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❧ Chapitre 18 ❧


« Nous savons ce que nous sommes, mais nous ne savons pas ce que nous pouvons être. »

— William Shakespeare


Assise sur les marches menant à l'entrée de la maison, j'attends patiemment l'arrivée de mon chauffeur. On peut dire qu'il n'a pas pu refuser ma demande hier, au téléphone, l'air complètement affolé. Je me demande ce qu'il y a de pire sur Terre, mourir ou découvrir que l'être qui vous a arraché la vie ne vous était pas inconnu. Une sensation de vide ne m'a pas quittée depuis hier et je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi Shawn a fait cela. Je ne lui ai jamais causé aucun tord, ce serait même plutôt le contraire. La lueur de haine et de rage dans ses yeux me revient et je sais que ce genre de personne préfère voir mort l'objet de sa convoitise plutôt que de le partager. C'est donc cela, la jalousie. Cette sensation dévorante, cette violence de l'esprit, ce désir incontrôlable de posséder quelque chose peut-elle conduire au meurtre ? J'en suis la mortelle mais regrettable preuve. La tristesse et la colère me font serrer les poings à en blanchir mes jointures. Si le bayou de Krick River n'avait pas été magique, je n'aurais été qu'une autre pauvre victime découverte des années après et ma mort n'aurait été considérée que comme le fruit du parfait hasard. J'ai la chance d'avoir ressuscité cent ans dans le passé pour rattraper le crime d'un meurtrier au sourire carnassier. Rien que d'imaginer sa main sur ma joue me donne envie de vomir puis de pleurer toutes les larmes de mon corps. Seulement quelque chose m'en empêche. Cécilia. Je sens sa volonté l'emporter sur la mienne et m'intimer de tenir bon, de ne pas donner raison à un être aussi méprisant que Shawn. Une chose est sûre : je me vengerais. La vengeance est un plat qui se mange froid Shawn et un centenaire d'attente ne le rendra que plus glacé, crois-moi !


Aydan, en beau costume de soirée malgré sa non-invitation, conduit sa belle voiture vernie comme à son habitude. James ne viendra pas avec nous ce soir, je ne tiens pas à le convier à cette fête où seule la mort doit avoir sa place.


J'ouvre ma portière sans laisser le temps au jeune homme de sortir pour le faire.

— Tu peux démarrer, soupiré-je, le regard droit devant moi.

— Tout va bien Elie ? s'enquiert-il une fois que nous sommes dans la rue.

— Mis à part que je connais désormais celui qui ma tué, je dirais que tout va bien, craché-je avec amertume, le regard sur lui.

— Comment l'as-tu su ?

— Je me suis rappelée un détail. Aussi minime qu'il puisse paraitre, il m'a guidé jusqu'à cette conclusion. Un crissement de pneus que j'avais déjà entendu auparavant...

— Et qui étais-ce ? Pour toi j'entends... se risque le brun, un regard furtif en ma direction.

— Celui qui faisait de ma vie au lycée un enfer, murmuré-je la voix brisée ce qui à le triste mérite de le faire tourner vers moi.

— Je suis désolé Elie, souffle-t-il en cherchant ma main pour la presser dans la sienne. Tu lui feras payer, c'est bien la seule certitude que tu peux avoir...

— Mais mon seul regret est que je devrais attendre cent maudites années avant Aydan ! Cent ans ! Et tout cela par sa faute ! Il m'a privé de ma famille, de ma vie... À croire que me rendre la vie impossible au lycée n'était pas déjà assez, il a fallu qu'il m'ôte également l'existence, la seule chose que je pouvais contrôler, conclus-je alors que ma voix se décide encore à déserter et mes larmes à monter. (La pression dans ma main se renouvèle chaleureusement alors que mon ami m'observe, désolé.)

— Seulement, commence-t-il doucement, si tu n'étais pas morte ce jour-là, tu n'aurais jamais pu accomplir la plus merveilleuse des actions sur Terre : redonner l'envie de vivre à un homme comme moi...


Mon visage, dont les joues sont striées de larmes, se relève, ébahi. Il ne cessera jamais de trouver des qualités chez moi alors que les siennes sont tellement plus belles à mes yeux. Son regard hypnotique rencontre le mien et me promet que tout ira bien désormais. Je ne peux que le croire puisqu'il sera à mes côtés. Je croise ses doigts aux miens et amplifie la pression entre nos mains, mes yeux ne se détachant pas des siens.

— Merci Aydan.

— Crois-moi j'aimerais être le premier à détruire ce malade à coup de batte de baseball... se renfrogne-t-il en reportant son attention sur sa conduite.

— Tiens c'est une idée plaisante, m'exclamé-je. Elles sont toutes les bienvenues !


Il énumère alors toutes les options qu'il envisagerait à ma place et je ris à chacune d'elles. J'essuie mes larmes nerveusement tandis que nous arrivons devant la propriété de Northwood. Shawn pourrait tout à fait être son descendant car ils partagent tous les deux la folie et la cruauté. Aydan se gare plus loin dans la rue car sa vue à la fête et en ma compagnie pourrait éveiller des soupçons plus que fatals. Toute la demeure est entourée d'une haie de plusieurs mètres de haut et je ne peux réprimer la pensée que c'est pour mieux emprisonner les personnes présentes à l'intérieur. Nous sortons du véhicule et Aydan vient se poster devant moi. Il me tend un mouchoir en tissus extrait de sa poche de veste lorsqu'il m'entend renifler. Je le remercie d'un hochement de tête.


— Essuies-moi ces larmes de ce magnifique visage, murmure-t-il, son visage proche du mien et ses mains sur chacune de mes joues. Personne ne mérite que tes larmes coulent pour elle, tu m'entends ? susurre-t-il doucement en glissant ses pouces sur ma peau pour en chasser les perles d'eau.

Ces mots ne font l'effet d'un tranquillisant aussi bien pour mon corps que pour mon esprit embrumé de pensées négatives. Il a un tel pouvoir sur moi que cela devrait être impossible. Son sourire me réchauffe, sa joie est la mienne, sa tristesse me détruit, sa présence me rend ma raison de vivre tandis que son absence me tue à petit feu... Je lui souris en retour.

— Voilà le sourire que je voulais voir !

Nous sommes si proches que nous pourrions nous embrasser. Encore une fois. Pourtant Aydan s'écarte de moi avant de me prendre dans ses bras. Je lui rend son étreinte, les yeux fermés pour mieux apprécier les mouvements circulaires qu'il exerce dans mon dos de sa main. Je sens pourtant la pression de la fiole de poison qui est dans mon sac. Il est temps de faire face à notre destin, ensuite nous aviserons. Une part de moi voudrait ne jamais lâcher Aydan et ne pas empoisonner l'homme qui veut notre mort.


— Tu es sûre de vouloir faire ça ? me demande mon partenaire une fois en face de moi.

— Encore une fois : oui. Il le faut. Pour notre liberté, pour ma vengeance future, pour tous ceux que nous aimons et que nous espérons retrouver : oui.

— Waouw, tu as bien failli me convaincre de ne pas m'inquiéter, plaisante-t-il en ramenant ses cheveux en arrière.

— C'est un grand talent chez moi, ris-je en m'éloignant en direction de l'ouverture dans la haie.

— Comme celui de me rendre fou ! crie-t-il cette fois, le rire dans la voix.


Je cache ma gêne en lui tournant le dos, un immense sourire étirant mes lèvres. Cette réplique à au moins le mérite de me donner du courage alors que j'arrive devant cette immonde mais aussi magnifique bâtisse. Les invités arrivent toujours plus nombreux devant le porche vertigineux. Les voitures se garent en ligne dans l'attente de pouvoir déposer leur prestigieux passagers. Tout est tel que je l'ai laissé la dernière fois : façades de briques brunes percées de nombreuses fenêtres, colonnes blanches à volutes accordées aux doubles portes marquant l'entrée. On pourrait croire que je commence à m'habituer à cette maison. Enfin, je ne serais que plus heureuse de sortir de là que d'y rentrer. Je ne veux pas laisser le temps au stress de monter et cherche activement le sujet de toutes mes angoisses. Je fend la foule déjà alcoolisée alors que la fête ne vient que de commencer. Je vois Northwood, une dizaine de mètres devant moi, en grande discussion avec d'autres hommes de son âge. Je les vois éclater d'un rire gras alors que je saisis à la volée une coupe de champagne sur le plateau d'un serveur. À bonne distance de lui attendent ses hommes de mains, tout de noir vêtus et le regard fixe sur leur petit protégé. Il va falloir que je me débarrasse d'eux. Je bois une longue gorgée du liquide pétillant avant de m'élancer.


— Edwin, m'écriai-je en m'immisçant dans le groupe exclusivement masculin - Quels misogynes ! Vous voilà ! Bonsoir messieurs, continué-je avec un grand sourire.

— Mademoiselle Bloomingdale, quelle agréable apparition, n'est-ce pas messieurs ? demande-t-il à l'attention de ses « amis ».

Ils ne peuvent qu'approuver, bien évidemment. Sinon, nous connaissons tous les conséquences. La main de Northwood entoure ma taille et je me force à ne pas ciller. Ce soir, mon sourire est mon seul ami. L'entrepreneur nous excuse auprès du groupe et nous dirige vers le hall. Nous voilà seuls.

— Votre invitation m'a laissé penser que je vous manquais mon cher ami...

— En effet Cécilia. Notre dernière rencontre m'a laissé comme un goût de trop peu, presque de manque je dirais...

Sa « déclaration » me dégoûte au plus haut point pourtant je n'en laisse rien paraitre. Nous traversons le hall où de nombreux invités saluent le maître des lieux, avant de progresser dans un couloir plus exigu, moins officiel.

— Où allons-nous ?

— Dans un endroit plus tranquille, je suis sûr qu'il vous plaira...


L'appréhension monte progressivement tandis que nos pas nous mènent dans un couloir aux nombreuses portes. Northwood romp tout contact pour ouvrir la dernière, la plus éloignée du bruit. Et de tout secours, pensé-je. À l'intérieur, un majestueux bureau en chêne massif trône au milieu de la pièce. Derrière, une immense fenêtre à double battant offre une vue imprenable sur le jardin et en particulier sur le porche par lequel je suis entrée tout à l'heure. Je n'avais pas remarqué cette fenêtre à mon arrivée. En face du bureau, un mur barré de nombreuses étagères fait office de bibliothèque. Northwood ne me quitte pas des yeux alors que j'examine la pièce dans ses moindres détails. Soudain, je remarque une table en verre dans un coin où se trouvent plusieurs bouteilles et verres. Voilà ma chance. Je finis ma coupe d'une traite.


— Je suis assoiffée, pas vous ?

— Un bon bourbon n'a jamais fait de mal à personne, rit le cinquantenaire.

— Laissez-moi vous servir, souris-je malicieusement en appuyant ma main sur son épaule, pour son plus grand plaisir.

Une fois devant la table, je retiens ma main de trembler alors que j'ôte le bouchon d'une bouteille de whisky pour en servir deux verres. Je sens le regard pesant de Northwood dans mon dos et je comprend qu'il va être compliqué de verser le poison dans son verre s'il n'arrête pas de m'observer.


— Pourriez-vous m'indiquez quel est le livre que vous préférez ? Je ne sais pas vers quelle oeuvre me tourner. Auriez-vous des conseils ?

— Je ne savais pas que vous aimiez lire ma chère...

— J'aime à croire que je suis une femme pleine de surprise ! souris-je faussement alors que mon ennemi s'oriente vers sa collection.

— Quel genre de livre aimez-vous ? Non, laissez-moi deviner : Roman d'amour ?

Mes mains s'empressent d'ouvrir mon sac et de trouver la fiole. Je tente de calmer ma respiration du mieux que je peux tandis que mon pouls bat dans mes oreilles à toute allure.

— Mmmh pas vraiment. Avez-vous des romans d'aventure ? m'empressé-je d'ajouter alors que je parviens enfin à verser quelques gouttes dans l'un des verres.

— Cela ne devrait pas m'étonner, rit Northwood en faisant volte face alors que j'ai à peine le temps de jeter le flacon dans la poche de mon sac.


J'arbore mon plus grand sourire en avançant vers lui, le verre empoisonné à bout de bras. Il hoche la tête en signe de remerciement tandis que j'observe le liquide ambré comme s'il allait changer de couleur entre ses mains. Il parcours des yeux chacune des tranches soigneusement disposées devant nous alors que je l'observe à la dérobée, guettant le moment où le liquide empoisonnée coulera dans sa gorge, lui assurant une mort lente. Les secondes passent et rien ne se produit, il continue de parler de littérature comme s'il avait toujours vécu pour vivre ce moment.

Moby Dick d'Herman Melville, ajoute-t-il en sortant l'oeuvre de l'étagère à sa gauche. Un chef d'oeuvre à mon sens. Je vous le confie si vous voulez.


Son sourire tordu et grossier découvre des dents légèrement biaisées et je réprime un frisson d'horreur à cette vue. J'accepte le livre à la magnifique couverture de cuivre en le remerciant comme une jeune femme docile de la bourgeoisie le ferait. En temps normal, j'aurais admirer la reliure et le grain du papier sous mes doigts pourtant, à ce moment, je n'éprouve que de l'indifférence pour un objet qui est passé entre des mains malhonnêtes. Mon whisky dans une main, le livre ouvert à la première page dans l'autre, je me dirige vers le bureau avant de m'arrêter devant la fenêtre, face aux jardins. Mon sang se glace lorsque j'aperçois Aydan en face de moi, agitant les bras dans ma direction. Ses lèvres bougent frénétiquement sans que je ne perçoive aucun son. Le jardin et l'allée semblent avoir été désertés par le personnel et les invités tandis que je remarque les traits crispés, presque affolés de mon ami. Son corps m'indique une direction, un objet derrière lui, caché par l'une des façades de la maison que je ne peux discerner. Je pose mon verre sur le bureau. Il tente une nouvelle fois de me dissuader du bien-fondé du risque que je m'apprête à prendre. Ma paume trouve d'elle-même la surface fraiche et transparente qui me sépare de lui. « Je suis désolée » est la seule phrase que je parviens à articuler alors que mes yeux expriment toute la peine que je ressens à le blesser de la sorte. Tout son corps se relâche brusquement, l'air abattu et éteint. Ses bras retombent lourdement le long de son corps avant que sa tête ne s'agite de droite à gauche, m'implorant une dernière fois de renoncer à ce que je m'apprête à faire. Mais c'est trop tard : la marche inexorable du destin à commencé. Avec un dernier regard, je tire le voilage devant la vitre, brisant tout contact visuel avec Aydan. Je m'assois sur le bord de la surface boisée du bureau, tentant en vain de me focaliser sur le sens des mots que je relis inlassablement.


— Vous m'avez l'air dans vos pensées Cécilia, glisse Northwood d'une voix grave en venant se poster devant moi.

— En effet...soupiré-je avant de reprendre une voix subitement enjouée. Mais je propose de porter un toast, qu'en dites-vous ? À cette soirée, m'écrié-je en levant mon verre devant moi, et au destin car il m'a permis de faire votre rencontre !


Nous entrechoquons nos verres dans un léger tintement de cristal. Je porte l'alcool aussi doucement que possible à mes lèvres tout en observant Northwood faire de même. Il va boire, j'en ai la certitude. Il va mourir, nous serons sauvés, j'atteindrais mon époque... Mais soudain, le vieil homme gras éloigne le poison de lui et le pose sur le bureau, à côté de ma jambe, les yeux plissés et le sourire dans la voix lorsqu'il ajoute :

— Seulement, Cécilia, je me demandais si nous ne devrions pas mieux apprendre à nous connaître... Approfondir cette relation si j'ose dire, dit-il en accentuant chaque syllabe alors que je déglutis bruyamment, prise de court alors que ses mains entourent mes poignets avant de glisser jusqu'à mes coudes puis mes épaules.

— Vous savez Edwin, ne pas boire à un toast porte malheur... tenté-je, un frisson d'effroi remontant mon échine, ce qui le fait sourire, narquois.

— Je pense que je pourrais rencontrer vos parents, qu'en dites-vous ? propose-t-il en ignorant pertinemment mon intervention.

— Euh... Il faut... Il faut que je leur parle en premier lieu, improvisé-je alors que mon cerveau lui crache silencieusement tout un tas d'insultes, ses mains caressant sereinement mes clavicules jusqu'à arriver à mon cou.

— Oui, ce serait pour le mieux ! conclut-il d'une voix rassurée, aux anges. Mais je m'interroge, Cécilia, commence-t-il d'une intonation nouvelle, presque taquine.

Je le regarde, médusée. Il pense vraiment pouvoir épouser une femme de moins de la moitié de son âge. Ses doigts rugueux, répugnants, trouvent ma nuque tandis qu'il approche son visage dangereusement du mien. Reculer serait admettre mon dégoût pour lui, aussi je me fige.

— Je me demande ce que pensera Aydan Costerhidge de cela, jubile ce monstre alors que je crois avoir mal entendu.

— Qui ? Je ne connais...

— Ne jouez pas à l'innocente avec moi, continue-t-il d'un ton calme alors que ses mains resserrent leur étau autour de mon cou. Je vous ai fait suivre. Tout le monde sait que vous vous voyez souvent, que vous êtes très proches, comme si...murmure-t-il soudain. Comme si vous veniez du même monde.

Je comprend soudain. Il ne me reproche pas seulement de voir Aydan, son ennemi juré, mais il sait aussi que je suis une ressuscitée. Il m'a à porter de main, il va me tuer. L'air se raréfie dans mes poumons, le livre tombe sur le sol dans un bruit sourd.

— Je vais tuer jusqu'au dernier tous ceux de votre espèce, vous n'êtes que des abominations ! siffle-t-il avec dégoût tel un serpent étouffant lentement sa proie.


J'ai échoué. C'est la seule pensée qui traverse mon esprit. Nous sommes condamnés. Mes mains enserrent ses poignets épais pour les faire lâcher prise alors que ma trachée est écrasée par la pression douloureuse de ses doigts. Je vais mourir, il me torturera puis me brûlera vive. Je repense alors à ma famille, à Aydan qui m'attend dehors et qui se fera sûrement capturer à son tour, voire même tuer sur l'instant. Ma conscience me hurle de réagir, de me battre. Alors que des points lumineux commencent à danser devant mes yeux, je trouve la force d'abattre mon genoux entre ses jambes. Le meurtrier s'écarte et tombe sur le sol devant moi dans un grognement étouffé. Mes pieds me conduisent d'eux-même jusqu'à la porte alors qu'une toux incontrôlable s'échappe de ma gorge. Tout le reste me semble se dérouler comme dans un rêve. Mon corps flotte, ou court, dans le couloir que nous avons emprunté quelques minutes auparavant. Je tente de reprendre une respiration convenable lorsque mon corps percute un autre de plein fouet. Je connais cette silhouette par coeur. Aydan. Ses bras me serrent instinctivement contre lui avant de me regarder sous toutes les coutures.

— Est-ce que tout va bien ? Tu n'as rien ? Est-ce qu'il à osé te toucher ? débite-t-il à une vitesse incroyable que je n'arrive pas à comprendre immédiatement.

Des points dansent encore devant mes yeux, m'empêchant de voir correctement son visage inquiet. Mon corps est mou, comme vidé d'énergie alors que l'air afflue de nouveau dans mes poumons. Je hoche la tête pour seule réponse, ce qui lui suffit pour me prendre la main et se mettre à courir vers la sortie de la demeure. Je me force à l'arrêter.

— Attends... soufflé-je alors que le jeune homme se retourne, coupé dans sa lancée, pour m'observer, les sourcils froncés et les traits graves par l'incrédulité. Northwood... Il est à notre portée, enfin. Il est seul et nous sommes deux, nous...

— Non, son ton est tranchant et je ne réagis pas tout de suite, de peur d'avoir mal entendu. Il faut que l'on te mette en sécurité, continue-t-il en tirant sur ma main. J'ai appris quelque chose, viens !


Son humeur se fait pressante tandis que nous trottinons jusqu'à la sortie. Lorsque nous passons devant la foule d'invités, aucun ne semble nous avoir remarqués. Nous courons presque en traversant le perron puis les graviers qui crissent sous nos chaussures. Je ne peux m'empêcher de jeter un dernier regard à la fenêtre qui donne sur le bureau de ce démon. Et c'est là que je vois la masse informe qui constitue sa silhouette, nous observant sereinement, sans bouger. Comme s'il avait prévu tout cela. Je crois même discerner un rictus diabolique sur ses lèvres. Puis il disparait derrière la haie que nous venons de franchir. Nous montons dans la voiture et Aydan se charge de nous éloigner le plus possible de cette maison.

— Que s'est-il passé ? l'interrogé-je en retournant la situation.

— Il sait tout. Qui nous sommes, qui tu es... Je ne sais pas comment il a fait mais...

— Qu'as-tu vu Aydan ? l'interrompis-je, un peu plus sèchement que je ne l'aurais voulu tandis que l'angoisse semble avoir prit le dessus chez mon ami. Ses yeux sont ancrés sur la route, imperturbables, et seule ses mains qui tremblent de colère trahissent son état intérieur.

— Lorsque tu es entrée, j'ai décidé d'attendre dehors au cas où il se passerait quelque chose et... J'ai vu la voiture de Northwood : la même dans laquelle nous avons vu Aimée et son mystérieux collaborateur dans le vieux carrée. À l'instant où je l'ai compris j'ai deviné que Northwood savait et j'ai tenté de t'avertir...

— Et tu en es sûr ?

— Aussi certain que je te vois à ce moment, fit-il en se tournant vers moi, toute la sincérité dont il puisse faire preuve se reflétant dans ses prunelles ambrées.

— Mais ç'aurait pu être la voiture d'un des invités ? tenté-je.

— Dans le garage personnel de Northwood ? demande-t-il, amer.

C'est à ce moment que tout se met en place dans ma tête. Les disparitions soudaines et particulièrement longues d'Aimée, ses mensonges quant au but de ses sorties... La fois où nous l'avons surprise dans le vieux carré à bord d'une voiture de collection avec un homme curieusement dissimulé. Cela ne peut vouloir dire qu'une seule chose...

— Aimée est complice avec Northwood, affirme Aydan d'une voix glaçante.

— Il... Il faut que je lui parle. Ce n'est peut pas ce que l'on croit, tenté-je de l'apaiser. Je vais essayer de mettre tout ça au clair, j'irais lui demander des explications.

— Cela expliquerait comment ce psychopathe de Northwood aurait su pour notre relation, pour toi...


Même si ce qu'il me dit me parait cohérent et fondé sur une part de vérité, au fond de moi, je sais qu'il y a une explication plausible à tout cela. Aimée ne pourrait jamais faire cela : elle tient trop au logement que je lui fournis, au confort que je lui offre sans oublier que nous l'avons sauvé de sa situation dans la rue. Soudain, les paroles de Monique me reviennent en mémoire tel un boomerang : « Quelqu'un te trahira ! ». Je revois l'air méprisant d'Aimée à mon égard lorsque je suis revenue chez les Bloomingdale, sa jalousie lorsqu'il est question d'Aydan, ses mensonges. Il se pourrait que mon double ne nous dise pas toute la vérité c'est vrai mais je ne peux me résoudre à statuer sur son sort sur de simples suppositions. Tandis que je réfléchis, le silence règne dans le cabriolet, seulement interrompu par le ronronnement des pneus sur le goudron neuf et les bruissements de l'air frais de cette soirée à nos oreilles. Instinctivement, je porte la main à mon cou qui commence à m'élancer. Je ressens encore la pression des doigts de Northwood s'enfoncer dans ma glotte. Enfin nous arrivons devant la maison des Bloomingdale, mon seul phare dans toute cette histoire : c'est le seul endroit qui reste un refuge pour moi, impassible et fiable, il ne pourra jamais être un ennemi. Quelques lampes éclairent l'entrée de part et d'autre de la porte et le long de la façade, donnant à la demeure toute sa prestance même dans cette nuit étoilée. Nous descendons chacun du véhicule pour nous retrouver sous le porche soutenu par des colonnes immaculées. Seule la faible lumière des lampes nous éclaire. Aydan prend la parole le premier alors qu'il me fait face :

— Je ne t'ai même pas demandé comment la soirée s'était passée pour toi, remarque-t-il dans un soupir, affligé. Comment Northwood a-t-il réagit maintenant qu'il sait que tu es une ressuscitée ?

— On peut... commencé-je d'une voix brisée avant de m'éclaircir la gorge et de déglutir difficilement, non sans douleur. On peut dire que cette soirée aura été un échec... Il m'a prise au piège sans que je ne vois rien arriver, je... je pensais avoir le contrôle de la situation mais il faut croire que ce n'était qu'une illusion, ris-je, pathétique.

— Est-ce qu'il t'a fait du mal ? me demande-t-il soudain sérieusement inquiet en caressant mes bras mais je me rappelle que ce ne seront jamais les mains de Northwood.

— Non, murmuré-je en baissant la tête. J'ai eu de la chance, je me suis enfuie avant, mentis-je.


Après m'avoir adressé l'un de ses sourires les plus charmants dont je ne pourrais jamais me lasser, le beau jeune homme me prend dans ses bras. Au moment où ma gorge rencontre son épaule, je ne peux m'empêcher de grimacer en silence. J'essaye d'apprécier son étreinte qui se fait de plus en plus régulière en ce moment, même si ce n'est pas pour me déplaire. Son menton repose sur mon crâne et j'oublie toute cette affreuse soirée. J'aimerais rester comme cela pendant des heures et le voir sourire comme il ne le fait plus depuis longtemps maintenant, l'affaire Northwood nous ayant tous les deux pour le moins préoccupés. Au moment, on nous nous séparons, son sourire s'estompe aussi vite qu'un coup de massue à mes yeux.

— Ne me mens pas Elie !

Ses yeux sont accusateurs, ses traits se durcissent et c'est la pire sensation que j'ai jamais ressenti : voir son visage aussi déçu et à la fois en colère contre moi. Ses doigts soulèvent mon menton avant de venir caresser la peau fine de ma gorge. Ses yeux se baladent sur chaque parcelle de mon cou à une vitesse incroyable, sans que je ne comprenne pourquoi. Je crois même les voir s'humidifier.

— Aydan...

— C'est ce monstre qui t'as fait ça, constate-t-il plus pour lui-même en reculant. Par ma faute ! Je n'aurais jamais dû te mêler à toute cette histoire ! s'écrit-il à présent ses mains passants nerveusement sur son visage.

— N'oublies pas que c'était ma décision, ajouté-je d'un ton qui se voulait ferme pour tenter de le rassurer.

— Il a faillit te tuer ce soir Elie et je n'étais même pas là pour l'en empêcher !

— Mais tu es tout de même venu me chercher ! Tu as essayé de me dissuader, tu m'as prévenu du danger mais j'ai décidé de t'ignorer, de continuer jusqu'au bout malgré tout...

— Et je n'aurais jamais dû te laisser ! C'était une erreur de ma part, de croire que nous pourrions parvenir à nous débarrasser de Northwood ensemble...

— Peut-être... Mais je ne regrette pas mon choix, affirmé-je posément. Nous avons fait ce que nous avons pu et peut-être même que nous y parviendrons une autre fois. Il me reste du poison et...

— Et quoi ? crache-t-il amèrement. Nous allons passer notre vie à essayer de tuer Northwood avant que lui ne le fasse, c'est ça ?

Je cherche la moindre trace de calme et de sens dans ses yeux mais le jeune homme n'est pas en état de réfléchir. Il vient de voir son dernier espoir partir en fumée et la peur semble avoir prit le dessus sur lui. La peur de perdre la seule personne qui peut le comprendre dans cette histoire, la peur de mourir une seconde fois. Nous avons beaucoup à perdre dans cette histoire et Aydan à l'air d'en être plus conscient que moi. Il me tourne le dos, ses yeux fixés sur les jardins même si je suis certaine qu'il ne les voient pas. Soudain, l'air plus apaisé, il se tourne vers moi et avance d'un pas lent, presque hésitant. Il prend délicatement mes mains dans les siennes.


— Elie, je suis désolé de te demander cela encore une fois mais je pense que notre meilleure chance de nous en sortir est de fuir. Du moins juste le temps que Northwood... disparaisse, complète-t-il enfin. Nous reviendrons ensuite, je te le promet et nous pourrons nous épargner la mort. Il y a quelques jours, tu m'as accordé ta confiance et j'aimerais que tu me l'accorde encore une fois...

Serais-je assez audacieuse pour accepter ? Voilà ma question. Sa proposition est la chose la plus folle que l'on m'ait jamais proposé. Fuir avec lui, vivre chaque seconde avec lui, laisser libre cour à mes sentiments... Je ne suis toujours pas certaine de ces derniers pour lui mais il m'apparait clair que je ne pourrais ressentir que de l'amitié pour Aydan. Nous avons dépassé cela et depuis longtemps. L'espoir est clairement ancré dans ses yeux.


— Je ne t'ai jamais donné de réponse à cette question Aydan et j'en suis désolée. Je sais que tu mérites mieux mais je ne sais même pas si je serais capable de partir à la découverte de l'inconnu du jour au lendemain. J'ai toujours vécu ici, dans cette région, et j'ai ce sentiment, cette part de moi qui a peur, qui appréhende de quitter tout ce qu'elle connait...tenté-je de m'expliquer, la panique de même que la peur de le blesser montant progressivement face à son visage impassible. Et qui te dit que tu me détestera peut-être pas ? Que tu ne pourras plus me supporter après quelques jours ? Ou que me côtoyer ne te comble pas comme tu l'avais espérer ? Et si...

— Arrêtes Elie, m'intime-t-il en approchant son visage du mien de sorte que seuls nos fronts se touchent. Jamais je ne pourrais te détester et encore moins me lasser de toi... Tu es la personne la plus forte, la plus joyeuse mais aussi la moins confiante et timide que je connaisse, rit-il soudain légèrement. Mais je ne me vois pas continuer à vivre les soixante-dix prochaines années sans toi...

Mes yeux trouvent les siens instantanément. Je sens mes joues s'échauffer en même temps que mes larmes montent.

— Mais nous connaissons déjà la date de notre séparation, murmuré-je tristement. Je ne sais pas si je serais capable de surmonter ton départ Aydan. L'instant que nous sommes entrain de vivre est une chose mais le futur en est une autre.

— Et que voudrais-tu faire ? me demande-t-il tout aussi calmement. Te condamner à subir les cent prochaines années à souffrir, seule, plutôt que de vivre milles aventures et moments de joie... avec moi ?

Mes paupières se ferment instinctivement, mes yeux me brûlent. L'incertitude me saisit aussi violemment que la brise légère du soir me glace. La solitude. Je l'ai déjà connu. Je l'ai haïe. Et je ne veux plus la connaitre.

— Laisses-moi jusqu'à demain pour réfléchir s'il-te-plait...


Je le supplie de tout mon être de comprendre, de ne pas me haïr de le faire souffrir. Je lui sourit faiblement en m'éloignant vers la porte d'entrée alors que nos mains ne semblent pas vouloir se lâcher. Je lis de la compréhension mais aussi un immense doute mêlé à la tristesse dans ses yeux alors que je le quitte. Pourquoi est-ce si difficile ? Alors que je monte l'escalier en marbre du hall, j'entends la voiture démarrer avant que le son ne s'estompe au loin. Il faut maintenant que j'ai une petite discussion avec Aimée.

Je frappe trois petits coups sur la porte adjacente à la mienne avant d'entrer et je suis aussi surprise de trouver mon double endormis dans son lit que de constater qu'elle ne s'est pas enfuie. Je m'assoie sur le bord du matelas avant de la secouer doucement.


— Qu'est-ce que tu veux Elie ? grommèle-t-elle en remontant la fine couverture sur son nez bien que l'humidité soit omniprésente dans la pièce.

— Je dois te parler... au sujet de Northwood, continué-je et à ces mots, son sommeil semble s'évanouir aussi vite qu'elle se redresse en tailleur.

— Que sais-tu au juste ? m'attaque-t-elle presque.

— Rien. Je vous ai vu tous les deux, dans la même voiture, il y a quelque jours dans le vieux carré et je me demandais d'où vous connaissiez-vous ?

— Et pourquoi veux-tu savoir cela ? Qui je fréquente ne te concerne en rien...

— Pas quand tu joues avec mon image, m'énervé-je comme si j'avais affaire à une enfant de quelques années à peine, ce qui lui fait lever les yeux aux ciel avec insolence.

— Bon, si tu veux tout savoir... J'ai rencontré Monsieur Northwood par hasard alors que je me baladais dans le vieux carré, dit-elle et je l'encourage à continuer d'un haussement de sourcil. Il m'a tout de suite prise pour toi, Cécilia, et il avait l'air de bien t'apprécier, alors j'ai profité de la situation pour passer du bon temps, me raconte-t-elle avec une sorte de fierté supérieure qui m'étonne d'elle.

— Étais-ce la première « rencontre » que vous organisiez lorsque je vous ai vu ? la questionnais-je en essayant de masquer le dégoût dans ma voix.

— Non, affirme-t-elle avec un long silence suspect. Cela fait quelques semaines déjà...

Je comprend à présent qu'Aimée semble attirée par les hommes "d'âge mûr", disons. Elle n'est donc pas de mèche avec notre ennemi. Il semble qu'Aydan ait eu tort. Aimée est seulement prête à tout pour obtenir une vie meilleure ou du moins plus confortable. Cela explique donc pourquoi Northwood semblait si familier avec moi durant les fêtes. Cependant, un détail me chiffonne : pourquoi n'en a-t-il jamais fait mention lors de nos rencontres. S'il « me » voyait plusieurs fois par semaine, pourquoi n'en faisait-il pas référence le soir ?

— Je dois te demander d'arrêter de te rendre à ces rendez-vous et de cesser tout contact avec Monsieur Northwood, et ce dès à présent, conclus-je d'une voix dure, tranchante.

— Pourquoi ? s'écrit mon double cosmique avec rage. Tu n'as aucun droit sur moi ni sur qui je dois fréquenter !

— C'est pour ta propre sécurité ! Northwood est un homme dangereux, violent ! Il pourrait te faire du mal...

— Je ne te crois pas ! me coupe-t-elle avec persistence.

— Si tu ne me crois pas, alors peut-être que ces marques sur mon cou te convaincront ? protesté-je en désignant la zone meurtrie, ce qui a le mérite de la surprendre alors qu'elle analyse ma peau, ses lèvres frémissant presque en sourire, pourtant je crois avoir halluciné lorsqu'elle arbore enfin un air sérieux et navré. Je pense que tu comprends pourquoi je te demande de ne plus l'approcher...


Pour toute réponse, mon sosie hoche la tête. Je me lève donc en lui souhaitant une bonne nuit lorsqu'une idée me vient : si je partais avec Aydan, Aimée pourrait prendre ma place, ou plutôt celle de Cécilia, et personne ne remarquerait mon départ de même que la réputation de la jeune fille serait intacte. Je souris malgré moi en me dirigeant dans ma chambre. Seulement, il semblerait que le choix de ma fuite ne dépende plus que de moi désormais. 




Bonjour à tous ! J'espère que tout se passe bien pour vous ! J'espère en tout cas que ce chapitre vous aura plu ou vous aura permit de faire passer le temps en cette période trouble ! Comme d'habitude si vous avez aimé : une petite étoile et/ou un commentaire, ça m'aide beaucoup à progresser. 

Bonne journée à vous ! 

WhiteFeather04


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