Chapitre 10
Les quatre hommes se mirent à discuter ensemble et à faire comme si je n'existais plus, alors je sus qu'il était temps pour moi de me retirer. J'allai vérifier si mes vêtements avaient terminé de sécher. Mon pantalon était encore un peu humide, mais je le remis quand même. Mon débardeur, lui, était sec.
Je m'habillai, puis me promenai sur l'étage qui était, en quelque sorte, devenu ma prison. Je m'arrêtai devant la porte de l'ascenseur. Et si Vanille revenait ? Peut-être devait-elle se remettre de ses émotions et, ensuite, elle reviendrait me sortir d'ici. Elle croyait peut-être que j'étais morte, mais elle ne pouvait en être certaine. Et, en plus, elle ignorait que son cousin l'était. Peut-être essayait-elle de trouver de l'aide en bas ? Ou bien, personne ne la croyait ?
— Elle ne reviendra pas, dit une voix qui me fit sursauter.
Je tournai la tête et vis Ash derrière moi.
— Peut-être que si...tentai-je.
Il secoua la tête de gauche à droite.
— Je connais ce genre de personne, ajouta-t-il, celui qui ne voit pas plus loin que son nombril. Ton amie en faisait partie.
— Comment le sais-tu ? Tu ne la connaissais même pas.
— Le nierais-tu ?
Je restai silencieuse, songeuse. Il n'avait pas tort. Vanille ne se préoccupait que de sa propre personne et ne pensait qu'à s'amuser. Malgré tout, c'était mon amie et nous nous connaissions depuis plusieurs années. Cependant, jamais je n'aurais cru qu'elle m'abandonnerait pour s'enfuir. Je ne m'attendais pas non plus qu'elle abandonne son cousin adoré.
— Si vous n'aviez pas tué les gars qui nous accompagnais, elle ne se serait pas enfuie, arguai-je. C'est de votre faute, en fait, si elle a eu peur.
— Nous t'avons expliqué nos raisons, me répondit-il.
— Et si Vanille ne s'était pas enfuie, l'auriez-vous tuée, elle aussi ? lui demandai-je.
Il ne me répondit pas tout de suite.
— Probablement, dit-il enfin. Nous n'avions besoin que de l'une d'entre vous et, depuis la première fois que tu es venue accidentellement sur cet étage, j'ai su que c'était toi qui nous aiderais. Je te fais confiance pour que tu reviennes nous libérer une fois sortie d'ici.
— Pourquoi ?
Il s'approcha de moi.
— Tu es différente, me dit-il en se penchant vers moi. Tu es capable de différencier le bien du mal et tu ne songes pas seulement à ta propre personne. C'était important pour nous.
— Et tu l'as perçu dès notre première rencontre ?
Il hocha la tête.
— Depuis que tu as essayé de discuter avec moi. Je dois avouer que ton parfum m'a rendu fou, ce soir-là, et je m'y suis mal pris pour essayer de te faire rester au douzième étage.
— Mal pris ? Tu as essayé de m'arracher la jambe.
— Bien sûr que non.
— Oh que oui ! Tu m'as tirée sur le béton.
— C'était pour que tu ne t'enfuies pas.
Nous nous fixâmes en chiens de faïence.
— D'accord, je m'y suis mal pris, m'avoua-t-il, mais le sundae aux fraises est mon péché mignon et tu ne sentais que ça.
— Ton péché mignon ? Tu m'aurais mangée ou quoi ?
Un sourire carnassier étira sa lèvre. Lorsqu'il me regardait ainsi, j'avais envie de m'enfuir en courant.
— Dégustée, plutôt, répondit-il.
Je déglutis, me demandant s'il plaisantait ou pas. Avec lui, c'était toujours difficile de le deviner.
— J'ai gagné le jack pot, dans ce cas, raillai-je. Un fétichiste des pieds qui me prend pour un sundae aux fraises.
Il éclata de rire, comme si j'avais raconté une bonne blague.
— Heureux que tu le prennes ainsi, dit-il. Après tout, il faut voir les choses du bon côté. Si ton amie n'avait pas été aussi égoïste et qu'elle t'avait aidée, vous seriez toutes les deux contaminées à l'heure qu'il est et probablement sur votre lit de mort. Dis-toi que rien n'arrive pour rien.
Devais-je le remercier de m'avoir sauvée ? En même temps, je ne pouvais m'empêcher de songer au fait que leur petit traitement aurait pu avoir des effets dévastateurs sur moi. Et si une part de moi s'était également transformée en animal ? Je retins une grimace, préférant ne pas y penser.
— D'ailleurs, que faisais-tu dans cet hôtel ? me demanda Ash.
— J'étais en vacances. Personne ne nous avait mis au courant de cette épidémie. Si j'avais su...
Je serais restée chez moi.
— Personne n'aurait pu deviner que ce connard de Mike infecterait tous ces gens sur le bateau de croisière, me dit-il. Si j'étais lui, je ferais profil bas car c'est la prison qui l'attend.
— La prison ?
— Oui, il a été en contact avec des produits contaminants et ne s'est jamais fait traiter. Ce type est un lâche et voilà le résultat. J'ignore encore pourquoi il a été admis dans notre département, à l'époque. Ce n'était qu'un incompétent.
J'espérais, moi aussi, qu'ils attraperaient ce sale type.
— Alors, tes amis et toi êtes venus au Mexique profiter de la plage ? fait Ash en se frottant le menton.
— Oui, pour le Spring Break, répondis-je. Et ce n'était pas mes amis, mais ceux du cousin de Vanille. Personnellement, je n'étais pas capable de les sentir.
— Je vois...Tu t'entoures des mauvaises personnes, chaton.
— Arrête de m'appeler ainsi, m'offusquai-je. Je m'appelle Amy, pas chaton.
— Pourtant, tu me fais penser à ces petites bêtes toutes mignonnes.
— Et toi, tu me fais penser à un tigre, pourtant, je ne t'appelle pas «Tiger ».
— Ça ne me dérangerait pas.
Je soufflai, excédée par ce mec qui tournait tout ce que je disais au dérisoire.
— Es-tu étudiante ? questionna-t-il.
— Oui, j'étudie en vue de réussir mon examen final et je faire mes stages. Ensuite, je pourrai me trouver un job.
— En quoi ?
— En traduction.
— Intéressant...j'ai toujours été doué en langues, mois aussi.
Ces mots prenaient un tout autre sens lorsque c'était lui qui les prononçait.
— Mes anciennes petites amies pourraient en témoigner.
La blague que tout le monde me sortait ! Je commençais à en avoir marre et je n'avais même pas encore commencé à travailler dans ce domaine.
— Tu devais trouver le temps long sans pouvoir exercer ce passe-temps, raillai-je. À moins que les autres et toi...
— Ne t'avise pas de terminer cette phrase, grogna-t-il d'un ton menaçant, ce qui me fit reculer. Tu ignores ce que nous avons endurés, cloîtrés ici pendant toutes ces années, alors je t'interdis de rire de cette situation.
— Je ne riais pas, me défendis-je. Seulement, je comprendrais que quatre hommes qui vivent ensemble veuillent se...rapprocher. Je ne vous juge pas.
— Tu as tout faux. Nous sommes devenus des amis, pas des amants.
— Ah...
— Ne leur parle jamais de ça, sinon tu risques de regretter d'avoir ouvert ta jolie bouche. Ils sont hétérosexuels et si tu mets en doute leur sexualité, ils risquent de devenir très agressifs. Notre côté animal prend le dessus lorsque nous nous fâchons.
— J'essaierai de m'en souvenir.
Nous restâmes silencieux tandis que Ash déplaçait un gravât de béton. J'observai ses muscles se tendre sous l'effort. Ce mec était une machine, à n'en point douter.
— Qu'est-ce que tu regardes ? me demanda-t-il en surprenant mon regard sur lui.
— Euh...je me demandais si tu étais aussi musclé avant...euh...
— Avant d'être infecté, compléta-t-il. Absolument pas. J'étais fluet et j'avais l'air d'un intellectuel, ce que j'étais assurément.
J'avais de la difficulté à l'imaginer ainsi. Pour moi, il ressemblait plutôt à Tarzan.
— L'es-tu encore ? lui demandai-je.
Il stoppa son mouvement, puis tourna la tête vers moi. Son regard animal me fit frissonner. Lorsqu'il avait cette expression dangereuse, il me faisait peur.
— Disons qu'il a fallu occuper notre temps à autre chose que les expériences, répondit-il.
— Comme à soulever ces gros morceaux ? Pourquoi faites-vous cela si c'est pour partir d'ici ? Je ne crois pas que l'hôtel vous remercie pour ce service.
— Que voulais-tu que nous fassions d'autre ? Le temps est long lorsque tu es confiné ici. Tant qu'à avoir de la force musculaire, mieux valait la mettre à profit.
— Ne vous attendez pas à ce que je vous aide. J'ai la force d'une souris.
— Contente-toi seulement de nous faire sortir d'ici et ce sera suffisant, me dit-il.
— Oh ! À ce sujet...
Je me tus tandis qu'il attendait que je poursuive. Comment lui expliquer que les petits endroits sombres me fichaient la trouille, tellement que je pouvais faire une crise d'angoisse et me retrouver à l'hôpital tant je n'arrivais plus à trouver l'oxygène nécessaire pour respirer ?
Autant être direct avec lui.
— Je suis claustrophobe, lui annonçai-je.
Il s'esclaffa, mais lorsqu'il s'aperçut que je ne le rejoignais pas dans son hilarité, elle cessa de rire. Puis, un grognement provint de sa gorge, signe de sa contrariété.
— Quoi ! hurla-t-il, furieux. Tu es une putain de poule mouillée !
— Ça ne se contrôle pas, m'indignai-je. Lorsque j'étais petite, mon père m'a enfermée dans le sous-sol sans faire exprès. Il ne savait pas que je jouais dans la salle de jeux juste à côté de son bureau, alors il a éteint les lumières et a fermé la porte. J'avais cinq ans. J'ai hurlé, j'ai pleuré, mais il ne m'entendait pas. Ce n'est qu'une heure plus tard que ma mère s'est rendu compte que je n'étais pas dans ma chambre. Lorsqu'ils m'ont trouvée, j'étais roulée en boule par terre et traumatisée. Ça a pris trois mois avant je ne puisse dormir dans le noir. J'ai été suivie par des spécialistes mais j'ai gardé des séquelles psychologiques. J'ai vaincu ma peur du noir, pourvu que ce ne soit pas un endroit étroit.
J'espérais qu'il se calmerait et qu'il comprendrait ma phobie, mais au lieu de cela, il enragea davantage.
— Toi, au moins, tu n'es restée confinée qu'une heure. Nous, ça fait sept ans, alors écoute-moi bien. Tu vas entrer dans ce monte-plat et fermer les yeux pendant dix minutes, compris ? Il n'y a rien de plus simple.
— Sauf que si je fais une crise d'angoisse et que je m'évanouis, jamais je ne pourrai vous libérer, rouspétai-je.
Sa bouche s'entrouvrit et je vis ses crocs apparaître. Il n'avait jamais eu l'air plus sauvage qu'en ce moment.
Je reculai, effrayée.
— Finalement, ton amie semblait moins froussarde que toi, gronda-t-il, l'air menaçant. J'aurais peut-être dû te tuer et la guérir, elle.
Mon cœur se serra sous ses paroles, mais je voulais lui prouver que, moi aussi, je pouvais me battre...avec les mots.
— Tu sais quoi, Ash ? Ces sept années ici te t'auront pas appris le self-control. Apprends à te calmer par toi-même, car, sinon, une fois sorti d'ici, tu seras jeté dans une cage comme un animal. Et, pendant que tu y es, essaie de respecter autrui. Ça ne se fait que dire à quelqu'un qu'il est spécial et, la minute suivante, de le menacer de mort.
Sur ce, je tournai les talons, remontée. Une chose était certaine ; ces types avaient trop longtemps été seuls ici. Ils ne savaient même plus comment se comporter avec une fille.
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