"Un amour de jeunesse" de @Mysterieuseamie
Ce jour-là, j'étais prêt à défendre ma cause : j'épouserai Marie Mancini, la nièce de mon parrain.
Après m'être entiché d'Olympe, puis d'Hortense, j'avais séduit Marie et elle avait répondu à mes avances. Je voulais plus que des baisers, mais, comme le disait si bien Marie, le chemin de son lit passait par la chapelle. Je me mis alors en tête d'épouser cette jeune femme, la nièce de mon parrain, le cardinal Mazarin.
La guerre contre l'Espagne faisait rage, elle dévastait nos deux États. La paix pouvait être signée, à un seul prix : mon mariage avec ma cousine, l'infante d'Espagne.
Je refusai, brandissant comme argument mon amour pour Marie.
⁃ Maman, monsieur le cardinal, j'aime Marie, je ne puis en épouser une autre !
⁃ Sire, il faut vous calmer, lança mon parrain.
⁃ Ce ne sont que des ardeurs qui seront très rapidement refroidies, ajouta ma mère.
Ils le pensaient tous deux, mais moi, je savais que l'amour que j'éprouvais pour Marie ne se plaçait pas au même rang que les amourettes de jeunesse que j'avais partagées avec ses sœurs. Lorsque j'étais tombé malade, Marie pleurait, on me le raconta. Il me sembla pourtant que je l'entendais geindre et supplier le ciel de m'accorder une longue vie. J'entendis les prières qu'elle disait tous les jours, et je me dis que l'amour m'enchantait terriblement, au point d'en revivre le passé.
⁃ Si vous continuez à vous opposer à mes décisions, vous serez disgraciés, vous, ma mère, comme vous, monsieur le cardinal.
⁃ C'est l'avenir de votre royaume qui est en jeu ! enragea ma mère. Ce n'est point le moment de jouer à ce jeu-là.
Pourtant, la colère de ma mère ne m'atteignit point. Ce fut le cardinal qui me convainquit. J'admirais son talent de persuasion, et me dit, qu'un jour, je serais comme lui. Il se lança dans un discours sur un ton de plaidoirie dont je ne retins qu'une phrase :
⁃ Sire, si Votre Majesté souhaite continuer ses amours avec ma nièce, je ne La retiendrais pas, mais qu'Elle sache que, dans ce cas, je démissionnerais, et je n'assisterais point au mariage.
Je ne pouvais me permettre de perdre un tel ministre : mon royaume avait besoin de lui.
⁃ Très bien, annonçai-je. J'irai dès demain expliquer à Mlle Mancini les raisons de son départ de la Cour.
Mon parrain et ma mère acquiescèrent. Je me rendis compte de ce que j'avais fait, et de la teneur de mon discours, qui ressemblait à un caprice d'enfant gâté, plus qu'à la parole d'un roi. Je me devais de garder cette majesté qui sied à un roi, même dans les moments les plus intimes, encore plus dans ces moments décisifs pour l'avenir de mon pays.
Je m'agenouillai devant ma mère, et lui donnai ma parole de ne pas recommencer, et de passer devant Dieu la bague au doigt de la fille de son frère.
⁃ Vous êtes ma fierté, Louis, je ne permettrai jamais à quiconque de vous détourner de votre métier de roi, même s'il s'agit de vous-même. Vous devez renoncer à vos amours illégitimes. Le jour de votre mariage, vous promettrez fidélité à ma nièce. Respectez vos promesses.
Sa première phrase me laissait perplexe. Je songeais à mon frère, qu'on avait poussé sur la route du vice italien, et qui n'en avait jamais perdu le chemin. Je me signai en pensant aux mignons de mon frère. Je pensai au fait que l'on avait fait tout cela pour que jamais il ne réclame le trône, qu'il me laisse gouverner, tandis qu'il s'occupait à compter les pierres précieuses sur son justaucorps.
J'essayais de me défaire de mes états d'âme : après tout, mon frère ne serait jamais roi, j'étais né avant lui, et le ciel avait voulu que je survive à la fièvre typhoïde, Dieu souhaitait que je règne. S'il fallait pour cela utiliser les grands moyens en empêchant Philippe d'aimer les femmes, j'étais prêt à le faire, et de plus, le mal était déjà fait, alors, les états d'âme n'avaient pas leur place dans mes décisions.
Je sortis, et je réalisai alors que je pleurais. Je me repris : un roi ne pleure pas. Je m'enfermai cependant dans mes appartements, pour me remettre de mes émotions dans la solitude. Je prétextai des maux de tête pour ne pas souper avec ma mère, et je m'endormis très tôt ce soir-là.
Lorsque, le lendemain, je sortis de ma chambre, j'étais décidé à trouver Marie, qui, contrariant mes plans, se cachait. Je finis par m'asseoir dans les jardins, et elle survint. Je lui racontai tout, essayant de ne pas pleurer, et je terminai mon homélie par cette phrase :
⁃ Marie... Je vous aime, sachez-le, mais... La raison d'État sera toujours la plus forte... Vous partez, Marie, vous devez partir.
J'éclatai en sanglots. Je l'aimais, et je devais laisser place à la raison d'État. Je devais aimer le royaume de France plus que la femme de ma vie.
⁃ Ah, Sire, vous êtes le roi, vous pleurez, et je pars ! répondit-elle.
⁃ Partez, Marie, partez...
⁃ Épousez-moi, Sire, passez outre les ordres de votre mère.
⁃ Je ne puis. Partez, Marie, partez, c'est ma volonté.
Je l'embrassai une dernière fois, sa bouche chaude contre la mienne et ses larmes mouillaient mes joues, tandis que les miennes trempaient ses trônes de pudeur.
Je devais tomber dans le lac de l'Indifférence, comme disait Madeleine de Scudéry. Je la laissai partir...
Pourtant, je la vois, aujourd'hui, penchée sur moi. Elle éponge mon front en sueur. Je lui prends la main. Elle n'est plus aussi douce que celle que j'ai touché autrefois. Les années ont durci ses paumes.
⁃ Sire...
⁃ Marie... Je n'ai jamais voulu vous laisser partir...
⁃ Je n'en doute pas, Sire, mais je ne suis pas celle que vous appelez.
⁃ Marie... Ce n'est pas votre voix...
J'ouvre les yeux, et je vois Bontemps, mon valet de chambre, un linge blanc à la main.
⁃ La fièvre, encore, Sire.
⁃ Qu'a dit ce charlatan de médecin ?
⁃ Il faut opérer, Sire.
Je m'assois dans mon lit, et je regarde mon valet de chambre dans les yeux. Immédiatement, il sait ce que j'attends de lui. J'ai promis il y a trois ans à Françoise en lui passant la bague au doigt, de ne plus jamais retourner sur le mauvais chemin.
Encore bravo à Mysterieuseamie pour cette super nouvelle ! N'hésitez pas à laisser des commentaires à l'auteur dans cette partie ou à voter pour cette dernière en commentaire comme ceci : +Un amour de jeunesse
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