Chapitre 6 : Excuse-moi, mais ... on se connait ?
Une fois en cuisine, ce fut très simple : le Chef Clarkson avec l'un de ses élèves préférés qui ressemble trait pour trait à l'Angelo Jones que je m'étais plus ou moins imaginée, nous avaient donné la consigne d'exécuter une recette basique qui était un gâteau au chocolat en format moléculaire.
Ce gâteau se devait d'être original et beau et bon.
Je trouvais ça super la cuisine moléculaire et c'était important d'acquérir quelques compétences histoire de proposer cette originalité dans nos compétences. Néanmoins, dans la carte que j'imaginais dans mon restaurant, je désirai proposer quelques plats de ce type, mais pas tous. C'était peut-être un peu trop avant-gardiste et mon but principal était que tout le monde vienne manger dans mon restaurant et pas seulement un type de clientèle.
Répartis en binôme, j'étais avec Basile sur le plan de travail. Comme je vous l'avais dit, il était très bon en pratique et donc, nous faisions bien la paire dans cette matière. Nous réfléchîmes à notre recette et nous nous mîmes au travail rapidement car il nous restait moins de deux heures. Ce qui était bien avec la cuisine moléculaire, c'était que nous avions pas besoin de cuir des choses. Les différents outils et ingrédients faisaient l'affaire.
Après, un peu plus d'une heure de travail où Peter Clarkson et Angelo ne faisaient que de discuter sans prendre le temps de se déplacer pour voir notre réalisation, il nous signala de tout arrêter pour qu'ils puissent constater ce que nous avions fini.
Basile et moi étions satisfaits de ce nous avions accompli. Nous sommes partis sur une mousse en chocolat assez épaisse pour donner cette forme de gâteau et nous y avons incorporer des billes au chocolat pour apporter un peu de magie en bouche.
Fiers de nous, on se tapa dans la main. C'était très plaisant à voir et c'était très bon aussi.
Ils arrivèrent à notre plan de travail, après que Clarkson ait été tranchant avec certains camarades en disant que c'était nul à chier.
Ne voulant assurément pas regarder ce type, je laissai Basile faire la présentation de notre œuvre.
— Alors, nous l'avons appelé " Le nuage chocolaté" ..., commença-t-il avant d'être interrompu par le professeur.
— Ce n'est pas très original, Parker. Mais poursuis.
— Nous avons décidé de travailler sur une mousse assez compact pour que le mangeur puisse voir la ressemblance avec gâteau au chocolat. Ensuite, nous y avons incorporé des billes de chocolat coulant pour le rappel du fondant au chocolat et son cœur coulant.
— Mh ...
Clarkson prit une cuillère ainsi que son élève et ils gouttèrent, ce qui m'arracha le cœur, car c'était trop beau à voir. Heureusement que j'avais pris une photo de ce travail.
Encore une fois, je regardai Basile qui me sourit gentiment et observai Clarkson.
Celui-ci me fixa avant de se resservir et son élève nota dans son carnet je ne sais quoi avant de porter son regard sur moi, mais je n'en fis rien. Je ne voulais absolument pas le regarder.
— C'est très bon, reconnut notre enseignant. Très léger et très fin en bouche. Vous vous approchez dangereusement du A+ vous deux. Surtout Mackenzie.
Je ne pus retenir un sourire, tellement j'étais contente.
— T'en penses quoi AJ ? Ça te plaît ?
— Ouais, répondit-il. C'est léger mais c'est à la fois gouteux. Et le chocolat est bien dosé. Ça vous intéresserait de bosser sur mon projet ?
Regardant Clarkson qui reprenait une portion, je ne savais pas quoi dire. Basile avoua qu'il adorait le concept de projet, mais qu'il comptait partir à Paris pour y bosser. Il n'avait pas envie d'avoir un restaurant. Il voulait juste cuisiner sans prise de tête dans les meilleurs restaurants du monde.
— Et toi, Jones ? m'interrogea le prof.
— Vous savez bien que je veux ouvrir mon propre restaurant, alors je n'ai pas forcément envie de travailler sur le projet d'une autre personne, répondis-je.
— Oui, mais ça pourrait te donner de l'expérience. Et j'ai précisé que je cherchais des associés pour que le restaurant ait de l'ampleur, expliqua-t-il légèrement vexé.
Oui, il était vexé et je le ressentais bien au son de sa voix. J'eus enfin le courage de le regarder. Après tout, ce n'était qu'une foutue coïncidence s'il ressemblait au "gars de mes rêves".
Ses billes plongèrent dans les miennes et durant quelques secondes qui me parurent interminables, j'eus l'impression qu'il voulait me dire qu'il savait mon secret, qu'il savait que j'avais décrit un type comme lui et que j'en avais parlé avant de me rétracter, trouillarde.
Basile se racla la gorge et je quittai mes pensées pour balancer, irritée :
— Je n'en ai pas vraiment envie, mais merci.
— Quelles sont tes raisons ? me retourna-t-il. Vous avez fait un travail de dingue là ! commença-t-il à s'énerver. Pour Basile, je comprends qu'il ne veuille pas, s'il compte partir à l'étranger, mais toi, quelles sont tes raisons ?
— Ça pourrait être une excellente opportunité pour toi, Mackenzie, ajouta Clarkson.
— Mon restaurant partait sur cette même idée. Et étant d'origine différente, c'est important pour moi de le faire, répondis-je. Et associés, c'est nul ! Le restaurant portera forcément son nom ou celui de sa copine, ajoutai-je. Je veux le mien.
— Tss ! Déjà, ça ne portera jamais mon nom ou le sien. Et en plus, je voulais qu'avec mon équipe d'associés, on choisit ce nom ensemble.
— Vous auriez les plus grosses parts, renchéris-je.
— Non, nous ferions ça de manière équitable.
— Vous commanderez le reste de l'équipe.
— Il faut bien une personne leader pour diriger un groupe, répliqua-t-il au tac au tac.
— Ce n'est pas ce que je veux, conclus-je.
Il me fixa, à présent énervé mais se contint.
— J'insiste. Peter m'a dit que tu étais la meilleure de sa promo et je veux les meilleurs dans mon équipe pour remporter ce concours. En remportant ce concours, on aura déjà une certaine notoriété et ...
— Pardon, mais quel concours ? le coupa Basile.
— Ah oui ! Vous étiez sortis de la salle, se rappela Clarkson. AJ participe à un concours qui ne peut qu'aider et qu'accélérer ce projet. C'est dans trois mois et du coup, il recrute à travers les classes que j'enseigne. Et oui, tu es la meilleure de ma promotion des deuxième année Mackenzie, dit-il fort en regardant tous les autres, ce qui me gêna. Je pense que tu devrais y réfléchir. Ça pourrait être un tremplin pour toi.
Ayant fini notre dessert, il s'en alla vers un autre binôme et AJ me fixa avant de lui emboiter le pas. La pression qu'il avait instauré, s'évapora et j'avais l'impression de respirer convenablement.
— Eh bien ! Il te veut vraiment dans son équipe, exposa Basile comme si c'était la révélation de l'année.
— Et moi, je ne veux pas. Il a l'air d'être assez doué pour remporter son foutu concours. Peut-être qu'on pourrait y participer, tiens !
— J'aurais bien aimé. Mais s'il parle du concours auquel je pense, il faut être en fin d'étude et il faut, effectivement présenter un projet de restauration, ce qui n'est pas notre cas. Tu devrais peut-être y réfléchir, Mackenzie. Ils n'ont pas tort. J'aurais accepté, mais vraiment, je compte me tirer d'ici. J'ai envie de voyager.
— Ta copine accepte ?
Ma question eut l'effet de la glace. Sa mine se décomposa et j'eus envie de m'excuser sauf qu'il ne me laissa pas le temps de le faire et me donna comme réponse :
— Pas vraiment, non. Mais qui est-elle pour me briser mes rêves ?
— Une personne que tu aimes, répliquai-je doucement.
Ses yeux se firent vides et il semblait parti sur une autre planète, alors j'en profitai pour ranger notre bazar.
— Tu partirais pour une personne que tu aimes ?
Je l'examinai quelques secondes où je ne savais pas trop quoi penser de sa question. Peut-être que je m'imaginais des choses, mais Basile me faisait penser qu'entre sa copine jalouse et lui, ce n'était pas rose. Et, je n'avais pas forcément envie de me mouiller pour lui donner un avis qui pourrait faire qu'ils se séparent.
Je répondis tout de même, alors qu'il mettait les ustensiles dans le lave-vaisselle.
— Sincèrement, je ne sais pas. C'est une question à laquelle la réponse peut varier d'une situation à une autre.
— T'as un copain ?
— Non.
Il hocha la tête comme si apprendre cette information, allait l'aider dans sa réflexion.
— Mais si j'en avais un et s'il m'aimait pour ce que je suis, j'espère qu'il ne m'empêcherait pas d'accomplir mes rêves, expliquai-je.
— D'accord. Mais si toi aussi, tu l'aimes et qu'il te veut à ses côtés parce que tu es l'un de ses rêves, tu partirais ?
— Je pense que ma réponse n'est pas légitime comme je suis célibataire et par défaut, assez égoïste.
— Ouais, ricana-t-il. Ta réponse, c'est plutôt : non, je ne partirai pas et je ferais ce que j'ai envie de faire.
Je ricanai à mon tour, car il avait probablement raison.
Dans notre entente amicale, nous nettoyâmes notre plan de travail tandis qu'ils terminaient le tour de table.
La fin d'heure arriva et Peter Clarkson annonça que nous serions notés dans nos réalisations et qu' AJ reviendrait vers nous, après qu'il ait pris une décision finale.
Nous nous quittâmes la salle de classe après un commun accord entre Basile et moi de ne pas aller voir AJ et le professeur puisque tout avait été dit.
Avec nos collègues de classe, nous quittâmes la cuisine et nous décidâmes d'aller réviser pour les autres cours.
Je reçus sur le chemin l'appel de Romeo qui me demandait où je me trouvais lorsque je le vis au loin.
Il arriva à notre hauteur, m'embrassa sur la joue, nous salua et on lui annonça qu'on se rendait au café pour réviser. Il accepta de se joindre à nous, lorsqu'on m'héla.
Je pivotai sur moi, reconnaissant parfaitement la voix de cette personne. Il trottina jusqu'à nous et sans aucune politesse envers les autres, me demande si nous pouvions parler.
Je partageai un regard avec Romeo, déconcerté par ce type. Nous nous éloignâmes un peu du groupe et il amorça la conversation.
— Écoute, je ne comprends pas pourquoi tu refuses. Peter m'avait dit que tu étais la plus douée et je l'ai bien vu et constaté et gouté même ! ajouta-t-il. Mais, il m'a dit aussi que tu étais bornée et que tu savais ce que tu voulais et ce que tu valais. Alors, qu'est-ce que tu veux ? Il me reste deux personnes pour constituer mon équipe de 6, pour ce concours. Et nous serions les premiers associés de mon restaurant ...
— Tu vois ! le coupai-je. Le problème, c'est que tu dis "mon". Il t'appartient ce projet, alors ça ne me donne pas envie. Je suis désolée. Tu trouveras une autre personne ...
Faisant demi-tour, il me stoppa en agrippant mon manteau ce qui m'arrêtait dans ma marche.
— Mais ça ne va pas !
— Mais ... excuse-moi, on se connait ?
J'avais l'impression de tomber de haut avec cette question.
Pourquoi il posait cette question ?
Je m'échappai de son emprise et réajustai la bretelle de mon sac à dos. Regardant ailleurs, ses billes vertes ou bleues ou je ne sais plus, m'examinaient sans relâche dans l'attente d'une répartie de ma part.
— Non, on ne se connait pas.
— Pourquoi j'ai cette impression, alors ? Tu es là depuis la première année ? Peut-être qu'on s'est déjà croisé à une soirée. Je ... Si je t'ai fait quelque chose de mal ...
— AJ ! s'écria-t-on.
Nous regardâmes tous les deux dans la même direction et une magnifique brune avec des boucles tout aussi bien dessinés qu'Angelo s'avança vers nous, avec un sourire radieux et contagieux que je souris.
Celle-ci embrassa Angelo rapidement et ça me fit tout drôle que j'avais envie de prendre mes jambes à mon cou. Je n'arriverai pas à expliquer cette sensation ... C'était comme si l'objet de vos fantasmes se matérialisent et que du coup, vous êtes mal à l'aise, parce que vous craignez qu'il sache ce que vous avez imaginé avec lui...
Sauf que je le jure ! Je ne savais même pas qu'il y avait un Angelo Jones dans notre campus, parce que le prénom n'était pas si plesbicité que ça et puis, il y avait une chance sur un milliard qu'il ait le même nom de famille que moi.
J'avais imaginé tout ça sur un coup de tête !
— Babe, je te présente Mackenzie Wang-Jones ? On a le même nom de famille, dit-il avec un sourire. C'est une deuxième année et Peter me l'a recommandé pour mon concours et mon ... je veux dire, le restaurant que j'aimerais monter avec des associés.
— Enchantée, Mackenzie ! répliqua-t-elle en me tendant la main. Je suis Rain Brown. La copine de ce malade du travail.
Je finis par relâcher sa main et Angelo se sentit obligé de dire que je ne voulais pas faire partie de son équipe de concours et encore moins être l'un de ses associés. Il lui exposa mes raisons en disant que ce n'était pas de bonnes raisons et dépassée par son attitude, un moment cool et un moment irritant, je préférai m'en aller.
— Oh mais attends Mackenzie ! intervint sa copine. Tu pourrais quand même y réfléchir ! Ça serait juste trop top !
Je ne les écoutai déjà plus et arrivai près de Basile, Rome et les autres qui avaient les regards interrogateurs.
— Pas de question et allons réviser !
Définitivement, le Angelo de mes rêves était cent fois mieux que lui.
***
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