Comme tous amis à peu près proches, le vampire et l'humain s'étaient bien évidemment disputés plusieurs fois.

C'était ainsi, les enfants de cet âge. Ils se prenaient la tête pour rien, se criaient dessus, se boudaient pendant peu de temps, puis se réconciliaient pour jouer et s'amuser ensemble, puis cela recommençait pour une broutille.

Cependant, rares étaient leurs disputes, tout simplement car le blond se soumettait aussitôt à l'autre, avouait ses fautes et lui disait qu'il avait raison. En somme, il était plus mature que tout enfant de son âge, peut-être même plus que beaucoup d'hommes, adultes ou non. Peut-être était-ce l'influence de l'homme -se disant son maître- qui l'avait amené ici, et pendant longtemps, lui donnait des cours d'on ne savait quoi, jusqu'au jour où l'homme s'était volatilisé. Mais cette disparition n'avait pas inquiété le moins du monde son apprenti. "Il sait se débrouiller, ça ne sert à rien de se ronger les ongles en pensant à tout ce qu'il peut affronter." avait-il dit. D'ailleurs, peu de temps après, un groupe de gens servant une grande maison faé arriva, et fouilla le village. Peut-être que la fuite du sage avait un lien avec.

Revenons aux deux amis.

Bien qu'ils ne se disputaient pratiquement jamais, cela arrivait parfois. Quand ils étaient tous les deux profondément persuadés d'avoir raison. Normalement, quand l'un des deux découvrait qu'il avait tort, il allait s'excuser auprès de l'autre, brisant enfin la glace qui avait figé le fil de leur relation. Mais il advint une fois où aucun des deux ne découvrit qu'il avait tort, et que l'autre avait tort aussi.
Pendant presque un mois, les deux garçons ne se parlèrent pas. Bien évidemment, leurs autres amis en furent surpris et interloqués, et les adultes aussi, mais ils jugeaient que c'était à eux de gérer ce problème -s'il y en avait un- tout simplement car il les concernait eux et seulement eux.

Ce froid dura longtemps, très longtemps, même, ou en tout cas en comparaison avec les disputes ordinaires d'enfants. Au fil que les jours passaient, la colère des amis se dissipait, pour les laisser avec un sentiment fort de tristesse, de culpabilité et d'abandon. Chacun pensait de son côté à s'excuser envers l'autre, même s'il n'était pas en tort. Leur amitié était plus forte que leurs égos. Ils avaient en fait peur de faire face à l'autre et que ce dernier soit encore en colère alors que la leur s'était dissipée assez vite. Un jour, donc, les deux garçons eurent la même idée : ils décidèrent, chacun de leur côté, d'aller s'excuser. D'aller voir l'autre. Pour se réconcilier, car ils en avaient assez de cette situation. Ils ne sortaient plus, ou presque, tous les deux, pour ne pas croiser l'autre.

Donc ce jour-là, chacun prépara un petit cadeau pour l'autre, et se rendit au domicile de son ami. Quand le petit humain croisa, en vélo, le carrosse de la famille vampire, il se dit que c'était simplement un domestique partit en commission, et s'en désintéressa, continuant donc son chemin. Le petit maître vampire à l'intérieur remarqua néanmoins le petit véhicule, et il demanda à arrêter le sien. Alors il sauta du carrosse, et s'élança en appelant son ami. Ce dernier, surpris, se retourna, incrédule. La servante hésita, puis les fit tous les deux monter dans le carrosse, et en sortit pour se mettre à côté du cocher, afin de leur laisser un minimum d'intimité.

Il y eut d'abord un silence gênant, puis ils prirent tous deux la parole, se turent, réessayèrent de parler, échangèrent un regard, puis pouffèrent de rire et enfin pleurèrent.

Ils s'excusèrent, échangèrent leurs cadeaux, se remercièrent, et s'excusèrent à nouveau.

Ainsi fut leur première vraie dispute.

Et suite à cet évènement, ils dirent :

"Plus jamais ça."