Le sorcier qui s'ennuyait ( I )
Il était une fois, dans un pays lointain, un sorcier qui s'ennuyait.
Il était intelligent. Beaucoup trop intelligent.
Il n'avait que mépris pour le commun des mortels, trop bêtes, trop lents.
Alors, il se divertissait comme il le pouvait par des jeux de pouvoir, des énigmes et des crimes parfaits. Au fils des années, il en vint à tisser une toile immense, une toile d'araignée dans laquelle s'était englué le royaume entier.
Au centre, immobile, il en sentait chaque brin frémir, partout dans le royaume, il voyait, il ordonnait, il régnait.
Quel ne fut donc pas sa surprise d'apercevoir, au cours d'une promenade dans les jardins du palais, un insecte libre de sa toile.
Un garçon d'une vingtaine d'années, assis dans l'herbe du parc. Un carnet dans une main, un stylo dans l'autre, il semblait plongé dans la contemplation d'une ruche d'abeille.
Le garçon tourna à peine la tête, l'entendant approcher.
-Je croyais que les sorciers détestaient les jardins, dit-il négligemment. Leurs pouvoirs s'expriment mieux au milieu d'une nature non domestiqué.
Le sorcier haussa un sourcil, surpris. Son apprenti était, jusqu'à maintenant, le seul à connaître ses pouvoirs.
-Comment sais-tu que je suis sorcier ?
Le garçon lui jeta un regard exaspéré.
-Quelqu'un qui porte un pentacle autour de son cou et qui projette une ombre rouge est soit un sorcier, soit un vampire, soit un démon. Un vampire ne survivrait pas longtemps au soleil. Un démon sentirait le souffre. Un sorcier, donc.
-Mais que voilà un jeune homme intéressant...
Un sourire étira lentement les lèvres du sorcier. Celui d'un prédateur. Ou celui d'un fou.
-Mon nom est Moriarty, lança-t-il avant de faire volte face. Lord Jim Moriarty. Tache de ne pas l'oublier...
Mais le jeune homme si perspicace était retourné à la contemplation de ses abeilles.
Dès que la nuit fut tombée, Moriarty pénétra dans les Bois Sombres, là où seules les créatures magiques peuvent trouver un chemin.
Au plus profond des entrailles du bois, passés la Caverne du Dragon, l'Arbre Aux Pommes d'Or et la Fontaine Gelée, se trouvait une tour.
Une vieille tour tordue, plantée dans le sol depuis que la magie était magie. Ce fut le refuge de son maître, du maître de ce dernier et de son maître encore. C'était maintenant le sien.
Il se dépêcha de prononcer les sortilèges qui le laisseraient entrer et gravis précipitamment les marches qui menaient à la plus haute salle.
Au fond de la pièce vide, un drap, comme un fantôme, recouvrait une forme ronde.
D'un geste ample, il découvrit l'objet.
Un miroir.
- Miroir, miroir magique au mur, clama le sorcier d'une voix semblable au roulement des pierres, dis-moi qui a l'intelligence la plus sûre.
La surface de la glace se troubla, semblable à l'onde d'un lac. Lentement, un visage surgit des profondeurs et creva la surface.
-Dans le royaume, ô mon maître, répondit une voix sépulcrale, trois personnes peuvent prétendre à ce titre.
Moriarty eu une moue surprise.
-Le premier est le dauphin, l'aînée des princes, le froid et raisonné Mycroft Holmes. Le deuxième est son cadet, le bien indiscipliné Sherlock Holmes. Le troisième est vous, sorcier à la folie naissante.
Le sorcier savait que le roi était intelligent. Mais il était beaucoup trop raisonnable à son goût, trop peu amusant. Il s'en occuperait plus tard. Le cadet, par contre, était très prometteur. Il saurait très bien jouer avec lui.
Son rire raisonna loin hors des murs de la tour, faisant fuir à la ronde tous ce qui avait des pattes pour courir.
Le lendemain, le jour de l'anniversaire du prince, le roi et la reine eurent un « mystérieux accident » aux abords des Bois Sombres.
Le prince, bouleversé par cette mort, alla trouver refuge au cœur de la forêt, là où il fut maudis par une fée à cinq ans d'errance à la recherche de l'amour. Mais cette histoire en est une autre.
Cinq années durant, le prince écuma donc les royaumes, débusquant les meurtriers, résolvant les énigmes, seuls, puis accompagné d'un chevalier errant que le destin lui avait offert. Au fils de ses enquêtes, lentement, il prenait conscience de l'araignée et de sa toile. Il ne parla à personne de cet ennemi anonyme, invisible et tout puissant. Lui aussi craignait l'ennui.
Les cinq années passées, la malédiction déjouée, Moriarty pris conscience que ses affaires périclitaient. Sherlock Holmes déjouait la plupart de ses plans.
L'affronter de loin ne lui suffisait plus.
Il voulait détruire son adversaire, ou mieux, le pousser à se détruire lui-même.
C'était l'heure de l'apothéose.
Bien loin de ces sombres projets, deux hommes discutaient.
-Tu me caches quelque chose, bouda Sherlock en croisant les bras.
-Moi ? Répondit John d'un ton innocent en défaisant son armure pour s'asseoir à la chaleur du feu de camp.
La nuit venait de tomber, tirant sur le ciel son manteau d'étoile. Tous les deux perdus au milieu de nul part, ils n'auraient échangé leur place pour rien au monde.
-Tu as toujours ce sourire lorsque tu caches quelque chose, répondit le prince en se rapprochant de son amant.
John eut un petit rire.
-Il s'agit juste de quelque chose que j'ai trouvé au marché, dit-il avec un sourire. J'ai pensé que tu aimerais.
Il sortit de sa cape une boite métallique, que le jeune prince ouvrit avec impatience.
-Du chocolat !
Ses yeux brillèrent. Importé de très loin, le chocolat était -hélas- un aliment rare dans le royaume, même si Sherlock en raffolait.
John sourit de sa réaction enfantine et se rapprocha encore, assez pour poser sa tête sur l'épaule de son prince-détective.
Le sentant frissonner, le prince ouvrit sa large cape et les y enveloppa tous les deux.
Ils se perdirent dans la contemplation du feu et la chaleur l'un de l'autre.
-John... souffla Sherlock, laissant sa phrase en suspend.
-Je sais, sourit John en posant un baiser sur les lèvres chocolatées. Moi aussi.
Un craquement les fit sursauter.
Une silhouette se détacha de l'ombre.
-Je ne voulais pas vous interrompre, lança une voix gênée.
-Greg ? Reconnu John, incrédule.
-C'est mon frère qui vous envoie ? Lança Sherlock, très mécontent d'avoir été interrompu. Comme si j'avais besoin d'être surveillé. Vous n'en avez pas assez d'être son domestique ? Et puis, pourquoi ce prénom ridicule ?
Il reçut deux regards surpris.
-Mais c'est son nom, lui appris John, mi amusé-mi consterné.
-Vraiment ? Répondit Sherlock d'une voix complètement dépourvue d'intérêt.
-Votre frère a besoin de vous, lâcha le Chasseur, légèrement vexé.
-Je suis occupé.
-Un cadavre a été trouvé dans le château. Le roi pense que c'est l'œuvre d'un golem...
-Dépêche-toi, John, s'exclama soudain le prince en sautant sur ses pieds, il faut arriver avant que les sagouins de la Garde piétinent la scène de crime !
Le chevalier soupira, faisant une croix mentale sur sa soirée au coin du feu.
Lestrade lui lança un regard compatissant.
-Fréquenter un Holmes, souffla t-il en passant, c'est toute une histoire.
John hocha sombrement la tête en grimpant sur son cheval.
-C'est bien l'œuvre d'un golem, souffla Sherlock excité, en se penchant sur le cadavre de l'astronome convulsé sur le sol.
Son amant lui lança un regard interrogateur.
-Allons, John ! C'est pourtant évident ! La marque de la main ayant bloqué la bouche et le nez du mort est bien trop large pour être humaine. La pièce est fermée à clef de l'intérieur, mais on peut voir, dans le coin, un tas de terre.
Sherlock savait que les golems étaient des créatures extrêmement rares. Les légendes parlaient de statues d'argiles animées par la magie d'un sorcier noir. Privées de leurs forces vitales, ce n'étaient plus que des flaques de boue.
-Où est le sorcier du château ? Demanda le prince.
-Votre frère ne porte pas les sorciers dans son cœur, répondit le Chasseur. On en trouve guère dans les parages.
-Vraiment ? J'étais pourtant persuadé...
Mais il n'eut pas le temps de fouiller ses souvenirs.
Le chuintement que fit la lame de John en sortant de son fourreau lui fit tourner la tête.
Dans le coin de la pièce, le tas de boue bouillonnait.
Il s'étrécit lentement tandis qu'il s'agglutinait, formant une silhouette de la taille d'un enfant, puis d'un homme, puis d'un géant. La créature n'avait ni yeux ni bouche. Pourtant, sa tête se tourna sans hésiter vers le jeune prince.
Il s' élança droit sur lui.
Sans réfléchir, John poussa son amant en dehors de la trajectoire du monstre, encaissant de plein fouet le coup qui l'écrasa au sol.
-JOHN ! Hurla Sherlock en se relevant.
La créature avait fermement plaqué ses mains sur le visage du chevalier qui essayait désespérément de se libérer.
Deux dagues allèrent se planter dans la tête du monstre, sans résultat. Le Chasseur jura.
Sherlock sauta sur le dos de la créature, qui ne lui accorda pas plus d'attention qu'à une mouche.
-Comment tue-t-on cette chose ? S'exclama le Chasseur.
Mais Sherlock n'entendait rien d'autre que les grognements étouffés de John, au bord de l'asphyxie.
Il s'efforçait de contenir sa panique. Réfléchir. Analyser.
La magie ne fonctionnait pas à distance. Il fallait soit un contact visuel, soit une amulette, ou un symbole catalyseur. À moins que Lestrade ne soit le sorcier, ce dont Sherlock doutait fortement, il devait donc y avoir quelque symbole à détruire...
Ses doigts rencontrèrent une protubérance, à l'arrière du cou. Il la frappa de toutes ses forces. Sa main s'enfonça dans la matière glaiseuse, jusqu'à rencontrer un petit objet. Il l'arracha avec la force du désespoir.
A peine l'amulette extraite de sa chair, le monstre perdit toute consistance et fondit à nouveau.
Sherlock heurta brutalement le sol. Mais il n'en avait cure. Sans même perdre du temps à se relever, il se précipita au chevet du chevalier qui toussait et crachait de la terre en se convulsionnant au sol.
-John ! JOHN !
Le chevalier voulu lever les mains pour le rassurer, mais fut prise d'une nouvelle quinte de toux.
Sherlock, impuissant, referma ses bras autour de lui.
-Ça... va... haleta John en se redressant.
Il croisa le regard du prince, brillant d'inquiétude, et souris avant de prendre son visage dans ses mains.
-Je vais bien, Sherlock, souffla-t-il.
Pour toute réponse, le prince le serra contre lui.
-Sherlock... appela le Chasseur, penché sur l'amulette arrachée à la créature.
-Vous, il faudra que vous cessiez de nous interrompre, grogna le prince en prenant dans sa main l'objet de curiosité.
C'était un morceau de cristal gravé de symboles cabalistiques. Au centre, à jamais piégé, dormait une abeille.
Mais pas n'importe quelle abeille.
Le souvenir de l'homme à l'ombre rouge revint soudain à l'esprit du jeune prince.
-Sherlock, déclara une nouvelle voix en entrant dans la pièce, tu as trouvé qui était le sorcier qui a créé le golem ?
L'aînée des Holmes venait de faire son entrée. Gregory, qui ne l'avait pas vu depuis deux jours, lui trouva un air fatigué.
-Pas encore, mon cher frère, répondit le prince, perdu dans ses pensées.
-Quelque chose ne va pas ? S'inquiéta Gregory.
Mycroft lui adressa un sourire si doux qu'il fit naître quelques soupçons dans l'esprit de John.
-Le royaume est au bord de la guerre, soupira-t-il. J'ai envoyé Lord Moriarty parlementer, mais les négociations ont échoués. Le roi Moffat, réputé d'entre tous le plus sanguinaire, va nous envahir, et nous ne pourrons rien y faire !
-Qui ? Demanda Sherlock, soudain intéressé.
-Le roi Moffat ? C'est...
-Non, l'autre !
-Lord Moriarty ?
-Moriarty, répéta en murmurant Sherlock en faisant rouler le nom dans sa bouche. Lord Jim Moriarty...
-Quoi qu'il en soit, conclut l'autre Holmes, trouve vite la solution, et discrètement.
Il fit volte face, mais s'arrêta avant de franchir la porte.
-Gregory, j'ai une tache assez importante pour vous. Suivez-moi.
Le sourire discret qui se dessina sur les lèvres de Lestrade acheva de convaincre John, qui lui adressa un clin d'œil. Le Chasseur rougit et suivis le roi.
Lorsque John se retourna, il était seul dans la pièce.
Le jeune prince était sortit par la fenêtre, autant pour ne pas attirer l'attention que pour aller plus vite.
Au fond du parc, les ruches étaient éventrées, piétinées sous les abeilles qui jonchaient le sol comme autant de cadavres.
Sherlock sentit sa gorge se serrer. Des années durant, ces abeilles avaient été ses seuls amis.
Il avait compris le message. Finis de s'affronter à distance.
Le duel pouvait commencer. Et tous les coups étaient permis.
~
Sur une dernière caresse, Gregory laissa le roi endormis dans son lit.
Il avait trouvé autre chose sur la scène de crime. Quelque chose qu'il n'avait pas montré à Sherlock.
Un mot qui lui était adressé.
Les lames dégainées, il se rendit à la plus haute salle de la plus haute tour du château là où, pas si longtemps auparavant, le roi guettait encore le retour de ceux qu'il aimait.
À présent, la pièce, vide, inutilisée, n'était plus chauffé. Le carreau brisé laissa une fraîche brise lui effleurer la nuque, provoquant un frisson. À moins que ce ne soit la peur.
Gregory était un Chasseur, appartenant au très fameux clan Lestrade. Il n'était pas par nature impressionnable. À vrai dire, les fois où il avait connu la peur pouvait se compter sur les doigts d'une main.
Cette fois-ci en faisait partit.
Un homme venait d'apparaître dans l'obscurité, comme vêtu de l'ombre elle-même.
-Qui êtes-vous ? Lança le Chasseur, domptant sa frayeur.
-Je suis un cauchemar.
-Que me voulez-vous ?
-Oh, pauvre petit chasseur, couina Moriarty en entrant dans la lumière. Il n'a pas beaucoup de matière grise, n'est-ce pas, le toutou du roi ?
Gregory serra ses poings autour de ses armes, mais ne répondit pas.
-Ce que je veux, ricana le sorcier, c'est m'amuser une dernière fois. Quoi de mieux, comme petit jeu, que de détruire les Holmes ?
-Non !
Le cri avait jailli de sa gorge avant qu'il ne puisse le retenir.
Un sourire étira les lèvres de Moriarty.
-Tellement mignon, roucoula-t-il. À quel point tenez-vous au roi ?
Lestrade ne dit rien, mais ses yeux écarquillés trahissaient assez sa détresse.
Moriarty fit un geste et sur le mur se dessina une image, comme une fenêtre. Donnant dans la chambre de Mycroft.
Le roi endormit haletait, visiblement en proie à un cauchemar.
-Maintenant, lança Moriarty, regardez bien, petit chien de chasse.
Dans sa main apparue une figurine, semblable au golem qui les avait attaqués, quelques heures plus tôt.
-J'ai caché une amulette dans la chambre de notre bien aimé souverain. Et si je fais ça...
Il attrapa l'un des bras de son effigie et le leva. Comme saisit par une main invisible, le bras du roi, sur l'image, se dressa.
-Maintenant, repris Moriarty, imaginez ce qui se passe si je fais...
Il appuya entre ses deux doigts la poitrine de la figurine, l'enfonçant légèrement.
-NON ! Hurla Gregory.
-Que seriez-vous près à faire, ricana Moriarty, pour sauver le roi ?
-Tout, souffla Lestrade, effaré de constater que c'était vrai.
-Même si ça signifie le perdre ? Même si ça signifie tuer ?
S'enfonçant encore plus loin dans l'horreur, Gregory hocha la tête, sa voix n'osant pas prononcer un assentiment aussi horrible.
Moriarty eu un sourire. Le sourire d'un charognard en train de déchiqueter une proie encore vivante.
Le sourire du pêcheur qui aime voir les poissons se débattre dans son filet, luttant pour se libérer, luttant pour respirer. Mais condamné.
-Vous trouverez Sherlock Holmes au fond du parc, repris le sorcier. Vous le mènerez dans les Bois Sombres. Et vous le tuerez. Puis vous lui arracherez le cœur, et me le ramènerez.
Le Chasseur avait cru qu'il ne pourrait pas sombrer plus profond dans le désespoir. Il se rendit compte avec horreur qu'il avait tort.
-Vous le ferez avant les premières lueurs de l'aube, repris Moriarty. Ou le roi mourra.
Et il disparut dans un éclair d'obscurité.
Il ne restait que quelques heures avant l'aube.
Gregory ne voulait rien faire de tout cela. Il ne voulait pas trahir l'homme qu'il aimait, il ne voulait pas le perdre, il ne voulait blesser personne, et encore moins Sherlock Holmes que, malgré toute sa morgue, il venait à apprécier. Et le désespoir de John ?
Mais rien ne devait arriver à Mycroft.
Il arracha son âme, il s'obligea à se regarder lui-même, de l'extérieur, comme si ce qu'il faisait n'avait pas d'importance. Comme si ce n'était qu'une mission de routine.
Il entra dans la chambre du roi pour lui faire ses adieux silencieux. Il voulait le voir une dernière fois serein avant que la douleur ne le frappe. Il griffonna un mort, un pauvre « pardon » sur un bout de papier posé sur l'oreiller, et déposa sur son front un dernier baiser.
Puis il prit le chemin des ruches.
Comme l'avait prédis Moriarty, Sherlock y était encore.
-Que se passe t-il ? Demanda le prince, alerté par l'air hagard du Chasseur.
-Mycroft est en danger, souffla Lestrade. Suivez-moi. Je vous expliquerais en route.
Et, sans attendre, il quitta l'enceinte du parc. Alarmé, Sherlock pris sa suite.
-Vous savez, déclara Gregory au bout d'un long moment, j'aime votre frère. Je l'aime vraiment.
Sherlock n'avait jamais été aussi stupéfait de toute sa vie.
-Que feriez-vous, vous, pour l'homme que vous aimez ? Continua le Chasseur.
-Pour John ? Tout, répondit sans hésiter Sherlock.
-Alors vous comprendrez.
Le prenant totalement au dépourvu, Lestrade se rua sur le prince, le déséquilibrant, et s'assit sur sa poitrine, une de ses lames pointé sur son cœur, à travers la peau.
Il tremblait. Il devait mobiliser toutes ses forces pour ne pas lancer le poignard au loin.
Sherlock n'osait pas bouger.
-Je ne peux pas, souffla finalement le Chasseur en laissant tomber son arme. Je ne peux pas...
Il enfouit sa tête dans ses mains. Il se rendit compte qu'il avait le visage couvert de larmes.
-Il y a encore une solution, déclara doucement Sherlock en s'asseyant.
-Je dois lui ramener votre cœur !
-Il y a une maison de fossoyeur, non loin d'ici. Vous n'avez qu'à prendre le cœur d'un corps frais. Ramenez-le au château. Mais surtout, surtout, ne dites à personne que je suis vivant. Mycroft serait en danger.
-Mais... John ?
Un trait de douleur tordit le cœur du prince.
-Non, pour sa propre sécurité, vous ne devez pas lui dire. Il voudrait me rejoindre. Je ne peux pas le perdre. Vous comprenez, n'est-ce pas ?
Lestrade hocha sombrement la tête. Il ne comprenait que trop bien.
-Fuyez, là où il ne pourra pas vous trouver, souffla Lestrade.
Sherlock hocha la tête.
Ils échangèrent un long regard triste avant de se séparer.
Mycroft fut réveillé aux premières lueurs de l'aube par des coups frappés à sa porte.
Sans attendre, John entra. Il n'avait pas dormi de la nuit, cherchant Sherlock dans tous les recoins.
Le roi se redressa brutalement, l'angoisse au ventre, pris d'un horrible pressentiment.
Ses yeux se posèrent d'abord sur John, paniqué.
Puis sur le mot posé sur l'oreiller creux, à ses côtés.
-Sherlock a disparu, déclara John, les yeux brûlants d'angoisse.
À cet instant, un page affolé frappa à la porte de la chambre.
Mycroft et John n'écoutèrent même pas les paroles affolées qui sortirent de sa bouche. Ils se sentirent pris de ce grand calme qui précèdent les catastrophes.
Gregory entra dans la pièce.
Il avait du sang jusqu'au coude.
Au bout de ses mains, un coffret.
-Gregory, s'exclama Mycroft en s'approchant, vous êtes blessé ?
-Non, répondit laconiquement le Chasseur en s'écartant de lui.
-La boite... souffla John d'une voix si rauque qu'il l'a reconnu à peine. Qu'y a-t-il dans la boite ?
Lestrade cru qu'il n'arriverait jamais à le dire. C'était trop horrible. Pourtant, les mots sortirent d'eux même, aiguisés, meurtriers.
-Le cœur de Sherlock Holmes.
Le silence tomba brutalement dans la pièce, écrasant.
-Je l'ai tué, continua Lestrade, mortellement calme. Je lui ait arraché le cœur.
La douleur qui passa sur le regard de John lui coupa le souffle.
L'expression qui tordit les traits de Mycroft lui déchira le cœur.
Il enferma sa douleur au plus profond de lui, en surface impassible.
John, une main serrée comme une serre au niveau de son cœur, s'était laissé tomber sur le lit. Une longue plainte déchirait sa gorge. Il ne réalisait pas encore. Il mobilisait tout son esprit pour lutter contre les images de Sherlock en train de mourir, Sherlock le cœur arraché, Sherlock... Sherlock...
Mycroft avait le cœur tout aussi déchiré. Son frère, son petit frère, mort ? Et l'homme qu'il aimait, le seul qu'il n'avait jamais aimé, meurtrier ? De son frère ? C'était si absurde et si douloureux qu'il ne pouvait le concevoir.
Il se passa un long, long moment avant que John ne se relève et quitte la pièce, comme un automate.
-Gardes, lâcha Mycroft d'une voix qui lui sembla étrangère. Emprisonnez cet homme.
Il aurait voulu que Gregory se débatte, crie quelque chose, non, ce n'était qu'une blague ! Ce n'était pas lui !
Mais, impassible, il suivit les hommes armés jusqu'aux cachots.
Lestrade attendit d'être au fond de sa cellule, plongé dans l'obscurité la plus totale, pour laisser couler ses larmes.
...
(Je n'avais pas du tout prévu d'écrire autant ^^' du coup je poste déjà ça, et je mettrai la suite au plus tôt dans un autre chapitre :) )
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