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- 12 - L'Aube sur la Chute

Malgré l'importance de la nouvelle, Béryl ne la garda pas longtemps en tête. Lorsque plus tard dans la journée, elle regagna sa chambre pour y découvrir Rochette s'activer autour d'une malle grande ouverte, la réalisation lui tomba dessus comme un seau d'eau glacée.

Leur séjour touchait à sa fin.

Prise dans le tourbillon frénétique des nouveautés, des visites, des banquets, des soirées et des spectacles, elle n'avait pas vu les jours défiler. Ses genoux fléchirent et Béryl dut s'appuyer contre le chambranle de la porte.

— Votre Altesse, vous allez bien ? s'inquiéta Rochette. Vous avez l'air fort pâle, tout à coup.

— Je vais bien, la rassura-t-elle. Je ne pensais pas le départ si proche.

Rochette s'assombrit. Sans un mot de plus, elle se plongea dans le pliage des robes de sa maîtresse. Béryl fut incapable de trouver les arguments qui la dérideraient.

L'instant d'après, elle s'installait dans le carrosse qui devait la ramener au Royaume de l'Aube. Du moins, c'est l'effet que cela lui fit. Le dernier banquet, le défilé d'officiels qui avait suivi, les adieux sur le parvis du palais, tous ces instants avaient fusionné en une masse dont rien de notable se détachait.

Lorsque les faubourgs d'Iridièn ne furent plus qu'un souvenir, les voyageurs commencèrent à parler, à voix basse.

— Je ne suis pas fâchée de rentrer, disait tante Cornaline. Leur nourriture est bonne, mais vraiment trop sucrée. J'ai hâte de pouvoir à nouveau goûter à un grand bol de ragoût de pommes de terre.

— Je me demande ce qu'il s'est passé en notre absence, ajouta Jaspe. Y a-t-il eu des mouvements de protestation, comme ici ? Cela m'inquiète.

— Bien sûr que non, voyons, chez nous le peuple est plus docile, répondit le cousin Pyrite. Les quelques missives que j'ai reçues d'Albàn m'ont assuré que le calme y règne. Si bien que je n'ai pas jugé utile de vous transmettre cette information.

Béryl appuya son front contre la vitre de toutes ses forces et ferma les yeux pour se couper de l'habitacle et de ses discussions oiseuses. Elle n'avait aucune envie de se projeter de retour à Albàn. Elle s'était sentie si bien ici, loin des regards scrutateurs qui n'attendaient d'elle qu'une perfection de façade. Elle aurait dû s'en estimer heureuse. C'était une chance inespérée d'apprécier autant un futur royaume qu'elle n'avait pas choisi.

Ses pensées la ramenèrent aux derniers instants avant le départ. Saule se tenait devant elle. Béryl ne l'avait jamais vu aussi étincelant. De ses dents, aux sequins brodés sur ses manches, en passant par les perles tressées dans ses cheveux. Avec un sourire charmant, il s'était incliné pour baiser sa main et lui avait glissé au poignet un bracelet fin en or martelé. Quelles avaient été ses paroles déjà ? Ah oui, « J'ai grand-hâte de vous revoir, ces deux mois s'écouleront vite. ». Pourquoi avait-il attendu le dernier moment pour apparaître brusquement comme le fiancé idéal ? Elle se posait encore la question. Peut-être que l'idée d'être libéré de sa présence lui donnait soudain le naturel dont il avait cruellement manqué durant tout le séjour ? Ce jugement n'était flatteur ni pour elle ni pour lui, et sans doute biaisé, mais elle ne parvenait pas à se l'ôter de l'esprit.

Son attention avait vite dérivé sur Jaspe à ses côtés. Il nouait autour de sa taille la ceinture crépusculaire richement brodée qu'Acacia venait de lui offrir. Puis, tandis que leurs frères échangeaient une accolade chaleureuse, celle-ci lui avait pris les mains.

— Nous nous retrouverons bientôt, lui avait-elle simplement murmuré, un sourire vacillant sur les lèvres.

Des heures plus tard, Béryl imaginait encore ce sourire et s'interrogeait sur sa signification. Contenait-il la tristesse de la voir partir ? L'incertitude quant à l'avenir ? Puis elle lui avait glissé un petit objet dans la main. Béryl ne l'avait pas lâché depuis, le gardant bien serré à l'intérieur de son poing. C'était un oiseau en bois sculpté, en tous points semblable aux canaris qu'elles avaient nourris à la volière. Son pouce en suivait les contours, encore et encore, comme pour en graver chaque aspérité dans sa mémoire. Un long soupir lui échappa.

Les jours s'écoulèrent avec monotonie, rythmés par les mêmes étapes qu'à l'aller. Béryl se montrait une compagne de voyage exécrable, le visage obstinément tourné contre la fenêtre, ignorant sans état d'âme les discussions autour d'elle. Tant et si bien que Jaspe, assis en face d'elle, finit par s'en soucier. Il se pencha vers elle et heurta légèrement son genou du sien pour attirer son attention.

— Je n'aime pas te voir aussi mélancolique, ma sœur, dit-il avec chagrin. Le prince Saule te manquerait-il déjà ?

Béryl faillit acquiescer machinalement. Heureusement, elle se souvint à temps des remontrances qu'elle lui avait adressées pour son défaut d'honnêteté. Devant l'autre fenêtre, le cousin Pyrite entretenait tante Cornaline d'une des anecdotes invraisemblables dont il avait le secret. Rochette, qui avait remplacé Agate reléguée dans une autre voiture, somnolait, la tête ballante au gré des cahots. C'était le bon moment pour les confidences.

— Pas vraiment, non, répondit-elle à mi-voix.

Jaspe parut surpris de sa réaction. Attristé aussi. Béryl s'en agaça. N'avait-il donc prêté attention à rien pendant la durée du séjour ? La croyait-il charmée par la cour inexistante de Saule ?

— N'est-il pas à ton goût ? demanda-t-il. Son physique est agréable, tu ne peux le nier. Il est cultivé et discuter avec lui est toujours passionnant. Son caractère est doux et aimable, pourtant il ne néglige pas les arts de la guerre.

— Je l'ai trouvé bien plus mou que doux, dit Béryl d'un ton buté.

Cet argument lui parut largement suffisant pour contrer tout le plaidoyer de Jaspe. Son frère n'abandonna pas la partie pour autant.

— T'a-t-il lu ses poèmes ? Ils sont raffinés et élégants et dénotent un grand esprit.

— Et sa capacité à gouverner ? As-tu l'impression qu'il a la carrure d'un futur souverain ?

Ce trait prit Jaspe de court. Béryl se permit un sourire victorieux. Visiblement, son frère avait les mêmes doutes qu'elle à ce propos.

— Il... il est encore jeune, il a le temps d'apprendre, dit-il. Et je ne savais pas que c'était un critère important pour toi. Ce n'est pas ce qui fait un bon époux.

— Il a le temps, sauf si les manigances du Premier ministre le propulsent un peu trop vite au premier plan, rétorqua Béryl. À mon avis, le Seigneur Cyprès a l'air pressé de voir un couple royal plus facilement manipulable au pouvoir. Le prince mou et l'écervelée. Ce serait un titre parfait pour une comédie satirique.

— Le Premier ministre intrigue ? s'inquiéta Jaspe, ignorant ce que Béryl jugeait pourtant comme une excellente plaisanterie. Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

Béryl lui rapporta l'entretien qu'elle avait eu avec lui à propos d'une éventuelle abdication de la reine Orchidée. Jaspe frotta pensivement sa joue envahie par un chaume clair.

— Tu devras te méfier de lui. Tu sais que même à distance, je serai toujours là pour toi. Écris-moi régulièrement pour me donner des nouvelles.

Béryl lui sourit et pressa sa main avec reconnaissance.

— Tout de même, reprit-il alors en croisant les bras, tu devrais laisser une chance à Saule de te séduire. Il a peut-être été maladroit à plusieurs reprises, mais il a de nombreuses qualités. Concentre-toi sur elles.

Le sourire de sa sœur s'évanouit et son front s'assombrit.

— Eh bien, épouse-le toi-même, s'il a tant de qualités que ça, répondit-elle avec humeur.

Une rougeur imprévue envahit les pommettes de Jaspe. Il ouvrit la bouche et la referma plusieurs fois.

— Mais... mais non, voyons... je... ce n'est pas possible, balbutia-t-il. Je... je suis fiancé à Acacia.

La mention seule de son nom suffit à faire revenir l'animation sur le visage de Béryl.

— Et tu en as de la chance, elle est extraordinaire !

Ce fut au tour de Jaspe de se renfermer.

— Crois-tu vraiment ?

— Bien sûr ! Elle est toujours si pleine de vie, si joyeuse ! Sa bonne humeur a été un rayon de soleil pendant le séjour.

— Avec moi, elle avait plutôt l'air crispée et agacée, fit remarquer Jaspe.

— Parce que toi aussi tu as parfois été maladroit. Cela devrait mieux se passer maintenant que tu la connais davantage. En outre, nous serons chez nous et c'est toi qui seras en charge. C'est un rôle auquel tu excelles, et je suis sûre qu'Acacia s'en rendra compte.

Entendre ses propres paroles résonner à ses oreilles fit couler une chape glacée dans la poitrine de Béryl. Quelle hypocrite elle était ! Elle n'en pensait pas un mot.

Non, elle ne voulait pas qu'Acacia trouve subitement son frère irrésistible et passe tout son temps en sa compagnie. Elle voulait la garder pour elle et vivre encore ces instants de complicité qui avaient illuminé ces dernières semaines au Royaume du Crépuscule.

Ce sentiment qui lui serrait soudain le cœur était simple et facile à identifier. La jalousie. De celle-ci naquit une autre, plus violente. La panique.

Béryl pressa son poing fermé contre sa bouche. Elle n'entendit pas la réponse de Jaspe. Les yeux agrandis, elle se tourna vers la fenêtre pour dissimuler son visage. C'était impossible, n'est-ce pas ? Elle avait déjà déterminé que les sentiments qui l'avaient animée durant le tournoi étaient une exception. Rien de significatif ne s'était produit depuis.

Béryl n'eut pas besoin de beaucoup fouiller sa mémoire, les souvenirs remontaient à la surface comme des bulles de savon. Il y avait bien cette fois où Acacia l'avait empêché de déraper dans les passages secrets du palais. Rien que d'y penser, elle sentait encore la pression de ses mains sur ses poignets. Mais elle avait alors juste été soulagée de ne pas tomber, rien d'autre. Ou le moment où elles avaient toutes les deux assisté au coucher de soleil sur la mer. Béryl devait admettre qu'elle avait été bouleversée. Par la proximité d'Acacia, par l'émotion qu'elle avait perçue chez elle. Cependant, comment ne pas l'être avec ce spectacle magnifique en fond ? Le coucher de soleil était le seul responsable.

Béryl respira lentement pour se calmer. Toutefois, le barrage avait été rompu. Les souvenirs continuaient d'affluer dans le plus grand désordre, dénués du filtre de la raison qu'elle avait cru leur imposer. Les yeux d'Acacia, brillant de plaisir anticipé ; son rire spontané, si communicatif ; ses mains contre les siennes, contact qui, en fin de compte, était arrivé bien plus souvent qu'elle le pensait ; sa façon de rejeter impatiemment ses cheveux noirs en arrière...

Béryl aurait voulu taper sa tête contre la vitre jusqu'à engourdir toutes ses images. Elle aurait voulu hurler, étriper un oreiller ou casser un vase. Mais une princesse bien élevée ne fait pas toutes ces choses.

Pas plus qu'elle ne tombe amoureuse de la fiancée de son frère.

Elle serra de toutes ses forces l'oiseau en bois entre ses doigts pour retenir les sanglots qui lui montaient dans la gorge.

— Regardez, regardez ! s'exclama soudain le cousin Pyrite avec excitation. Nous arrivons bientôt en vue de la Chute !

Ces mots tirèrent Béryl de son hébétude.

— La Chute ? répéta-t-elle, la voix encore mal assurée.

— Oui, je voulais te faire la surprise, dit alors Jaspe avec satisfaction. J'ai demandé à ce qu'on modifie légèrement l'itinéraire. Nous allons passer par une éminence qui nous offrira un point de vue imprenable sur la zone.

Béryl profita de l'occasion pour enfouir profondément ses tourments dans son esprit. Peut-être que si elle les laissait là assez longtemps sans y penser, disparaîtraient-ils d'eux-mêmes ?

Elle se leva à demi pour essayer d'apercevoir la Chute par la fenêtre en face. Il y avait si longtemps qu'elle rêvait de la voir de ses propres yeux !

— Ce n'est pas si impressionnant que ça, commenta tante Cornaline, les mains croisées dans son giron. Je ne voudrais pas que vous soyez déçue.

— C'est vrai que pour vous qui avez tout vu et tout fait, c'est sans doute un paysage banal, plaisanta Jaspe en dissimulant un sourire derrière sa manche. D'ailleurs, ma tante, nous sommes très curieux de savoir d'où vous viennent vos capacités martiales, Béryl m'a raconté vos exploits dans le désert.

Tante Cornaline sursauta et se détourna vers la fenêtre.

— Cela ne vous regarde en rien, répondit-elle sèchement. Au lieu de dire des bêtises, faites plutôt arrêter le carrosse, nous sommes arrivés.

Béryl descendit avec empressement de la voiture. Ses bottines s'enfoncèrent dans la terre boueuse. Elle releva sa robe et fit le tour du carrosse en courant sans attendre son frère qui tentait de modérer son impatience. Au bord du chemin, elle s'arrêta net, la bouche ouverte sur un cri d'admiration muet.

En contrebas s'étendait une vaste plaine hérissée de rocs pointus et d'arbres squelettiques. En son centre, des os gigantesques élevaient vers le ciel leur forme blanchie par le soleil, comme une macabre cathédrale. Sans doute dépassaient-ils même le deuxième étage du palais d'Albàn. Béryl reconnut un énorme crâne posé sur le tronc tordu d'un arbre. Celui-ci avait survécu en épousant le contour de l'os. Des branches sortaient par les orbites et s'enroulaient autour des cornes recourbées. Des vertèbres serpentaient entre les touffes d'herbes, vestiges de queues formidables. Sans aucun respect pour les restes divins, des lapins sautillaient à l'intérieur des cages thoraciques envahies par les ronces. Les deux squelettes se mêlaient dans une dernière étreinte mortelle.

Béryl fut secouée d'un frisson mystique. Voir de ses yeux ce qui restait des deux Dragons était autrement plus saisissant que ce que tous les récits avaient pu rapporter.

Tout le long du convoi, les voyageurs descendaient de voiture pour profiter du spectacle. Des cris d'admiration s'élevaient, assortis de quelques prières. Le Grand Prêtre du Dragon d'Or entonna un hymne que plusieurs voix reprirent en chœur. La haute silhouette de Jaspe vint rejoindre sa sœur.

— Alors, qu'en dis-tu ? C'est grandiose, n'est-ce pas ?

Béryl hocha lentement la tête. Elle ne pouvait le nier. Cependant, une question naissait dans son esprit, une question qu'elle hésita à formuler, craignant le sacrilège. Elle tira sur la manche de son frère pour qu'il se baisse à son niveau.

— Dis-moi, lequel est le Puissant Dragon d'Or ? souffla-t-elle.

— Celui-ci, évidemment, répondit-il en étendant le bras. Le plus grand et le plus majestueux.

Béryl plissa les yeux, pencha la tête d'un côté, puis de l'autre, tentant de différencier les deux squelettes. Peine perdue, pour elle, ils étaient en tous points identiques.

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