Texte 4
La boite aux lettres s'ouvrit lorsque la clé s'enfonça dans la serrure. Une main fine, prolongée de longs doigts, attrapa les trois enveloppes blanches et les deux prospectus qui s'y trouvaient, puis la porte se referma dans un fracas assourdissant qui brisa le silence qui régnait dans le local. La jeune femme sortit précipitamment et marcha d'un pas décidé dans l'allée qui la menait jusqu'à son immeuble, il faisait froid et elle avait hâte de retrouver la chaleur réconfortante de son petit appartement parisien.
Elle regarda la première enveloppe et reconnut immédiatement le logo de l'entreprise qui l'employait, ça devait être sa feuille de paye puisque la fin du mois de janvier approchait. Elle trouva un liséré rouge sur la seconde, c'était forcément sa quittance de loyer, elle allait bientôt devoir payer celui du mois suivant et elle avait l'habitude de cette mise en page sur les lettres de l'agence qui gérait la location de son appartement. Jusqu'alors tout était normal, elle recevait ces deux mêmes lettres tous les mois. Elle sut alors que la troisième devait être celle qu'elle redoutait tant.
Quelques semaines plus tôt, elle s'était rendue dans un laboratoire pour passer quelques examens pour tester sa fertilité. Cela faisait plusieurs années qu'avec son mari ils essayaient d'avoir un bébé. Mais il n'y avait rien à faire, ils avaient beau tout calculer pour être certains de tomber sur la bonne période, rien n'y faisait. Alors, sans le prévenir, elle avait décidé de passer des tests pour s'assurer qu'elle n'avait aucun problème. Elle était si effrayée à l'idée d'apprendre qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfants qu'elle n'avait osé lui parler de sa démarche par peur qu'il la rejette après cela. Lui voulait tellement avoir un enfant, il ne supporterait certainement pas d'apprendre que la jeune femme ne pouvait en avoir.
Elle arriva devant la porte rouge de son immeuble, alors elle soupira et plongea l'enveloppe blanche estampillée « LABM LA SCALA » dans la poche de son manteau et composa le code qui permettait d'ouvrir la lourde porte en bois. Elle gravit les escaliers d'un pas lourd, elle n'avait soudain plus envie de rentrer chez elle parce que son mari serait là, qu'elle ne pourrait pas lire cette lettre seule.
Elle glissa la clé dans la porte et l'ouvrit finalement. Il faisait bon dans son appartement, une odeur de poulet flottait dans l'air signe qu'il s'était mis en cuisine en attendant son retour. Un sourire satisfait étira ses lèvres quand il vint l'embrasser et elle posa alors toutes ses affaires dans l'entrée, suspendant son manteau au crochet qui était fixé sur un mur. Elle jeta les deux lettres qu'elle tenait encore à la main sur la table, omettant volontairement celle qui se trouvait encore dans la poche de sa veste.
La soirée se déroula comme toutes les précédentes, ils discutaient, se racontaient leur journée, ils dinèrent, regardèrent un film et allèrent se coucher après avoir pris leur douche. Comme d'habitude, alors qu'elle se glissait sous la couette, il se colla à elle et la serra dans ses bras.
- On finira par réussir à l'avoir notre bébé, lui murmura-t-il.
Elle acquiesça sans grande conviction, entremêla ses doigts aux siens et se laissa bercer par son souffle régulier. Elle l'aimait vraiment, c'était l'homme parfait pour elle, ils se connaissaient depuis quinze ans, il avait été son premier amour, et il l'avait aimé passionnément durant toutes ces années si bien qu'ils avaient décidé de se marier lorsqu'ils avaient eu trente ans. Mais depuis quelques jours, le doute s'emparait d'elle parce qu'elle pressentait que cette histoire de bébé pouvait également signer l'arrêt de mort de leur histoire d'amour.
Le réveil sonna, elle l'éteignit en grognant, elle n'avait que peu dormi cette nuit-là, trop préoccupée par cette lettre qu'elle avait reçu et qui déterminerait son avenir. Elle embrassa rapidement son mari et se leva lentement. Elle se traina d'un pas las jusqu'à la salle de bain et prit une douche. Elle se brossa les dents, se maquilla, s'habilla puis souhaita une bonne journée à l'homme qui partageait sa vie. Et elle sortit.
- T'as une sale gueule ce matin, ricana Pauline, sa collègue et meilleure amie.
- J'ai pas dormi de la nuit, râla-t-elle. J'ai reçu les résultats du test hier.
- Alors ? l'interrogea son amie en se rapprochant d'elle pour être plus discrète dans l'open-space.
- Je l'ai pas ouverte, je balise trop, souffla-t-elle. Tu ne veux pas la regarder pour moi ? la supplia-t-elle dans une sorte de gémissement craintif.
- Vas-y donne, s'exclama Pauline. Tu veux que je regarde maintenant ou à midi ? On serait peut-être plus tranquille, parce qu'avec l'autre commère de Sabrine...
- Ouais t'as raison, on se retrouve au resto à douze heures trente ? lui demanda-t-elle.
Pauline acquiesça puis glissa sur chaise pour retourner à sa place et se remettre au travail. Les heures passèrent lentement, trop lentement. Elle était incapable de se concentrer, obsédée par la lettre qui se trouvait dans la poche de son manteau. Alors quand son amie passa une main dans son dos pour lui rappeler qu'il était l'heure d'aller manger, elle souffla de soulagement.
Assise autour d'une petite table dans le restaurant chic d'un hôtel parisien, elles buvaient lentement leur verre de vin rouge, attendant leurs plats avec impatience quand Pauline tendit la main vers elle, lui faisant signe de lui donner l'enveloppe. Alors elle soupira et la tira de sa poche. Elle la déposa dans le creux de sa main et l'observa l'ouvrir précautionneusement.
- T'es sûre ? demanda Pauline.
- Lis, lui assura-t-elle.
Alors lut cette longue lettre pleine d'un jargon médical incompréhensible. Mais quand elle arriva à la fin, son visage se tordit en une grimace terrible. Elle avait fini par comprendre ce que voulait dire tous ces mots difficiles : son amie était stérile.
- Je suis désolée bichette, souffla Pauline.
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