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- 10 - Fragments d'interdits voilés d'apparat

Tout avait été mis en œuvre pour éblouir les invités. Dans les jardins, des lanternes multicolores piquetaient les parterres pour illuminer leur arrivée. Deux imposantes statues de glace en forme d'ours flanquaient l'entrée.

Dans un hall d'entrée surchargé de décorations, une horde de laquais en livrée attendait de pied ferme, prête à fondre sur les hôtes pour les dépouiller de leur manteau et de leur chapeau.

L'immense salle de bal dans laquelle ils furent introduits bruissait déjà des rires et des conversations. Très élégant dans un costume noir cintré, ses boucles blondes impeccablement agencées autour de son visage, Grenat se hâta à leur rencontre pour les saluer et les présenter aux autres invités. Acacia fut aussitôt entourée d'une nuée de curieux avides de nouveautés.

Un groupe de jeunes filles se referma autour de Béryl pour l'emmener en direction du buffet. Grenat n'en sembla pas troublé.

— Eh bien, ce n'est pas parce que ces dames nous abandonnent que nous n'allons pas nous amuser ! dit-il, les poings sur les hanches. Qu'en dites-vous, messieurs ? Allons nous divertir entre hommes !

Jaspe devint très rouge et tira sur le col de sa veste. Ses yeux papillonnèrent entre Saule et Grenat sans se décider à se fixer.

— Veuillez me pardonner, mais la princesse Acacia doit avoir soif. Je vais aller lui chercher des rafraîchissements.

Il salua d'un signe de tête et se fondit dans la foule. Grenat le suivit du regard, interloqué. Saule se mordit les lèvres. Devait-il rire de ce prétexte absurde ou pleurer de son empressement à mettre de la distance entre eux ?

— Ah, soupira Grenat. Je ne savais pas Son Altesse si éprise de sa fiancée. Je vous avoue que j'en suis fort jaloux. Enfin, peu importe, puisque nous ne sommes plus que tous les deux, laissez-moi vous présenter nos invités les plus éminents, ainsi que mes parents, bien sûr.

Il lui prit le bras et l'entraîna au milieu des groupes qui se faisaient et se défaisaient au gré des conversations. À l'exception des chaperons qui, verre en main, veillaient au grain, stratégiquement placés sur les bords de la grande salle de réception, les invités étaient tous de jeunes aristocrates, dépeignant très certainement le cercle habituel dans lequel évoluait Grenat. Les Aubéens étaient aimables et impatients de faire sa connaissance. Saule se sentit très vite comme un poisson dans l'eau au milieu des attentions de tout le monde. Il se fendit même de quelques vers improvisés pour remercier son hôte de son accueil et fut ravi des applaudissements avec lesquels ils furent reçus.

— Le prince Jaspe avait raison, vous êtes ab-so-lu-ment délicieux, lança une jeune femme brune très maquillée.

— C'est une bénédiction que vous vous entendiez si bien, renchérit un jeune homme vêtu d'un costume vert qui ne lui allait pas du tout au teint. Quand vous serez tous les deux rois, l'alliance entre nos deux royaumes sera phé-no-mé-na-le !

Saule rit jaune. Pour la première fois depuis une demi-heure, ce qui était un exploit, il chercha le dos de Jaspe dans la foule. Le dos, car, par un étrange hasard, c'était systématiquement cette partie de son corps qui était tournée vers lui. Aurait-il dû aller lui parler pour mettre les choses au point, ou pour s'excuser ? Voire même pour s'indigner de cette froideur nouvelle ? Après tout, ne rien dire ne faisait que justifier le changement d'attitude de Jaspe.

Agacé par le retour de ces pensées parasites qu'il avait réussi à chasser, il saisit un verre sur un plateau d'argent présenté par un valet et en but la moitié. L'alcool lui brûla la gorge et lui fit monter les larmes aux yeux. La main de Grenat s'abattit sur ses épaules.

— Ça alors, vous avez une de ces descentes ! s'exclama-t-il. Je ne l'aurais jamais cru !

La réalité était plutôt qu'il avait été franchement imprudent avec une boisson qu'il ne connaissait pas, mais Saule préféra passer ce détail sous silence.

Pendant qu'il était perdu dans ses pensées, la conversation avait continué sans lui. Sur le même sujet, hélas.

— Quelle chance extraordinaire pour un peuple, affirmait quelqu'un avec l'assurance de celui qui n'a pas peur d'énoncer des banalités. Deux rois amis, deux royaumes alliés, ce sera le moteur de grandes avancées. Rappelez-vous mes paroles !

— Pas de plus grandes chances pour un peuple ? répéta Saule qui se sentait soudain d'humeur provocatrice. Le croyez-vous vraiment ?

— Sans aucun doute, renchérit le jeune homme. À quoi d'autre pensez-vous donc, Votre Altesse ? Dites-nous !

— N'avez-vous jamais pensé que la royauté n'est pas un régime des plus moderne ? Savez-vous qu'il existe des pays, loin, au-delà de la mer et des montagnes qui nous isolent, dont le peuple choisit lui-même le dirigeant ?

Tous se récrièrent autour de lui.

— Impossible, Votre Altesse, vous nous taquinez !

— Laissez un tel choix au peuple, ce serait ridicule, dangereux même !

Saule rit de leur indignation.

— Vous devriez y réfléchir, insista-t-il. C'est un très bon exercice pour vous tous, la future élite du royaume. Quels seraient les avantages et les inconvénients d'un tel régime ? Sous quelles conditions serait-il une force ?

Sa diatribe fut interrompue par un grand soupir théâtral.

— Ce n'est pas une soirée pour parler politique ! se plaignit Grenat. Ayez pitié de moi et ne m'infligez pas un tel prédicament.

Le jeune homme n'en était plus à sa première coupe. Ses yeux brillaient et sa voix était de plus en plus forte.

— Et si je vous faisais plutôt visiter le manoir ? proposa-t-il. Tous les autres en sont blasés, vous êtes le seul à ne pas encore connaître mon boniment.

Saule acquiesça volontiers et se laissa entraîner. Malheureusement, leur trajectoire les emmena vers Jaspe.

Le prince était en grande conversation avec un couple auquel Saule n'avait pas été présenté. Il les vit s'approcher de loin et ses sourcils se froncèrent. Ses yeux se fixèrent sur eux jusqu'à ce qu'ils arrivent à son niveau. Il arrêta Grenat d'une main.

— J'espère que vous n'importunez pas notre invité, dit-il sévèrement. Vous n'avez pas besoin de le monopoliser de la sorte, laissez le respirer.

— Mon cher Jaspe, j'ai enfin trouvé un compagnon qui aime s'amuser, je ne risque pas de le lâcher ! Saule, dites-lui que je ne vous retiens pas contre votre gré !

Le regard de Jaspe vacilla quand il fut contraint de se tourner vers lui.

— Tout à fait, je passe un excellent moment, répliqua Saule d'un ton guindé qui ne lui ressemblait pas. N'ayez aucune inquiétude, Grenat est très attentionné.

Pour se donner une contenance, il piocha un petit feuilleté à la viande au sommet d'une pyramide déjà bien entamée de ses congénères et le mit tout entier dans sa bouche avant de se laisser entraîner hors de la pièce.

— Notre prince est parfois un peu rabat-joie, lui glissa Grenat.

La réponse tarda à venir. Peinant à assumer son geste de provocation, Saule luttait contre la suffocation.

— Je suis obligé de vous accorder que ça lui arrive, effectivement, grinça-t-il enfin, une fois son friand avalé.

Plus encore que les belles choses, la famille de Grenat semblait apprécier leur accumulation. Les pièces et les couloirs que Grenat fit visiter à Saule débordaient d'objets d'art. Sur des tablettes de cheminées en marbre rouge, des horloges dorées au mécanisme apparent côtoyaient des bustes en porcelaine fine et des potiches peintes de fleurs chatoyantes. Des paysages de montagnes à la luminosité étonnante s'accrochaient le long des murs. Entre les toiles, des statues délicates se frayaient un chemin de leurs bras levés vers le ciel ou tendus vers les visiteurs comme pour les étreindre.

Plusieurs fois, Saule s'arrêta net devant une pièce, fasciné, suivant mentalement les courbes d'une bouche ou le drapé d'une robe. Grenat se délectait de chacune de ses réactions, comme s'il était lui-même le père des œuvres exposées.

— Quelle fantastique collection ! s'enthousiasma Saule lorsqu'il fut évident que la visite touchait à sa fin. Quelle chance vous avez de vivre dans une si belle demeure.

Grenat se rengorgea, puis son expression se fit mystérieuse. Bien inutilement puisqu'ils étaient seuls dans le couloir, il se pencha vers Saule pour lui murmurer :

— Voulez-vous voir une collection très spéciale ?

Les yeux du jeune prince brillèrent d'intérêt.

— Une collection spéciale ? répéta-t-il. Vous m'intriguez, mon cher. Bien sûr que je voudrais la voir !

— Alors il faudra promettre de n'en rien dire à Son Altesse, le prince Jaspe, dit Grenat cérémonieusement.

Sa curiosité piquée au vif, Saule ne se fit pas prier pour acquiescer.

Avec des mines de conspirateur, Grenat le conduisit au premier étage. Il le précéda dans un salon à la décoration beaucoup moins chargée que les pièces qu'ils avaient visitées auparavant et alluma un candélabre posé sur une desserte.

Seul un immense portrait du Dragon d'Or ornait l'un des murs, montrant les crocs à toute personne assez innocente pour s'installer dans les fauteuils de velours jaune. Au fond, un rideau épais cachait une alcôve aux regards. Grenat s'y dirigea tout droit.

— Préparez-vous à être étonné ! annonça-t-il en tirant le rideau.

Ce qui était la dernière chose à dire quand on ne veut pas gâcher son effet.

Effectivement, Saule ne comprit pas tout de suite ce qu'il découvrit à la lueur du chandelier. Sur les meubles de l'alcôve s'accumulaient des objets qui paraissaient n'avoir aucun rapport entre eux. Il s'avança, intrigué. Une vitrine protégeait des pièces d'échec d'un blanc d'ivoire, et de petites figurines de la même couleur. Les détails étaient sculptés avec une grande finesse, cependant, il n'y avait là rien qui justifiait un tel luxe de précautions. À côté d'elles se tenait un bloc brisé de pierre grise. À sa surface, on pouvait deviner des courbes gravées qui composaient certainement un bas-relief, mais qui n'était pas reconnaissable dans l'état actuel.

Une boîte à bijoux ronde était posée sur un guéridon. En l'examinant de plus près, Saule constata qu'elle était recouverte d'un matériau doré scintillant qu'il ne voyait pas pour la première fois. Il comprit alors.

Il s'agissait d'écailles du Dragon d'Or. Les mêmes que sur le fourreau de Jaspe.

Il embrassa toute la pièce d'un regard circulaire.

Tous ces objets étaient fabriqués en os, en dents ou en écailles de dragon. Le poignard au manche poli, le collier doré, les minuscules statuettes, tout excepté le fragment de roche.

Appuyé sur le chambranle de l'alcôve, Grenat le fixait, un sourire goguenard aux lèvres.

— Ça y est ? Vous avez compris ?

— Comment vous êtes-vous procuré tous ces objets ? souffla Saule, effaré. Datent-ils tous d'avant la guerre ?

— Pas tous, mon innocent ami. J'ignore ce qu'il en est au Royaume du Crépuscule, mais chez nous, il existe des filières d'artisans qui travaillent les os ou les dents de dragon, voire les écailles s'il en reste en circulation.

— Je ne comprends pas. D'où viennent ces dents et ses os ?

— D'où voulez-vous qu'ils viennent ? De la Chute, évidemment.

— Pourtant la Chute est défendue par nos deux armées depuis des décennies.

— Vous savez, il y a toujours un moyen de passer. Surtout avec l'appât du gain comme motivation. Les quantités prélevées doivent être infimes, ce qui explique la taille de certains objets. Qui ira compter le nombre de dents dans leurs gueules ? Ou le nombre de vertèbres ?

— Il arrivera bien un moment où les ponctions deviendront visibles !

Grenat haussa les épaules.

— Certainement, mais en attendant certaines personnes profitent de l'aubaine au maximum. Et ne me regardez pas comme ça, je ne suis qu'un acheteur final. Je n'ai pas organisé la filière !

Saule passa une main sur sa nuque.

— Et le bloc de pierre ? demanda-t-il.

— Vous avez l'œil ! Celui qui l'a vendu à mon père l'a assuré que c'était le fragment d'une pierre trouvée à la Chute, une relique que le Puissant Dragon d'Or lui-même aurait amenée avec lui de son pays lointain.

C'en fut trop pour Saule.

— Vous plaisantez, j'espère ! Il est impossible qu'un tel objet existe sans que personne n'en ait connaissance !

— Mon cher, ne soyez pas si naïf, ça en devient gênant. Imaginez plutôt tout ce que son existence implique. Est-ce la carte qui a conduit le Puissant Dragon d'Or jusque chez nous ? Si nous l'avions entière, révélerait-elle l'emplacement d'une contrée peuplée de dragons ? La carte a-t-elle été brisée à dessein pour que nous ne doutions pas de la divinité de notre Dragon ? Jamais vous ne me ferez croire que le clergé est innocent et ne dissimule rien aux fidèles.

— Sur ce point, nous sommes d'accord, sourit Saule.

Mais sur le reste... C'était plutôt le père de Grenat qui avait été bien crédule d'ajouter foi au boniment d'un escroc, prêt à tout pour vendre sa camelote.

— À votre avis, quel sera l'effet de la paix sur ce petit trafic ? demanda-t-il soudain.

Le front haut de Grenat se plissa.

— Difficile à dire, dit-il en se pinçant la lèvre. Cela dépendra de la politique de nos gouvernements quant à la gestion de la Chute. Continueront-ils à en interdire l'accès ? Ou bien sera-t-il réservé à certaines personnes ? Voire même, mais j'en doute, ouvert à tous ?

— Quel que soit le choix qui sera fait, nos amis trafiquants risquent d'avoir du mal à maintenir leur affaire à flot sans gros changements, fit remarquer Saule, amusé. Et votre collection peut avoir atteint son état final.

— Ne me dites pas ça, il y a toujours moyen d'acheter des pièces déjà existantes !

Les mains dans le dos, Grenat promena un regard soucieux sur les objets exposés, comme s'il regrettait déjà de ne pouvoir rien y ajouter. Saule lui tapa sur l'épaule.

— Dans tous les cas, si vous vouliez me surprendre, je peux vous garantir que c'est réussi, conclut Saule. Et ne vous inquiétez pas, je me doute que votre petite collection pourrait vous attirer des ennuis. Je vous promets de garder le secret.

— Vous êtes un véritable ami, dit Grenat en accrochant son bras. Venez, allons rejoindre les autres avant qu'ils ne commencent à nous chercher.

De retour dans la grande salle, les sens de Saule furent aussitôt agressés par la lumière vive des lustres, par les rires et la musique, bien trop forts par rapport au silence feutré qui régnait dans le reste du manoir. Ce malaise passager fut aggravé par la vue de Jaspe, l'un des premiers dont il capta la présence. Le jeune homme se tenait en retrait de la foule devant les tables du buffet, presque à l'entrée de la galerie par laquelle ils étaient revenus. Il serrait un verre dans ses mains et lorgnait son fond d'un air lugubre. Lorsqu'il entendit la voix de Grenat qui échangeait des plaisanteries avec tous les invités qu'il croisait, il releva vivement la tête. Son regard glissa brièvement sur leurs bras encore croisés. Ses mâchoires se crispèrent.

— Grenat, il est très inconséquent de votre part d'abandonner vos invités pendant si longtemps. Saule, j'espère qu'il ne vous a pas entraîné dans quelques facéties dont il a le secret.

Cette fois-ci, Jaspe le regarda en face. Il était fâché. Mais pas seulement. Ses doigts tiraient avec malaise sur les coutures de ses manches.

— Absolument pas, répondit Saule. Nous nous sommes contentés d'intéressantes conversations, entourés d'œuvres d'art tout aussi intéressantes.

Saule peinait à maintenir son attitude hautaine. Malgré ses bonnes résolutions, l'espoir revenait s'attaquer à lui et grignoter sa détermination. Le comportement de Jaspe n'était pas celui de quelqu'un qui voulait mettre de la distance.

— Je vous croyais avec ma sœur ? demanda-t-il alors, innocemment. Où est-elle ?

Le coup était bas et le visage de Jaspe accusa le choc. Il se tourna vers la masse des invités et la scruta pour garder contenance.

— Je... euh... elle... commença-t-il.

Puis il soupira.

— Elle est avec Béryl, finit-il par dire. Elles essayent de faire boire tante Cornaline pour lui extirper des informations à propos de son passé.

Saule rit avec incrédulité et chercha à son tour dans la foule jusqu'à apercevoir une tête brune et une tête blonde encadrer la petite silhouette de dame Cornaline.

— Vraiment ? Et ça ne vous intéresse pas plus que ça ? Pour ma part, la curiosité me dévore ! Je vous laisse, je ne peux abandonner ma fiancée dans un instant aussi décisif.

Sur un sourire charmeur, il prit congé et s'enfonça au milieu des groupes qui discutaient.

— Saule, attendez, je...

La voix hésitante de Jaspe fit vibrer son cœur, pourtant il ne se retourna pas. Cela ne ferait pas mal au jeune homme de rester en suspens pendant un temps. Un peu d'introspection ne pouvait lui faire que le plus grand bien.

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