C'était nous contre le monde entier. Nous semblions invincibles, les mains et le cœur liés par un fil d'or brodé de promesses fleuries et couvert de dentelle étoilée. Nous n'étions qu'une, c'était toi pour moi, moi pour toi. Nous appartenions l'une à l'autre, nous étions plus fortes que la Mort elle-même. Nous étions les feux incandescents de ce monde, les glaces hypnotiques des océans, les vents purificateurs de l'azur éternel, les étincelles poussiéreuses des comètes, les scintillements étoilés des diamants de l'éther sombre, les lumières éblouissantes des ténèbres envahissantes.

J'étais ton oxygène, tu étais mes poumons. Tu étais mon cœur, j'étais ton âme. Nos yeux se noyaient dans la contemplation des couleurs que notre Amour peignait, nos bouches se liaient sous les cieux éclairés par les soupirs de notre bonheur, nos mains se cherchaient et se trouvaient dans les plaines dessinées par nos rires mirifiques.

Puis tu es partie, tu es descendue les rejoindre, sans même un adieu, un au revoir. Je me suis retournée et tu n'étais plus là. Mon sourire s'est fané, mon cœur a sombré à la vue de tes ailes argentées posées sur le sol, comme les vestiges d'une vie passée que tu avais décidé d'oublier.

Alors que mon corps embrassait la Terre, que mes mains broyaient mon âme suintant de sang noir, que des perles amères et rancunières traçaient un chemin mortel sur l'albâtre de ma chaire, ton rire retentit, ce rire que j'avais tant aimé, tant admiré, tant provoqué.

Tu étais là, avec elle, dans ses bras, comme tu l'étais avec moi autrefois. Nue, éternellement belle, tu régalais ses yeux brillants, tandis que les miens l'étaient d'un autre sentiment. Tu soupirais de bien-être sous ses caresses, tu ne demandais qu'elle, sans jamais penser ce que je pouvais ressentir en te voyant.

Mon âme s'asséchait lentement devant ce spectacle insupportable, je me vidais de mon sang, mais toi, tu ne le voyais pas. Tu m'avais oubliée.

J'ai voulu rejoindre un autre monde où je pourrais oublier cette douleur, mais l'au-delà, j'y étais déjà. Tu m'avais laissée seule ici, je n'avais nulle part où aller, je n'étais plus rien sans toi.

Et maintenant je suis déchue, un ange déchu, qui traîne les chaînes d'un Amour brûlant et destructeur, qui pleure son âme consumée, qui gémit sous les coups insupportables de la trahison. Mes ailes ont fané comme les fleurs de nos broderies, et voilà que tu reviens, voilà que tu réapparais, la poitrine ensanglantée.

Tu ne l'avais pas vu venir, n'est-ce pas ? Tu n'avais pas anticipé qu'elle deviendrait possessive et qu'elle finirait par te renvoyer à la case départ si tu refusais.

Regarde ce que tu as fait de moi, de nous. Regarde-moi bien.

Tu ne peux pas me renier. Tu ne peux pas. Je fais partie de toi, je serai toujours là.

Et crois-moi, maintenant que tu ne peux plus m'ignorer, je vais me faire un plaisir de te faire souffrir. Je vais jouir devant tes vaines suppliques, tes pardons désespérés que jamais je ne t'accorderai.

Parce que lorsqu'on abandonne quelqu'un sans même prévenir...

On finit toujours pas le payer.