6. Maintenant que la licorne
Maintenant que la licorne était guérie, Jeongin pouvait venir la récupérer. Cela faisait pas mal de temps que Chan, presque chaque jour, venait la voir pour la nourrir, la faire boire, lui donner des soins, et la caresser. Les licornes avaient un caractère particulier. Elles étaient souvent très demandantes quand il était question d'affection et de caresses, mais quand quelqu'un ou quelque chose les vexait, elles pouvaient bouder longtemps, et refuser toute caresse, ou même carrément ne plus supporter de voir ou de sentir la présence d'une chose ou d'une personne dans la même pièce qu'elle.
Jeongin aimait leur donner un surnom particulier : les drama-queens. Comme son voisin un peu plus âgé que lui, disait-il.
Ce jour-là, donc, après avoir bu une gorgée de thé chaud, Chan était sorti de sa maisonnette, et avait nourri les quelques bêtes qui demandaient ces soins. Puis, un peu avant le déjeuner, son frère adoptif était arrivé. Ils avaient prévu de manger ensemble, juste tous les deux, pour une fois.
- Alors, comment ça se passe, à la ferme ? lui demanda Chan, tapotant le dos de son cadet avec sa forte main.
Jeongin sembla soudain gêné.
- Oh, ça va, ça va...
Chan fut un peu interloqué par son comportement, mais ne fit pas de commentaire dessus. Il servit un verre d'une boisson légèrement alcoolisée à son ami, et continua à entretenir la conversation.
- J'ai entendu dire que vous aviez récupéré un jeune garçon pour lui apprendre les rudiments du travail. Comment s'appelle-t-il ?
- Yongbok..., répondit le plus jeune, passant une main gênée dans sa nuque. Il a 17 ans... 18 dans quelques mois.
Le blond hocha la tête. C'était bizarre, Jeongin semblait vouloir dire quelque chose. Ses joues se teintaient de rose, et il semblait assez gêné. Chan haussa un sourcil, puis s'accouda au petit îlot de sa cuisine, un sourire taquin aux lèvres.
- Tu ne serais pas amoureux, toi, par hasard ?
Jeongin releva soudain le regard, et, bouche bée, dévisagea son aîné, avant de cacher son visage de ses mains.
- C-comment t'as deviné ??!
Chan rit intérieurement, fier de lui.
- C'était évident, voyons.
Il posa ensuite sa main sur sa hanche en fixant son cadet, un large sourire aux lèvres.
- Alors ? C'est ce Yongbok, hm ?
- J-je peux pas dire que je l'aime..., commença Jeongin, le regard coupable. Je le connais que depuis deux semaines... Mais... Il me plaît beaucoup... Mais...
- Mais il est trop jeune..., compléta le plus âgé, soupirant légèrement. J'ai bon ?
Jeongin hocha la tête, les mains serrant ses genoux l'un contre l'autre.
- Parle-moi donc de lui, si tu le désires.
Le regard du plus jeune s'illumina, et un sourire écarta ses lèvres alors qu'il se redressait sur le tabouret sur lequel il était assis presque depuis son arrivée.
- Vraiment ?! s'exclama-t-il, sautillant d'excitation.
Chan hocha la tête. C'était adorable, la manière dont Jeongin parlait du garçon, prononçait son nom, le décrivait, physiquement, caractériellement, ses réactions, ses gestes, ses actions, ses mots, lui.
Chan songea à Changbin. Il lui manquait. Oui, il lui manquait. En ce moment, Chan arrivait enfin à joindre les deux bouts en matière de temps : il se libérait car le temps des maladies était passé, et avait enfin du temps pour lui, ou pour accompagner ses amis dans leurs routines, etc. Au contraire, Changbin, lui, avait de moins en moins de temps pour lui-même, car c'était le temps où les plantes reprenaient vie, où les fleurs saluaient le soleil, où les lianes montaient haut, toujours plus haut. Où la nature reprenait ses droits, malgré le fait que les espèces essayaient toujours de les en empêcher, de les enfermer dans des cages, dans des pots, des pièces, des endroits, des boîtes, des rubans. Étant un faé, Changbin avait un lien très étroit avec la nature. Certes, tous les faés n'étaient pas comme ça, mais le jeune herboriste l'était. Il se sentait en addition avec la nature, il se sentait légèrement mal -avait-il expliqué à Chan- quand l'automne venait, et avec lui la mort de la plupart des plantes. Le printemps était l'un des moments où il se sentait le mieux, mais puisque les plantes revenaient, il devait s'en occuper, vendre des fleurs, donner des feuilles, cultiver des légumes, cueillir des fruits, etc.
En bref, Chan et lui ne pouvaient se voir que rarement.
Et cela le peinait.
Mais Chan parvenait tout de même à s'occuper suffisamment l'esprit pour oublier, ne serait-ce qu'un court instant, le visage souriant de son ami qui lui manquait tant.
Jeongin l'informa que Yongbok était un faé, et venait d'une lointaine contrée du nom de Kadoka. Cela rappelait quelque chose à Chan. Évidemment, il avait entendu de nombreuses histoires sur ce pays magique gouverné par les dites "fées" du monde. Mais cela lui évoquait également autre chose. Il ne savait plus quoi, mais autre chose. Il lui semblait que c'était lié aux flashs d'hallucinations qui lui prenaient parfois. Peu importait.
Après que Chan et Jeongin eurent fini de s'extasier sur les élus de leurs cœurs, les deux garçons sortirent finalement, le ventre plein et le cœur gonflé de bonheur d'avoir pu partager les sentiments qu'ils ressentaient. Chan guida son frère jusqu'à l'enclos dont bénéficiait la licorne, seule, pour éviter qu'elle ne contamine d'autres, même si le risque était faible. Il valait mieux être prudent avec ce genre de maladies.
Le jeune loup-garou quitta donc Chan après une courte accolade, et, tenant sa licorne -qui n'avait pas forcément accepté aussitôt que son maître qui l'avait abandonnée longtemps revienne la chercher aussi soudainement- avec une laisse légère.
Le soigneur suivit son cadet du regard alors qu'il descendait la pente en caressant le joli équidé brun qui finit par se détendre, et le lécher de manière affectueuse.
Quand Jeongin disparut de son champ de vision, Chan resta encore un peu figé, puis secoua la tête pour reprendre ses esprits.
En nettoyant l'enclos dans lequel avait habité la licorne pendant de longs mois, Chan laissa ses pensées dériver jusqu'au royaume de Kadoka. C'était un pays de l'est, gouverné par une famille de Faé dont le nom était Seoleo. La couronne se transmettait de parent en enfant, peu importait le genre, peu importait qui était l'aîné ou le cadet. C'était le dirigeant qui choisissait qui était le plus digne de gouverner à sa suite. Apparemment, le prochain dirigeant à venir était un garçon portant un nom de famille différent : Leesoleyo. Il avait, d'après ce que Seungmin lui avait dit -qui adorait les ragots-, été recueilli très jeune par la famille gouvernante de Kadoka car sa famille le maltraitait, et il n'avait point voulu changer de nom de famille, gardant celui d'origine, pour une raison inconnue à tout autre être que ce prince.
Chan se rappela que Changbin lui avait dit venir de l'est. Il devait alors en savoir plus que lui sur ce sujet.
Il devrait se rappeler de le questionner à ce sujet.
Plus tard.
Peut-être.
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