Cela faisait maintenant quelques mois que Chan et Changbin se connaissaient. Ils avaient fait connaissance, et comprenaient tellement l'autre qu'on aurait dit que leurs esprits étaient connectés presque en permanence.

Pourtant, aucun des deux n'était télépathe.

Les deux garçons appréciaient de passer des moments l'un avec l'autre, de profiter de la caresse du soleil et de la douce brise du printemps sur leurs chevelures tout en tenant une discussion simple et sans prise de tête avec l'autre.

Chan aimait ces moments. Et il aimait aussi Changbin. Sans vraiment parler de ça, sans vraiment communiquer à ce propos, les deux garçons s'étaient aimés, et s'étaient embrassés. Ils se connaissaient depuis quelques mois seulement, mais il leur semblait que c'était des années qu'ils avaient passées en compagnie l'un de l'autre.

Les hallucinations de Chan avaient continué, et au final il avait totalement oublié le livre qu'il était à l'origine venu chercher dans la librairie de Seungmin, et Changbin avait oublié de le lui donner. Aussi étrange que cela puisse paraître, ce recueil lui était totalement sorti de la tête. Comme s'il avait eu une amnésie partielle qui lui avait fait oublier ce qu'il faisait avant de quitter précipitamment la bibliothèque pour aller aider sa famille adoptive. Comme si... Quelqu'un le lui avait fait oublier volontairement. Et Changbin... Changbin lui, après avoir feuilleté le livre et avoir découvert certaines choses sur ce qu'il recherchait, il l'avait rendu à Seungmin, oubliant la demande qu'avait fait Chan.

Et la vie avait continué.

Chan, Changbin, Seungmin et Jeongin étaient partis tous les quatre au bord d'un lac proche du village, et avaient campé là-bas. Ils s'étaient racontés des histoires, d'horreur ou non, autour d'un chaleureux feu de camp, par une nuit étoilée -pas une nuit de pleine lune, Jeongin n'aurait pas pu être présent, la faute à ses cycles de lycanthropie.

Ils avaient labouré des champs ensemble, récolté des fleurs, des plantes, rangé, trié et organisé des livres, soigné des bêtes, nourri des animaux, fait marcher des créatures..

En bref, ils avaient bien occupé leur temps, et rempli leurs mémoires de souvenirs chaleureux et joyeux.

Un après-midi, Changbin avait invité ses trois amis à lui rendre visite pour préparer des gâteaux pour les festivités du printemps, arrivant à toute allure. Cet après-midi-là, donc, ils s'amusèrent bien tous les quatre, à faire sauter des crêpes, à tester de nouvelles recettes, à en créer, à se mettre de la farine partout, sur les mains, les habits, les visages... Une fois qu'ils eurent fini, ils se lavèrent tous les mains, et Seungmin et Jeongin s'apprêtaient à nettoyer aussi le plan de travail.

- Oh ! Non, vous en faites pas ! s'exclama Changbin, essuyant ses mains dans un torchon. Je vais m'en occuper. Déjà que vous vous êtes déplacés cet après-midi pour m'aider...

- On t'a pas vraiment aidé, hein ! lui répondit Seungmin, les poings sur les hanches et les joues gonflées dans une moue boudeuse. On a pris beaucoup de plaisir à faire ça -enfin moi en tout cas- et puis on a plus genre aidé le village, si tu vois ce que je veux dire.

Les pâtisseries préparées par les quatre garçons seraient présentes sur le buffet de la nourriture dédiée aux villageois ou aux nomades passant par ici pendant la semaine de fête, qui établirait le commencement de la saison la plus douce de l'année.

Chan et Jeongin hochèrent vivement la tête alors que Changbin semblait un peu gêné, et il soupira finalement.

- Ouais, mais c'est pas une raison pour que vous nettoyiez ma cuisine alors que c'est pas chez vous !

- On a foutu le bordel, on range !

Il y eut un duel de regards entre Seungmin et Changbin avant que Chan ne se décide à intervenir.

- Eh, eh, les gars. C'est bon, Seung, ça sert à rien, tu connais Binnie comment il est têtu. Et toi, Changbin, ne laisse pas tout reposer sur toi, même si c'est toi qui a provoqué ça.

Il passa une main sur sa propre nuque, et soupira.

- Je vais rester aider Changbin. Vous deux (il désigna Jeongin et Seungmin), vous pouvez partir. Je m'en occupe.

Les deux désignés échangèrent un regard qui en disait long, et ils partirent en gloussant, emportant avec eux des plaques de gourmandises, à faire cuire dans peu de temps pour en couvrir les longues tables que les habitants du village sortaient quatre fois par an, et parfois plus.
Le blond soupira à nouveau en lavant lui aussi ses mains, qui étaient couvertes de farine alors qu'il mettait quelques ustensiles à laver. Chan sentit bien vite la présence de son ami près de lui, et ce dernier posa sa tête sur l'épaule du plus jeune.

- T'étais pas obligé..., soupira-t-il contre le cou du soigneur.

- Certes, répondit ce dernier. Mais je n'allais tout de même pas te laisser nettoyer tout ça seul !

Ils pouffèrent tous deux après que Chan aie imité l'accent qu'avait Changbin en arrivant ici. Un frisson parcourut la colonne vertébrale du guérisseur quand son aîné commença à serrer sa taille entre ses deux grandes mains, et déposa des baisers dans son cou. Néanmoins, ce sentiment d'amour, de tendresse, de bonheur se changea vite en un sentiment assez désagréable, au fur et à mesure que la bouche du faé progressait sur son épiderme.

Ne pouvant résister plus longtemps, Chan délia les mains de son ami, qui caressaient doucement son ventre, et il le repoussa un peu.

- Changbin... Tu peux... Arrêter, s'il te plaît ? fit-il, hésitant.

Chan sentit la surprise de l'autre, qui s'arrêta néanmoins aussitôt, et s'éloigna.

- Oh, ouais, bien sûr.

Il y eut un petit silence, puis Chan reprit la parole en disant qu'il valait mieux nettoyer maintenant où ils oublieraient.

Ils nettoyèrent donc le plan de travail sali, tout en échangeant sur tout et rien, et une fois cette tâche finie, ils se préparèrent une boisson chaude, car il faisait encore un peu froid, et s'installèrent dans le canapé de Changbin pour déguster ces concentrés de chaleur liquide.

Ils parlaient, et pourtant une pensée revenait en boucle dans l'esprit de Chan.

Quel était le sentiment qui l'avait pris à ce moment-là ?