Shāmò
Deuxième nouvelle :
Chapitre 1 : A l'origine
Au commencement était Cosmo, la déesse du tout. A la fois Alpha et Omega, elle contenait en son sein la totalité de ce qui pouvait être utile à la vie, mais également à la mort. Il n'y avait rien d'autre à part elle, elle représentait le tout. Egoïstement, cela lui plaisait d'être ainsi et elle ne voulait pas libérer tout ce qu'elle contenait. Alors, elle resta ainsi pendant plusieurs milliards d'années.
Cela faisait bien longtemps qu'elle errait ainsi, vide parmi le vide, antimatière dans l'antimatière, et elle commençait à se lasser. Rien n'existait, elle était seule. Rien à contempler, personne avec qui converser, aucune odeur délicate, aucune sonorité agréable. Bien sûr, elle était toujours ravie d'être l'Omega mais il lui manquait tant de choses pour parfaire sa vie déjà trop longue qu'elle commençait à déprimer. Son chagrin la rongeait de l'intérieur et elle ne parvenait plus à penser à autre chose. Alors, ne supportant plus de vivre pour rien, dans ce qu'elle pensait être un sacrifice, elle explosa.
Lorsqu'elle revint à ses pensées, son corps avait changé. Elle n'était plus une bulle d'antimatière, une sorte de néant. Elle était devenue un tout bien plus grand, bien plus beau. Des millions de planètes majestueuses parsemaient son être, des lunes gravitaient autour, des milliards d'étoiles brillaient et éclataient. Elle observa tout ce qu'elle était parvenue à créer, à la fois surprise et déçue de ne pas avoir fait cela plus tôt. Certaines planètes étaient gazeuses, recouverte d'hydrogène et d'hélium, gaz qu'elle découvrait au fil de sa promenade intérieure. D'autres, qu'elle nomma « telluriques » comportaient plusieurs types : les planètes de silicates, rocheuses et métalliques à la fois ; d'autres en grande majorité métalliques ; des planètes diamants, brillant de mille feux ; des planètes de lave, brûlantes ; d'autres de glace ou enfin des planètes-sauna.
En plus de ces odeurs différentes, de ces textures qu'elle ne connaissait pas, Cosmo découvrit également les couleurs. Des jaunes brillants, des gris plus ou moins foncés, du rouge comme le soleil, des bleus profonds, des verts d'eau, des blancs quasi immaculés, des verts éclatants.
Cependant, tandis qu'elle contemplait l'immensité qu'elle était devenue, elle craignait de ne pas pouvoir s'occuper de toutes ces choses qu'elle contenait. Alors, désolée de ne plus pouvoir être unique, mais consciente qu'elle resterait à tout jamais la mère de tout et l'Omega, elle prit une décision pour le bien de ce qu'elle avait créé. En prenant de son être une partie afin de la façonner à sa guise, et renouvelant son geste, elle inventa les divinités.
— Bienvenue à tous et toutes, divinités. Vous allez avoir chacun et chacune une tâche à accomplir.
Les divinités créées, nouvellement arrivées dans la vie, ne possédaient pas de corps. Uniquement esprits, ils rejoindraient aisément les lieux que Cosmo leur indiquerait.
— Alpha Centauri Bb, CoRoT-7 b, Kepler-10 b, Gliese 1214 b, Mu Arae c, Jupiter...
La liste fut longue, tant l'explosion de Cosmo avait créé de planètes et de lieux plus magiques et magnifiques les uns que les autres. Enfin, lorsqu'elle eut fini son inventaire, elle conclut en prononçant :
— Vous vous occuperez des planètes qui porteront votre nom.
Alors chacun rejoignit le lieu qui avait été indiqué par la déesse mère, découvrant ce qu'il devrait faire du reste de sa vie.
Chapitre 2 : Dieu du désert
Kepler-452b, Terre, et d'autres divinités passèrent les premières années de leur vie sur leur planète respective mais, très vite, ils furent en proie à un problème de taille. Si certaines planètes semblaient très simples à gérer, ce n'était pas le cas des leurs. Alors, ils décidèrent d'aller trouver Cosmo afin de lui demander de l'aide.
— Que se passe-t-il, divinités ?
— Nos planètes sont trop complexes à gérer pour un seul dieu ou une seule déesse. Nous avons non seulement des océans, mais également des terres diverses. Des prairies, des montagnes, des volcans, des terres gelées, des déserts de sable... Des vies peuvent être créées chez nous, et nous ne pouvons pas tout faire seuls.
Cosmo réfléchit quelques instants. Elle n'avait pas envisagé la possibilité qu'un autre type de vie puisse naître et ce, en-dehors d'elle-même. Depuis qu'elle avait implosé, elle avait pris goût à cette découverte incessante que représentaient toutes ces planètes. Cependant, elle appréciait le fait que tout cela soit venu d'elle, ce qui ne serait plus le cas si elle permettait aux divinités de le faire elles-mêmes. Ecartelée entre sa possessivité, son égoïsme d'une part et sa curiosité d'autre part, elle répondit :
— Je vais réfléchir à votre demande, divinités.
— Nous vous en remercions, Cosmo.
La déesse prit un certain temps de réflexion, les années s'égrainèrent et elle observa les divinités pour savoir si elles avaient réellement besoin d'aide ou s'il ne s'agissait que de fainéantise. Or, à en juger par tout ce qu'elles devaient gérer, Cosmo comprit qu'il n'en était rien. Alors, elle convoqua les divinités des planètes dites « Boucles d'or », ces planètes placées dans la zone habitable de leur étoile, abritant des océans et donc potentiellement d'autres types de vie.
— J'ai réfléchi à ce que vous m'avez demandé, divinités. Je vous ai observées et j'ai constaté que vous aviez bien trop de travail. De plus, vous me semblez assez conscientes pour pouvoir gérer d'autres dieux et déesses.
Elle prit des parties de chaque divinité et, dans une lumière éblouissante, créa de nouveaux dieux et déesses qui ne seraient plus directement d'elle. Plusieurs centaines de nouvelles divinités se trouvaient là, devant eux, et elle déclara, faisant preuve d'une grande magnanimité :
— Divinités des planètes Boucles d'or, voici ceux qui vont vous aider. Je vous laisse retourner sur vos planètes respectives et leur attribuer leurs fonctions. J'ai fait en sorte qu'ils soient assez nombreux pour tout ce dont vous avez besoin.
Terre retourna sur sa planète, mélange de bleu océan, de vert prairies, de jaune désertique, de blanc neige et nuages. La déesse semblait soulagée d'avoir d'autres divinités mais également tendue du rôle important qu'elle avait désormais à mener. Elle devait déterminer qui s'occuperait de quel lieu et, donc, des vies qu'elles créeraient. Après un instant de réflexion, elle prononça :
— Shān, tu vas gérer les hautes altitudes. Căodì, des terrains plats et verdoyants. Huŏshān, les montagnes en fusion. Shuāng, des territoires gelés. Yáng, des océans et Hăi, des mers...
La déesse s'arrêta un instant, surprise de voir une divinité en plus de ce qu'elle avait imaginé. Elle ne savait pas quoi en faire et repensa à ses contrées. Une image lui revint, celle des sables à perte de vue qu'elle ne parvenait pas à gérer.
— Shāmò, tu seras en charge des terres arides.
Chapitre 3 : Et naquit la vie
Shāmò, installé dans l'une des contrées arides, semblait dépité de ce qui se trouvait devant ses yeux. Du sable à perte de vue, aucune végétation, rien. Shān possédait des arbres magnifiques, avait inventé des animaux extraordinaires, qu'il avait nommé bouquetins, marmottes, ours ou encore puma, qui s'adaptaient à merveille à ce climat particulier et cette topographie qui plaisait. Căodì prenait plaisir à se promener dans son monde légèrement vallonné, au milieu de fleurs fantastiques aux mille couleurs et de bêtes très belles, qui, selon les lieux, pouvaient être des lièvres, des zèbres ou encore des élans. Shuāng, malgré le gel qui l'entourait, était parvenu à créer des êtres intrigants, comme des ours polaires au pelage blanc comme la neige, des caribous aux cornes démesurées, ou des harfangs des neiges au vol sublime. Yáng et Hăi possédaient des fonds marins fantastiques, des coraux extraordinaires, des animaux d'une taille phénoménale, les plus grands de la Terre, les baleines avec leurs chants ou les dauphins et leurs sauts. Huŏshān, même si ses zones étaient explosives, prenait plaisir à observer ses volcans entrer en éruption et la lave bouillir devant lui.
Mais lui, Shāmò, avait eu beau tenter de créer des plantes ou des bêtes, rien ne parvenait à résister au manque d'humidité de son territoire. Excédé par le nombre d'années non fructueuses, déçu de ne parvenir à rien, quelques gouttes d'eau tombèrent de son âme, humidifiant le sable. Intrigué, contemplant les dunes qui absorbaient le liquide, il n'entendit pas Terre venir près de lui.
— Je pense que tu as trouvé la réponse à ton problème, Shāmò. Rien ne peut vivre sans eau.
— Mais je ne peux pas créer les précipitations...
— Alors, je le ferai pour toi.
Terre tenu parole et créa des précipitations, comme les rosées matinales et Shāmò, patient, attendit quelques années avant de reprendre ses tentatives. Jaloux durant trop longtemps des plantes au milieu desquelles les autres divinités se promenaient, il inventa des cactus, dont les épines sèches les protégeaient des rayons du soleil et qui ne perdaient pas d'eau par évaporation, contrairement aux feuilles. Il permit aux créosotiers de fabriquer des composés chimiques toxiques empêchant à d'autres plantes de pousser près d'eux afin de garder un maximum d'eau. Pour d'autres arbres, comme les mesquites, il leur fit des racines d'une trentaine de mètres pivotantes, leur permettant ainsi d'atteindre le liquide des nappes phréatiques, créées par l'accumulation des précipitations dans les sous-sols arides.
Les autres déesses et dieux vinrent contempler son œuvre et il en était fier. Shāmò était parvenu à créer des plantes xérophytes, adaptées aux milieux arides, ce qui ne semblait pas simple au premier abord. Alors, la divinité du désert ne voulut pas s'arrêter en si bon chemin. Certes, se balader au milieu de ces plantes était agréable, mais il souhaitait une autre forme de vie, qui bougerait et dont il pourrait suivre les aventures. Il réfléchit alors à ce dont les animaux pourraient avoir besoin pour vivre dans ce monde que les quelques précipitations avaient certes rendu moins hostile, mais qui le restait encore trop. Il créa en premier des bêtes qui seraient nomades, et donc pourraient rejoindre, au besoin, les terres de Căodì. L'autruche fut donc la première de toute. Puis, il fit en sorte que les reins d'un animal préviennent la perte d'eau, et que la température de son corps augmente pour éviter la transpiration, ce qui permettrait donc à ce qu'il nomma « oryx algazelles » de survivre sans eau pendant de longues semaines. Multipliant les stratagèmes, il fit en sorte que le chameau et le dromadaire aient des réserves de graisses, que la gerboise vive la nuit ou encore que le souslik jaune puisse être en léthargie durant l'estivation.
— Shāmò, fais-moi visiter ton œuvre, demanda Terre, un matin.
Chapitre 4 : D'un rien peut naître un tout
Cosmo était curieuse de savoir ce que les divinités des planètes Boucles d'or avaient pu faire des lieux qu'elle leur avait confiés. Elle leur avait laissé du temps, se concentrant sur les planètes gazeuses, sur celles de silicates, les métalliques, les diamants, celles de lave, de glace ou encore les planètes-sauna. Mais quelques millions d'années s'étaient écoulés et elle voulait constater la vie qui était née. Elle convoqua alors les dieux et déesses ainsi que leurs divinités.
Lorsque ce fut au tour de Terre de présenter sa planète, elle laissa la parole à ses divinités, dans l'ordre dans lequel elle les avait nommées.
— Je suis Shān, et voici ce que j'ai créé. Les hautes altitudes sont verdoyantes, mes animaux sont d'une belle couleur marron.
— Je suis Căodì. Mes contrées sont parfois plates et parfois vallonnées. Les multiples couleurs de mes fleurs sauront vous enchanter et mes bêtes sont agréables au regard.
— Huŏshān, responsable des volcans. Il y a peu de vie dans mon domaine, mais le rouge de ma lave et les éruptions sont aussi belles que celles de notre Soleil.
— Shuāng, le gel. Chez moi, tout est blanc, des paysages aux animaux. Le froid est sec et je serai le lieu parfait pour qui recherche le calme et la sérénité.
Terre se tourna vers deux autres déesses, qui travaillaient ensemble dans leurs mondes si proches.
— Yáng et Hăi. Nous gérons la plus grande majorité de la Terre. Les océans et les mers. Il y a peu de plantations, mais nos animaux sont les plus grands et les plus magnifiques que l'on peut observer.
Cosmo observait la dernière divinité, curieuse de savoir si, sur cette planète, le sable avait été également un obstacle comme pour les autres Boucles d'or. Que ce soient Kepler-452b, Gliese 581c, Gliese 581d ou les autres, aucun dieu ou déesse du sable n'était parvenu à quoi que ce soit. Alors, elle prononça :
— Et toi, Shāmò, es-tu parvenu à quoi que ce soit ?
— Grâce à Terre et à ses précipitations, j'ai créé des plantes qui résistent à l'aridité de mon domaine.
Un murmure s'éleva dans toute l'assemblée. Toutes les divinités, excepté celles de la Terre, ne croyaient pas en les mots que Shāmò prononçait. Alors, Terre les amena au niveau des déserts de sable et tous furent surpris de constater que c'était vrai.
— C'est magnifique, Shāmò.
— Shāmò a également créé des animaux.
Cosmo regarda, surprise, autour d'elle, jusqu'à apercevoir un oryx algazelle. Un sentiment de plénitude l'envahit aussitôt. Si de l'antimatière elle avait créé l'Univers, d'un désert, Shāmò était parvenu à créer la vie.
— Que cela nous serve à tous de leçon. Nulle terre n'est infertile, nulle plante ne peut vivre, nul animal n'est pas en capacité d'avancer. Alors, ne vous arrêtez jamais d'espérer, ne vous stoppez jamais. D'un rien peut naître un tout.
Alors qu'en dites vous ? Cette magnifique nouvelle vous À été écrite par Gothycka ! Un grand bravo pour ta nouvelle qui ne nous fait plus voir le monde pareil ! N'hésitez pas à laisser des commentaires à l'auteure et à mettre une étoile !
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