Une étrange colline était perdue dans un endroit inconnu, violemment frappée par le clapotis des goutes tombant sur ce sol marécageux et le sifflement du vent qui faisait plier les quelques arbres qui tenaient encore debout. Elle était masquée par des nuages grisâtres qui camouflaient la lumière.
Ce lieu n'était ni beau, ni accueillant.
On entendait souvent gronder des animaux sauvages en quête de nourriture et la pluie fracassante rendait l'endroit inhabitable.

Pourtant, au milieu de ce torrent assourdissant, marchait doucement une frêle petite fille habillée d'un long manteau gris très abîmé. Elle avançait avec toute la force qu'elle avait mais elle tremblait de froid et peinait à chaque pas. Pourtant elle continuait à mettre un pied devant l'autre, se relevant lorsqu'elle se faisait bousculer par une rafale de vent puis reprenait son chemin. Qu'allait-elle faire en cet endroit ? Pourquoi était-elle si déterminée à avancer malgré le danger ? Elle devait avoir 5 ou 6 ans et elle ressemblait à une pauvre petite humaine rejetée par les siens.
Pourtant il n'en était rien.

Cette petite était une elfe déchue, abandonnée par sa famille comme un animal. Elle marchait, s'accrochant à la vie grâce au seul espoir qu'il lui restait. Elle s'accrochait d'une main à un médaillon qui ornait son cou en murmurant à répétition un même mot. Un nom.

« Wizan....Wizan.....Wizan... » répétait-elle en continu.

Qui était-il ? Elle avança encore et encore, monta sur la colline jusqu'à atteindre le sommet. De là, alors que l'orage s'était mis à gronder, elle s'arrêta enfin et regarda l'horizon. Lorsqu'elle aperçu l'étrange petite cabane en pierre qui se trouvait un peu plus bas, son visage s'illumina et elle reprit sa marche, d'abord lentement, puis de plus en plus vite jusqu'à courir vers cette maison étrangement intacte malgré la tempête. Une fois arrivée, elle n'attendit pas d'avoir repris son souffle pour d'ouvrir la porte en trombe et crier :

« Wizan ! »

La personne concernée se retourna, surprise, et la petite fille se jeta dans ses bras. Il restèrent ainsi quelques instants.
Wizan était un Gobelin. Il avait le même âge que la petite fille et pourtant il mesurait déjà 1m60 contre 1m15 pour elle. Sa peau était dure et grise comme de la pierre et il avait de fins cheveux bruns sur la tête. Ses yeux étaient perçants et son nez était tout plat, ce qui amusait beaucoup la petite elfe.

« Comment est-ce que tu es arrivée là, Vesp ? » S'inquiéta le jeune gobelin.
La dénommée Vespéra lui montra du doigt l'horizon, avec un grand sourire, là où le tonnerre faisait toujours rage. Wizan la regarda avec des yeux ronds avant d'enfin voir ses vêtements mouillés et ses petites mains qui frissonnaient sous son manteau abîmé. Inquiet comme un père, il s'empressa d'aller chercher une couverture et fit sécher son manteau sur un cintre.

La maison était très petite et ne contenait rien de plus qu'un vieux lit rouillé, une table, une armoire avec des couvertures et une cheminée ou un feu éclairait et réchauffait la pièce. La petite alla s'asseoir sur le petit lit.
Wizan l'y rejoigna et s'assis à côté d'elle. Vespéra était tout pour lui.

Il repensa à ce qu'il avait vécu et son cœur se serra. Fils de deux gobelins fidèles, il avait vécu une vie luxueuse dont bénéficiaient les plus fidèles guerriers lorsqu'il était tout petit. Ses parents étaient gardes du corps d'une famille d'humains célèbres. Il était né au milieu de cette famille en même temps qu'un petit garçon humain et avait vécu avec eux 3 années durant. Il s'etait lié d'amitié avec le petit garçon. Mais son père avait fait une énorme erreur qui avait causé la mort de la famille, à l'exception du petit. Les gobelins furent dévastés en apprenant la nouvelle. Pour maintenir la paix entre les humains et les Gobelins, ils furent obligés d'exécuter ses parents, le laissant orphelin. Il fut banni de la ville alors qu'il était âgé que de 4 ans. Il avait erré pendant des jours, ne sachant pas quoi manger, dormant quand il ne pouvait avancer. C'était là qu'il avait croisé Vespera. Cette petite fille souriante l'avait aidé alors qu'elle n'était guère plus âgée que lui. Elle ne pouvait l'accueillir chez elle à cause de ses parents sévères mais elle avait quand même décidé de l'aider du mieux qu'elle pouvait. Elle l'avait nourri, lavé, et lui avait appris des tas de choses qu'elle apprenait chaque jour de ses parents. Puis un jour, alors qu'il avait 6 ans seulement, Wizan décida de trouver sa maison. Un endroit isolé où il ne pourrait plus embêter personne. Il avait peur des grandes personnes. Peur qu'on lui enlève encore quelque chose qu'il aimait. C'était pour cela qu'il avait choisi un endroit si peu accueillant.

Ce n'était pas étonnant que Vespera soit la. Elle venait souvent le voir, lui, son seul ami. Ses parents étaient injustes avec elle. Ils l'enfermaient chez elle et elle ne pouvait voir personne. On pourrait croire que c'était pour la protéger et qu'ils tenaient à elle, mais c'étaient des gens détestables et cruels. Ils ne s'étaient jamais souciés de leur fille et ne lui avait jamais adressé la parole. Vespéra ne savait même pas leurs prénoms. Mais elle s'en fichait. Elle ne se plaignait jamais de sa vie et était heureuse d'avoir un toit, un lit ou dormir, un ami.

Pourtant, aujourd'hui, elle ne semblait pas aussi heureuse que d'habitude. Elle souriait mais ses yeux étaient tristes. De plus, c'était la première fois qu'elle venait à pieds, malgré la pluie, si frêlement habillée.

Wizan lui demanda doucement, de peur de la brusquer :
« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »
Elle ne répondit pas tout de suite, surprise, puis son sourire s'effaça et elle prit un air grave :
« Mes parents ne veulent plus me voir. J'ai cassé un vase accidentellement. C'était la première fois qu'ils me parlaient. Leur voix est belle. Mais je ne les verrai plus. »

Wizan resta sans voix. Comment des parents pouvaient traiter ainsi leur enfant ? Enfin, il s'en doutait, ce jour devait arriver. Il sentait la colère monter en lui mais il se retins de la montrer. Vespera avait besoin de lui.
Il lui caressa le front comme un grand frère et lui murmura de ne pas se retenir, de pleurer si elle en avait besoin. Mais elle ne pleura pas. Elle n'avait jamais pleuré. Elle se contenta de s'appuyer sur son épaule et de s'endormir.

« Je veillerai sur toi, murmura le jeune gobelin. Pendant l'éternité s'il le faut. »

~~~

5 années s'étaient écoulées.
Le beau temps était revenu dans cette région reculée et la végétation avait poussée. De magnifiques fleurs avaient poussées sur la colline et des oiseaux chantaient dans le ciel. Parfois, une créature venait s'aventurer sur le sentier. Mais personne n'allait assez loin pour voir la jolie petite maison qui se dressait derrière la colline.

Deux créatures en sortirent en riant. Deux amis qui, main dans la main, couraient dans les champs d'herbe verte en fermant les yeux. L'air passait dans leurs cheveux, le soleil se reflétait sur leur peau et ils étaient heureux, coupés du monde, dans un lieu où il ne pouvaient nuire à personne.
Vespéra était devenue une belle jeune femme. Elle était maigre et très claire de peau, certe, mais ses cheveux noirs étincelaient et ses yeux bleu bleus comme un ciel d'été pétillaient de joie. Wizan la trouvait plus belle que jamais dans cette robe qu'il avait réussi à lui procurer. Il était amoureux, il le savait, mais il ne voulait pas briser ce lien fort d'amitié qui le reliait à cette elfe.
Wizan avait bien grandit lui aussi. Il mesurait maintenant 2m20 et avait une carrure robuste qui impressionnait la jeune fille. Chaque semaine, le matin, le gobelin allait dans la forêt la plus proche pour ramasser le nécessaire à leur survie.
Ils ne manquaient donc de rien et vivaient heureux dans leur maison de pierre.

Ce matin-là, il partit comme à son habitude à la ville. Vespéra lui souhaita bonne chance et le gobelin prit sa route vers la forêt. Il ne rentrerait que le soir, la jeune elfe avait l'habitude.
Mais cette fois-ci, elle était rassurée de son absence.
Elle courut à l'intérieur. Son cœur battait la chamade. Elle mit une main sur son cœur et s'assit à terre. Elle avait ressenti quelque chose. Une émotion étrange lorsqu'elle l'avait enlacé pour lui dire au revoir. Enfin plutôt un mélange de plusieurs émotions. Elle ne savait pas de quoi il s'agissait et cela lui faisait peur.
Elle regarda ses mains. Et si.... non ça ne pouvait pas être cela.
Elle avait entendu, du temps où elle était encore chez ses parents, que les elfes avaient une particularité intéressante. Elle se souvient avoir entendu que les elfes avaient, à partir de leur enfance, un « talent », un pouvoir qui leur permettait d'accomplir des choses impossibles comme lire dans les pensées ou encore devenir invisible. Mais ça ne pouvait être cela puisque Vespéra n'était plus une enfant. Elle devait normalement faire parti de ce qu'on appelle les « sans-talents », des gens détestés par les elfes qui ne possèdent pas de « talent ». Pourtant elle avait entendu parlé d'un talent qui permettait de deviner les sentiments des autres. Ce qui expliquerait toutes ces sensations qu'elle éprouvait lorsqu'elle avait touché Wizan. Mais si c'était ses sentiments, que ressentait-Il ?
Elle réfléchit, encore et encore, pendant des heures durant. Elle ne vit pas le temps défiler. C'est l'obscurité du ciel qui la ramena à la raison.

Il devait être 22h et pourtant, Wizan n'était toujours pas rentré. Vespéra ne s'inquiéta pas. Ce n'était pas la première fois qu'il rentrait tard en raison d'une longue cueillette ou de manque de fruits dans la forêt. Elle décida d'aller se coucher. Elle lui parlerait de tout cela le lendemain.

~~~

Un garçon habillé en noir courait à travers la forêt rapidement. Il avait le visage masqué et ne portait pas de chaussures. Il courait à une telle vitesse qu'il était difficile de le suivre du regard. Dans sa main, il tenait une pierre aiguisée. Cette pierre était tachée de sang.

~~~

Vespéra se réveilla aux aurores, réveillées par le chant des oiseaux qui chantaient au dessus de la maison. La jeune fille voulu se retourner pour réveiller Wizan mais celui ci n'était pas dans son lit. Chose encore plus étrange : il n'avait pas l'air d'avoir été habité cette nuit. Le cœur de l'elfe se mit a battre à tout rompre. Il n'avait pas dormi ici cette nuit ?
Très inquiète, elle sortit de la maison et chercha s'il n'était pas dans les alentours. Personne.
Elle avait peur. Très peur. Peur qu'il lui soit arrivé quelque chose. Pourtant elle essayait de se convaincre qu'il était possible qu'il est été retardé. Qu'il allait bientôt revenir. Mais elle ne pouvait attendre plus longtemps.
Elle prit un manteau, et commença à courir à travers les champs.

Pourvu qu'il ne lui soit rien arrivé... Pourvu qu'il ne lui soit rien arrivé...
Pourvu qu'il ne lui soit rien arrivé...
Se répétait-elle sans cesse.

Ses jambes lui faisaient mal mais elle continuait de courir sans relâche, avec l'espoir qu'il lui restait.
Elle entra dans la forêt.
Les branches lui fouettaient le visage mais elle s'en fichait. Elle avançait, toujours plus loin, toujours plus profondément. Elle sentait des larmes monter à ses yeux. Que lui arrivait-Il ? Elle n'avait jamais pleurer. Pourquoi de l'eau coulait ainsi sur son visage ? Pourquoi son cœur lui faisait si mal ? Pourquoi sentait-elle l'espoir la quitter peu à peu ? Elle avait mal. Mal au coeur mal au membres. Le gobelin était tout pour elle. Il la regardait avec tant de tendresse, tant de gentillesse, tant d'amour qu'elle n'avait jamais reçu. Elle s'était toujours demandé ce qu'était l'amour. Maintenant ça lui lui semblait évident. L'amour c'était ce qu'elle éprouvait pour Wizan. Son seul ami, sa seule famille, la personne avec qui elle voulait être à chaque instant.
Le sang qui coulait des blessures qu'elle se faisait se mélangeaient avec ses larmes. Où était-il ? Ou était-il ? Elle cherchait, partout, dans les moindres recoins.

C'est alors qu'elle le vit.
Son cœur s'arrêta de battre.
Du sang.
Un corps inerte.
Wizan.

Dans un état de trans, la jeune fille s'approcha du corps.
Elle le toucha.
Toute la réalité s'abattit sur elle.
La douleur s'intensifia soudain dans sa poitrine.
De plus en plus forte, de plus en plus violente.
Jusqu'à devenir insupportable.
Une douleur qu'elle n'avait jamais éprouvé.
Une douleur qui la plongea au bord de l'évanouissement.
Pourtant elle tint bon, s'accrochant de toute ses forces à la grande main chaleureuse de son ami, qui n'était plus que froide et inerte.
Alors un grondement s'échappa de sa gorge.
Un grondement d'animal. Un grondement de monstre.
Elle hurla à s'en déchirer les poumons.

Puis plus rien.

Elle ne ressentit plus rien.

Rien que du vide.

Un vide profond.

Elle se leva et marcha, droit devant elle.
Sans but.
Sans espoir.
Juste marcher.
Se nourrissant tout juste.
Pendant des jours,
Des semaines,
Des mois,
Des années durant.

Elle savait ce qu'elle devait faire. Elle savait qu'elle avait perdu ses émotions. Et que la seule chose qui pourrait la soulager était la vengeance.
Oui elle le vengerait. Elle lui ferait éprouver la même douleur qu'elle avait éprouver.

Pourtant tant d'années c'étaient écoulées. L'assassin était mort depuis longtemps lorsqu'elle le retrouva. Un enfant humain, orphelin, qui avait perdu ses parents suite à l'erreur de deux Gobelins. Un fils qui voulait lui aussi se venger. Mais Vespéra s'en fichait. Elle n'avait pas pitié.
Si il ne pouvait payer, ce serait toute son espèce qui payerait.

Les années passèrent, l'elfe réussi à faire monter la rancune entre les elfes et les humains. Les humains furent chassés des cités perdues et ils oublièrent tout. Reprenant l'histoire du début. Nous étions en -3600 sur le calendrier humain.
Mais tout cela n'était pas assez. Vespéra voulait plus, toujours plus. Alors elle commença des expérimentations humaines. Elle tortura des personnes, toujours plus, mais elle n'était jamais satisfaite.

Quand le conseil appris la nouvelle, elle fut enfermée quelques temps dans des prisons différente.

Mais l'histoire ne faisait que commencer.
Et ils payeraient tous pour la mort du seul être qui avait vu de la valeur en elle. Du seul être qu'elle aimait.
Wizan Sekle Gaomgift

~~~

Un petit enfant marchait à quatre pattes sur un sentier de sable. Ce petit elfe avançait droit devant lui, vers le feu qu'avait provoqué Vespéra pour se changer les idées.
Elle regarda l'enfant froidement, tandis que celui-ci avançait vers elle, un grand sourire sur le visage.
Elle voulu le chasser mais il s'accrocha.
Elle soupira et, ne voulant pas tuer un enfant si jeune, elle décida de lui demander son nom.

« Fintan, répondit innocemment l'enfant. Fintan Pyren. »