9. Ils étaient restés
Ils étaient restés quatre jours de plus dans la jolie cabane en forêt avant de ranger toutes leurs affaires, de nettoyer une dernière fois la maison, puis de la verrouiller et de finalement la quitter après un dernier tour dans les environs pour bien vérifier qu'ils n'oubliaient rien.
Chan n'avait pas pu reparler avec Jisung, qui semblait l'éviter, et Hyunjin n'avait pas non plus confronté Changbin pendant leur séjour. Peut-être prévoyait-il de le faire une fois rentrés, quand Yongbok serait présent ? Chan n'en savait rien, il ne lui avait pas beaucoup parlé à lui non plus.
Le retour prit quelques heures, dans la même ambiance de l'aller. Pendant leur long séjour -de plus d'un mois, Chan avait confié sa maison à des voisins en qui il entretenait une grande confiance-, le soigneur s'était attaché au cheval qui les transportait, et cet équidé avait une particularité. En effet, il avait une capacité spéciale, qui était la suivante : il était capable de se repérer partout. Il avait une mémoire hors du commun, connaissait et retenait parfaitement chaque lieu dans lequel il se rendait, où même un endroit vu par image, ou dessin, ou juste décrit oralement. Le cheval à la chevelure crépuscule appartenait à Jisung, et connaissait donc bien les lieux dans lesquels ils se rendaient. Bien souvent pendant leurs vacances, Han avait loué son intelligence, et, effectivement, le cheval semblait doué d'un esprit vif comme le vent, ce qui intriguait beaucoup Chan.
Plusieurs fois où Chan était allé s'occuper de lui seul, il lui avait beaucoup parlé, confié à propos de lui, de ses relations, de sa vie, de ses occupations, de ses passions, de ses envies, de ses sentiments, de ses problèmes... Et il semblait l'avoir vraiment compris. C'était incroyable, comme certains animaux pouvaient sembler intelligents -et l'être vraiment.
En tout cas, ce temps passé avec le cheval l'avait touché, et il l'appréciait beaucoup, maintenant.
En quittant la calèche devant la maison de Han, armé de son sac rempli des affaires qu'il avait emmenées là-bas, Chan se sentit plein d'une mélancolie en regardant le soleil qui se couchait doucement, baignant le village d'une lumière dorée qui accentuait encore un peu le sentiment de fin qui persistait dans l'esprit apaisé du soigneur. Han avait voulu les raccompagner chacun devant chez eux, mais ils avaient tous refusé, car la plupart habitait dans le bourg, mais Chan, lui, avait un peu de route à faire pour arriver jusque chez lui, mais rien de très long, donc il ne valait pas la peine de continuer comme ça. De plus, la nuit n'allait pas tarder à arriver, et ils y verraient très peu, et ensuite, Jisung avait encore à s'occuper du cheval, de le remettre chez lui, de lui donner à manger, etc.
Chan et Changbin -se dirigeant vers la même direction- saluèrent les trois autres alors que Jeongin et Hyunjin allaient dans une ruelle, un raccourci pour arriver chez eux, et que Han rentrait la calèche et le cheval dans un garage.
Un léger silence perdurait entre eux deux, pas malaisant, pas gênant, pas sensuel. Un simple silence.
Après que Chan et Changbin se soient un peu querellés car Chan refusait des contacts trop poussés avec lui, Chan était parti, et avait discuté avec Jisung. Mais ils s'étaient bien vite réconciliés, et avaient pu parler, discuter vraiment, et Chan avait pu lui raconter le sentiment qui le prenait à la gorge quand ils se touchaient. Ce n'était pas à cause de Changbin, disait-il. C'était juste lui. Il était comme ça, se sentait comme ça, mieux comme ça, mieux sans ça.
Il n'avait pas besoin de ça pour vivre.
Et maintenant qu'il s'en rendait compte, il avait l'impression de vivre enfin pleinement pour la première fois depuis presque un an.
Chan poussa un long soupir de bien-être, et il échangea un regard et un sourire avec Changbin, qui le regardait avec des yeux remplis d'amour, d'affection, de bonheur. Les deux se rapprochèrent sans vraiment y penser, et ils lièrent leurs bras, entrelaçant ensuite leurs doigts pour un contact plus poussé mais qui, lui, ne mettait pas le plus jeune mal à l'aise.
Il restèrent quelques minutes main dans la main, en silence, avant de finalement arriver dans la rue où habitait Changbin sous la lumière déclinante du soleil.
Le blond fronça les sourcils en apercevant une silhouette sombre se tenant juste devant chez Changbin. Ils échangèrent un nouveau regard, perplexe cette fois.
- Tu attendais quelqu'un ? le questionna le soigneur.
- Pas que je sache.
Ils se rapprochèrent, s'éloignant l'un de l'autre et arrêtant de se tenir la main par un instinct quelconque sommeillant en eux jusque là, attendant un déclic pour s'activer au plus profond des gènes des deux amoureux.
Chan concentra son attention sur l'inconnu, qui tourna d'ailleurs la tête dans leur direction en entendant leurs pas résonner sous les lumières mélangées de la Lune et du Soleil, baignant les deux chevelures des garçons, d'une lumière bleutée pour la chevelure violette, et d'une lumière jaunâtre pour la touffe blonde.
Le garçon que Chan ne reconnaissait pas encore avait une chevelure blond platine, des yeux d'un bleu glacier très clair, et des légères taches de rousseurs parsemant ses joues et son nez, telle la voie lactée avec ses éparses Étoiles. Son visage disait vaguement quelque chose au soigneur, mais il n'arrivait pas à s'en souvenir. Autre détail étrange : le garçon portait une tenue en cuir, peu utilisée dans les environs, sauf pour les travaux qui impliquaient de monter sur une bête.
- F-Félix ? bégaya Changbin, figé sur place, le regard désorienté. Q-qu'est-ce que tu fais là ?
Chan fronça les sourcils. Il connaissait un Félix, mais pas en vrai. N'était-ce pas le frère biologique de l'héritier du royaume de Kadoka ? Mais pourtant...
Chan reconnut soudain l'homme qui se tenait en face d'eux. C'était Yongbok. L'apprenti de son oncle. Celui pour lequel le cœur de Jeongin avait chaviré.
Là, Chan ne suivait plus. Pourquoi ? Qu'est-ce que ce prince venait faire là ? Pourquoi était-il là ? Et pourquoi Changbin semblait le connaître sous cette identité là ?
Chan sentit son coeur s'arrêter en songeant que Hyunjin avait peut-être raison, et il dut faire un effort pour respirer à nouveau. Il était désorienté, troublé, son regard passant de Changbin à Yongbok -ou plutôt Félix.
- Hein ? fut la seule chose qu'il parvint à dire.
- Je suis là, mon cher ami, pour te faire revenir sur le trône de Kadoka, fit Yongbok, d'une voix plus grave que Chan aurait imaginée pour aller avec un visage aussi angélique.
Par contre, son regard n'avait rien d'angélique. Il semblait sournois, rusé, malicieux, malveillant, et beaucoup d'autres choses similaires que Chan ne pourrait nommer.
- Alors ça... Tu crois que je suis parti pour quoi ? Tu penses que je vais revenir juste avec ta petite phrase ? Juste parce que tu t'es infiltré dans mon entourage ?
Yongbok eut un rire qui donna des frissons à Chan.
- Oh non. C'est bien pour ça que j'ai préparé... D'autres arguments.
Son regard bleu glissa sur Chan, qui détourna le regard. Le soleil s'en allait de plus en plus. Bientôt, il ferait nuit noire. Et Chan n'avait aucun artéfact qui lui permettrait de combattre sa mauvaise vue nocturne. Il devrait se débrouiller à l'aveugle.
Changbin serra les poings, faisant ressortir une veine sur le dos de sa main.
- Tu peux toujours rêver, Félix. Je suis pas venu jusque là juste pour qu'on puisse me faire changer d'avis avec n'importe quel argument.
- Oh, mais ce n'est pas n'importe quel argument, crois moi, dit le blond platine de sa voix vicieuse. Crois moi, répéta-t-il. Tu vas être convaincu, et revenir parmi nous...
- Je ne comprends même pas, pourquoi tu fais ça ?! Tu devrais être content, ta famille monte sur le trône !
Félix secoua la tête.
- Ça ne marche pas comme ça. Je refuse que Minho devienne le prochain roi de Kadoka. Je préfère encore que ça soit toi. Et ton père a bien dit que si tu souhaitais redevenir roi, il te nommerait héritier, et retirerait ce titre à Minho.
Il avait aux lèvres un sourire qui donnait des frissons d'horreur à Chan, et lui donnait envie de vomir. Le soigneur tenait maladroitement debout, dérouté par tout ce qu'il apprenait sans vraiment le comprendre.
Changbin secoua la tête, attrapant le bras de Chan pour le soutenir.
- On en parlera plus tard. Va t'en, je dois raccompagner Chan.
Le Leesoleyo secoua la tête, et fit quelques gestes avec ses mains, comme une langue des signes, et il posa ensuite son doigt sur ses lèvres, un sourire innocent au visage. Changbin avait blêmit. Peut-être était-ce un code secret qu'ils partageaient. Cette pensée fit un peu mal à Chan, et le blond frémit quand Changbin relâcha son bras avec un air sombre.
- Chan, rentre chez toi. Et ne parle à personne de ce que tu as vu ce soir, on se verra demain.
Chan fut à la fois triste et soulagé. Il avait peur pour Changbin, peur de ce que ce soi-disant Yongbok pourrait lui faire. Il était soulagé de pouvoir quitter ce lieu angoissant, mais sans Changbin rien n'allait.
Les deux âmes-soeurs échangèrent un regard légèrement désespéré, et le violet lui adressa un sourire encourageant, avec une petite tape sur l'épaule.
- Allez, on se revoit demain.
Ils se sourirent mutuellement, et Chan avança pour dépasser Félix, essayant d'ignorer au mieux son regard qui lui donnait la chair de poule pour s'engager sur la route menant à sa maison.
Tout irait bien, le lendemain.
Du moins c'était ce qu'ils pensaient tous les deux, ou espéraient.
Aucun des deux ne le savait, mais la dernière phrase de Changbin était un mensonge.
Cela serait bien longtemps après qu'ils se reverraient.
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