"- Vite ! Mon histoire !

L'aînée jeta un coup d'œil surpris au petit bout d'être qui lui réclamait à cette heure ci une telle chose.

- Maintenant ?
- Oui ! De toute façon c'est de ta faute si on est rentrées tard ! C'est toi qui a insisté pour traîner en ville !

Pour sa défense la jeune femme répondit:

- Je pensais que voir les décorations de Noël te ferait plaisir. Mais bon si il n'y a que ça pour que tu dormes... Qu'as ton aujourd'hui ?
- "Illuminations d'un soir" de Detico !

Je jette un coup d'œil à travers la fenêtre. Pas une seule trace de neige ! La petite prairie est triste. Au loin, juste devant le soleil couchant, on aperçoit le village. Pas une seule lumière. Pas une seule décoration de Noël. Pourtant, c'est dans une semaine.

« C'est trop cher ! », a dit le maire. 

Quand j'ai demandé à maman pourquoi il avait dit ça, elle ne m'a rien répondu. Les adultes sont bizarres ! Ils changent d'avis tout le temps. Je n'ai pas trop compris pourquoi mais, en ce moment, papa m'empêche de sortir. Il dit qu'il fait trop froid.

« Mais quand on habitait dans les Vosges, tu me laissais bien sortir ! »

Lui aussi ne me répond rien. J'ai l'impression que les adultes sont sourds. C'est peut-être vrai. Je sais pas. « Tu es trop petit pour comprendre. » comme ils disent. Mais je suis un aventurier moi ! On peut être aventurier et petit, non ?

Papa m'appelle. Il me dit de ne pas trop rester près de la fenêtre, que je risque de prendre froid.

« Mais elle est fermée ! »

Je monte vite dans ma chambre et je m'allonge, comme chaque soir après l'école, sur mon lit. J'observe la tâche bleue qui décore le plafond. Je m'imagine un Noël avec des tonnes de guirlandes, des lumières dans tous les sens. Un vrai Noël quoi.

J'ouvre la fenêtre pour fermer le volet.

Une lumière m'éblouit. C'est sûrement le voisin qui rentre. Papa m’appelle pour manger.

Je descends. Mon papa m'attend au bas de l'escalier.

« J'ai une surprise pour toi.

- Cool ! Mais elle sera moins bien que celle du Papa Noël ?

- Oui ! Le Père Noël, c'est quelqu'un d'exceptionnel tu sais. Mais c'est pas notre sujet. »

Il m'emmène à la voiture et on commence à rouler. Je remarque que plus on avance, plus la route s'agrandit.

« On va où ?

En ville ! », s'exclame-t-il.

Je souris. J'aime beaucoup aller en ville, même si on y va presque jamais. C'est dommage. C'est beau et c'est triste en même temps, la ville.

Bientôt des grands immeubles apparaissent, de plus en plus, avant qu'il n'y ai que ça. Il y a de plus en plus de lumières aussi. D'immenses lampadaires éclairent l'autoroute. Papa m’explique que la ville où on va s’appelle Lyon. Ça me dit rien. J'y suis jamais allé.

On s'arrête dans un parking. Et là, on sort.

Je n'ai jamais vu autant de monde. Les gens marchent vite, se pressent, se poussent… Je lève la tête. Une gigantesque guirlande multicolore pend au-dessus de la rue. C'est beau.

« Wow ! 

- Ça te plaît hein ? »

On marche, on se balade. À chaque coin de rue je découvre des nouvelles lumières. J'ai des étoiles dans les yeux. C'est de plus en plus magnifique !

Papa décide de m'acheter un pain au chocolat. Je le déguste. J'ai plein de chocolat sur les doigts. Mais je m’en fiche. Mes yeux regardent avec attention les éclairages tous plus merveilleux les uns que les autres. Ici, un joli lutin de bois en lumière me regarde. Là, une guirlande clignote très vite.

J’aime Noël. C'est beau les lumières…

C'est comme la vie ! Ça clignote !

Avant qu’on ne reparte, Papa me dit :

« On a une dernière chose à faire. »

Je suis Papa à travers un labyrinthe de rues, avant qu'il ne rentre dans une petite boutique.

La dame nous salue chaleureusement. Je remarque alors que c'est une boutique de lumières ! Il y a des dizaines de lampes de bureau, de chevet, de table…

Une vraie caverne d'Ali Baba. J'adore. J'ai trouvé mon futur métier. Vendre des lampes.

« Que désirez-vous, mon cher monsieur ?

- Je voudrais une guirlande d'extérieur résistante au froid, s'il vous plaît.

- Je vais vous trouver ça de suite. »

La dame revient quelques instants plus tard avec un grand carton dans les mains. J'arrive à déchiffrer l'écriture : « Guirlande de Noël Extérieur 24 Ampoules. »

« Parfait, je la prends ! J'en connais une qui va être heureuse ! 

La dame me fait un grand sourire sincère.

« Au revoir ! Et joyeux Noël !

- Joyeux Noël ! »

Une fois que nous sommes dans la voiture, je lui demande :

« Tu veux faire quoi de ce truc ? »

Il me fixe.

« Il n'y a pas de lumières dans le village. Il faut bien que quelqu’un en mette une ! Et puis, c'est toujours sympa ! »

Une fois encore, je souris. Je sens que je vais passer le meilleur Noël de ma vie.

Comme s'il lisait dans mes pensées, mon père déclare :

«  Ce ne sera pas ton seul meilleur Noël alors. Chaque Noël est merveilleux. Noël c'est comme un gros gâteau. Tu prends une part, et puis tu as envie d'en prendre une autre. »