Texte 8
Texte de coeurdemais
12 juin 1941
A mon amour
Enfin, enfin je peux t'écrire ma douce Emilie. Voilà bien deux mois que je n'ai pas senti l'apaisante odeur de l'encre emplir mes narines alors qu'à la lueur d'une lanterne, je t'écris ces mots, comme pour me sentir près de toi.
Tu as du t'inquiéter durant ces longues semaines, penser que j'avais trouvé un autre bonheur avec une quelconque fille du nord aux courbes harmonieuses... N'aie crainte , à mes yeux seuls tes beaux cheveux noirs , tes joues rebondies, tes prunelles bleues comme le ciel et ton air rustique des montagnes constituent un idéal.
Ça me fait étrange d'écrire comme ça... Tu me connais, d'habitude je ne suis pas aussi poétique... Mais après tant d'absence je tiens à me faire pardonner, et je n'ai pour cela que les mots.
Je suis moi même surpris de ce que j'arrive à écrire. Je pense même que tu vas douter et penser que j'ai demandé de l'aide. Malheureusement, même si je l'avais fait , là où je suis je n'aurais trouvé personne pour me prêter main forte.
Bon... je ne vais pas tergiverser plus longtemps, si je n'ai pas pu t'écrire , c'est car j'ai été fait prisonnier par les soldats allemands.
Je l'avoue, j'ai eu beau le tourner dans ma tête plusieurs fois, impossible de trouver une formulation moins brutale. Pourtant la vérité est toute autre.
Je suis bien ici.
Ce n'est pas un mensonge pour te rassurer, je suis réellement bien. Je préfère mille fois cette ferme à cette affreuse ligne Maginot, où par manque total d'organisation nous avons été obligés de jeter les armes et avons été capturés.
A présent, dans cette ferme, je me sens bien. J'ai presque l'impression d'être à la maison. La seule ombre dans le paysage, c'est que tu n'est pas là.
je ne sens pas ton odeur quand je me réveille sous le chant du coq, je n'aperçois pas ta silhouette à la fenêtre de la cuisine en partant dans la brume du petit matin. Et surtout, le soir, fourbu de fatigue après une longue journée, je ne retrouve pas l'écrin chaud de tes bras. Pourtant j'ai l'impression que tu étais là...tout le temps.
Durant une semaine nous avons été rassemblés par les soldats ennemis. Par chance, n'étant pas un haut gradé, j'ai été tranquille et je n'ai eu qu'a attendre assis, avec pleins d'autres soldats.
Nous avons beaucoup discuté durant ces heures glacées. C'est de vous dont nous avons parlé, alors que nous étions apeurés et transis de froid sous la menace des armes. Vous, nos femmes, vous étiez la seule chose à notre esprit, toujours présentes pour nous donner du courage.
Tous mes compagnons semblaient avoir la meilleure femme du monde, mais à chaque fois je trouvais sans effort quelque chose pour te placer au dessus des autres.
Puis nous avons été déplacés, nous sommes montés dans des camions et nous sommes partis vers ce pays inconnu et si loin de toi. C'est dommage, car en définitive, ce n'est pas la terre de barbares que l'on nous a toujours décrit.
Certes la langue est rude et bien loin de notre occitan familier des Pyrénées, mais c'est toujours mieux que les ordres funestes des commandants français.
Je sais que pour vous aussi les temps sont durs, avec tous ces réfugiés espagnols et tous ceux qui sont partis, soit comme soldat, comme moi, ou comme ouvriers à l'arsenal de Tarbes, mais j'aurais vraiment besoin d'une nouvelle paire de chaussure, les miennes commencent à bailler. Si Ca ne te dérange pas, glisse aussi dans le colis une boîte de ta si délicieuse soupe, j'aimerais la faire goûter à Kurt, le jeune garçon de 12 ans, fils de la famille chez qui je travaille.
Voilà, j'arrive au bout de la feuille de papier de que l'on m'a donnée.
J'aurais tellement de choses à te dire pourtant... mais j'en aurais bien l'occasion dans nos prochaines lettres, et surtout quand nous nous reverrons, a la fin de cette affreuse guerre.
À ce moment là, je te promet de te donner tout l'amour que je n'ai pu t'offrir qu'en mots et je ferais naître en toi un magnifique enfant qui vivra dans un monde en paix, que ce monde parle allemand ou français.
Je t'aime
Léo
Léo ne reçus jamais la réponse à sa lettre.
Trois jours plus tard la ferme fut attaquée par des rebelles français avec qui, il s'allia.
Pour protéger sa mère, le jeune Kurt, de ses petites mains tremblante, lui tira une balle dans le coeur.
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