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Par une nuit sans lune (II)

      Il faut que je me lave les cheveux, songea machinalement Valériane.

      Elle passa une nouvelle fois la main dans sa chevelure à la couleur indistincte, mélange sombre de châtain et de roux. Elle grimaça en la sentant grasse, et ramena par-dessus sa capuche. Elle avait revêtu les vêtements noirs qu'elle affectionnait lorsqu'elle était mercenaire, et qu'elle ne portait plus guère à la cour. Raerus lui avait clairement fait comprendre que l'uniforme y était de rigueur, mais il n'était pour l'instant pas en état de lui reprocher quoi que ce soit.

       La porte de ses appartements demeurait aussi close que celle d'une prison. Valériane fixa le double battant noir aux moulures dorées, les poignées en ivoire sculpté. Elle attendait la sortie d'un druide pour demander des nouvelles.

      Mais les minutes s'étiraient avec une lenteur insupportable. Elle s'éloigna de quelques pas, jusqu'au bout de la galerie. Là, un arc en appui sur des sculptures de guerriers casqués marquait l'entrée d'un petit jardin. Les flambeaux accrochés de part et d'autres jetaient une lueur vacillante sur les ténèbres végétales. Valériane leva les yeux vers le ciel noir.

      Les thermes sont fermées à cette heure. J'irais demain...

      Un claquement derrière elle la fit volter sur ses talons. La robe chatoyante aux motifs floraux d'un druide s'extrayait lentement des portes noir et or. Valériane se hâta à sa rencontre.

      « Mon étoile ! Mon étoile, attendez. »

       Il se retourna avec un soupir fatigué. Valériane nota ses cernes et son teint blafard, sous ses mèches décolorées qui retombaient autour de son visage comme les branches d'un saule.

      « Général Valériane, grommela-t-il. Vous êtes encore là ? Le gouverneur se rétablit tout doucement... je vous ai déjà dit qu'il vivrait, cessez de vous inquiéter.

      - Mais quand pourra-t-il revenir aux affaires ? s'enquit-elle. Ça fait plus d'un mois maintenant, la délégation impériale est sur le point de repartir pour l'Empire. »

      Sauf bien sûr cet abruti d'Écodarix et son adjoint Ilinos ! compléta-t-elle en pensée.

      Quelques autres personnalités demeureraient également dans l'Avant-poste, mais Valériane aurait presque préféré que tous restent pourvu que les deux premiers partent. Le druide l'observait avec lassitude.

      « Eh bien si toutes les taxes sont prélevées, ils peuvent partir, peu importe la présence ou l'absence du gouverneur. Vous vous faites trop de souci, mon enfant. »

      Valériane ravala une réplique mordante. Les druides lui donnaient toujours l'impression de la prendre de haut, comme si elle n'était qu'une gamine trop agitée. Mais elle contint son agacement car elle avait une question cruciale à poser.

      « Mon étoile, susurra-t-elle en baissant la voix. Le poison qui imprégnait le poignard jeté sur le gouverneur... a-t-il été identifié ? »

       Le religieux parut hésiter avant de répondre.

      « Oui, lâcha-t-il finalement sur un ton prudent.

       - De quel genre était-il ? Mortel, peut-être en fonction de la dose... ? »

      A nouveau, le druide sembla peser ses mots.

      « Non, pas mortel.

       - Pas mortel, c'est-à-dire qu'il a juste aggravé l'état du gouverneur, c'est ça ? » conclut Valériane d'une voix acérée.

      Le druide hocha la tête.

      C'était donc bien ça le but de cette attaque, écarter Raerus le plus longtemps possible. Sans le tuer... même si ça a bien failli être le cas ! Mais pourquoi... pourquoi toutes ces manœuvres... C'est-à-dire qu'il y a quelqu'un qui a intérêt à écarter Raerus sans pour autant vouloir un changement de gouvernement. Une... ou plusieurs personnes qui veulent agir discrètement pendant que tout le monde est occupé à la bonne marche de l'Avant-poste en l'absence de Raerus... C'est tout à fait la conspiration dont il m'avait parlé...

      « Général Valériane. »

      Avec un hochement de tête un peu sec, le druide prenait congé. Valériane le regarda s'éloigner, au rythme de son bâton qui claquait contre le sol.

      Elle se demandait s'il était vraiment sincère dans les soins qu'il prodiguait à Raerus ou si, au contraire, il ne contribuait pas lui aussi à le maintenir alité, loin de sa fonction.

□□□

      L'arrière de la barge était plongé dans la pénombre. Les seules lanternes allumées se trouvaient à l'avant, pour permettre au pilote de diriger l'embarcation malgré les ténèbres nocturnes. Cette liaison fluviale entre Salasala et Pahtah, ville de la région Centre, était l'une des plus rapides, ce qui avait motivé Mian-Meh le Moine Mystérieux à l'emprunter. Le capitaine de l'embarcation, un homme qui, fort heureusement, respectait la religion, l'avait accueilli à bras ouverts.

      « Sois le bienvenu, mon frère ! lui avait-t-il lancé sans se douter de son identité. Ta présence bénira ce voyage. »

      Au vu des remous qui agitaient la barque, toute bénédiction était effectivement bonne à implorer. Cet affluent du grand fleuve Janz bouillonnait de rapides, et la barge ne s'arrêtait ni de jour ni de nuit. Seuls les messagers et les personnes les plus pressées prenaient le risque de descendre jusqu'à Pahtah par ce chemin. Aussi n'y avait-t-il, hormis Mian-Meh, que trois passagers. Ceux-ci étaient partis s'étendre dans la petite cabine au milieu de l'embarcation, mais Mian-Meh ressassait trop de pensées pour trouver le repos.

      Assis tout au bord des eaux obscures, les genoux remontés contre la poitrine, il se sentait minuscule, presque perdu, au milieu d'immenses pans de noirceur. Les lueurs derrière lui éclairaient à peine les alentours, renforçaient les ombres au lieu de les dissiper. Les frondaisons enchevêtrées se confondaient avec le ciel opaque, où ne brillait aucune lumière. La jungle jappait sa symphonie étrange, ses cris et ses murmures immémoriaux. Les cahots de la barque parmi les tourbillons tumultueux projetaient parfois des éclaboussures fraîches jusqu'à lui, mais il ne voulait pas s'en soucier.

      " Le moine sozyès ne craint pas les éléments. Il fait partie d'eux et ils font partie de lui. "

       Il se contenta de resserrer plus étroitement son châle autour de ses épaules, même si la citronnelle dont il s'était frotté repoussait les moustiques - à peu près, tout du moins. Il réfléchissait à la suite de son voyage. Que ferait-il, une fois arrivé à Pahtah ? Il pourrait louer une pirogue, pour terminer seul le voyage jusqu'à Lî-fènê. Mais les petites rivières qui sinuaient là-bas n'avaient pas un débit rapide, et il était déjà en retard... il ne voulait pas perdre plus de temps. Il pouvait sinon acheter un cheval et galoper jusqu'à la cité sacrée. Mais cette idée lui déplaisait aussi car, par humilité devant l'Unique, les moines sozyès ne montaient jamais à cheval. Le pas d'un âne serait cependant bien trop lent... Mieux valait prendre le cheval malgré tout, puis se racheter en le sacrifiant, une fois à Lî-fènê, sur le grand autel au centre de la ville.

      Et ensuite... il lui faudrait affronter ses collègues, pour obtenir l'autorité sur eux. Il avait déjà vaincu Zasanjal Larme de Sang, de la région Ouest. Restait les trois autres... Mian-Meh imaginait sans peine la violence de leur réaction, le sursaut de leur orgueil. Il lui faudrait vaincre successivement trois des plus puissants guerriers du continent, ce qui, pour autant qu'il sache, ne s'était jamais vu.

      Il avait déjà l'impression de les voir planer autour de lui, tels d'immenses fantômes dressés dans le sillage du bateau. L'énigmatique Lyan dans sa cape pourpre, la sardonique Ilsifa et son rire cristallin, le menaçant Hoh-Yawao avec ses étoiles de jet...

      Une secousse plus brusque que les autres projeta soudain la barge sur le côté. L'estomac de Mian-Meh bondit jusqu'à sa gorge et il perdit l'équilibre. Il roula sur la planche de bois et, l'espace d'une seconde, se vit sombrer dans les remous infestés de piranhas - un sort bien ironique pour le chef du clan qui en portait le symbole. Ses doigts crochetèrent le rebord juste à temps et il se redressa, tandis que l'embarcation frôlait un impressionnant rocher aux arêtes aiguës. Il distingua la voix du capitaine depuis l'avant du bateau, parmi le choc des éclaboussures :

      « Ça va, mon frère ?

      - Ça va », répondit-il encore à genoux, en s'efforçant de garder une voix maîtrisée.

      Il s'en voulait d'avoir relâché sa concentration et été pris au dépourvu - d'avoir failli gâcher sa tâche bêtement, avant même qu'elle ait commencée. Il jura de se flageller, dès son retour à Salasala. Il prit une profonde inspiration, l'air humide gonfla ses poumons oppressés.

      Chaque chose en son temps...

      Il s'allongea lentement, sur le dos, déroulant chaque vertèbre après l'autre. Le fond plat de la barge lui procura un semblant de sécurité, un surface matérielle à laquelle se raccrocher, dans cette course au milieu de ténèbres profondes vers des enjeux démesurés.

      Chaque chose en son temps, se répéta-t-il. La route est encore longue.

□□□

      « Tu bois trop d'arack, Marfil. »

      Fuzal se réveilla en sursaut. Le cœur serré, il se débattit un instant avant que la mémoire lui revienne.

     La mission contre les Farles, le voyage en pirogue... Si long, mais qui approchait enfin du but. D'après ses compagnons, ils atteindraient le lendemain Huastahuan, la dernière grande ville avant le territoire farle. Ils s'y réapprovisionneraient et y achèteraient des chevaux, avant de poursuivre le périple. En attendant, ils avaient monté le camp dans un bosquet de palmiers, non loin d'un champ d'igname.

      Fuzal se rallongea dans son hamac. Il ne venait donc de faire qu'un cauchemar... un de plus, depuis la résurgeance de ces affreux souvenirs...

      Une nuit lourde et moite, noire...

      Il sursauta et se força à rouvrir les yeux. Le sommeil le happait malgré lui, le tirait dans son lourd filet chargé d'images douloureuses.

      Fuzal se fit violence pour demeurer éveillé, il se redressa légèrement et regarda par-delà son perchoir. L'obscurité régnait, tout juste percée par la lumière du feu au sol. Fuzal distinguait à peine les hamacs de ses compagnons. Seul le plus proche, celui de Nilani Rire de Lame, lui apparaissait assez pour qu'il aperçoive sa perruche endormie elle aussi, la tête enfouie sous son aile.

      Il sourit. Sans la jeune femme et son oiseau, le voyage - déjà éprouvant - aurait été un calvaire. Nilani seule lui avait témoigné de la compréhension. Même lorsqu'il s'endormait pendant leur tour de garde, elle ne lui adressait aucun reproche. Elle assurait avoir l'habitude de veiller seule, et que sa perruche guettait avec elle. Fuzal avait ainsi, au fil des semaines, sentit croître pour elle une profonde affection, une sorte de gratitude même, devant sa complaisance et sa bonne humeur.

      Il tira doucement sur le bord du hamac pour regarder par-dessus. C'était au tour de Shand-Zang le Fléau des Farles et Nicia la Couturière au Couteau de monter la garde. La seconde s'adossait au tronc d'un palmier, le visage plongé dans l'ombre de son fichu déplié. Quant à Shand-Zang, Fuzal ne le voyait pas, mais il entendait les chuintements de son arbalète. Il s'entraînait ainsi au tir chaque nuit, avec des branchages qu'il taillait au préalable. Leur course lacérait la quiétude nocturne de sifflements réguliers.

      Fuzal se rallongea, tout en continuant à tendre l'oreille pour ne pas se rendormir. Il entendit Nicia qui demandait :

      « Pourquoi avoir choisi l'arbalète pour arme, mon grand ? »

      Le claquement de langue de Shand-Zang monta sans mal jusqu'à Fuzal.

      « Tu ne te lasses donc jamais de poser des questions inutiles, l'ancienne ? lâcha-t-il, sa voix flûtée imprégnée d'un ennui caustique. Tu n'as fait que ça de tout le voyage !

        - Ce ne sont pas des questions inutiles, assura la vieille dame. Ça m'a permis de découvrir la plupart de vos secrets... Et sache que les silences en disent autant que les paroles. »

      Un gloussement comparable à celui d'une poule échappa à Shand-Zang.

       « Les secrets ? Mais personne n'a de secrets ! Pourquoi tu imagines des choses, l'ancienne ? (Il gloussa à nouveau.) Tu manques de distractions dans la vie, sans doute ! A ton âge, en même temps, il ne doit plus y avoir grand chose à faire... »

      Nicia demeura sereine devant le sarcasme.

       « Tu as tort de mépriser les anciens, mon grand. En ce qui te concerne, tu nous as raconté ta vie, ton enfance de fils de pêcheur de perles dans la région Est... Mais tu ne nous as pas expliqué pourquoi, justement, le fils d'un pauvre pêcheur de perles, tout là-bas dans la région Est, bien loin de l'Avant-poste, a décidé de consacrer sa vie à massacrer les Farles. »

      Un silence profond lui répondit, et Fuzal s'aperçut que même l'arbalète s'était tue. Nicia reprit d'une voix douce :

      « C'est lié à ta fiancée perdue ? »

      Le silence sembla s'alourdir comme si chaque mot avait le poids d'un météore.

      « Tu te demandes comment je le sais ? fit la vieille avec un infime accent de triomphe. Ce n'est pas difficile... j'ai bien vu le collier de fiançailles que tu portes encore... si tu t'étais marié ou que ces fiançailles avaient été rompues, tu l'aurais ôté. Mais tu l'as conservé... et depuis bien longtemps, à en juger par l'état de la cordelette. C'est donc que quelque chose s'est interposé entre vous... Des Farles ? »

       Fuzal resta perplexe une seconde. Lui-même n'avait jamais remarqué de symbole de fiançailles au cou de Shand-Zang. Mais l'homme portait un grand nombre de pendentifs et de colliers de toutes sortes - perles de bois, coquillages précieux, pierreries brillantes. Le lien qui l'engageait à une femme devait être dissimulé dans cette pléthore.

      En bas des hamacs, le silence s'apesantissait encore, telle une coulée de boue gonflée par un torrent en crue. À nouveau, ce fut Nicia qui le rompit :

       « Je vois bien comment tu regardes Nilani, mon grand... Tu la désires... et tu la détestes en même temps pour cette raison... Elle ressemble à ta fiancée, peut-être... mais ce n'est pas elle. (Sa voix se chargea de pitié.) Comme ce doit être dur pour toi, mon grand... Tu as quel âge ? Quarante ans, quarante-cinq ans ? Tant d'années à rêver d'un être inaccessible, sans pouvoir être satisfait... Mais que s'est-il passé ? Ne peux-tu pas l'oublier ? Ou peut-être n'est-elle pas si loin de toi que tu le crois ? »

      Un grincement sec déchira le calme, contrastant avec les intonations affables de Nicia. Fuzal tressaillit avant de comprendre que l'arbalète avait repris ses lancers. Mais l'absence de choc lui indiqua que le coup avait manqué son but. D'autres tirs suivirent, et tous moururent dans le silence. Quand Shand-Zang parla, Fuzal reconnut à peine sa voix tant elle était devenue rauque. Même son accent semblait noyé dans cette nouvelle inflexion gutturale.

      « Pas loin ? Elle est morte, articula-t-il. J'ai vu sa gorge tranchée et son corps bouffé par les hyènes. »

     La corde de l'arbalète se mit à claquer de façon répétée, tandis qu'il lâchait coup sur coup.

       « Tu as vu ? répéta doucement Nicia. Mais pourquoi n'as-tu rien fait ? »

      L'arbalète se tut comme giflée par la foudre. Fuzal, lui, faillit lâcher un cri. Cette question s'adressait-elle à lui ?

       Un pas titubant dans l'allée... Son père arrivait. Et derrière lui cette silhouette qui se hâtait pour le rejoindre, d'une démarche souple et assurée...

      " Tu as vu ? Mais pourquoi tu n'as rien fait ? "

      Il n'y avait pas pire que cette question, celle qui ouvrait la porte à la ténébreuse culpabilité, à son poids infâme et son regret amer. Baigné de sueur brûlante, aussi raide dans son hamac qu'une bûche morte, Fuzal sentit un goût de bile remonter dans sa gorge. Il aurait vomi si son attention n'était pas centrée sur le nouveau silence insupportable retombé sur le camp.

     Tous les palmiers alentour semblaient retenir leur souffle, dans l'attente de la réaction de Shand-Zang. Même s'il n'avait aucune idée de ce qui lui était arrivé ni des circonstances du décès de sa fiancée, Fuzal ne pouvait croire que l'homme resterait indifférent devant cette question, tout comme lui-même ne la supportait pas. Il allait s'énerver, il allait...

      Un carreau siffla soudain et trouva pour celui-là sa cible, à en juger par le craquement brutal qui suivit. Et puis, encore une fois, le silence, aussi oppressant que les abysses.

      Le cœur de Fuzal se glaça. Lui qui bouillait quelques secondes plus tôt se mit à trembler de froid et d'horreur. Shand-Zang avait-il tué... ?

      Malgré son désir de se terrer au fond du hamac et de n'avoir rien entendu, Fuzal tendit une main fébrile pour écarter le tissu.

      Nicia se tenait toujours contre le tronc du palmier. Son dos était bien droit, son corps immobile. Le carreau était fiché au niveau de son cou.

      Fuzal resta foudroyé, incapable du moindre geste, de la moindre pensée cohérente. Puis la vieille bougea légèrement, décala sa tête sur le côté, et il vit que le projectile s'était contenté de la frôler. La voix de Shand-Zang retentit, glaciale :

      « Ne te mêle plus de parler de ça, l'ancienne. Ou le prochain coup sera pour ta bouche. »

      Nicia demeura silencieuse et il ajouta :

      « Et ne m'appelle plus " mon grand ". »

      A sa grande stupeur, Fuzal aperçut un sourire tranquille jouer dans les ombres du fichu rouge. La vieille dame se radossa sans un regard pour le carreau planté près d'elle et répondit :

      « Comme tu voudras, mon petit. »

□□□

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