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❧ Chapitre 15 ❧




« Dans une famille on est tous tributaire les uns des autres. Le malheur de l'un fait le malheur de tous. »


-Germaine Versailles


J'ai passé la journée à me torturer l'esprit. Fuir ou rester ? Voilà la question que je me suis posée sans répit, assise sur un banc dans le jardin de la demeure. Au même endroit où moi et Aydan avons couru le jour de notre rencontre. Cette journée me semble si lointaine, c'est affreux. Il s'est passé tellement d'évènements en une semaine que j'ai bien peur que les cent prochaines années ne soient longues. Enfin, un peu moins si je choisis d'être avec Aydan, finalement. Marie-Anne a pourtant tenté de me changer les idées en m'incitant à manger ou à rentrer pour m'abriter du soleil, mais j'ai décliné à chacune de ses tentatives. La pauvre me lançait des regards plein de compassion et de tristesse alors qu'elle ne connaissait absolument pas mon dilemme. Elle me fait un peu penser à Anna mais d'une autre manière. C'est une autre sorte d'amitié que celle de ma meilleure amie, celle-ci est douce, calme et me laisse souvent dans ma solitude, chose que j'apprécie parfois. Seulement parfois. James arrive d'un pas décidé dans le jardin et vient s'asseoir à côté de sa soeur, un sourire enchanté sur ses lèvres fines. Je retrouve le James charmeur que j'ai vu pour la première fois à mon arrivée.

— Alors soeurette, on s'isole ? rit-il en me bousculant légèrement d'un coup d'épaule tandis que je lui rend son sourire. Je ne t'ai pas vu de toute la journée, quelque chose ne va pas ?

Les teintes orange-rouges du soleil couchant viennent se refléter sur ses cheveux bruns en une nuance cuivrée tandis qu'il m'observe attentivement. C'est à ce moment que j'aimerais avoir un frère en 2020.

— Tout va bien, je t'assure. Je profitais simplement du soleil, voilà tout, il n'y a rien à faire à l'intérieur...et toi ? Pourquoi cet immense sourire depuis que tu es arrivé ? dis-je ce qui a le mérite de le faire rire encore un peu.

— Je vais à une fête ce soir figures-toi !

— Comme je ne m'en serais pas douté, lancé-je avec sarcasme.

— Je venais te demander d'y aller avec moi, comme toujours, dit-il. Enfin...si ton fiancé n'est pas assez vieux jeu pour te l'interdire !

— Mon « fiancé » ?

— Eh bien oui, le petit Costerhidge !

— Ce n'est pas mon fiancé, me défendis-je.

— Et bien cela ne saurait tarder si l'on se fit au fait que l'on a d'assez bons yeux pour voir comment il te regarde à chaque fois. (Il se rapproche de moi en cachant sa bouche des regards indiscrets grâce à la tranche de sa main.) J'ai des yeux partout, chuchote-t-il en me faisant un clin d'oeil, ce qui me fait sourire malgré moi.

— Pour en revenir à notre sujet principal, je n'irais pas avec toi ce soir. Amuses-toi seul pour une fois, fais-toi plaisir, ne penses à rien ! m'exclamé-je en lui donnant un léger coup de coude.

— Oh tu me connais assez pour savoir que je le fais tout le temps Céci' ! rit-il.

— Mais qu'est-ce qui te fais sourire comme un idiot depuis tout à l'heure ?me moqué-je. Irais-tu voir quelqu'un en particulier ? Cette charmante...Kathreen Aberworthy par exemple ?

Je le vois rougir légèrement et je sais que j'ai tapé dans le mile. Ma joie est telle que je me tourne vers lui avec un grand sourire. James va lui faire sa déclaration.

— Oui bon...tu m'as démasqué, marmonne-t-il. J'ai prévu de lui dire tous mes sentiments ce soir, j'ai décidé de prendre ma vie en main ! Après lui avoir dit, j'irais voir son père pour lui demander sa main et je me moque de qui s'opposera à nous, je l'affronterai !

— Je suis vraiment heureuse pour toi James, vraiment. Fonce, ne reste pas là, cours plutôt lui annoncer tes sentiments au lieu de perdre ton temps avec moi ! l'encouragé-je.

— Merci Céci', tu es la meilleure ! s'écrie-t-il en embrassant le sommet de ma tête avant de partir en direction de la maison d'un pas des plus vifs.

Je ne peux m'empêcher de me réjouir pour lui, au moins l'un de nous trouvera le bonheur dans cette histoire. Ils s'aiment l'un l'autre et c'est le plus important. Je ressens même la joie intérieure de Cécilia au fond de mon coeur. J'entends au loin la voiture de James démarrer et je lui souhaite bonne chance. De mon côté, je rentre après avoir profité des derniers rayons de soleil sur le rebord du muret de la terrasse. Je suppose qu'Aimée à encore dû s'enfuir sans que personne n'en sache rien, il faut avouer qu'elle est devenue experte dans ce domaine ! Enfin... Je ne sais pas où elle va mais cela doit en valoir le coup puisqu'elle se moque éperdument des conséquences que la découverte d'un sosie pour Cécilia pourrait entraîner. Une part de moi est tout de même curieuse de savoir ce qu'elle fabrique en dehors de la demeure si bien que l'idée de la suivre un de ces jours ne met pas longtemps à germer dans mon esprit. Il faudra que j'en parle à Aydan.


Une fois dans ma chambre, Marie-Anne m'aide à me préparer pour la nuit après m'avoir gentiment porté mon repas sur un plateau. Evidemment, j'ai veillé à lui faire avaler le repas à ma place pour m'assurer qu'elle mangera ce soir, puis cette dernière a pris congé après m'avoir assuré qu'elle emporterait bien de quoi mangé à sa famille. Je lui ai même demandé de me montrer une photo de ses frères un jour, ce à quoi elle m'a poliment répondu, qu'ils ne pouvaient se payer les services d'un photographe, de peur de me froisser. C'est vrai que parfois j'oublie que je ne me trouve plus en 2020 où les portables nous permettent d'immortaliser n'importe quel instant, y compris les plus insignifiants. Ici, la photographie est un luxe que seules les plus riches familles peuvent s'offrir.

Je suis maintenant seule dans ma chambre, allongée sur mon lit, immobile. Je fixe le plafond blanc vieilli comme s'il allait me donner la réponse à ma question existentielle. Cécilia met fin à mes tergiversions en m'intimant de dormir pour mieux reprendre demain. Je ferme les yeux et me laisse entraîner malgré moi dans le monde des rêves cauchemardesques.

Un bruit lointain retentissant à intervalles régulières me fait ouvrir les yeux précipitamment, comme si je ne les avaient jamais fermés. Au dehors, le croissant de lune reste le seul éclairage de la nuit. Je n'ai pas dû dormir très longtemps, pas assez pour me noyer encore une fois visiblement. Le vacarme mêlé d'objets se brisant et de ce qui ressemble à un cri retenti une nouvelle fois. J'enfile mon peignoir tant bien que mal dans l'obscurité puis trottine dans le long couloir du premier étage. Le brouhaha se profile de plus en plus à chaque pas que je fais et cela m'inquiète. Un nouveau cri guttural : celui d'un homme j'en suis sûre. James ? Morris ? Une part de moi ne peut s'empêcher de penser à Aydan. Mais que ferait-il ici en pleine nuit ? Le sol frais sous mes pieds nus me fait frissonner mais j'accélère. Le fracas de vaisselle qui suit me permet d'isoler le bruit au salon. Je m'y dirige en resserrant instinctivement les pans de mon peignoir contre moi alors que l'humidité ambiante me suggèrerait de faire le contraire. Malgré la chaleur, ma fine chemise de nuit blanche me parait de trop. Je m'avance au devant de l'agitation. Ce que je vois me fige sur place. Instable sur ses pieds et la démarche mal assurée, James renverse tout ce qu'il trouve au sol à l'aide de grands mouvements des bras essuyant les meubles les uns après les autres. Les débris de vaisselle coûteuse jonchent le sol, les portraits de famille encadrés sont écrasés à même le marbre et les vases remplis de fleurs se répandent en grandes flaques translucides. Je regarde silencieusement la scène jusqu'à ce que mon frère me remarque sous la lumière du lustre en cristal qu'il n'a pas encore touché. Il n'a plus sa veste, sa chemise auparavant propre est tachée de sang au niveau du col et pend librement hors de son pantalon simplement soutenu par une seule bretelle, l'autre se balançant misérablement au rythme de ses pas chaloupés. Un rire jaune s'échappe d'entre ses lèvres tandis qu'il saisit une bouteille de bourbon miraculeusement intacte sur le bar.

— Tiens te voilà Céci' ! s'exclame-t-il en souriant bêtement avant de boire une gorgée d'alcool.

— Que s'est-il passé James ? crié-je en restant à l'entrée de la pièce de peur de marcher sur du verre brisé sans chaussures. A qui est ce sang sur ta chemise ? Tu t'es battu ?

— Exactement soeurette ! (Il s'assoie sur un des sofa beige et tend la bouteille en verre vers moi en signe de toast pour boire à nouveau au goulot.)

— Tu vas réveiller Père et Mère si tu continue !

— Ils ne sont pas là, crie-t-il. Comme toujours, un « diner » chez des amis comme ils disent, ajoute-t-il d'un ton acerbe. Foutaises !

— Ils ne m'ont pas prévenu, dis-je contrite.

— Comme toujours Céci' ! Pourquoi sembles-tu étonnée ?

J'enlève mon peignoir devenu étouffant et le roule en boule avant de me frayer un chemin en repoussant les éclats de verre et l'eau glissante au sol. J'arrive à m'asseoir en face de lui, sur l'autre canapé en prenant bien soin de remonter mes jambes vers ma poitrine pour cacher la finesse du tissu qui me couvre. Je constate que James n'est aucunement blessé, le sang bruni appartient à une autre personne. Kathreen ? Aussi ivre que peut l'être James, je ne l'imagine incapable de battre une femme, encore moins celle qu'il aime. Il a dû se passer quelque chose de très grave à cette fête pour lui donner envie de tout anéantir sur son passage. Je reprends plus calmement cette fois :

— Que s'est-il passé James ? As-tu tout avoué à Kathreen ?

— Kathreen, murmure-t-il avec un rire amer que je ne lui ai jamais entendu. J'étais prêt à lui avouer mes sentiments, je suis allé chez elle, à cette fête. Elle m'a accueilli elle-même, j'étais tellement heureux si tu savais. Son sourire est le plus beau que je n'ai jamais vu, un moment j'ai même oublié pour quoi je venais. Nous n'avons discuté que quelques secondes pourtant elles m'ont parues durer des heures entières. Puis elle s'est tournée vers d'autres invités. Je l'ai admirée durant des heures entières après ça en espérant pouvoir trouver un moment pour lui parler seul à seule. Elle me lançait des regards quelques fois... continue-t-il en reprenant une gorgée du liquide ambré.

Il fait une pause, se remémorant surement ses sentiments en détail. Ses yeux bleus fixent la table basse en bois sans la voir. Son piteux état me fait de la peine. Ses cheveux bruns sont emmêlés dans tous les sens, chose inhabituelle pour lui qui prend soin de toujours les coiffer convenablement. Une forte odeur d'alcool se répand jusqu'à mes narines.

— J'ai enfin trouvé le courage de lui parler en milieu de soirée. J'ai tenté tant bien que mal de paraître sûr de ma personne mais il semblait qu'elle savait exactement par quels états je passais à cet instant. Elle était très élégante comme toujours. Je commençais à lui demander si elle pouvait s'absenter quelques minutes quand son père s'est emparé du microphone sur la scène pour faire une annonce à l'intention de sa fille. Il officialisait le mariage de sa fille Céci'... ajoute-t-il tristement en regardant la bouteille comme si elle était devenue une bouée de sauvetage. Son fiancé est immédiatement arrivé pour encercler sa taille, en me poussant gentiment. Gilroy Eastbay... Ce fumier m'a toujours pris ce que je voulais, il a même passé sa jeunesse à répandre les plus atroces rumeurs à notre sujet Céci' ! C'est pour cela que j'ai toujours veillé à nous faire apprécier des plus riches familles de La Nouvelle-Orléans par les flatteries et le charisme, et avec ton charme mon plan a marché à merveille...

— C'est lui que tu as frappé ? demandais-je doucement en comprenant que James a toujours cherché à construire le respect et la réputation de la famille Bloomingdale à la place de ses parents.

— Son petit air fier et conquérant lorsqu'il avait le bras autour de Kathreen m'a révolté. J'ai bu à un tel point, pour me donner du courage. Surtout après l'annonce de leur mariage dans deux jours. Je savais que le père de Kathreen la destinait à un autre, mais Gilroy ! Il m'a toujours pris ce que j'avais de cher alors je me suis vengé ! Après plusieurs verres, j'ai foncé sur lui alors que Mr Aberworthy terminait son discours par ses voeux de bonheur à sa fille... J'avais le dessus sur lui pour la première fois de ma vie alors j'en ai profité. Des domestiques nous ont séparé enfin et m'ont fait partir...

— Tu veux dire que tu as conduis jusque ici ? m'exclamais-je. (Il hoche la tête.) James tu es inconscient ! Tu aurais pu avoir un accident ou bien tuer quelqu'un !

— Elle ne me pardonnera jamais c'est certain... s'apitoie-t-il en secouant la tête comme si je n'avais rien dit car la seule chose qui compte vraiment pour lui est l'amour de cette fille qui semble passer avant sa propre vie.

— Rien n'est perdu James, affirmais-je au bout de plusieurs secondes. (Il lève soudain la tête, resté alerte malgré son ivresse.) Le mariage est dans deux jours tu dis ? Il faut que tu ailles à tout prix la voir et t'excuser pour ton comportement de ce soir. Et tu pourras lui avouer tes sentiments à ce moment là de même que tu pourras te présenter en bon et dû forme auprès de son père après l'affreuse première impression que tu lui as faite tout à l'heure. Je t'accompagnerais s'il le faut, affirmais-je. Tout va s'arranger James, je te le promet, dis-je en touchant son avant-bras avec conviction au dessus de la table. Si elle t'aime autant que toi, rien ne pourra vous empêcher de vous marier. Mais d'abord, tu dois prendre un bon bain et aller dormir pour être en forme demain ! souriais-je gentiment en espérant lui redonner espoir.

Il sourit faiblement. La fatigue semble avoir pris le relais à présent. Sa tête penche légèrement sur le côté et je lui prend la bouteille presque vide des mains. Si j'imagine la quantité d'alcool fort qu'il a dû ingurgiter ce soir, il ne pourra même pas se lever demain matin... Je pose la bouteille sur la table et l'aide à se lever. Je prends garde à bien marcher sur le chemin que j'ai tracé grâce à mon peignoir tout en soutenant James par le bras pour l'aider à marcher. Nous montons doucement les escaliers lorsqu'il m'arrête.

— Tu sais pourquoi j'ai choisi Aydan pour toi ? me demande-t-il sans gêne. (Je secoue la tête et il reprend :) Je l'ai trouvé parfait pour toi car je sais que c'est quelqu'un de bien, je l'ai vu au fond de ses yeux. Je sais repérer ces choses-là, crois-moi. Et la manière dont il te regarde me montre que j'avais raison.

Je suis surprise par ses mots, lui qui est toujours si rieur et insouciant. Il a toujours pensé au bonheur de Cécilia avant tout, quitte même à contrôler sa vie amoureuse. Je l'emmène dans la salle d'eau à l'étage et lui fait couler un bain d'eau fraiche pour le réveiller. Au moment de partir, il m'interpelle :

— Je t'aime Cécilia. J'espère avoir rempli mon rôle de grand frère aussi bien que possible... Je ferais toujours tout pour toi. (Je marque un temps d'arrêt mais réponds presque aussitôt.)

— Tu es le meilleur frère qu'une fille puisse rêver d'avoir James. Je t'aime aussi...

Je le laisse seul dans la pièce. Je peux sentir l'émotion de Cécilia et je partage d'ailleurs les larmes qui coulent de ses yeux à ce moment.






Le lendemain, Aydan vient me chercher en voiture après que je l'ai appelé grâce au téléphone fixe de la maison. J'ai découverts aujourd'hui comment fonctionnait un vieux téléphone des années 20 et je dois dire que j'ai passé plus de temps à composer le numéro d'Aydan qu'à lui parler. Dans la voiture, une tension étrange s'installe entre nous à cause de la réponse que je dois lui donner. Seulement j'évite le sujet et ce dernier ne l'aborde pas, ce dont je lui suis reconnaissante. Il se contente de me sourire comme à son habitude, sauf que je remarque un brin d'espoir cette fois-ci.

— Alors où veux-tu que je t'emmène aujourd'hui ? Ton humble chauffeur est à ton entière disposition, s'amuse-t-il en réajustant ses lunettes de soleil sur son nez.

— Est-ce que tu connaitrais la famille Aberworthy par hasard ?

— Bien sûr ! J'ai même connu le patriarche de la famille il y a trente ans, je me suis toujours bien entendu avec eux. Ils m'invitent d'ailleurs tous les ans pour fêter Mardi gras, ce sont de très bons amis, affirme-t-il en démarrant sa voiture de collection. Pourquoi cette question ?

Je lui lance un regard amusé en me reculant dans mon siège parfaitement ciré. Mon sourire traduit ma pensée.

— C'est là que nous allons si j'ai bien compris ? reprend-t-il d'un air las en sortant de la propriété de Cécilia.

— Exactement ! riais-je. Ce que tu es perspicace !

Le vent caresse désormais ma main tendu en dehors du véhicule. Nous roulons depuis quelques minutes et je regrette déjà de ne pas avoir emporter de lunettes de soleil comme mon « cher » ami. Le soleil rougi la moindre parcelle de me peau exposée alors qu'il n'a toujours pas atteint son zénith. Cette journée va être très chaude, mon expérience peut le garantir. J'écarte mes cheveux sur mon épaule pour rafraichir ma nuque. Contrairement à moi, Aydan ne semble pas souffrir du beau temps avec son costume blanc qui semble pourtant assez épais.

— Et je peux savoir ce qui t'amène à vouloir rendre une petite visite au Aberworthy ?

— Rien qui ne te concerne.

— Et bien ! On peut dire que tu as piqué ma curiosité Elie ! Dis-m'en plus, me répond-t-il en agitant sarcastiquement ses mains en l'air, je veux tout savoir !

— Arrêtes de te moquer de moi, dis-je en le bousculant légèrement. La raison de ma visite relève du domaine privé mon cher, tu ne sauras rien de plus... Mais, je voulais te demander : que penses-tu de Kathreen ?

— Kathreen ? C'est une fille très gentille en plus d'être jolie, elle a tout pour elle dans cette ville et je sais que ses nombreux prétendants ont toujours eu du fil à retordre... rie-t-il en se remémorant surement un souvenir que j'aimerais connaître assurément mais que je n'ose pas demander.

— Vous semblez proches, constatais-je en tournant mon visage vers le paysage, là où il ne peut pas voir mes émotions qu'il arrive si bien à déchiffrer d'habitude : en particulier la contrariété.

— Oui c'est vrai mais il en a toujours été ainsi, leur famille et celle des Costerhidge était déjà très liée avant ma résurrection, il m'a seulement suffit de faire perdurer cette amitié avec chacun d'entre eux au fil des ans et en particulier à mon retour à La Nouvelle-Orléans il y a deux ans. Ce n'est que depuis ce temps que je connais Kathreen.

— Et son père n'a pas remarqué ta ressemblance troublante avec « ton père » ?

— Hormis Northwood il semblerait que d'autres personnes soient prêtes à croire à la magie de la génétique, sourit-il en haussant les épaules.

Je vois son regard divaguer légèrement, vaciller une seconde seulement. Il reprend contenance cependant.

— Enfin, reprend-t-il joyeusement, je suis prêt à parier que tu ne veux toujours pas me dire pourquoi tu souhaites voir Kathreen, car c'est bien elle que tu souhaites voir, je me trompe ?

Je soupire pour toute réponse, ce qui le fait sourire. Il sait qu'il a touché dans le mile et le pire c'est qu'il en est fier. Il rit encore lorsqu'il s'engage dans une propriété excentrée de la ville mais qui reste cependant assez proche de la rue des Bloomingdale. Je comprends mieux comment James a pu rentrer en un seul morceau à la maison alors qu'il conduisait, la courte distance semble lui avoir sauvé la vie. Le brun gare la voiture en face de la magnifique demeure à la forme assez carrée mais à la hauteur impressionnante. Les pierres grises donnent à la façade un côté ancien mais aussi élégant à l'aspect général de la bâtisse tandis que de nombreuses fenêtres trouent les murs par dizaine afin de laisser entrer la lumière au mieux. Un seul mot pour décrire cette maison : majestueuse.

Je suis Aydan jusqu'à l'intérieur qui me rappèle un peu la maison de mon ami ressuscité. Mais bientôt, mes divagations sont interrompues par une épaisse silhouette trapue se dirigeant à grands pas vers nous. L'homme en question est bien portant et son visage le laisse entièrement transparaitre malgré ses tempes grisonnantes trahissant son âge avancé. Son sourire est avant tout destiné à Aydan qui le serre dans ses bras avec familiarité.

— Ah Aydan, cela faisait longtemps ! Nous n'avons pas eu le plaisir de te voir hier à la fête de Kathreen, qu'a-t-il bien pu se produire pour que tu rates une occasion pareille de briser des coeurs. (À ces derniers mots, le jeune homme se retourne vers moi avec un étrange regard désolé.)

— Jack, laisse-moi te présenter Cécilia Bloomingdale, une bonne amie à moi ! annonce-t-il en tendant un bras vers ma personne, comme pour changer de sujet.

— Bloomingdale, semble réfléchir Monsieur Aberworthy en embrassant le dos de ma main avant de se rembrunir totalement et de lâcher ma main brusquement. Votre frère s'est déjà chargé de l'esclandre cette nuit, il était inutile de venir pour finir le travail, crache le père de Kathreen avec mépris.

— Je ne suis pas ici pour vous causer quelque tord que ce soit Monsieur Aberworthy, mais plutôt pour réparer celui de mon frère. Je suis venu vous faire part de ses motifs et ainsi excuser sa conduite, il n'aurait jamais dû interrompre votre célébration. Laissez-moi seulement vous expliquer...à vous et à votre fille également, imploré-je en essayant de construire mes plus belles phrases de grammaire.

L'homme parait surpris mais m'accorde le bénéfice du doute en quittant l'entrée. Je me tourne vers mon ami, toujours présent à mes côtés, en soufflant. Je n'ai pas réussi à faire changer d'avis le père de Kathreen, James va être définitivement détruit.

— Qu'a fait James hier ? Pourquoi ne veux-tu pas me dire pourquoi tu souhaites t'entretenir avec Kathreen et Jack ? Peut-être que je pourrais t'aider si tu me dis de quoi il en retourne...

Ses beaux yeux bruns sont presque suppliants pourtant je ne peux me résoudre à lui dire la raison de ma venue ici, cela ne dépend pas de moi mais de James. Si je me confie à Aydan, j'exposerais le plus grand secret du frère de Cécilia et je ne peux me le permettre. Cependant, je me souviens que j'ai pu venir chez les Aberworthy seulement grâce à Aydan et sa voiture et à la confiance qu'il place en moi. Je ne peux pas trahir tous les efforts qu'il fait pour moi en lui cachant délibérément la vérité.

— Cela ne me concerne pas et toi non plus d'ailleurs, dis-je simplement en fixant l'immense porte en bois que Jack vient d'emprunter. Nous n'avons pas le droit de nous en mêler !

— Pourtant c'est exactement ce que tu es entrain de faire Elie. Pourquoi James a-t-il troublé la fête de fiançailles de Kathreen ? s'impatiente-t-il en saisissant doucement mon bras pour me faire pivoter vers lui.

J'ai senti la souffrance de mon frère lorsqu'il a cru avoir perdu la fille qu'il aime, je n'ai pas envie d'exposer sa vie privée. Mes yeux s'attachent enfin aux siens et une lueur de surprise semble apparaitre dans ces derniers. Il a compris.

— James est amoureux de Kathreen... murmure-t-il comme si ça avait toujours été sous son nez et qu'il ne s'en était jamais rendu compte.

Je hoche la tête, honteuse de ne pas avoir su garder le secret de James. C'est à cet instant que la porte devant nous s'ouvre sur une jeune fille blonde à l'allure élancée et au sourire charmeur qui aurait fais fondre n'importe qui. Évidemment, la bonne humeur de Kathreen est avant tout destinée à Aydan qu'elle laisse lui embrasser la main, puis ses yeux d'un bleu translucide se posent sur moi avec une bienveillance qui me surprend.

— Vous devez être Cécilia, la soeur de James. Il m'a tellement parlé de vous ma chère ! s'exclame-t-elle en serrant gentiment ma main. J'ai été tellement déçue de son départ précipité hier...

— C'est justement à propos de cela que je voulais vous voir, me précipité-je de justifier. Si je pouvais m'entretenir en privé avec vous, cela ne prendrait que quelques minutes, s'il-vous-plait...

L'incompréhension puis la crainte peuvent se lire sur son visage d'ange. Son signe imperceptible de la main m'apparait comme une bénédiction. Je peux enfin respirer librement même si le plus dur reste encore à faire. Nous la suivons jusqu'à un petit salon aux couleurs criardes. Après nous avoir invité à nous asseoir sur un divan en velours rouge, la jeune femme prend place sur un fauteuil adjacent.

— Et bien que vouliez-vous me dire Mademoiselle Bloomingdale ? Je suis toute ouïe, sourie-t-elle calmement, de manière contrôlée, presque fausse.

— C'est à propos de James...commencé-je, mal assurée.

— Va-t-il bien ? Il ne lui est rien arrivé de grave j'espère ! s'exclame-t-elle soudain devant mon silence et je constate à cet instant qu'elle tient au frère de Cécilia autant que lui à elle.

— Non non rassurez-vous, dis-je pour son plus grand soulagement. Seulement, il m'a expliqué à son retour pourquoi il s'était comporté ainsi hier à votre fête. (Je sens que j'ai capté son attention au regard attristé qu'elle me lance. Aydan, à ma gauche, garde le silence, témoin de la scène qui se joue sous ses yeux.) En vérité, je le sais depuis quelques temps et je pense ne pas être la seule, continuais-je en échangeant une oeillade complice avec la belle blonde, mon frère vous aime Kathreen. Depuis un certain temps déjà et il comptait vous avouer ses sentiments hier soir avant d'oser demander votre main à votre père pour espérer vous épouser...

— Mais...il me semblait qu'il savait déjà que j'étais promise !

— Oui mais il ne savait pas à qui. Il m'a avoué cette nuit qu'il avait été fou de rage lorsqu'il a su que votre fiancé n'était autre que Gilroy Eastbay, celui qu'il considère comme son ennemi depuis toujours... Il pensait qu'il pourrait vous faire changer d'avis d'ici à votre mariage mais l'approche de la date de la cérémonie lui a fait perdre pied et il a agit sous le coup de l'émotion...

— Il est déjà tout pardonné, vous pouvez lui transmettre mes sincères amitiés.

Ses yeux rivés au sol me confirment bien qu'elle souffre autant que James de la situation même si ses paroles laissent imaginer tout le contraire.

— Seulement Kathreen, je ne suis pas seulement venue vous faire part des faits et des sentiments de mon frère. Je suis ici pour vous demander de le pardonner pour sa conduite impulsive mais aussi de considérer la possibilité de l'épouser. Il vous aime et je pense que vous aussi, affirmé-je en attirant ses yeux affolés à l'idée que des rumeurs s'ébruitent. J'ai vu comment vous vous dévoriez des yeux le soir de ma fête et je ne crois pas me tromper lorsque j'affirme que vous ne partagez pas ces regards avec Gilroy. Bien sûr, il faudra en parler à votre père mais je suis convaincue que James saura trouver les bons mots pour le persuader de faire votre bonheur en lui accordant votre main. Jamais vous ne serez heureuse sans lui et je sais que mon frère sera détruit s'il ne peut passer le reste de sa vie avec la femme qu'il aime. Vous avez vu hier la peur d'un homme qui va perdre tout ce qui lui tient à coeur. Je vous en prie, ne gâcher pas vos vies en étant séparés l'un de l'autre car cela ne vous fera que souffrir et le regret vous rongera jusqu'à la fin de vos jours. Considérez ma demande, c'est mon seul souhait...

Un lourd silence s'installe entre nous. Les yeux de Kathreen s'humidifient légèrement et j'espère avoir été convaincante, ne serait-ce que pour James. Il mérite de vivre dans le bonheur, avec elle.

— Et bien Mademoiselle Bloomingdale, nous pouvons dire que vous savez être persuasive, rie-t-elle pour cacher son malaise devant mon ami qui n'a eut de cesse de me dévisager durant toute ma tirade.

À cet instant précis, la porte de la pièce s'ouvre à la volée sur un jeune homme pas plus âgé que Aydan ou même James qui arbore un fier sourire que l'on dirait tout droit sorti d'une publicité pour un dentifrice. Ses cheveux blonds aux nuances rousses coiffés en arrière et sa posture droite m'indiquent qu'il ne doit pas être quelqu'un de très désordonné ou bien même...désorganisé. Kathreen se lève à son arrivée aussi vite qu'elle le peut après avoir effacé toute trace de ses émotions précédentes. Aydan et moi l'imitons poliment malgré mon regard perdu à l'intention de ce dernier. L'inconnu prend brusquement la belle blonde par la taille pour la rapprocher de lui et donner une image de couple idyllique. En effet, la belle coupure qui lui barre l'arcade, sa lèvre inférieure fendue à plusieurs endroits et l'énorme hématome étalé sur sa pommette droite me montrent bien que j'ai affaire à Gilroy Eastbay en personne, l'ennemi juré de James. C'est bien à ce moment que je suis fière de représenter le frère de Cécilia qui a eut le courage de venger notre nom.

— Ah Kathreen ! Te voilà ! Je te cherchais partout. Ton père m'a appris que tu te trouvais dans le petit salon avec des invités de dernière minute semble-t-il...souligne le roux en nous dévisageant un à un avec dédain.

— Aydan Costerhidge, commence mon ami en tendant une main amicale vers le nouveau venu qui l'accepte non sans le toiser de la tête aux pieds et je ne peux m'empêcher de me dire qu'Aydan sera toujours cent fois plus beau que lui même avec les pires blessures du monde. Et voici Cécilia Bloomingdale...

Sa main qui s'apprêtait à saisir la mienne pour l'embrasser s'arrête net et je suis heureuse de l'effet que produit mon nom sur lui. Je souris fièrement, ne serait-ce que pour le narguer.

— C'est donc vous la soeur de celui qui m'a défiguré une journée avant mon mariage ! s'étonne-t-il en crachant ses mots. Et bien on peut dire que vous ne manquez pas de toupet vous les Bloomingdale mais il semblerait que ce soit dans votre nature de toujours envier ce qui est aux autres apparement...

— Je ne savais pas qu'une femme était un trophée Monsieur Eastbay et croyez bien que je sais ce qui anime vos fiançailles avec Mademoiselle Aberworthy. Cependant, je doutais de votre persévérance à afficher votre envie de vous marier mais il semblerait que l'argent soit une motivation nécéssaire à vos yeux, n'est-ce pas ?

Et sur ce, je souris de toutes mes dents. Je ne reconnais pas mon sens de la répartie que je qualifierais d'habitude de quasi inexistant, pourtant Cécilia à l'air d'en avoir un elle, pour mon plus grand bonheur. La lueur mauvaise dans ses yeux me signifie bien que j'ai touché dans le mile mais malgré cela je continue :

— De plus, je suppose que votre demande à fortement été encouragée par le fait que vous saviez pertinemment que mon frère, James, était très épris de Kathreen et que vous vous acharnez à lui rendre la vie dure depuis des années par pure et simple jalousie...

— Assez ! crie enfin le concerné. J'en ai plus qu'assez de vous écouter déblatérer des sornettes sortant de votre bouche de vipère car votre raté de frère n'a pas su entreprendre une seule chose dans sa misérable vie...

— Je ne vous permet pas de lui parler sur ce ton ni de l'insulter, s'énerve Aydan en s'interposant entre le balafré et moi. Essayez un peu de recommencer en disant encore de pareilles choses à propos de Cécilia ou de la famille Bloomingdale et vous ne vous contenterez pas de simples balafres mais de bien plus grave !

Je suis absolument choquée mais avant tout touchée par l'intervention d'Aydan pour me défendre. Je lui suis vraiment reconnaissante et j'ai une fois de plus la preuve que je peux avoir confiance en lui. Les joues de Gilroy se teintent d'un rouge écarlate comme s'il était sur le point d'exploser tandis que Kathreen tente de s'écarter doucement de lui malgré son emprise sur elle et sa main sur sa taille qui ne veut pas la lâcher. Cet homme immonde nous montre enfin son vrai visage.

— Même si vous vouliez annuler le mariage, cela est tout à fait impossible puisque Jack me voit déjà comme le parfait époux à sa chère petite fille et rien, pas même vous, ne pourrez le faire changer d'avis ! (Un rire guttural atroce sort de sa bouche tandis que la bien-aimée de James devient aussi blanche qu'un linge.) Vous avez perdu ! Et ce cher James n'a même pas eu le courage d'assister à sa défaite en personne car après tout ce n'est qu'un lâche, comme toute sa lamentable fami...

Le poing d'Aydan vient s'abattre sur sa joue avant même qu'il n'ai eut le temps de finir sa phrase. Gilroy s'écroule sur le sol sans aucune classe pendant que Kathreen est enfin libre de la pression de son fiancé et qu'Aydan se tient toujours devant moi comme pour me protéger de ses mots blessants. Soudain, une voix grave s'élève du côté de la porte.

— Et vous pouvez être sûr mon cher Gilroy que le mariage avec ma fille est désormais annulé ! tonne Jack Aberworthy en entrant dans la pièce. J'ai entendu la totalité de votre échange Mademoiselle Bloomingdale et vous pouvez être sûre que j'accorderais une chance à votre frère de m'expliquer ses actes de la veille lors d'une discussion entre hommes. (Je lui prouve ma gratitude à l'aide d'un sourire radieux qu'Aydan me rend également en se tournant vers moi.) Quand à vous, espèce de petit chien galeux, continue-t-il en s'adressant à Gilroy toujours à terre, je ne veux plus vous voir poser un pied chez moi ou importuner ma fille ! Maintenant déguerpissez avant que je ne vous mette dehors moi-même !

Le père de Kathreen s'avance vers moi alors que cet idiot de Gilroy essaye de se relever tant bien que mal pour courir en direction de la sortie en minaudant un « ça ne se passera pas comme ça ! » peu convainquant. Kathreen quant à elle semble avoir retrouvé des couleurs depuis l'annonce de la rupture de ses fiançailles au profit de James.

— Je vous remercie Mademoiselle Bloomingdale de m'avoir permis de voir le vrai visage de l'homme qui a failli devenir mon gendre, rit-il en me serrant franchement la main.

— Je vous en prie Monsieur Aberworthy. Je l'ai avant tout fait pour mon frère qui mérite vraiment une seconde chance de votre part car je sais qu'il aime Kathreen plus que tout au monde...

— Allons, appelez moi Jack désormais ! Et dites à votre frère que je souhaite m'entretenir avec lui dès demain !

— Avec plaisir Jack !

Nous sourions tous de soulagement pendant qu'un domestique nous sert à tous une coupe de champagne que je m'efforce de boire à petites gorgées par respect pour notre hôte.

— Je croyais que tu ne buvais pas d'alcool ? me glisse Aydan à l'oreille avec un sourire taquin.

— Et bien tout peut changer comme tu peux le voir, réponds-je en faisant tinter mon verre en cristal avec le sien. À la tienne Aydan et merci de m'avoir défendu, cela m'a profondément touché...

— De rien Elie. Je ne laisserais jamais personne te faire du mal, dit-il avec un regard intense qui me trouble fortement.


Nous quittons l'immense manoir des Aberworthy quelques minutes plus tard. Mon sourire ne me quitte plus depuis ma victoire face à cet imbécile de Gilroy, j'ai tellement hâte de l'annoncer à James et de lui rendre le sourire. Nous avons repris la voiture en direction de chez Cécilia et la chaleur ambiante semble avoir redoublé depuis notre arrivée. Il ne doit pas être loin de midi et le soleil brûle notre peau aussi rapidement qu'il nous fatigue. Parmi les nombreuses voitures qui se croisent, la pollution et la fumée se mélangent pour nous gratifier d'une odeur pestilentielle et d'un mal de crâne vraiment étourdissant. Alors que nous arrivons à quelques rues du vieux carré que nous devons traverser, j'aperçois une silhouette familière se faufiler discrètement à un coin de rue.

— Aydan, tourne à droite à la prochaine rue !

— Pourquoi ?

— J'ai cru voir Aimée et je suis curieuse de savoir où elle peut bien aller tous les jours depuis un petit moment...

— Comme vous voudrez votre Majesté, soupire-t-il en tournant le volant dans la direction que je lui ai indiqué. Qu'est-ce que je ne ferais pas pour toi, murmure-t-il ironiquement comme pour lui-même dans le but de me faire rire.

Je reconnais bien l'allure frêle de mon sosie à quelques mètres de nous. Aydan ralenti le véhicule pour nous permettre de la suivre sans la dépasser jusqu'à ce que nous atteignons le coeur du vieux carré. Le brun gare ensuite le véhicule à bonne distance de la jeune fille qui se balade à présent au milieu de Jackson Square, la grande place du vieux carré en regardant souvent aux alentours sans pour autant nous voir. Je me recroqueville sur mon siège en cuir jusqu'à être presque entièrement camouflée par la portière.

— Mais qu'est-ce que tu fais Elie ? s'interroge le jeune homme avec incompréhension, le corps orienté vers le mien et la main gauche nonchalamment posée sur le volant inerte tandis qu'il arque un sourcil, hilare.

— Je me cache, à ton avis ! Aimée pourrait nous surprendre à tout moment, chuchoté-je en haussant les sourcils de surprise. Maintenant baisses-toi ou elle pourrait te voir !

Je tente de le faire se voûter légèrement, sans succès. Cette situation semble l'amuser.

— Tu sais, Aimée est à au moins une cinquantaine de mètres et elle ne peut absolument pas nous voir, alors redresses-toi ou les gens vont te prendre pour une illuminée...si ce n'est pas déjà fait ! se moque-t-il en m'aidant à me rasseoir correctement sur mon siège.

— Bon ok très bien ! Mais j'aimerais tellement savoir ce qu'elle fabrique chaque jour après avoir quitté la maison des Bloomingdale, soufflé-je en me prenant le visage entre mes mains. J'ai un mauvais pressentiment...

— Et bien calmes-toi Elie, respire, m'invite le grand brun. Elle est encore dans notre visuel, elle ne nous à pas repéré et elle semble attendre quelqu'un, peut-être un petit-ami caché, devine-t-il en prenant son air sérieux de grand consolateur. D'ailleurs, en attendant qu'Aimée fasse quelque chose de vraiment passionnant, tu ne voudrais pas qu'on change de sujet ?

Sa proposition me prend de court mais à vrai dire, une question me vient instinctivement à l'esprit et que je meurs d'envie de lui poser depuis tout à l'heure.

— Comme tu voudras Casanova, le taquinais-je. J'ai une question !

— Je t'écoute ! J'adore le jeu « action ou vérité » ! s'amuse-t-il en se redressant impatiemment.

— Qu'entendait Jack ce matin lorsqu'il a affirmé que tu ne « ratais jamais une occasion de briser des coeurs » ? souris-je malicieusement, intéressée par la réponse.

Ma réplique semble l'avoir pris de court car je distingue ses joues pâlir et que ses doigts agitent quelques mèches de ses cheveux qu'il recoiffent en arrière nerveusement.

— Oh tu sais, Jack à simplement voulu me taquiner en me disant ça, il ne le pensait pas vraiment, il riait voilà tout !

Je comprends alors grâce à ses yeux fuyant les miens et son sourire crispé qu'il me ment éperdument quoique mal.

— Ne me mens pas Aydan, je sais que tu mens. Mais si tu n'as vraiment pas envie de me dire ce que cela signifiait car tu juges cette information trop personnelle je comprendrais, ne t'en fais pas, après tout, nous ne nous connaissons que depuis peu de temps et je ne devrais pas avoir la prétention d'exiger que tu me dises tout sur toi et...

— Ça va ça va j'ai compris, pas besoin de jouer à ce petit jeu-là avec moi, je vais tout te dire, mais à tes risques et périls : si ce que je m'apprête à te dire ne te plait pas ou change l'image que tu t'étais faite de moi, saches que c'est toi qui a abordé le sujet ! me prévient-il en encrant ses prunelles ambrées aux miennes, fascinées et piquées à vif. Avant de te connaitre, j'ai assisté à pas mal de fêtes en tout genre pendant trente ans et on peut dire que j'avais pris des habitudes que je n'ai abandonné qu'il y a peu de temps... Quand j'ai voyagé à travers les plus grandes villes, je n'avais pas d'attache, aucun point d'encrage à la réalité, j'étais seul et je me moquais éperdument des répercussions de mes actes... C'était comme si ma vraie nature avait totalement disparue, ajoute-t-il les yeux dans le vague pour éviter de me faire face. À cette époque, j'enchainais les fêtes et donc je jouais beaucoup de mon charme auprès des demoiselles de la haute société pour les faire succomber... Je changeais régulièrement de noms pour ne pas que des rumeurs à propos d'Andrew Costerhidge, mon soit disant « père », ne se propagent et grâce à mes nombreux contacts, j'infiltrais encore plus de fêtes où je m'amusais de toutes les manières possibles, dit-il un peu honteux. J'étais pire que James pour te donner une image et je ne suis pas fier de cette période de ma vie.

Jamais je n'aurais imaginé Aydan dans le rôle du bourreau des coeurs infernal. Je comprend mieux toutes ses allusions au fait qu'aucune femme ne peut lui résister ou cette assurance naturelle qui émane de lui lorsqu'il est en présence d'une femme. Sans même m'en rendre compte, le surnom de « Casanova » que je lui ai trouvé lui va à ravir. Ma surprise doit se lire sur mon visage en même temps que ma déception car mon ami baisse le regard précipitamment en affirmant qu'il comprendrait si je ne voudrais plus lui parler ou m'éloigner de lui. Ce à quoi je me précipite de répondre pour le rassurer comme je le peux :

— Jamais je ne pourrais m'éloigner de toi Aydan, jamais ! Nous sommes liés tous les deux par les évènements qui nous ont séparés de notre famille et tu es devenu un tel soutient pour moi que je crois que je ne pourrais pas passer une journée sans te voir ni même te parler... Rester ensemble est notre seul moyen de nous en sortir et peu importe ce que tu as fais ou dis il y a trente ans ou bien deux mois, ce qui compte c'est qui tu es aujourd'hui et qui tu veux devenir ! Et puis je t'apprécie réellement, j'ai appris à te connaitre et vice versa, notre amitié compte plus que tout pour moi depuis que je suis arrivée ici et je ne veux pas te perdre...

Ses yeux croisent les miens avec espoir lorsque mes doigts frôlent son épaule. Ses traits se relâchent immédiatement et il me semble que la place est vide autour de nous, plus personne ne marche dans la rue ou ne parle : nous ne sommes que tous les deux. Seul le son de sa voix est perçu par mes oreilles, imperméables aux bruits extérieurs.

— Elie, murmure-t-il si bas que j'ai peur de ne pas bien entendre, jamais quelqu'un ne m'a dit de tels compliments... Merci, sourit-il en attrapant ma main précieusement et en exerçant une légère pression dessus.

— À partir de quand as-tu arrêté d'agir comme cela ? demandé-je calmement non sans cacher ma gêne et ma surprise.

— Il y a environ deux ans quand je suis revenu à La Nouvelle-Orléans et que j'ai rencontré Henry, c'est lui qui m'a convaincu d'arrêter mes numéros de charme car il ne trouvait pas cela respectable. Il m'a vraiment aidé et depuis j'ai l'impression d'être redevenu moi-même, celui que j'étais en 1990.

— Et tu n'as jamais pensé que ton comportement pouvait être dû à ce Andrew dont tu as pris le corps ?

— Non, à vrai dire j'ai toujours pensé qu'il s'agissait d'une part plus sombre de moi-même... D'ailleurs tu n'aurais jamais dû connaitre cette facette Elie.

— Mais c'est fait maintenant et parce que j'ai insisté. Et je continue de croire que ce n'était en rien ta faute. Le caractère d'Andrew a dû prendre le dessus sans que tu ne t'en aperçoive voilà tout et aujourd'hui, il n'est plus là pour influencer tes actes car il doit surement être trop faible et s'effacer, comme Monique nous l'a expliqué concernant ce qui arrivera à Cécilia dans plusieurs années ! tenté-je de le convaincre.

— Oui tu dois avoir raison... me sourit-il tristement.

Soudain, il entrecroise nos doigts en attendant une quelconque réaction de ma part. Je reste pourtant immobile en observant nos mains jointes comme si c'était une des plus jolies choses que je n'ai jamais vu. Je sens le brun se détendre à côté de moi alors que la nouveauté de ce contact m'angoisse légèrement. Je l'observe donc attentivement tandis qu'il fait de même. Nous nous détaillons mutuellement, nous perdant dans le regard de l'autre, j'admire son sourire, les traits fins de son visage magnifiquement dessiné, chaque parcelle de sa peau. Plus je réfléchis et plus tout s'embrouille dans mon esprit, je ne sais plus si je dois continuer à appeler Aydan « un ami » ou commencer à le considérer comme plus. Pour toute réponse, je tourne la tête vers Aimée qui n'a toujours pas bougé depuis dix minutes. Cependant, j'aperçois une voiture de collection noire au toit en tissus opaque s'approcher de mon sosie. Cette dernière semble échanger deux mots avec le conducteur avant de monter à ses côtés sur le siège passager.

— Aydan ! Regarde !

— J'ai vu... Mais je croyais qu'Aimée ne connaissait personne en dehors de son orphelinat ?

— Oui c'est ce qu'elle m'a dit. À moins qu'elle ait rencontré quelqu'un au cours de ses nombreuses balades en ville, avouais-je avec amertume. J'aimerais bien savoir ce qu'ils peuvent se dire en tout cas !

— Peut-être simplement des badinages d'amoureux, propose le brun malgré mon scepticisme.

Je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi l'orpheline avait l'air si préoccupée et sérieuse avant de monter dans le véhicule. Aucune fille au monde ne serait aussi froide en retrouvant l'homme qu'elle aime, c'est impossible. Non, je crois qu'il s'agit d'autre chose, et surtout de quelqu'un d'autre à ses yeux. Je me dandine sur mon siège en espérant apercevoir le visage du conducteur, sans succès. Une maudite poubelle métallique au fond de la place se trouve exactement dans notre champs de vision, nous cachant l'identité de cet inconnu même si la distance se charge bien de garder le mystère entier. Le véhicule ne démarre pas malgré sa nouvelle passagère, ce qui renforce mon idée d'un rendez-vous entre la brune et son interlocuteur.

— Cet homme est un connaisseur, s'exclame avec malice le jeune homme à ma gauche, cette voiture est un modèle rare de collection. Il en existe seulement dix dans le monde avec un moteur pareil capable d'aller aussi vite qu'une de nos voitures modernes.

— Comment sais-tu tout cela ?

— Je me suis documenté sur le sujet lorsque j'étudiais tous les modèles de voiture à mon époque pour...

— Devenir mécanicien, complété-je, je m'en souviens. Peut-être que sa voiture unique nous permettra de savoir à qui elle appartient ?

— Je mènerais ma petite enquête à ce sujet auprès d'amis haut placé, si cette voiture a été remarquée dans la ville, son conducteur également.

Une portière claque au loin et je constate qu'Aimée sort du véhicule luxueux pour rejoindre le trottoir. L'homme démarre presque aussitôt avant de disparaitre au loin, à un coin de rue. Aimée observe les alentours de part et d'autre et nous nous empressons de nous recroqueviller sur nos genoux. Après quelques secondes je demande, mon visage contre mes jambes et le souffle court :

— Tu crois qu'elle est partie ?

Aydan relève doucement la tête centimètre par centimètre en jetant un regard amusé en direction de la place puis derrière la voiture.

— R.A.S., tu peux te relever, assure-t-il en souriant puis sérieusement : Non attends, ajoute-t-il alors que je commençais à émerger de ma portière, je crois que je viens d'apercevoir Bruce Willis courir d'un bout à l'autre de la place.

— Très drôle Aydan, franchement. Je suis morte de rire, articulé-je en me relevant, le regard blasé et feignant d'applaudir dans mes mains.

Le brun éclate de rire devant mon air renfrogné. Aimée, quant à elle, à disparu. À présent, je sais ce que mon double fabrique toute la journée et il se pourrait même que cet homme ne soit pas le seul qu'elle voit en une journée. Je ne peux m'empêcher de m'interroger sur ses projets. Il est vrai qu'Aimée ne semble pas se cacher d'avoir un goût tout particulier pour ce qui est précieux et coûteux mais donner rendez-vous à de riches hommes de la ville pour obtenir on-ne-sait quoi me parait extrême.

— Bon et bien je pense que nous pouvons rentrer...soupiré-je.

— Et c'est là que tu dois me remercier mille fois pour avoir été ton chauffeur aujourd'hui malgré ton mauvais caractère lorsque tu n'a pas voulu me dire que James était amoureux de Kathreen et que je suis le garçon le plus beau et serviable que tu aies jamais rencontré, me charrie-t-il en démarrant sa belle voiture que je pourrais d'ailleurs rayer à tout moment avec une de mes boucles d'oreille en or massif.

— Merci, marmonné-je en baissant la tête.

— Comment ? Je crois que je n'ai pas bien entendu ! Et je crois que tu as oublié de dire que j'étais le plus beau et...

— Tu m'as très bien entendu si tu sais que je ne l'ai pas dit, contesté-je ravie d'avoir le dernier mot. Je ne le répèterais pas ! ris-je.

— Evidemment que je le sais, tu n'as pas pu dire tout cet éloge sur ma personne en quelques syllabes seulement, argumenta-t-il en souriant tout en se concentrant sur la route.

— Tu marques un point...

— Et oui, je ne suis pas qu'un bel homme, je suis également intelligent !

— Je demande encore à voir car je n'ai pas eu l'occasion de m'en rendre compte récemment, éclaté-je de rire.

— Et bien tu verras ! Très bientôt...si tu m'en laisse l'occasion...

Je comprend immédiatement le sous-entendu. Notre possible fuite ensemble et le voyage autour du monde. Il me demande donc une réponse. Un silence s'abat entre nous même si je m'efforce de ne pas montrer ma gêne et la possibilité que j'accepte son offre. Seulement je ne suis pas sûre des sentiments que j'éprouve pour lui ou s'ils sont même mutuels. Le doute est la pire des sensations. Alors que nous quittons le vieux carré, il reprend d'une voix parfaitement calme et légèrement amusée :

— As-tu déjà vu le film Piège de cristal avec Bruce Willis ? Il est absolument génial...

— Non je n'en ai pas eu l'occasion, désolée Aydan... Ce n'est plus vraiment un film à la mode en 2020 même si Bruce Willis reste un acteur célèbre ! le taquiné-je.

— Il a fait beaucoup de films depuis ma...ma mort ? me demande-t-il tout abattu.

— Oui des dizaines voire des centaines ! C'est un des acteurs préféré de mon père ! m'exclamé-je en espérant lui redonner le sourire.

— Ah oui ? Dans ce cas je commence à apprécier ton père ! Je pourrais peut-être regarder tous ses films si j'arrive à éviter ma mort...

— Mais oui Aydan, tu les regarderas ! Et je t'aiderais à empêcher ta mort, sois-en sûr, affirmé-je en pressant légèrement son épaule malgré son regard toujours fixe sur la route.

— Viens-tu de m'affirmer que tu acceptes de partir avec moi ? sourit-il malicieusement à mon intention.

— Non Aydan, je n'ai pas dis ça, je dois encore réfléchir, excuses-moi...

— Très bien, marmonne-t-il, il n'y a aucun problème, prends tout le temps qu'il te faudra, je ne veux pas te brusquer...

La discussion s'arrête là. Nous sommes arrivés chez Cécilia. J'ai hâte d'annoncer la nouvelle à James. Je vois bien que le jeune homme est toujours peiné de ma réponse lorsque nous franchissons l'entrée. Marie-Anne récupère chapeaux et accessoires tandis que je cours presque sur la terrasse où James ne touche pas au copieux déjeuné qui lui est servi accompagné d'une tasse d'un liquide qui doit surement l'aider à supporter sa migraine. Il doit s'être levé il y a quelques minutes seulement. Son air absent, ses immenses cernes sous ses yeux bleus perdus et ses cheveux hirsutes font peine à voir et j'espère bien lui rendre le sourire.

— James, j'ai une grande nouvelle à t'annoncer. (Ce dernier lève nonchalamment son visage vers moi. Il ne semble pas avoir remarqué la présence d'Aydan derrière moi.)

— Je t'écoute, soupire-t-il. Je ne vois pas en quoi cela pourrait changer ma situation...

— Justement, prononcé-je doucement de peur de lui donner mal au crâne, j'ai rendu une petite visite à Kathreen et à son père et j'ai réussi à faire annuler le mariage en faisant prendre conscience à Jack Aberworthy de l'énorme erreur qu'il commettait en mariant sa fille à Gilroy...

Ses yeux se relève légèrement vers moi, surement car il croit avoir mal entendu ce que je viens de lui dire. Son visage ne trahie aucune émotion et je me sens donc encouragée à continuer.

— J'ai plaidé ta cause et le père de Kathreen souhaite te rencontrer demain et tu pourras épouser Kathreen si tu lui fait bonne impression ! Cette fille t'aime, j'en suis absolument sûre, je l'ai vu dans ses yeux ! Vous allez tellement bien ensemble, dis-je en souriant de toutes mes dents en attendant une quelconque émotion sur les traits de mon frère.

Brusquement, James se lève et me serre dans ses bras en me soulevant du sol pour me faire tournoyer alors que je m'accroche à son cou. J'éclate de rire même si je pense que je dois lui massacrer ses tympans hyper-sensibles.

— Tu es la meilleure soeur au monde Cécilia ! Merci !

Il me repose au sol puis il m'embrasse sur chaque joue avec une joie communicative qui me fait rire . Je suis tellement heureuse de le voir aussi euphorique que des larmes coulent d'elles-même sur mes joues que je m'empresse d'essuyer. Aydan reste en retrait jusqu'à ce que mon frère s'approche de lui pour une accolade amicale qu'il rend à James.

— Je vous inviterais à mon mariage Aydan, soyez-en sûr ! Il me faut quelqu'un de confiance pour veiller sur ma petite Céci' !

Le brun parait quelque peu gêné mais accepte le compliment avec joie. James s'écarte de lui et commence à se diriger vers l'intérieur avec précipitation, les pensées se bousculant surement dans sa tête.

— Il faut que j'aille choisir ma tenue pour mon entrevue avec Monsieur Aberworthy, il faut que je sois présentable et que je montre ma richesse ! Il faut également l'annoncer aux parents et...

— Doucement James, l'arrêté-je. Il faut d'abord que tu manges pour être d'aplomb demain, et je m'occuperais des parents plus tard, ne t'en fais pas !

Je le tire vers sa chaise gentiment tandis qu'il déblatère tout un tas d'informations à la minutes si bien que j'ai peur que sa tête explose dans une seconde. Une fois assis, il semble un peu plus calme.

— Mais il faut que vous aussi vous mangiez, constate-t-il avec l'air d'un enfant. Apportez deux couverts supplémentaires ! crie-t-il à l'intention d'un domestique posté à la frontière entre l'intérieur de la maison et la terrasse.

Deux minutes plus tard, moi et Aydan sommes servis et installés l'un en face de l'autre. James avale quelques bouchées de rôti lentement entre deux tirades.

— Et voilà ce bougre d'âne de Eastbay renvoyer à sa place : chez les porcs ! rit-il en même temps que nous. Cette fois il n'a pas réussi à me prendre ce que je désirais et je ne le dois qu'à toi Céci' ! Merci encore, réitère-t-il en embrassant le dos de ma main. Voyez comme elle est généreuse Aydan, tout le portrait de son frère ! L'homme qui l'aura pour femme ne sera point malheureux...

Sa dernière phrase ne me surprends même pas lorsqu'il relance le sujet d'un mariage entre le brun et moi. Ce dernier ne semble même plus s'en offusquer, au contraire il m'observe de ses yeux perçants tout en annonçant :

— Malheureusement, je ne pourrais être présent au futur mariage de votre soeur car j'envisage de quitter la ville d'ici peu pour affaires à l'étranger.

— Tiens, cela m'étonne, s'exclame mon frère. Je pensais que vous vous plaisiez parfaitement ici...

— C'est le cas en effet mais j'attends qu'une raison particulière m'oblige à rester...

— Une femme par exemple ? demande-t-il ce à quoi Aydan hoche la tête. Et bien, mon cher ami, si cette dernière ne sait ce qu'elle rate il serait plus que temps qu'elle s'en rende compte... (Le regard de James s'attache au mien avant de se diriger vers Aydan plusieurs fois avec un mouvement imperceptible.) N'est-ce pas Céci' ? Quel dommage que notre cher Aydan ne voit pas de raison de rester !

Le message est aussi clair que s'il me donnait un coup de pied dans le tibia. S'il savait que le départ de son ami pouvait entrainer celui de sa chère soeur, il ne me labourerait surement pas la jambe à l'heure qu'il est. Mais nous ne pouvons pas rester, les ressuscités ne le peuvent pas longtemps.

— Oui quel dommage en effet, souris-je poliment. Mais pourquoi un telle urgence Monsieur Costerhidge, votre départ peut surement attendre encore quelques années non ?

Ma pique est lancée, il n'y a plus qu'à voir comment l'intéressé va s'en sortir. En attendant je souris telle une jeune fille bien élevée de la haute société américaine à qui l'on a appris toutes les politesses. Cependant, au moment où mon voisin de table allait répliqué, deux personnes arrivent sur ma droite en provenance de la maison. Un domestique accompagné d'un visage familier : Henry. L'homme le présente avant de s'éclipser. Aydan se lève pour le serrer dans ses bras avant que le nouveau venu ne serre la main à James et qu'il ne baise ma main de la plus élégante des façons.

— Pardonnez moi d'importuner votre repas, cela n'était pas volontaire, s'excuse-t-il en souriant comme à son habitude.

— Il n'y a pas de mal mon cher, j'allais justement m'en aller, affirme James en se levant. Ce fut un plaisir Monsieur Summershigh !

— Moi de même Monsieur Bloomingdale, s'exclame Henry en prenant place à côté de son meilleur ami alors que mon frère disparait derrière le mur de la maison.

— Que nous vaut le plaisir de votre plaisir Henry ? demandais-je.

— Et bien je venais prendre de vos nouvelles très chère mais je constate que mon ami m'a précédé, rit-il en tapant amicalement le dos d'Aydan qui semble quelque peu gêné. Mais comme on dit : plus on est de fous, plus on rit !

— Je vous remercie Henry, je vais parfaitement bien, mon frère va bientôt se fiancer !

— Ah si j'avais su, je lui aurais transmis mes plus sincères félicitations, sourit-il d'une manière absolument charmante qui pourrait rivaliser avec celle d'Aydan.

— C'est l'intention qui compte comme on dit ! dis-je en lui rendant son sourire.

— N'hésitez pas à me dire si ma présence vous gêne surtout, s'offense le brun avec un sourire aussi faux que les excuses d'Aimée à chacune de ses sorties.

— Oh ne sois pas jaloux mon petit Aydan ! Pas en présence d'une dame, ce n'est pas correct, le taquine le blond.

— Ce n'est absolument pas mon genre, se défend ce dernier. Je me demande seulement d'où vous vient cette proximité qui semble nouvelle...

— Nous avons fait plus ample connaissance à la fête de cet homme d'affaire, Northwood il me semble, semble réfléchir Henry. Nous avons même dansé à en perdre la tête si tu veux mon avis...

Henry rit d'une façon si mélodieuse que ce devrait être interdit. Aydan quant à lui devient aussi blanc que la nappe qui recouvre la table. La dernière phrase que vient de prononcer son ami semble l'avoir mis dans une sorte d'état d'ébullition intérieure que je n'arrive pas bien à cerner. Je souris malgré moi. Même si une part de moi est flattée de ce comportement plus qu'adorable, je ne peux m'empêcher de me réjouir d'avoir enfin trouvé un défaut au jeune homme : ce dernier est incroyablement jaloux.







Et voici le quinzième chapitre, un peu long, de Contre le Temps ! En espérant qu'il vous ai plu et que vous passez de bonnes vacances ! N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, que ce soit à propos de la longueur ou même du contenu !


@WhiteFeather04

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