Le prince qui ne savait pas aimer.
Il y était une fois, dans un pays lointain, un roi et une reine qui avaient deux fils.
Descendant d'une longue lignée de Holmes, ils étaient tous deux forts et téméraires, mais aussi, au grand daim de ceux qui les côtoyaient, incroyablement intelligents.
L'aînée, Mycroft Holmes, était un jour destiné à monter sur le trône, et tout le monde s'en félicitait, tant il semblait fait pour cette tâche.
Mais le cadet, Sherlock Holmes, passait ses jours et ses nuits à vagabonder dans les couloirs, à échapper à ses précepteurs -trop bêtes pour lui- et à rendre visite à ses seules compagnes, les abeilles au fond du parc, qu'il pouvait observer des heures. Tous dans son dos se désespéraient. Il était si impoli, si insoucieux des convenances ! Les courtisans l'évitaient comme la peste, de peur qu'il ne dévoile leurs petits secrets, les filles gloussaient méchamment sur son passage et les chevaliers se moquaient en douce de son visage fin et de ses boucles brunes.
Le jour de son vingtième anniversaire, Sherlock fut le témoin de l'horrible tragédie qui emporta ses parents dans un accident de chasse.
Éploré, étranglé par une culpabilité qu'il savait injustifié, il pris la fuite et s'enfonça dans les Bois Sombres, domaines des créatures enchantése.
Nul n'avait exploré en entier les Bois Sombres, nul n'en connaissait même l'exacte superficie. Des mortels qui y pénétraient, très peu en revenaient...
Sherlock, inconscient de toutes ces considérations, s'assit au bord d'une fontaine pour laisse rlibre cour à sa peine.
C'est alors que surgit dans son dos une femme sculpturale. Plus pâle que la lune, entièrement nu, elle s'approcha de lui sans un bruit, si éthérée que ses pieds touchaient à peine le sol.
-Ne pleure plus, beau prince, souffla t-elle en posant une main sur son épaule.
-Qui êtes-vous ? S'exclama Sherlock en se dégageant brutalement.
Glissant sur la nudité de la femme qui lui faisait face, ses yeux se fixèrent dans les siens.
-Je suis Irène, la fée de la source. La forêt m'a soufflé que tu avais aujourd'hui vingt ans. Viens donc les fêter avec moi...
-Croyez-vous qu j'ignore ce qui arrive aux mortels qui frayent avec les fées ? Ricana le Sherlock en s'écartant un peu plus.
-Certes, leurs esprits finissent par s'étioler. Mais avant, de quelle jouissance ont-ils profité ! Je te ferais oublier tous tes soucis, beau prince...
-Allez-vous en.
-Réfléchis. Vois à quel point tu aurais tort de me contrarier...
-Je ne suis pas intéressé par le sexe, répondit abruptement Sherlock. Ni par les choses de l'amour.
Les yeux de la fée brillèrent d'un éclat dur.
-Nul ne me repousse sans conséquence, gronda-t-elle.
Et sa voix fut soudain semblable au vent qui hurlait dans les arbres.
Sa silhouette grandie encore et encore, dépassant les arbres, occupant tout l'espace du ciel.
Lorsqu'elle reprit la parole, chaque mot était un coup de tonnerre, chaque mouvement de ses bras une bourrasque sauvage.
-Je te maudis, Sherlock Holmes, rugit-elle, toi, ta dynastie et ton royaume. Que les esprit de l'eau, de la forêt et du temps soient témoins de ma promesse ! Le jour de ton vingt cinquième anniversaire, ton frère mourra, laissant le trône sans roi. Tous t'oublieront. Le royaume se déchirera de l'intérieur lorsque les nobles s'affronteront pour la succession, lorsque les pauvres mourront de faim, lorsque les bêtes sortiront des forêts pour dévorer les enfants.
Sherlock lui lança un regard désespéré, incapable de prononcer le moindre mot.
-Je ne te donne qu'une chance, repris la fée aux cheveux noirs. Tu devra trouver auprès de quelqu'un ce que tu n'a pas voulu me donner. Tu devras, avant cinq ans, jour pour jour, heure pour heure, aimer et te faire aimer de quelqu'un.
Aussitôt ces mots prononcés, le ciel se referma sur elle, secouant les arbres, faisant rugir le vent.
Et quand Sherlock rouvrit les yeux, il était seul. Plus seul qu'il ne l'avait jamais été.
Trois ans durant, il parcourut le monde.
Bien au-delà des limites du royaume, il découvrit de nouvelles contrées et de nouvelles manières de vivre. Il explora de nouvelles citées, gagnant sa vie en solvant des mystères.
Il embarqua pour un voyage autour des Sept Mers Enchantés, se fit capturer par des pirates, devint l'un des leurs et, lassé, finis par les abandonner.
Trois ans à parcourir le monde. Trois ans de solitude.
Il n'avait réussi à se lier avec personne.
Homme ou femme, il lui suffisait d'ouvrir la bouche pour les faire fuir. Il avait compris depuis longtemps déjà que la malédiction ne pourrait être déjouée, et que, l'heure venue, son frère mourrait.
Pauvre Mycroft, désespéré, du haut de sa tour d'ivoire, qui, depuis trois ans, recherchait sans relâche son cadet disparu !
Le soir de son vingt-troisième anniversaire, Sherlock s'endormit sous un arbre, perdu quelque part dans la campagne.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, au petit matin, il eut l'immense surprise de se retrouver nez à nez avec quelqu'un.
Il se redressa brusquement. Le nouveau venu était un chevalier blond, assez petit, au visage souriant. Il eut à peine le temps de saluer que Sherlock déduisait déjà à voix haute toute son histoire, de son enfance pauvre à son accès au statut de chevalier, jusqu'à la défaite de son seigneur qui l'avait jeté sur les routes depuis plusieurs années déjà.
Il avait appris que c'était le meilleur moyen pour qu'on le laisse tranquille.
Pourtant, cette fois-là, ça n'eut pas l'effet escompté.
-Incroyable ! S'exclama le chevalier, enthousiaste.
-Vraiment ? Ce n'est pas ce que disent les gens d'habitude, répondit Sherlock, sidéré.
-Et que disent t-ils ?
-Piss off (Vas te faire foutre).
Ils explosèrent de rire.
Depuis combien de temps le prince n'avait-il pas ris ainsi ? Difficile à dire, si c'était déjà arrivé.
Le chevalier s'appelait John.
Il s'assit à ses côtés pour partager son pain et sa boisson. Ils plaisantèrent, et se racontèrent leur vie. Étrangement, Sherlock fit immédiatement confiance à cet inconnu. Il lui parla de ses parents, de son frère et de la malédiction. L'autre ne dit rien, mais Sherlock vit à son visage qu'il avait de la peine pour lui. Inexplicablement, son cœur se réchauffa.
Lorsque vint l'heure de reprendre la route, ni l'un ni l'autre n'avaient envie de se retrouver seuls. Ils décidèrent d'un commun accord de voyager de concert et de partager leurs aventures.
Ensemble, ils libérèrent la princesse Molly, enfermée dans une caverne par un ogre à cinq têtes. Ils arrêtèrent le sorcier qui empoisonnait les gens à l'aide de pilules rose et le dragon chinois dont les maléfices s'étendaient dans le monde entier. Ils combattirent le loup-garou de Baskerville, et firent enfermé la sorcière qui faisait chanter les rois.
Durant une année et six mois, ils ne se quittèrent plus, resserrant les liens qui les unissaient.
John Watson était si différent de ceux que Sherlock avait jusqu'alors approché ! Lorsqu'il faisait une déduction, même si c'était personnel, John s'exclamait toujours que c'était formidable, ou spectaculaire, et plaisantait sur ses dons de sorciers. Il ne prenait pas ombrage de ses journées de mauvaise humeur ou de ses longs monologue. Il restait avec lui. Il prenait soin de lui. Il se souciait de lui.
Quant au chevalier, il ne pouvait guère empêcher son cœur de s'attacher à ce prince si brillant et si fragile, qui le traitait d'idiot mais souriait à ses blagues.
Il ne restait plus que six mois avant l'échéance de la malédiction.
Ils le savaient tous les deux mais, du fait du silence de l'autre, espéraient qu'il l'avait oublié.
Mais Sherlock remarqua un soir que John les rapprochait petit à petit de son ancien royaume. Il voulu lui faire changer de route, mais John lui rappela qu'une affaire les attendait. Pensant que son camarade avait oublié la malédiction, il ne dit rien, se laissant docilement guider.
Ils arrivèrent enfin à l'endroit où ils s'étaient rencontré.
Sous l'arbre, une taverne avait été construite. Avec un sourire complice, ils y entrèrent.
-JOHN ! S'exclama l'ivrogne au bar en les voyant approcher. John Watson ! Il y a bien longtemps qu'on ne t'a pas vu par ici, dis-moi !
Visiblement gêné, John voulu s'en aller, mais l'autre lui posa une main sur l'épaule et lui fourra d'autorité une choppe dans les mains. Avec un regard d'excuse au prince, John s'assit, imité par son compagnion.
L'ivrogne jeta au nouveau venu un regard acéré avant de sourire de toutes les dents qui lui restaient.
-Saperlotte, John, tu lui as mis la main dessus !
-Pardon ? Demanda Sherlock, interloqué.
-On s'en va, déclara fermement le chevalier en se relevant.
Mais Sherlock le fit se rasseoir d'un regard. Le doute qui lui rongeait le cœur se faisait soudain insupportablement douloureux. Il devait savoir...
-Bein ouai, répondit l'autre, y'a à peu près cinq ans, quand le prince a disparu, le roi Mycroft a décerné une récompense à c'lui qui pourrait le ram'ner, vous voyez ? Et pis, John, il vous a vous sous l'arbre, et il m'a dit « c'est pas lui qu'tout le monde cherche ? » ou un truc comme ça. Mais il a bien fait de pas vous ram'ner tout' suite, si vous voulez mon avis, parce que le roi vient encore de monter son offre ! C'est pour dire ! Maint'nant John, t'es riche ! Tu va pouvoir te payer une p'tite maison et tout et tout...
Mais plus personne ne l'écoutait.
Sherlock fixait son compagnon, incapable de parler, meurtrit au plus haut point.
Sans rien ajouter, il se leva et sortis de l'auberge.
-Sherlock, attends ! Cria John en le suivant, affolé.
Mais le prince ne s'arrêta pas.
-Sherlock ! Cria John en lui courant derrière. Mais son armure le ralentissait. SHERLOCK !
L'autre n'était déjà plus qu'une silhouette. Il était partit en emportant leurs deux chevaux. Pour ne pas être rattrapé.
Alors John s'assit au bord du chemin et, dans la pluie qui commençait à tomber, se mit à pleurer.
Ils réapprirent tout deux la solitude.
Et le prince désapprit à sourire.
Même les affaires de loup-garou -qui étaient d'habitude ses préférées, puisqu'il fallait démaquer un coupable qui s'ignorait- n'arrivaient plus à le dérider.
John lui manquait.
C'était un vide dans son cœur, un creux douloureux, un gouffre insondable qui engloutissait tout. Sa trahison lui faisait mal. Son absence lui faisait mal. Il avait cru avoir un ami. Il avait cru...
Qu'importe maintenant.
Un mois passa. Puis deux. Puis trois.
Il voyait déjà la malédiction s'abattre sur son pays. Il imaginait son frère, son frère qu'il n'avait pas vu depuis si longtemps, mort, quelque part, d'une maladie, d'un accident ou d'un assassinat. Allait-il souffrir ? Penserait-il à lui ?
Il voulut s'éloigner, il voulut s'enfuir, pour ne pas voir le royaume sombrer, mais ses pas refusèrent de le faire franchir la frontière.
Il ne restait plus qu'un mois. Deux semaines. Une.
Le royaume commençait déjà à péricliter. Des rumeurs arrivaient de partout, racontant les carnages de bêtes monstrueuses à l'orée du Bois Sombre, d'enfants disparus, et de maladies inconnues menaçant les récoltes. Une atmosphère de peur et d'angoisse régnait sur la capitale, accentué par le proche anniversaire du prince disparu, qui plongeait le roi dans la mélancolie.
Sherlock était assis dans le coin d'une salle commune, ruminant son amertume, lorsque la chanson d'un ménestrel parvint à ses oreilles.
Oyez la terrible légende
qui court sur la lande !
Oyez, damoiseau et damoiselle,
cette terrible ritournelle !
Je vous conte l'histoire du dragon
que nul n'a jamais vaincu,
j'ai ouï dire que la bête sans nom
mangeait les chevaliers crus !
Oyez, oyez, oyez je vous pris
et déguerpissez si vous pouvez,
que je si je mens je sois maudis
car la bête va se réveiller !
Mille lunes, dit la légende !
Mille lunes pour un réveil,
mille lunes et sur la lande
rugit la bête hors du sommeil !
Elle viendra dévorer les petits,
elle viendra emporter les maris,
elle viendra brûler vos champs
la bête aux yeux de sang !
Cachez-vous, cachez-vous,
vous le pouvez encore !
Cachez-vous, cachez-vous !
Car bientôt vous serez mort...
Un silence respectueux accueillis la balade.
-La bête existe ? Demanda distraitement le prince à l'aubergiste.
-Pour sûr, répondit tristement le gras bonhomme. Et lorsqu'elle se réveillera... Dieu garde notre âme !
-Il faut en informer le roi !
L'homme secoua tristement la tête.
-Il a déjà envoyé les plus braves chevaliers. Aucun n'est revenu. Il y a une semaine encore, un autre est partis. On ne l'a pas revu. Il était pourtant bien gentil...
-Je connais un chevalier, répondit Sherlock tristement, qui n'en aurait fait qu'une bouchée... Avec mon aide, bien sûr.
-Et bien, je crois qu'il est trop tard pour aider celui-là. Mais vous pouvez toujours essayer. Si vous tuez la bête, le roi vous récompensera.
-Je suis désolé, répondit le prince, soudain profondément triste. Je ne suis pas chevalier. Je ne suis pas grand-chose. Je ne peux pas vaincre la bête.
-En êtes vous certain ? Insista l'aubergiste, une étrange lueur dans le regard.
Un instant, un bref instant, l'image de la fée de la fontaine traversa l'esprit du prince avant de se dissiper, semblable à un rêve.
-Le chevalier, déclara distraitement l'aubergiste, s'appelait John Watson. Paix à son âme.
Lorsqu'il releva la tête, il n'y avait plus personne.
Sherlock Holmes franchit si vite la distance qui le séparait de l'antre de la bête qu'on l'aurait dit porté par le vent. Comment trouva t-il le chemin ? Il ne le sut jamais. C'était comme si les Bois Sombres s'étaient ouvert devant lui. Peut-être y a t-il toujours une voie pour ceux qui s'aiment.
L'entrée de la grotte rougeoyait dangereusement. Mais le prince n'avait pas peur du dragon.
La seule chose qui l'effrayait, c'était de trouver une armure cabossée, une épée brisée, un corps sans vie.
Prenant son courage à deux mains, il s'enfonça dans l'antre de la bête.
Au début, il ne vit rien, aveuglé par l'éclat d'une montagne d'or et de pierre précieuse.
Et puis, il l'aperçut. Le dragon.
Immense. Titanesque. D'un rouge semblable au feu d'un volcan. Endormit. Pour le moment.
De ses naseaux comme deux cheminées sortait des voluptés de fumées au rythme de sa respiration.
Sherlock bondit derrière un rocher.
Une lourde paupière glissa lentement, révélant un œil à l'iris fendu.
-Hé bien, voleur, gronda l'effroyable bête. Je te sens, je t'entends respirer. Je sens ton souffle. Où est tu ? Où est tu ? Voyons, ne craint rien. Entre dans la lumière.
Rassemblant toute sa bravoure, Sherlock fit un pas en avant.
-Te voilà, voleur dans les ombres.
-Je ne suis pas venu vous voler, ô dragon aux incommensurables richesses. Je voulais seulement contempler votre magnificence. Pour voir si vous étiez vraiment aussi grand que le disent les récits. Je ne les croyais pas.
-Et maintenant ?
-En vérité, les récits et les chansons minimisent grandement votre énormité, ô bête prodigieuse.
-Croit tu que les flatteries te garderont en vie ?
-Non, non.
-Non, en effet. Tu dis me connaître. Mais je ne crois pas t'avoir déjà vu. Qui est tu et d'où est ce que tu viens ? Je t'écoute.
-Je viens de par delà la forêt.
-Par delà la forêt ?
-Et mon chemin m'a mené bien loin des terre et des montagnes. Sur l'eau, je suis le plus redoutable des pirates.
-Impressionnant, quoi d'autre prétend tu être ?
-Sorcier. Liseur de gens. Résolveur de mystère.
-De charmants titres. Continu.
-Prince maudit.
-Maudit ? Voilà qui est intéressant. Et tes petits camarades chevaliers, ou se cachent t-ils ?
-Vous vous trompez. Je suis venu seul.
-En es-tu sûr, prince maudit ? Ils t'ont envoyé faire leur sale besogne. Pendant qu'ils sont tapis dehors. Ils sont avec les nains.
-En vérité vous vous trompez, ô, dragon, première et principale des calamités.
-Tu as d'excellente manière pour un voleur et un menteur ! Je sais l'odeur et le goût des chevaliers. Ils veulent voler mon or, mon or que je garde depuis si longtemps ! J'ai tué le roi sous la montagne. J'ai pris son trône. J'ai mangé son peuple. Je tue ou je veux, quand je veux. Mon armure est de fer. Nulles lames ne peut me transpercer !
-Le roi sous la montagne ? Répéta le prince.
Un sourire illumina son visage.
-Mais vous n'existez plus.
-Pardon, voleur ? Je peux, d'un coup de patte, t'ôter tout doute sur la question. Mais tu m'amuse. Continue.
-Je connais toutes les légendes. Le roi sous la montagne à vécu longtemps, longtemps avant notre ère, lorsque les hommes partageaient encore la terre avec les nains, les elfes et les orcs. Tu étais Smaug.
-Je suis le feu. Je suis la mort !
-Tu as été tué par un homme, d'une seule flèche !
Tout en parlant, le prince faisait les cent pas. Enfin, son regard s'arrêta sur l'objet qu'il cherchait.
Un livre. Et sur sa couverture, une rune.
-Nul homme ne peut me vaincre ! Rugis Smaug en se dressa sur ses pattes arrières. Tu ne m'amuse plus, voleur ! Meurs !
Mais au moment où la gigantesque patte allait le faucher, Sherlock bondit en avant et referma ses mains sur le livre de contes. Histoire d'un aller et retour, par Bilbon Saquet.
D'un coup d'ongle, il raya la rune tracée sur la couverture.
Et, comme un reflet dans l'eau, l'image du dragon se déforma, s'éclaircit, puis disparu.
La caverne était vide.
Ou presque.
Au milieu de la salle, un corps inanimé reposait, les bras en croix. La poitrine en sang.
Le prince s'en approcha doucement.
C'était John.
Ses genoux se dérobèrent sous lui. Il s'agenouilla à ses côtés.
Incapable de parler, incapable de respirer, tant sa gorge serrée était douloureuse, il prit dans les siennes les mains du chevalier. Elles étaient froides. Bien trop froide.
Alors il pleura.
Toutes les larmes de son corps roulèrent sur ses joues, les larmes de son enfance d'exclu, les larmes de ses années d'errance, les larmes de la solitude à laquelle il se voyait condamné.
L'histoire ne dit pas combien de temps il resta ainsi prostré devant ce corps ensanglanté.
Jusqu'à ce qu'un murmure s'élève sous la voûte.
-Sherlock, tu sais que je ne suis pas encore mort, n'est-ce pas ?
Les yeux du prince s'écarquillèrent, le cœur déchiré entre l'allégresse et la stupéfaction.
-Toi qui vois tout d'habitude, souffla avec amusement le chevalier.
-Je suppose que j'ai eu si peur, chuchota Sherlock en se penchant sur son visage, que j'en ait été aveuglé.
-Je ne t'ai pas trahi, répondit John en levant difficilement sa main vers le visage du prince pour sécher une larme. Je ne t'ai jamais trahi. Je t'en pris, crois-moi ! J'ai pensé un instant te livrer au roi, mais c'était avant de t'avoir parlé, avant même de t'avoir vu ! Sherlock, je te promets...
-Je te crois, le coupa le prince en se penchant vers lui. Sa mine se fit soudain sombre. Sais-tu quel jour nous sommes, aujourd'hui ?
L'autre fit un signe de dénégation.
-Le jour de mon vingt-cinquième anniversaire.
-Tu ferais mieux de m'embrasser alors, ria doucement le prince en attirant à lui la tête bouclée.
Leurs lèvres ne se cherchèrent qu'un instant avant de se rencontrer.
Aucun baiser, dans l'histoire des contes de fées, n'avaient jamais égalé celui-là.
C'est du moins ce que se dit la fée en secouant sa tête d'un air appréciateur, perchée au dessus d'une montagne d'or miraculeusement réapparus. Elle s'autorisa un instant d'auto-congratulation, pour son excellent travail, et fit un pas en avant.
-Sherlock, souffla John à l'oreille du prince. Il y a une femme nue avec nous dans la grotte.
-Je sais, grogna l'autre je la connais.
La fée se pencha au-dessus d'eux.
-Et bien, ria-t-elle, vous en avez mis du temps !
Elle leva une main, et une chaleur bienveillante enroba le chevalier à terre, emportant sur son passage sang et blessures.
-Attendez ! S'écria Sherlock en essayant de retenir la fée qui s'évaporait déjà. La malédiction...
-Et levée, termina t-elle. Le royaume connaître une ère de paix et de prospérité.
-C'est vous qui m'avait attiré ici, n'est-ce pas ? C'est vous qui avez ensorcelé le livre pour faire renaître Smaug...
Mais, de la fée ne restait plus qu'un rire.
Le retour du prince perdu fut accueilli avec liesse par le peuple, enfin libéré de ses malheurs, et par son frère, si heureux qu'il faillit -faillit seulement- en verser une larme.
Le prince et le chevalier se marièrent au printemps.
Les noces furent somptueuses, et, pour l'occasion, tous les ministres -même le nouveau chef de la police secrète, Lord Moriarty- furent invités.
Mais John et Sherlock s'ennuyèrent bien vite de la cour et, en moins de temps qu'il ne fallut à Mycroft pour le prévoir, s'enfuirent sur les routes à la recherche de nouvelles aventures.
Ainsi, ils vécurent heureux...
Jusqu'à la fin des temps ?
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro