : je suis seule à les contempler, comme auparavant. Je suis la seule maitresse de mon corps, de mes pensées et de mes sentiments, à nouveau. À cette pensée, je souris. Toute cette histoire de possession, de ressuscités, de mort imminente est derrière moi, derrière nous. Je me lève sans faire de bruit et me contemple dans le miroir. Je suis effrayée par les traces qu'à laissé la tristesse d'Elie sur mon visage. Mes paupières sont gonflées, mes yeux sont encore rouges tandis que de grosses marques noirâtres descendent sous mes yeux. Il est vrai que j'avais sous-estimé la détresse de la jeune fille. J'espère qu'elle va bien où qu'elle se trouve ou encore qu'elle à pu retrouver son époque par quelque moyen. Ma vie reprend désormais son cours, comme avant. J'entends un grognement rauque derrière moi. Lorsqu'il constate que je ne suis plus là où il m'a laissé quand il a fermé les yeux, mon frère saute sur ses jambes avant de se détendre en m'apercevant. 


    — Céci', tu m'as fait une peur bleue, soupire-t-il en s'approchant pour me serrer dans ses bras. Quand tu es montée jusqu'ici, j'ai eu peur que tu ne fasses une bêtise et... Quand je t'ai vu inconsciente sur le sol, il y a eut ce sentiment au fond de moi qui pensait t'avoir perdu à tout jamais...

    — Mais je vais bien maintenant Jamie, tenté-je de le rassurer alors que sa prise sur moi se renforce comme s'il avait peur que je lui échappe.

    — Je ne pensais pas que cette histoire avec Aydan t'affecterait autant, j'ai toujours pensé que tu étais plus forte que cela, continue-t-il comme si je n'avais rien dit en saisissant mon visage de ses deux mains. Pardonnes-moi de ne pas avoir pensé que tu pouvais souffrir comme n'importe qui à ta place !


    Je lui souris faiblement et le prend dans mes bras à mon tour. Cette sensation m'avait tellement manqué. Mon frère rien que pour moi. Mes mots se précipitent sur mes lèvres pour lui témoigner ma reconnaissance et tout l'amour qu'il m'inspire. Ce sera toujours nous deux contre le reste du monde, et je n'ai jamais autant souffert que quand Elie prévoyait de le quitter. Pourtant, face à son regard inquiet, je ne peux m'empêcher de le rassurer :


    — Ne t'inquiètes plus Jamie, j'étais bouleversée sur le moment mais simplement car j'avais perdu de vue ma farouche indépendance, plaisanté-je ce qui eut le mérite de lui arracher un sourire.

    — Mais je comprends tout à fait que tu te sois sentie dévastée et c'est normal, rappelles-toi le soir où j'ai voulu tout détruire après que j'ai appris que Kathreen était fiancée ! (Nous rions de concert avant qu'il ne m'intime de me reposer.)


    En simple robe de chambre, je rejoins les draps qui m'appèlent de leur confort. James me lance un dernier regard avant de fermer la porte derrière lui ou plutôt de la laisser entre-ouverte, cette dernière étant désormais déformée. Soudain, une violente douleur me vrille le crâne, ma tête tourne si bien que mes mains tentent de soutenir mon crâne pour apaiser l'élancement. Je me renverse sur l'oreiller et sombre dans le sommeil, l'esprit comme flottant au-dessus de mon corps inconscient.




    J'ai passé la journée à somnoler sous la surveillance alternée de Marie-Anne et de James. Comme je m'y attendais, aucun de nos chers parents n'a prit la peine de voir comment j'allais. Je les imagine sans difficulté dire que ce n'était que « le caprice d'une petite fille gâtée pour se faire remarquer », contrairement à mon frère qui a décidé de rester à la maison pour veiller sur moi. Après avoir pris un peu de temps pour moi à me détendre dans un bon bain chaud, je décide de lire un livre, toujours alitée. Au fil de la journée, la fatigue s'est estompée et j'ai retrouvé mon énergie habituelle qui m'avait manquée. Je peux enfin retrouver toute ma mobilité et sentir chaque page sous mes doigts et le poids de mon corps dans la plante de mes pieds. Même la douleur que me procurent mes chaussures préférées me comblerait de joie en cet instant. Les seuls vestiges de la crise d'Elie sont de légers engourdissements dans mes mains et mon visage, mais c'est un bien faible prix pour avoir retrouvé mon corps. Alors que je tourne la dernière page d'un chapitre, James surgit à la volée devant moi :


    — Comment vas-tu Céci' ? s'inquiète-t-il en venant m'embrasser le sommet du crâne avec un visage curieusement fermé, loin du bonheur qui pouvait s'y lire lorsqu'il m'a retrouvé.

    — Beaucoup mieux Jamie... Que se passe-t-il ?

    Mon frère soupire en laissant sa veste pendre d'une main à une autre, l'air visiblement nerveux alors qu'il s'assoit à mes pieds, au bord du lit. Il est donc contrarié d'avoir à formuler ce qu'il a à me dire.

    — Je t'en pris James, tu m'inquiètes, le pressé-je d'un signe de tête.

    — Après ce qu'il t'est arrivé, j'ai...

    — Oui ? l'encourageais-je avec un sourire devant son air penaud que je ne lui connais que très rarement.

    — J'ai décidé de visiter Aydan pour lui en faire part et lui faire entendre raison, commence-t-il en soupirant, mal à l'aise. Je n'ai trouvé que porte close, son majordome m'a informé qu'il ne voulait voir personne, pas même son ami Monsieur Summershigh qui a tenté de le voir hier... Le vieil homme lui-même semblait inquiet pour lui. Je suis désolé Cécilia, sincèrement.


    Ce que me dit James me peine assez pour Aydan et Elie. Je tente de paraitre affligée et mon frère ne semble y voir que du feu. Je suis heureuse de constater que mes années de pratique ont payées. Je crois que l'on peut dire que cet incident entre les deux ressuscités les a profondément affectés, au point que personne ne pourrait comprendre leur détresse. Seulement, Elie s'étant à présent dissipée de mon esprit, je n'imagine pas perpétuer une quelconque relation avec ce pauvre Aydan.


    — Je suppose qu'il devait en être ainsi, murmuré-je en observant la réaction du brun. Merci infiniment d'avoir essayé Jamie, cela me touche... Cependant, je crois que toute cette situation n'a fait que nous montrer ce qu'aurait été notre vie si toute cette histoire avec Aydan s'était prolongée...

    — Tu es certaine que tout va bien ? s'exclame-t-il en s'approchant, à présent à genoux devant moi. Il serait tout à fait normal que cela t'affecte, tu sais. Tu peux compter sur moi Céci', tu auras toujours une épaule sur laquelle te reposer, toujours...


    Il prend mes mains dans les siennes et je ne peux soutenir ses yeux dans les miens plus longtemps. Je demande à être seule et parviens à lui faire quitter la pièce après l'avoir assuré que j'allais bien. Cette sollicitude chez mon frère me touche d'autant plus que c'est la première fois qu'il à l'air réellement impuissant. Quand nous étions plus jeunes, lorsque quelque chose n'allait pas, il n'y avait rien que James ne puisse m'acheter pour me consoler. Seulement nous avons grandi et nos soucis également. Je passe le reste de la journée dans mon lit, sous mes draps. Marie-Anne vient de sortir car elle a terminé sa journée de travail. Les étoiles constellent désormais le ciel noir et c'est le signal que j'ai tant attendu. Je jette loin de moi les couvertures et m'empresse de mettre mes salomés brillantes qui s'accordent à merveille avec la robe rouge et dorée dont je me suis secrètement habillée plus tôt. Une fois coiffée et parée, je sors discrètement pour descendre dans le salon. En passant devant la chambre dédiée aux invités, un souvenir lointain me remémore qu'Aydan y a dormi ainsi que notre double, à Elie et moi.


    Je n'ai pas revu Aimée depuis qu'Elie à été anéantie par sa perfidie. Peut-être cette traitresse a-t-elle décidé de fuir après ce qu'elle à fait subir à cette pauvre Elie, ou bien peut-être à-t-elle simplement disparu en même temps que la jeune fille du futur. Ma crainte de tomber nez-à-nez avec James ne m'effraie pas car je l'ai convaincue de passer du temps avec Kathreen lors d'une soirée relativement calme. Je me fige sur la dernière marche de l'escalier lorsque je tombe nez-à-nez avec un couple d'une quarantaine d'année. Rien d'étonnant à cela quand Père et Mère organisent de petites soirées avec leurs plus intimes connaissances. Je me saisis d'un chandelier allumé après m'être faufilée dans le petit salon, fort heureusement vide. Je peux entendre d'ici les éclats de rire grossiers et désinvoltes de mes parents et de leurs nombreux amis dans le grand salon de l'autre côté du hall. Je n'ose à peine imaginer ce qui s'y passe, et très peu pour moi ne serait-ce que d'y penser.  Telle un automate, j'incline le tableau de maître accroché au mur sur ma gauche jusqu'à ce qu'il dévoile devant moi le passage secret creusé dans le sol. Je m'y glisse silencieusement, habituée que je suis à l'emprunter presque chaque soir. La trappe se ferme dans mon dos et les mèches étincelantes du chandelier font leur office. Mes talons claquent de plus en plus vite sur la pierre. Seule ma respiration résonne dans ce dédale de couloirs étroits et poussiéreux.


    Lorsque j'arrive enfin sous la plaque de métal annonçant la sortie du passage, c'est avec une certaine difficulté que je la pousse. Une fois à l'extérieur, la fraicheur de la nuit me saisit de même que son humidité impressionnante. Mes pas précipités font crisser le gravier sous mes talons. Je retrouve aisément le chemin de mon repaire secret et l'excitation grandissante à l'idée de tous les revoir me comble. Seuls quelques lampadaires éclairent mon passage et cette vulnérabilité m'enchante curieusement. Ce sentiment d'interdit est exquis si bien que je ris toute seule. Plusieurs minutes de marche active plus tard, j'arrive dans le quartier de la ville regroupant les habitations beaucoup plus modestes de banlieue. Guidée par l'habitude, je frappe à la porte d'un petit immeuble de deux étages en brique rouge. Une minuscule trappe dans le bois s'ouvre et me permet d'apercevoir le regard ennuyé du propriétaire.


    — Mot de passe ? s'enquiert-il d'une voix morne et quelque peu grincheuse.

    — Vive la prohibition, comme toujours !

    — Cécilia ? s'exclame-t-il soudain comme s'il sortait enfin de sa torpeur.

    — La seule et l'unique, souris-je.


    Et la lourde porte en bois de s'ouvrir sur mon vieil ami Oscar la seconde suivante. Je me glisse à l'intérieur sans perdre un instant pour voir le cinquantenaire m'accueillir à bras ouverts dans le vestibule.


    — Cela faisait une éternité que nous ne t'avions pas vu Cécilia, constate-t-il tristement en se détachant de moi. Tu nous as tous beaucoup manqué, tu sais !

    — J'imagine bien Oscar, seulement nous dirons que j'étais... ailleurs ces derniers temps.

    — Et bien, ailleurs ou pas, ce soir est à toi ! m'informe-t-il en me précédant dans la petite maison qui m'a si souvent accueillie.


    Nous déambulons à travers plusieurs couloirs étroits aux murs défraichis avant de nous arrêter devant une double porte en bois verni, jurant avec le reste de la maison. Oscar s'empresse de l'ouvrir dans un grand mouvement de bras après m'avoir destiné un clin d'oeil. La musique rythmée résonne à travers un immense phonographe, l'objet le plus estimé de la collection de mon vieil ami. La petite foule d'habitués boit comme toujours à outrance si bien que certains commencent déjà à tituber. Certains couples d'amants s'isolent dans chaque coin tranquille de la pièce tandis que d'autres rient aux éclats couvrant presque la musique joyeuse. J'ai toujours aimé l'interdit et l'aspect informel de ces soirées intimes seulement réservées à quelques connaissances d'Oscar. C'est d'ailleurs pour cela que j'y allais si souvent avant l'arrivée d'Elie, c'était mon refuge -à moi et pour moi seule. Je n'ai jamais osé en parler à James même si j'ai toujours su qu'il aurait adoré l'idée. Cependant, maintenant que mon frère est fiancé à Kathreen, il semble qu'il veuille se ranger. Alors que je me sers une coupe de champagne doré et pétillant à souhait, du mouvement attire mon attention à côté de moi :


    — Cécilia Bloomingdale ! crie une voix aiguë que je ne connais que trop bien. Dites-moi que je rêve ! Que diable t'est-il arrivé durant tout un mois ?

    — Evelynn ! m'exclamé-je après avoir bu précipitamment une gorgée de ma coupe. Quel plaisir de te revoir !

    La jeune blonde me prend dans ses bras et je lui rend son étreinte. Je dois bien admettre qu'elle m'avait manqué elle aussi. Elle est tout simplement resplendissante dans une magnifique robe dorée et une paire de salomés en soie beige.

    — Tu aimes mes nouvelles chaussures ? Mon père me les a acheté chez un cordonnier français lors de son voyage à New York, me confie-t-elle avec un sourire éclatant.


    Il est vrai que j'ai toujours admiré la beauté de mon amie de longue date même si Mère l'aurait à coup sûr rabaissée à cause de sa grande jalousie pour toutes celles qui ont le malheur d'être plus jeunes et jolies qu'elle. Même si Evelynn vient d'une famille plus modeste que la mienne, je ne peux m'empêcher de l'envier : ses parents l'ont toujours aimé et la couvre de cadeaux depuis que son père à fait fortune dans le textile. Les miens ne se sont jamais ne serait-ce qu'inquiéter de savoir s'ils m'avaient manqué à leur retour de voyage.  Evelynn m'observe curieusement alors que je finis d'une traite le contenu de mon verre.


    — Mais peut-être ta longue absence est-elle liée au fait qu'un certain riche et jeune entrepreneur ne t'ai courtisée, suggère-t-elle en sirotant sa coupe, des yeux rieurs levés vers ma personne.

    — Mais comment...?

    — Les rumeurs vont vite à La Nouvelle-Orléans, tu devrais le savoir mieux que quiconque Cécilia, rit-elle.

    — Premièrement, il ne m'a pas courtisé, commencé-je en positionnant une cigarette sur un porte-cigarette posé sur une des nombreuses tables du salon. Deuxièmement, il n'y aura jamais rien de plus avec lui, conclus-je en tendant le bras pour qu'un inconnu l'allume avec une allumette. Et troisièmement, il n'est pas le seul à avoir attiré mon attention, éclaté-je de rire en même temps qu'elle après avoir aspiré une bouffée de la précieuse fumée de ma cigarette.

    — Comment cela ? Deux hommes t'ont fait la cour ? s'offusque-t-elle en se redressant subitement, les yeux agrandis par la surprise alors que je me contente de hocher la tête, les sourcils haussés. Et bien, soupire-t-elle, tu es toute excusée Cécilia ! Je ne ferais jamais mieux en un mois seulement...


    Une fois encore nous rions à gorge déployée mais cela ne choque personne dans cette pièce. La porte de la maison d'Oscar passée, il y a plus aucun protocole, plus aucune bonne manière ou classe sociale qui tienne. Et c'est cela que j'aime. Alors que je porte la longue tige d'ébène à mes lèvres d'un air nonchalant, Evelynn me tire au milieu du salon en m'enjoignant à monter avec elle sur un des riches sofas de la pièce. Nous nous faisons tournoyer en sautant sur les ressorts d'un canapé de velours marron. Chaque rebond -ou plutôt chaque infraction au parfait comportement d'une jeune fille de bonne famille- me fait un bien fou. Je ris lorsque toutes les cendres de ma cigarette s'envolent de manière désordonné sur le sol. Les verres d'alcool et les drogues en tout genre s'enchaînent et le monde se transforme alors sous mes yeux. Tout m'apparait plus brillant, plus attrayant et surtout beaucoup plus joyeux. Les rires des invités se joignent à la musique et parviennent à mes oreilles en échos lointains mais mélodieux. Ma vision, quoique floue par endroit, est envahie de jeunes gens beaux et profitant de tout ce que la vie a à offrir. Bientôt, toute une foule d'hommes et de femmes se joignent à moi dans une danse endiablée sur la grande table à manger en acajou d'Oscar. Ce dernier rit d'ailleurs à chacune de mes frasques plus extravagantes les unes que les autres. Ici aucune bienséance n'est permise si bien que chaque individu du groupe se colle et danse contre son voisin sans aucune gêne.


    Soudain, un vertige me saisit et m'oblige à m'asseoir au bord de la magnifique table prête à céder sous le poids des danseurs. Les morceaux de charleston sortant du phonographe ne me parviennent qu'étouffés par un sifflement aigu qui ne semble par vouloir quitter mes oreilles, me forçant à fermer les yeux. Tout tangue autour de moi si bien que mon corps trouve de lui même le sol sous ses genoux. Bien sûr personne ne me prête d'attention et je n'en attendais pas moins de la part des noctambules qu'ils sont tous, moi y compris. Une douleur lancinante me transperce le crâne et je grimace en espérant qu'appuyer sur mon front la fera passer. Tout tourne tant autour de moi que je n'ai envie que d'une chose : m'allonger sur le sol et dormir. Oscar m'aperçoit et m'aide à me relever, lui qui reste toujours sobre lors de ses soirées pour éviter tout débordement.

    — Tout va bien Cécilia ? me sourit-il sincèrement.

    — Je...oui, merci Oscar, murmuré-je une fois la souffrance dissipée. Je crois que...

    — Tu ferais mieux de rentrer, c'est cela ? finit-il à ma place. Oui cela semble préférable. Mais saches que ton enthousiasme et ton grain de folie avaient manqués à mes fêtes pendant un mois, rien n'est pareil sans toi, rit-il doucement en m'aidant à marcher jusqu'à l'entrée du petit immeuble, sourire que je lui rend faiblement. Tu es sûre de pouvoir rentrer toute seule ? s'enquiert-il en jetant des oeillades aux deux extrémités de la rue tranquille et sombre.

    — Oui ne t'inquiètes pas, le trajet n'est pas long jusque chez moi...

    Un faible pincement étire mes lèvres dans le but de le rassurer. Avant de refermer le battant derrière moi, le cinquantenaire au crâne quelque peu dégarni retourne sur ses pas :

    — J'espère ne pas avoir à attendre encore un mois avant de te revoir Cécilia. Prends bien soin de toi !

    — Merci Oscar, sans tes fêtes je crois que ma vie aurait été un supplice sans fin depuis longtemps... À demain, promis, souris-je avant de m'éloigner.  


    Mes pas sont plus hésitant qu'à mon arrivée dans le quartier et par chance, je ne fais aucune mauvaise rencontre sur le chemin. C'est la deuxième fois de la journée que ces douleurs à la tête se déclenchent et je me demande de plus en plus si tout cela ne serait pas lié à cette histoire de ressuscités. Enfin, j'aperçois le toit de la demeure derrière la haie et mes pas se font de plus en plus pressés. Je prends grand soin de refermer la porte d'entrée sans un bruit sans quoi James m'interdirait de me rendre seule à ce genre de soirées illégales. L'alcool est encore bien présent dans mon organisme, et l'obscurité régnant dans la maison n'aidant en rien, je ne cesse de me cogner contre les meubles. Un ricanement puérile et incontrôlable s'échappe de mes lèvres et je pris intérieurement pour que personne ne m'entende. Il n'y a plus aucun signe des nombreux invités de mes parents et j'en conclus qu'ils ont dû s'exiler dans un endroit plus tranquille pour la suite de leurs réjouissances. Une fois devant la porte de ma chambre et après avoir laborieusement monté les escaliers -sans incident majeur heureusement-, je donne un petit coup de hanche contre le battant le faisant s'ouvrir.


    — Et dire qu'Elie avait tant de mal à l'ouvrir, ricané-je, les doigts cherchant l'interrupteur et bientôt surprise par une sombre silhouette trapue dans un coin de la pièce. Oh mon dieu ! Qui êtes...?

    Son visage usé par les ans, sa peau mate et ses vêtements peu ouvragés ne me sont pas inconnus. Malgré l'alcool embrumant ma mémoire, je me force à fouiller mes souvenirs à la recherche de cette femme que je jurerais avoir déjà vu.


    — Monique ? tenté-je en me convainquant qu'il s'agit bien de la sorcière à qui Elie aimait rendre visite.

    — On pourrait croire que tu ne me reconnais pas, me défie-t-elle en plissant ses yeux impressionnants d'un air sévère et soupçonneux.

    La plus puissante sorcière de la ville s'est mise en tête d'aider Elie et Aydan à retourner à leur époque respective et je ne me vois pas vraiment lui annoncer que le sort de la jeune fille est désormais scellé, surtout que cela pourrait m'attirer un mauvais sort de sa part.

    — Pourquoi m'attendiez-vous dans ma chambre ? Et dans le noir qui plus est ? l'interrogé-je en feignant la décontraction en m'asseyant devant ma coiffeuse pour me démaquiller.

    — Voyons Cécilia, arrêtez ce petit jeu avec moi, je sais à qui j'ai affaire.

    Je vois la vieille femme s'avancer vers moi dans mon miroir, aussi je me fige.

    — Comment avez-vous su ? m'inquiété-je en plissant les paupières.

    — Auriez-vous oublié que je suis une puissante sorcière ?

    — Donc vous savez qu'Elie est retournée à son époque ?

    — Elie n'est jamais partie d'ici, avoue-t-elle sérieusement, me forçant à lui faire face. Je sais que vous souffrez de maux de tête depuis quelques temps, j'ai eu plusieurs visions aujourd'hui.

    — Vous voulez dire que c'est Elie qui m'inflige ces douleurs ? insinué-je, surprise.

    — Pas volontairement, conclut-elle de sa voix étrangement grave et imposante. Je sais ce qui est arrivé avec Aydan et ce Monsieur Summershigh...

    — Henry, murmuré-je, dans mes pensées en la coupant sans m'en rendre compte avant qu'elle ne se racle la gorge pour ramener mon attention sur ses dires.

    — Les maux de têtes que vous ressentez sont en réalité les signes que l'âme d'Elie est en train de disparaitre de votre corps. Elle s'efface progressivement...

    — Cela semble une bonne chose non ?

    — Oh non, me prévint-elle en secouant la tête d'un air triste. Ne vous êtes-pas demandé pourquoi vous aviez retrouvé le contrôle de votre corps ?

    — Je pensais qu'Elie était rentrée chez elle par je ne sais quel revers du destin et...

    — Sa douleur était telle qu'elle n'a pas pu gardé l'ascendant sur votre personnalité, voilà la vérité. La trahison d'Aydan l'a anéantie au point qu'elle ne pouvait plus assuré le contrôle de votre corps.

    — Et en quoi cela est-il ma faute ? commencé-je à m'énerver. Je n'ai jamais demandé à... cohabiter avec une parfaite étrangère, dans mon propre corps de surcroît ! Si elle disparait, cela ne peut qu'être en ma faveur...

    — Je ne vous imaginais pas aussi égoïste Cécilia, se durcit-elle soudain en s'approchant de moi de manière à ce que nos visages ne soient qu'à une vingtaine de centimètres l'un de l'autre.

    — En quoi serais-je égoïste de vouloir récupérer mon corps et ma vie ?!

    — Elie n'a pas plus demandé cette situation que vous : elle est morte dans le futur et l'univers lui a donné une seconde chance, ne la saisiriez-vous pas à sa place ?

    — Et même si je le voulais, comment Elie pourrait-elle revenir ? tenté-je, un drôle de vide au creux de l'estomac à l'idée de laisser une personne mourir en toute conscience.

    — La seule chose que vous pourriez faire est de vous effacer assez pour que la personnalité d'Elie puisse ressurgir.

    — Vous rendez-vous compte qu'Elie à été brisée par sa situation actuelle, éclaté-je. Je ne suis même pas certaine qu'avec toute la bonne volonté du monde et jusque la répression totale de mes émotions, celles d'Elie ressortent. Son âme est si effacée qu'elle est à peine perceptible, soupiré-je finalement, je le sens.

    — Nous avons assez attendu, déclara Monique de but en blanc d'un air pressé. Plus le temps passe et moins nous avons de chance de la récupérer, il faut le faire maintenant.

    — Pourquoi tenez-vous autant à la faire revenir ? me renfrogné-je soudain.





    Toute expression quitte soudain le visage ridé de la sorcière et seul un profond soupir traverse ses lèvres épaisses alors qu'elle s'assoit sur mon lit d'un air las. L'incompréhension doit se lire sur mon visage car mon interlocutrice se sent le besoin de m'expliquer après un long silence.





    — Elie est une jeune femme charmante, généreuse et altruiste. Elle n'a pas mérité son sort et je m'en voudrais si je la laissais disparaitre une seconde fois. En temps que sorcière, je me dois de mettre mes dons au service de personnes admirables comme cette jeune fille qui m'a un jour aidé à porter mes paquets jusqu'à ma boutique en dépit de nos différences, murmure-t-elle le regard dans le vague. Son regard ne m'a jamais reproché ma couleur de peau, elle a toujours eut à coeur d'aider les autres et rien que l'idée de les faire souffrir la terrifie... Son coeur est pur et en rencontrer un comme le sien est si rare sur Terre que c'est un grand honneur que de l'avoir aidé ne serait-ce qu'un peu lors de ma courte existence...

    — Il est vrai qu'Elie ne méritait pas son sort et que j'aurais pu recevoir pire confidente, m'adoucis-je un peu en souriant pour moi-même. Mais vous ne savez aucunement ce que c'est que d'être emprisonnée dans votre propre corps et pourtant, de ne pas en être maîtresse. Cette dualité à été atroce pour moi : je ne pouvais même pas être moi-même avec les personnes que j'aime ou même ne serait-ce qu'exprimer mes sentiments à voix haute... Je sais que cela vous importe peu mais je ne suis pas prête à sacrifier le reste de ma vie à vivre dans l'ombre d'une autre et à subir ses décisions, objecté-je, ma confiance volant en éclats devant la vielle femme de couleur.

    — Je comprends votre... commence-t-elle avec un regard compatissant.

    — J'en doute ! conclus-je avec force avant qu'elle ne décide de se lever, comme vidée de toute énergie.

    — Votre décision étant déjà prise, je ne vous importunerais pas plus longtemps Cécilia. (Une fois devant la porte, celle-ci s'arrête et fait volte-face :) Sachez seulement qu'Elie a encore tellement à accomplir, l'histoire de ces deux jeunes Passeurs temporels ne peux finir comme vous le souhaitez à présent. Pensez qu'en décidant d'arrêter leur destin aujourd'hui, vous condamnez deux âmes soeurs à la tristesse éternelle. De plus, si je peux me permettre, votre sacrifice ne serait pas vain car toute cette situation tragique disparaitrait de nos mémoires à tous lorsque Elie aura empêcher sa mort. Vous pouvez bien évidemment décider de vivre votre vie dès maintenant avec la mort d'Elie sur la conscience ou bien de viser plus grand que votre propre existence en aidant l'avenir... Ce choix vous appartient, seulement je tenais à vous dire que jouer avec le temps est un pouvoir qui nous dépasse tous et que vous pourriez y jouer un grand rôle si vous le vouliez. Si vous aidez Elie, tout jusqu'à cette discussion n'aura jamais lieu et vous pourrez vivre votre vie comme si de rien n'était car rien ne ce serait jamais passé pour nous autres spectateurs.


    Sur ces paroles, la plus grande sorcière de La Nouvelle-Orléans s'en va, me laissant seule en proie à un dilemme dont je n'ai jamais voulu. Si je choisis de m'effacer, je sauve une vie et ne trouble pas la mienne cependant je devrais laisser quelqu'un décider de ma vie pendant les soixante prochaines années. Si je refuse, Elie mourra et ma vie sera toujours la même malgré tout. Un nouveau mal de tête me vrille le crâne mais plus faiblement cette fois.

    « Il faut le faire maintenant » a dit Monique. Je repense à James, Henry, Evelynn et malgré moi à mes parents qui ne m'ont pourtant jamais accordé la moindre attention. Ils me manqueront c'est certain mais comme l'a dit la sorcière, je peux servir un dessein plus grand que le mien.

    Mon choix est fait. Une fois allongée sur mon lit, je ferme les yeux et me laisse envahir par le vide. « Ne plus penser à rien, laisser Elie reprendre sa place et me faire discrète », voilà les pensées qui m'obsèdent. Je sens mon esprit être happé dans le vide, mon corps ne plus m'appartenir et disparaitre de mon contrôle dans une absence totale de sensations physiques. Mon corps glisse et échappe désormais à ma volonté. Je disparais.





    Mes yeux s'ouvrent enfin et une larme glisse sur l'une de mes joues. Toutes les sensations me submergent en une seconde seulement, comme si je venais de me réveiller d'un long sommeil. Je me redresse sur le lit et sens une immense tristesse au plus profond de moi. Cependant, cette tristesse me pousse à me battre. Me battre pour empêcher ma mort. Alors que je souris faiblement, une pensée s'impose à moi et je soupire :

    — Merci Cécilia !











Bonjour à tous ! Voilà un nouveau chapitre, assez conséquent je dois dire, mais j'espère qu'il vous aura plus !

Je voulais également vous remercier mille fois, à l'image du nombre de vues que l'on vient de franchir sur Contre le Temps : 20's ! Merci beaucoup à vous, vous m'êtes d'un grand soutient et je vous en suis très reconnaissante ! J'espère que mes écrits vous plaisent toujours autant et que vous continuerez à suivre mes différents projets à l'avenir !


Bonne journée à vous !

WhiteFeather04

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