13. Quelques jours étaient passés
Quelques jours étaient passés depuis son entretien avec ses parents, et Changbin ne les avait pas revus depuis, car il refusait de manger en leur compagnie. Il mangeait seul, dans sa chambre, ou parfois avec ses cousins, Félix et Minho.
Minho était un garçon très doux. Il était compréhensif, gentil, avenant, et cela ne le dérangeait pas de devoir hériter du trône, ou au contraire, de ne pas en hériter. Il avait des cheveux bruns avec des reflets rouges et des yeux bleus lagon. Honnêtement, Changbin l'adorait. Il était platoniquement amoureux de lui, dans le sens que vraiment, il aurait pu croire que c'était son âme-soeur, s'il n'avait pas manqué cette petite chose indétectable qui définissait les sentiments qu'il ressentait à l'égard de celui qui hantait ses pensées jours et nuits.
Néanmoins, ce n'était pas la seule chose omniprésente dans son esprit. Il y avait aussi les phrases de ses parents. Le roi et la reine de Kadoka lui avaient annoncé que, si Changbin voulait quitter le palais, et qu'ils le laissent tranquille seul enfin en liberté sans personne pour le ramener, il fallait qu'il accomplisse une mission pour eux. Mais pas que Changbin accomplisse une mission.
Que le Chevalier Noir accomplisse une mission.
Le regard de Changbin s'était obscurci à la mention de ce nom depuis bien longtemps dépassé. C'était le nom que portait un jeune faé aux envies rebelles, un tueur à gages, un assassin, un meurtrier sans loi ni foi, quelqu'un sans aucune pitié, qui tuait de sang-froid hommes, femmes, enfants et autres.
C'était une personne impitoyable.
Et derrière ce casque aux couleurs les plus sombres de la nuit se trouvait le fils aîné et unique des dirigeants de Kadoka, l'héritier originel de la couronne que portait la famille Seoleo depuis bien des années : Changbin.
Cela faisait donc quelques jours, et pourtant il n'avait toujours pas reçu son ordre de mission. Il restait donc impuissant ici, dans une maison qui lui rappelait autant de mauvais souvenirs que de bons.
Néanmoins, un jour, il fut convié -pour la première fois depuis son retour- à table avec ses parents.
Il suivit donc Minho et Félix, qui avaient fait office de messagers, et ils s'assirent tous trois à table, où résidaient déjà le roi, la reine et les parents des deux frères. Changbin avait prit place entre ses deux cousins, sur un côté de la table, alors que son père et sa mère étaient chacun à un bout, et que son oncle et sa tante étaient en face des trois jeunes faés.
Ils commencèrent à manger, puis le père de Changbin prit la parole.
- Changbin, mon fils...
Alors là ça commence mal..., songea l'intéressé, fronçant les sourcils. Le violet n'avait jamais vraiment été appelé ainsi par son père. C'était étrange, venant de sa part.
Néanmoins, l'herboriste releva tout de même le regard pour le poser sur le visage ridé de son père. Bien qu'il soit faé de sang pur, pour une inexplicable raison, le roi de Kadoka voyait son physique se dégarnir de plus en plus au fil des années. Peut-être était-ce la contrepartie de son puissant pouvoir, qui lui permettait de remonter le temps. À chaque fois qu'il usait de son don, il vieillissait un peu plus. Un jour, il serait complètement moisi.
Comme son âme...
- Oui, père ? répondit le garçon à la chevelure crépuscule, scrutant d'un regard de glace le visage de son géniteur, comme cherchant à savoir si, depuis la dernière fois qu'il l'avait vu, il avait ré-utilisé son pouvoir.
- Mon fils, répéta-t-il, ce qui donna envie à Changbin de vomir. Sais-tu pourquoi Félix, ce bon garçon, t'a ramené ici ?
Le jeune blond sembla flatté, et il frotta son nez d'un air humble.
- Il m'a expliqué que c'était pour que je reprenne le trône, dit placidement Changbin.
Soutenant toujours le regard du roi, l'herboriste ne daigna pas lancer un regard aux invités qui se dandinaient sur leurs chaises, mal à l'aise face à la tension qui grimpait doucement dans la pièce.
Changbin avait un mauvais pressentiment. Très mauvais.
Il ne pouvait se défaire de l'impression qui l'avait pris depuis qu'il avait posé un pied dans la pièce. Changbin avait toujours été doué pour sentir quand des choses mauvaises arrivaient, aussi il n'hésitait pas à se fier à son intuition, à son instinct. Et cet instinct lui disait de fuir.
Changbin contrôle néanmoins cette envie, reportant son attention vers son père.
- Exactement. Et souhaites tu ceci ?
- Non, répondit aussitôt le violet sans hésiter.
Changbin sentit le regard insistant de sa mère sur lui, mais il l'ignora une nouvelle fois, gardant son regard résolument braqué sur celui qui ne l'avait presque pas élevé durant son enfance.
Le roi poussa un soupir à la fois agacé, à la fois amusé, et il releva sa chevelure d'argent, avant de relever les yeux vers son fils unique.
- Je me doutais bien que tu dirais ça. Mais je refuse ton refus.
Changbin fronça les sourcils, et il se releva.
- Et moi je refuse votre refus de mon refus.
Cela sonnait stupide, dit ainsi, mais Changbin était très sérieux. Il n'avait pas vraiment réfléchi à la tournure que sa phrase pourrait prendre, et donner un ton humoristique sur sa phrase.
- Bien, bien..., fit son père, semblant réfléchir. Sais-tu ce que je vais décider, mon fils ? Eh bien, si tu désires pouvoir partir, accomplis donc une mission pour nous. Avant de protester, sache que tu n'as pas le choix. C'est soit tu acceptes ça, soit tu vois mourir ton amoureux.
- Je vous interdis de toucher à Chan ! s'exclama-t-il, sentant son sang ne faire qu'un tour à l'idée qu'ils aient pu être proches du jeune garçon innocent qui n'avait jamais rien fait de mal.
- C'est donc son nom ? Intéressant...
- Il n'est pas ici, n'est-ce pas ?!
Son père eut un sourire que Changbin trouva maléfique, et il serra ses poings en le dévisageant alors qu'il restait muet.
- Répondez moi !! s'énerva-t-il, sortant de ses gonds pour la première fois depuis longtemps.
Changbin avait toujours été un garçon très calme. Presque personne ici ne l'avait déjà vu dans cet état. Il n'y avait vraiment que ses sentiments pour Chan qui pouvaient provoquer une réaction telle que celle-là chez lui.
- Tu auras ta réponse quand tu auras accompli ta mission, répondit impartialement le roi, semblant se délecter des réactions de sa descendance.
Changbin ressentit encore plus de haine à son égard.
Le faé aux cheveux violets sentit une main apaisante se poser sur la sienne, et il détourna le regard de son père pour la première fois depuis le début de la conversation pour voir Minho, qui lui adressait un sourire encourageant qui signifiait "calme-toi".
Changbin eut du mal à calmer sa respiration, et quand il y parvint, il se rassit, se renfrognant légèrement, repoussant son assiette pleine d'aliments qu'il n'avait presque pas touchés depuis qu'il s'était assis pour la première fois dans la pièce.
- Vous m'aviez déjà dit que je devais accomplir une mission. Donnez la moi immédiatement, plus vite j'en aurais fini, plus vite je pourrais quitter cet endroit maudit.
Sa phrase provoqua des expression choquées sur les visages de son oncle, de sa tante et de sa mère, mais Changbin s'en fichait. Il ne tenait absolument pas à eux. La seule personne importante dans sa vie était Chan. Personne d'autre ne pouvait le dépasser, il était le seul et l'unique dans sa vie. Il était tel le Soleil, reflétant sa lumière, sa gentillesse et sa chaleur sur la froide et morne Lune, uniquement grise sans sa présence près de lui.
Quand il était séparé de Chan, Changbin redevenait l'ancien lui.
Son père semblait se délecter de son impatience, et appréciait le fait de faire traîner les choses en longueur, mais Changbin ne se plaignit pas. Il en avait marre de réagir exactement comment son père le prédisait. Donc il ne réagissait plus.
- Ta mission... Sera d'éliminer le Chevalier Blanc combattant pour l'empire ennemi dans la guerre engagée dans quelques jours. Tu interviendras dans un mois. Le troisième jour du dixième mois.
Changbin hocha simplement la tête, puis quitta la table, et la pièce, sans demander l'autorisation ni pour l'un ni pour l'autre.
Il était tellement préoccupé par cette tâche, par la personne qu'il devait assassiner pour retrouver son amoureux qu'il ne pensa même pas à la date où il devrait le faire...
Il était trop accaparé par la préparation de son meurtre.
Il était à nouveau là.
Le Chevalier Noir était de retour.
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