❧ Chapitre 17 ❧
« Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur. »
— Winston Churchill
Henry m'a rendu visite de plus en plus souvent depuis notre soirée à la plage tandis qu'Aydan s'est fait remarqué par son absence. Nous nous sommes énormément rapproché tandis qu'une barrière invisible semble maintenant me séparer du jeune ressuscité. Assise dans une des chaises en ferraille blanche de la terrasse, je réfléchie, les yeux clos pour apprécier la douce chaleur des rayons du soleil sur mon corps. Je refuse une fois de plus le grand chapeau à bord large que Marie-Anne s'acharne à me voir porter. Pourquoi vivre en Louisiane si ce n'est pour profiter du beau temps ? Je souris faiblement avant de retomber dans mes réflexions puis j'allonge mes jambes sur la chaise en face de moi. Le jardin est l'absolu contraire de ce qu'il se passe dans ma tête : tout est d'apparence si calme. A vouloir plus de temps pour réfléchir à la proposition de départ avec Aydan, ce dilemme semble nous éloigner, comme si j'avais choisi de dire non et qu'il était parti sans moi. Cette absence me ronge, je ne sais pas ce qu'il fait, s'il est heureux ou s'il m'en veut. Au contraire, Henry est présent pour moi, compréhensif alors qu'aucun soucis ne semble pouvoir l'atteindre. Notre relation est légère alors qu'Aydan me rappèle constamment ce qui m'attend dans le futur, la complexité de la vie, les ennuis, la fuite, la peine... La survie.
La silhouette sombre de Marie-Anne se dessine sur ma droite. Je la devance :
— Non Marie-Anne je ne veux toujours pas de chapeau depuis que tu me l'as proposé il y a deux minutes ! plaisanté-je.
— C'est une invitation pour vous Madame, minaude-t-elle en baissant la tête, croyant surement que je lui faisait un reproche.
— Oh excuses-moi Marie-Anne. Merci, ajouté-je avec un sourire en saisissant le carré de papier. De qui est-ce ?
— Monsieur Northwood me semble-t-il...
Soudain une folle envie de brûler le carton d'invitation me saisit. Je congédie gentiment ma gouvernante et m'empresse de lire le mot.
Monsieur Northwood à le plaisir de vous convier à sa réception organisée le
22 Juin 1920 en sa demeure de Garden District.
Je réprime difficilement un haut-le-coeur lorsque je constate que ce meurtrier de Northwood m'a dédié quelques mots au-dessous.
Mon impatience grandit chaque jour à la simple idée de vous revoir en ma demeure. Bien à vous,
Edwin
Il faut que j'en informe Aydan tout de suite. Je crois qu'il est temps de mettre en marche la dernière phase de mon plan, la plus décisive : la mort de notre bourreau. Soudain, la tension et l'appréhension monte en moi aussi rapidement que la dernière fois où j'ai dû me rendre à une fête en 2020. Les fêtes au but social ou émotionnel sont les plus importantes mais aussi les plus angoissantes. Les émotions nous submergent, nous immobilisent et nous emprisonnent dans la peur. Nous devenons quelqu'un d'autre, une part plus sombre de nous même. J'ai ressenti tout cela à ma première fête au vingt-et-unième siècle. Je m'en souviens dans les moindres détails, comme si c'était hier.
Je fouille dans mon armoire à la recherche d'un sac en bandoulière bien précis. Je n'ai pas l'habitude d'être aussi apprêtée mais je crois que ma mère à un jour pensé qu'il me serait utile d'en avoir un et encore une fois elle avait raison. Elle devait même attendre impatiemment que j'aille un jour à une fête pour que je l'utilise. Lorsque je l'ai enfin trouvé -il était par terre au fond de mon placard, sous une pile de vieux vêtements- ma meilleure amie débarque dans ma chambre aussi librement qu'elle le fait toujours.
— Alors ? Prête pour ta première fête ? s'écrie-t-elle en m'observant de la tête aux pieds. Mais qu'est-ce que c'est que cette horreur ? Tu ne comptes pas sortir comme ça si ?
— Euh... si pourquoi ?
— Elie chérie tu ne peux pas aller à une fête de lycéens en jean et T-Shirt ! C'est pour ça que je t'ai amené un petit quelque chose, rit-elle en sortant une robe en velours noir à bretelle fine de derrière son dos.
— Non, c'est hors de question !
— Mais si ! Elle va t'aller à ravir, je l'ai prise de mon armoire parce que je savais que tu ne saurais pas quoi mettre pour ce genre de soirée.
— Anna... Tu n'aurais pas dû, me plaignis-je.
— À en croire ce que je vois, j'ai bien fait au contraire ! Allez enfiles-ça tout de suite et je ne veux pas t'entendre rechigner !
Elle me pousse jusque la salle de bain dans le couloir et je ris. Elle ne changera jamais. Cinq minutes plus tard, je ne me reconnais plus lorsque j'avance devant mon amie. La robe courte est tellement aux antipodes de ce que je porte d'habitude que j'ai l'impression de devenir quelqu'un d'autre.
— Magnifique ! Regardes-moi ces petites jambes à croquer ! Seulement, il manque quelques petits détails !
Elle enlève l'élastique qui retenait mes cheveux et les répartis parfaitement de chaque côté de mon visage. Elle applique ensuite du mascara sur mes cils, du gloss sur mes lèvres et un peu de blush sur mes joues. Je la regarde faire, ses gestes sont vifs, assurés : elle sait ce qu'elle fait.
— Et voilà ! Tu es parfaite ! Tout le monde va se retourner sur ton passage à cette soirée, c'est certain !
— Ce n'est pas vraiment l'effet que je recherchais Anna ! Je ne suis même pas sûre de toujours vouloir y aller...
— Non, tu viens avec moi ! Une voiture nous attends déjà dehors alors impossible de faire marche arrière !
— Tu veux dire que tu n'es pas venue seule ? demandé-je hébétée.
— Des amis à moi nous déposent, ne t'en fais pas pour ça. On y va ?
— Euh...oui ! Descends, je te rejoins !
Ma meilleure amie partie, je récupère mon sac et y range mon portable. En bas de l'escalier m'attendent mes parents : ma mère ne tient pas en place comme si c'était elle qui se rendait à cette soirée tandis que mon père, les bras croisés, me toisent de haut en bas d'un regard dur.
— Tu as bien ton téléphone ? me demande-t-il alors qu'Anna sort de la maison en les saluant bien fort.
— Oui Papa, dis-je lasse.
— Un appel toutes les trente minutes, n'oublies-pas ! me rappèle-t-il.
— Ne t'inquiète pas Frank, intervient ma mère visiblement plus ennuyée que moi par ce rappel, Elie est grande et responsable ! Elle sait ce qu'elle fait, n'est-ce pas chérie ?
— Oui Maman !
— Tu es rentrée pour minuit au plus tard, hein ?
— On avait dit vingt-trois heures Helen ! reprend mon père.
— Allez laisses-la un peu s'amuser, elle a seize ans ! renchérit-elle au grand damn de son mari qui soupire.
— Pas d'alcool et pas de garçon surtout, me met-il en garde au moment où je m'éloigne en direction de la porte.
— Promis Papa ! Merci encore, je vous aime !
Je prend rapidement leur main avant de partir. Anna m'attend adossée contre le véhicule noir flambant neuf de ses amis que je ne connais pas du tout. Le ciel commence à se teinter de nuances rosées alors qu'il n'est que vingt heures. La belle brune me sourie, radieuse, avant de s'installer à l'arrière de la voiture et de me faire une place à côté d'elle. À bord, une jeune blonde est assise à la gauche d'Anna tandis qu'à l'avant, deux garçons discutent assidûment. J'ai déjà vu le conducteur avec Anna, je crois qu'ils sont dans le même cours de physique au lycée tandis que les deux autres me sont étrangers.
— Les amis, voici Elie, ma meilleure amie, me présente Anna avec entrain.
— Salut, me disent-ils tous à leur tour.
Pour toute réponse, je leur souris faiblement. La jeune blonde me complimente sur ma tenue et je ne peux m'empêcher d'être gênée alors que je lui retourne la politesse. Le trajet est long mais la voiture est éveillée par un fond de musique sortant de la radio et les conversations animées du groupe. De ce que j'ai appris, la jeune blonde est l'amie qui a invité Anna et aussi celle qui connait l'organisateur de la soirée. Après quinze minutes de voiture, nous voilà arrivés devant une grande maison du centre ville où les rangées de voitures s'étalent sur des dizaines de mètres. On peut entendre la musique sortir de l'immense maison blanche malgré la distance qui nous en sépare. L'angoisse monte en moi aussi vite que si je m'apprêtais à monter dans un grand-huit. Le jeune homme brun se gare assez loin de la maison et nous sortons tous du véhicule. J'envois un message à mes parents pour les informer que nous sommes arrivés. Alors que nous marchons dans l'allée de l'habitation, un énorme crissement sonore se fait entendre derrière nous. Tous les jeunes présents à l'extérieur et sur le porche se redressent pour apercevoir ce qui cause ce vacarme. Une voiture de sport grise arrive en trombe dans la rue en donnant de grands coups de frein et en exerçant de grandes rotations autour de ses roues arrières, laissant de longues traces noires sur l'asphalte. Qui que ce soit dans cette voiture, il est complètement inconscient et cherche à se faire remarquer. Anna doit voir mon regard effrayé car elle s'empresse d'ajouter :
— Ne t'en fais pas Elie, je resterais avec toi toute la soirée, et il n'y a aucun moyen de me faire changer d'avis !
Je lui souris. Elle n'est pas ma meilleure amie pour rien, elle me comprend mieux que personne et trouve toujours le moyen de savoir ce qu'il se passe à l'intérieur de ma tête. Parfois, je crois qu'elle a un super pouvoir. L'un de deux garçon qui nous a conduit ici fait soudain volte face et interpèle son ami.
— Regardes ! C'est Shawn qui conduisait ! C'est son nouveau bolide apparemment, je crois que c'est son père qui lui a offert pour avoir marqué plusieurs touchdowns au dernier match de football.
— Waouw vise un peu le beau bijou ! J'aimerais bien échanger de père, plaisante l'autre.
En effet, à quelques mètres de là sort Shawn et toute sa bande de joueurs de foot. On pourrait les croire tout droit sortis d'un film pour adolescent des années 2000, marcher au ralenti en saluant tous ceux qui sont en adoration devant eux. Je me précipite soudain à l'intérieur de la maison en slalomant entre les élèves comme figés par ce qu'ils voient au loin. Anna me suit et nous arrivons dans le grand salon de la maison. Tous les jeunes dansent si bien qu'une puissante odeur de sueur se propage partout. Certains font des concours et des jeux où le perdant écope d'une peine de boisson plus importante que les autres. J'observe tous ces événements simultanés, étonnée et étrangement fascinée par le fait que des jeunes peuvent être aussi créatifs quand il s'agit de bêtises en tout genre. Dans la cuisine, des pizzas et bon nombre de bouteilles pleines et vides trônent çà et là. Plusieurs couples discutent entre eux ou s'embrassent. Je détourne instinctivement les yeux. Anna m'entraine au fond du salon où une grande baie vitrée à été ouverte pour laisser le passage libre jusqu'à une piscine impressionnante où d'autres se baignent et jouent, un gobelet rouge à la main. La musique sortant de l'enceinte à ma droite pulse dans chaque parcelle de mon corps et je ris.
— Je savais que ça te plairait ! s'écrit Anna par dessus la musique. Viens on va se chercher à boire, dit-elle en me tirant par la main jusqu'à l'intérieur.
Au loin, je distingue cet être méprisant qu'est Shawn entrer dans la maison et être acclamé par la foule qui s'est pressée autour de lui. L'appréhension monte alors qu'Anna se sert un verre de bière avant de me tendre un soda.
— Ne t'en fais pas Elie ! Moi vivante et à cette fête, cet imbécile de Shawn ne t'approchera pas, fais moi confiance.
— Je sais de quoi tu es capable et c'est bien ce qui me fait peur, pouffé-je et elle joint son rire au mien.
— Oh j'adore cette chanson, allez sur la piste de danse Sanders ! Et pas de discussion !
Nous posons nos boissons et elle m'entraine une fois de plus dans le salon non sans que je me plaigne. Déjà que tout le lycée me déteste et se moque de moi, je n'ai pas vraiment envie de m'exposer au centre de la piste. Pourtant Anna ne l'entend pas de cette oreille et compte bien m'utiliser pour donner une fausse image confiante et indifférente de moi. Seulement, je ne suis pas comme elle. Ma meilleure amie saute dans tous les sens, les bras battant furieusement l'air et ses longs cheveux bruns virevoltant gracieusement autour d'elle. Personne ne semble me remarquer dans toute cette agitation et je commence à rebondir sur le rythme alors qu'Anna me fait tourner sur moi-même. On pourrait croire deux sœurs à ce moment : deux jeunes filles brunes dansant et riant aux éclats comme si elles étaient les seules au monde. L'atmosphère autour de nous s'échauffe et j'aimerais que cet instant dure toujours.
Seulement, toute ma joie retombe lorsque mon regard tombe sur Shawn, tout de noir vêtu, qui m'observe intensément depuis un coin éloigné du salon. Un sourire narquois étire ses lèvres alors qu'il est adossé à un mur. Naturellement je ne peux m'empêcher de paniquer car je sais que c'est moi qu'il regarde et non quelqu'un d'autre. Je prends le bras de mon amie et traverse la foule pour arriver de l'autre côté du groupe, là où le champ de vision de cet idiot sera envahi par une troupe d'élèves nous cachant. Anna ne me pose pas de question, je crois d'ailleurs qu'elle à tout vu cependant elle me sourit. Les chansons s'enchaînent et je ne me concentre que sur celle que je considère comme ma jumelle.
Tout à coup, un groupe d'une dizaine de filles traversent la piste entre Anna et moi en nous séparant. Puis d'autres jeunes me bousculent de part et d'autres, si bien que je perds Anna de vue. C'est comme si le nombre de lycéen dans la maison avait subitement doublé, ne nous laissant que peu de place pour nous mouvoir. Je cherche à sortir de cette masse sauf qu'il semblerait que les individus qui la compose en aient décidé autrement. Au lieu de sortir, les bousculades ne font que m'enfoncer au cœur de cette foule. Et me revoilà au même endroit que tout à l'heure, seulement Shawn n'est plus à quinze mètres mais maintenant juste devant moi.
— Il faut que je te parle. Je voudrais m'excuser, crie-t-il en fronçant les sourcils alors que c'est comme si tous les élèves avaient marqué une pause pour écouter ou que le volume de la musique avait diminué.
Je fuis son regard, je suis perdue. Je veux partir. Maintenant. Rien que soutenir sa vue m'est insupportable. Son regard ne fait que me rappeler qu'il s'est emporté, qu'il s'est moqué de moi, qu'il m'a humilié, que son groupe à répandu de fausses rumeurs à mon sujet -ou peut-être étaient-elles fondées après tout... Mes cordes vocales ne répondent pas, je cherche simplement ma sauveuse du regard. Introuvable. L'adrénaline et la colère se chargent pourtant de parler à ma place.
— Tu perds ton temps, tes actes étaient parfaitement clairs eux !
Et sur ce je sors de la piste improvisée pour le contourner et me diriger vers la sortie, là où il ne me suivra pas. Seulement au passage il m'attrape le bras et prend un air abattu.
— S'il-te-plait Elie, laisses-moi m'expliquer...
Je le laisse faire, lasse qu'il me suive. L'agitation autour de nous semble nous avoir oubliés pour reprendre de plus belle. Il esquisse un faible sourire reconnaissant alors qu'il nous entraîne un peu à l'écart. Je monte sur la première marche des escaliers derrière moi pour tenter d'apercevoir mon amie, Shawn m'imite.
— Je suis sincèrement désolé pour ce que je t'ai fait Elie, c'est impardonnable et...
— Effectivement : impardonnable. Tu as bien résumé, asséné-je brutalement, ce qui a l'étrange mérite de lui arracher un sourire alors qu'il me surplombe de toute sa hauteur.
— Je n'aurais pas dû réagir aussi violemment au lycée l'autre jour, j'ai été blessé dans mon amour propre lorsque tu ne m'as pas répondu, alors je me suis emporté... Excuses-moi, ce n'était pas une façon de te parler !
Je sonde ses yeux noirs à la recherche de la moindre trace de mensonge et je me détends lorsque je suis sûre qu'il est honnête. La proximité entre nous me dérange, néanmoins je ne dis rien. Le brun me fixe, les sourcils haussés et les lèvres pincées, dans l'attente de ma réponse qui ne vient pas.
— D'accord, tu es pardonné, lâché-je finalement en fixant le sol.
— Merci beaucoup Elie. Si je peux, je veux ajouter que tu es magnifique ce soir ! murmure-t-il avec un sourire charmeur, le visage orienté vers le sol mais les yeux me suivant toujours.
— Euh... merci. C'est gentil...
Gênée par ce revirement inattendu, je me contente de scruter les alentours à la recherche de la moindre personne capable de me sauver de cette situation incongrue. Le regard ailleurs je replace une mèche derrière mon oreille. Je l'entend rire mélodieusement.
— À vrai dire, si j'ai été autant déçu par notre discussion la dernière fois, c'est que j'en attendais beaucoup... Tu me plais énormément Elie...et j'aimerais -vraiment- apprendre à te connaître.
Ma surprise doit se lire sur mon visage puisque je rougis immédiatement. J'ai passé des années dans la même classe que lui à l'observer de loin et voilà qu'il m'avoue maintenant que je lui plais. C'est comme si tout l'air dans mes poumons s'était envolé en quelques secondes. Sa main caresse soudain ma joue pour venir libérer la mèche que j'ai rangé auparavant.
— Shawn, je... C'est adorable de ta part, ça me touche mais...
Soudain, alors que je commençais à me glisser sur le côté pour m'échapper, il plaque son bras sur le mur derrière moi de sorte à me bloquer contre celui-ci. La lueur dans ses yeux s'est transformée. Elle n'est plus que jalousie et agressivité.
— Non non non Elie... Je ne crois pas, soupire-t-il en agitant la tête, le même sourire tranquille que tout à l'heure. Je pense que tu ressens la même chose que moi, j'en suis sûr, je te vois me dévorer des yeux au lycée, tu aimes jouer à la petite fille fragile et timide mais ça ne marche pas avec moi !
— Quoi ?! m'étranglé-je, abasourdie.
— Je crois que tu m'as très bien compris au contraire, rit-il, mauvais, en s'approchant de moi, nos lèvres à quelques centimètres.
Je n'arrive plus à respirer. Dans quel problème je me suis encore fourrée... Son corps m'oppresse, tout contre le mien. Soudain, mon téléphone sonne dans mon sac. Les mains tremblantes, je m'empresse de le saisir. Mes parents. Je ne les ai pas appelés. Au moment où je m'apprête à répondre, ce lunatique s'en empare et éteint mon portable d'un clic.
— Oh que c'est mignon, ton père s'inquiète...
— Rends-moi mon téléphone, tout de suite ! crié-je presque malgré la musique de plus en plus forte couvrant le son de ma voix.
— Viens avec moi et je te le rendrais, s'amuse-t-il en voulant me tirer à l'étage.
Mes yeux vont et viennent entre son visage suffisant et mon portable qu'il tient à bout de bras, en hauteur.
— Hors de question !
Je le pousse de toute ma force alors qu'il ne s'y attendait pas, ce qui à le mérite de le déstabiliser assez pour que je lui arrache des mains ce qui m'appartient.
— Tu n'es qu'un pauvre type ! craché-je en m'éloignant de lui à reculons.
Cependant, Shawn ne fait que me sourire de manière arrogante. J'espère parvenir à contenir assez de colère dans mes yeux pour qu'il le remarque. Je cours presque dans la maison à la recherche d'Anna. Mes yeux courent furieusement d'un visage à l'autre dans l'espoir de l'apercevoir tandis que mes mains tentent aveuglément d'appeler ma mère ou bien mon père. Mon père décroche le premier alors que je tente de prendre une voix calme.
— Allô ! Papa ? Oui tout va bien ! On s'amuse bien... Pas de soucis, on fait attention. Personne ne nous ennuie. Je te rappèle dans trente minutes. Oui moi aussi je t'aime.
Je me retiens de pleurer lorsque je range mon portable. Je traverse la foule comme je le peux, avec difficulté. Anna ne danse plus, elle se trouverait sur la piste autrement. Je suis maintenant devant l'immense piscine. Je pars fouiller ensuite le jardin mais toujours aucune trace d'elle. Les lycéens sont toujours de plus en plus nombreux dans la maison, si bien que la foule est obligée de se rabattre autour du bassin. Soudain, j'entend quelqu'un me héler. Anna. Un groupe de garçons, de footballeurs, semble lui parler ou plutôt lui barrer le passage. Mon amie crie au scandal comme elle sait si bien le faire en se débattant presque, seulement l'enceinte derrière elle couvre totalement ses éclats de voix. Je comprends à cet instant que c'est à moi d'aller la secourir. Je cours au bord de l'eau pour la rejoindre lorsque je suis poussée par une personne sur ma droite. Je n'ai même pas le temps de vaciller que mon corps rencontre la surface de l'eau. La surprise me coupe le souffle et l'idée me prend de ne jamais remonter à la surface.
Affronter le regard des autres est plus dur que de tomber dans l'oubli. Seulement mes poumons en ont décidé autrement et je saute pour remonter à la surface. Mes cheveux me tombent sur le visage et j'imagine parfaitement ce dernier couvert de mascara. Une foule d'élèves s'est attroupée autour de la piscine, leurs téléphones à la main, et leurs rires me parviennent comme réverbérés par la honte. Devant moi, Shawn rit aux éclats en me toisant de toute sa hauteur, ses amis le félicitant à coups de bras, de tapes dans le dos et d'accolades. Je comprend alors que c'est lui qui m'a fait ça. Rouge de honte, je précipite sur le bord, mon sac en tête pour constater de l'état de mon téléphone. Par chance, ce dernier n'a pas eut le temps d'être immergé assez longtemps pour être irréparable.
— Elie ! Elie ! s'époumone ma meilleure amie en dépassant un à un les membres de l'assemblée au tour de moi. Est-ce que ça va ?
Pour toute réponse, j'acquiesce. Parler est trop dur, je risquerais de craquer à tout moment et je ne veux pas leur donner cette joie. Le public s'écarte sur notre passage et forme désormais un grand cercle dont nous sommes visiblement le centre. Alors que nous nous affairons pour essorer sa robe en velours devenue lourde par le poids de l'eau, je distingue Shawn et sa bande jeter un pauvre garçon dans notre direction. Avant que je ne comprenne pourquoi, ce dernier rejette tout le contenu de son estomac sur le bas de ma robe et mes chaussures. Anna, derrière moi, inspire de peur tandis que j'observe la cause de tous mes malheurs se réjouir de mon sort.
— Allez vous en d'ici, il n'y a rien à voir, hurle maintenant ma jumelle. Ça pourrait être n'importe lequel d'entre vous. Donnes-moi ça, ordonne-t-elle à une fille en lui arrachant son gobelet des mains pour le vider sur le sol avant de le remplir d'eau de piscine.
Pendant plusieurs minutes, cette dernière s'affaire à débarrasser ma tenue de toute trace de d'alcool et de résidus douteux. Je n'ai qu'une seule envie : tomber à genoux et pleurer toutes les larmes de mon corps. Seulement je ne peux pas, j'ai trop de honte et de colère en moi. Je me mets à courir en coupant la foule sur mon passage. J'entends Anna m'appeler derrière moi mais je continue de traverser la maison, laissant une trainée d'eau sur mon passage. Devant la propriété, quelqu'un me retient.
— Elie ne t'inquiètes pas, ils seront punis pour ce qu'ils t'ont fait, m'assure Anna avec colère.
— Je vais rentrer, dis-je en laissant mes larmes dévaler librement.
— Laisses-moi aller chercher Tom, il va nous reconduire...
— Non ! Je vais rentrer à pieds, protesté-je en me retournant.
— Attends Elie, je viens avec toi...
— Je veux être seule, merci... Je l'ai été jusque là...
— Je suis désolée Elie, crie la brune derrière moi. Ils m'ont empêchés de te retrouver, ils m'ont bloqués ! Shawn avait tout organisé, avoue-t-elle désespérée. Qu'est-ce qui s'est passé en mon absence ? Elie !
Elle ne tente pas de me rattraper et je lui en suis reconnaissante. Je marche d'un pas rapide, désespéré. Mes larmes brouillent ma vue. Mes parents m'appèlent plusieurs fois au cours du trajet mais je ne peux pas leur répondre, je n'en suis pas capable. Lorsque j'arrive enfin devant chez moi, je redoute la confrontation avec eux. C'est d'ailleurs pourquoi je ferme doucement la porte et cours dans les escaliers pour m'enfermer dans la salle de bain. J'entends mes parents accourir et frapper au battant de la porte que je viens tout juste de fermer. Je m'assois sur le sol, en pleurs.
— Elie ? Tout va bien ? Tu es rentrée plus tôt que prévu. Tu ne nous a pas répondu chérie, qu'est-ce qu'il s'est passé ? interroge ma mère, inquiète.
— Rien Maman, rien, tenté-je d'articuler le plus clairement possible pour éviter tout soupçon. J'étais fatiguée donc je suis rentrée. Une bonne douche et j'irais me coucher ! ris-je presque. Ne vous en faites pas !
Comme pour ponctuer mes dires, je tourne le robinet de la douche, laissant se déverser un torrent d'eau chaude.
— D'accord chérie, tu nous expliqueras tout ça demain, conclut mon père. Promis ?
— Promis, articulé-je avant de me couvrir la bouche pour ne pas les laisser entendre mes sanglots.
Je les entends partir, mon père rappelant à ma mère que je n'aurais pas dû y aller. Et je ne peux pas le contredire. Je tente de nettoyer du mieux que je peux mes vêtements, mes pleurs étouffés par le claquement de l'eau dans la baignoire. Ensuite, je me laisse enfin aller à mon désespoir sous le jet d'eau brûlante. Mon premier réflexe est de nettoyer les parties qu'il à touché. Je frotte ma joue à m'en arracher la peau puis je pleure, recroquevillée dans un coin.
Jamais je n'aurais dû y aller. Mon père avait raison. Je ne suis pas faite pour me joindre aux autres. Je suis mieux seule.
Je comprend maintenant à quel point j'ai pu être naïve et ridicule. Les yeux dans le vague, je me rappèle encore de l'humiliation que j'ai subi. Suite à ça, je n'ai pas cessé d'être moquée dans les couloirs, la vidéo de la fête ayant fait le tour, ce qui me valu de nombreux pleurs dans les toilettes avec Anna. Ma meilleure amie m'a alors confié qu'elle avait vidé un verre de bière sur ce psychopathe de Shawn mais que bien sûr, cela n'avait pas été filmé. Les bourreaux s'en sortent toujours. Toujours. Soudain, alors que le soleil me réchauffe et me brûle, une idée fait son chemin dans mon esprit. Et si... Le crissement des pneus me revient en mémoire aussi facilement que si je venais tout juste de l'entendre. Le même crissement de pneus.
Ma mort n'était pas un simple accident. J'ai été assassinée. Shawn m'a tué.
Voici le Chapitre 17 ! J'espère qu'il vous aura plu ! Il est en effet riche en révélation et en rebondissement ! Que pensez-vous de ces petits flashbacks d'Elie ? Est-ce qu'ils vous plaisent ? N'hésitez pas à me donner votre avis et à voter pour ce chapitre s'il vous a plu !
Bonne journée à vous !
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