Chapitre 9 - Rey
Encore une fois, j'avais terriblement envie d'éviter le rendez-vous hebdomadaire au bar et je n'avais qu'une envie : continuer d'écrire mon histoire en cours avec un bon chocolat chaud. L'envie de m'isoler et de couper tout contact avec le monde extérieur était très forte, mais aussi très malsaine.
En même temps, je me sentais coupable d'être aussi mal juste pour une "amourette". Je ne pouvais même plus le masquer auprès des autres et j'avais juste peur qu'une soirée un peu trop alcoolisée amplifie mon problème.
Finalement, j'avais accepté. Parce que je savais que je regretterais d'avoir refusé une occasion de voir mes amis, peu importe dans quel état j'étais.
Pendant toute la soirée, Poe m'accompagna pour s'assurer que je tenais le coup. Ces derniers jours, il avait été de plus en plus présent à mes côtés et il était fort probable que Finn lui ait parlé de ma situation.
Après quelques verres, il me proposa de l'accompagner à l'extérieur pour fumer un moment. On s'éloigna un peu du bar, à l'abri du bruit assourdissant, et je me posai immédiatement contre un mur.
— Finn t'a dit que ça allait pas très bien de mon côté pour que tu sois aussi... à l'écoute ? osai-je demander.
Il tira une brève taffe de sa cigarette avant de se poser à mes côtés contre le mur.
— Ça se voit. Il n'avait pas besoin de me le dire... Et puis une relation qui se termine, ce n'est jamais évident. Faut pas que tu t'en veuilles, mais faut pas non plus que tu t'isoles.
Il m'adressa un sourire comme pour me réconforter.
— J'ai juste l'impression d'être ridicule... Ben et moi, c'était court, et ce n'est pas comme si j'étais du genre à être en relation et vraiment aimer ça.
— Je crois que tu te persuades que c'est mieux comme ça alors qu'au fond de toi, tu sais que ça l'est, tu sais que tu te mens juste à toi-même. Mais si ça peut te permettre d'avancer pendant un moment, fais-le comme tu le sens...
Il tira une autre taffe de sa cigarette, alors que je le regardais d'un air hagard. Ce genre de discussions m'étaient assez familières et j'avais comme l'impression de refaire les mêmes erreurs, bêtement.
Puis il reprit :
— J'ai connu ça aussi. Tu passes d'une relation où ce n'était que de l'euphorie, de la douceur... Puis tout ça explose et tout plein d'émotions viennent te submerger, comme un raz-de-marée. Alors, ça devient un mélange où cohabitent le désespoir, la haine, la culpabilité...
— J'ai l'impression que je n'ai que de la tristesse...
Maintenant que j'avais formulé ça à voix haute, une part de moi sentait que c'était un mensonge. Je regrettais de ne pas avoir plus insisté et d'être partie comme une lâche. J'avais fui bêtement. Et puis, je lui en voulais. Je lui en voulais de s'être soudainement renfermé. Bien évidemment, je ne pouvais pas lui demander de faire comme si tout allait bien après les évènements avec Snoke, mais je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi violent.
— Chacun son truc. Personnellement, ça a surtout été les regrets et la culpabilité. Je n'ai pas arrêté de me demander qu'est-ce que j'aurais pu faire de mieux, qu'est-ce que j'aurais pu éviter... Des tas de scénarios m'ont traversé l'esprit. Je me suis torturé avec des "et si" sans réponse.
C'était en partie mon problème.
Il continua sa clope en regardant l'horizon d'un air vide, le regard dirigé vers le bar. Il y avait encore des tas de personnes devant l'entrée. Toutes étaient sorties probablement dans le même but que nous, juste pour prendre un peu l'air.
Poe semblait vraiment perdu dans ses pensées. Il semblait en avoir oublié son environnement et fumait machinalement.
— C'est indiscret si je te demande combien de temps ça fait ? l'interrogeai-je à demi-voix.
Il revint à ses esprits et posa de nouveau son regard sur moi.
— Quelques années maintenant. Mais j'ai pris quelques mois avant de m'en remettre... Heureusement, ça fait totalement partie du passé et j'ai fini par accepter que c'était ainsi, qu'on ne pouvait rien changer. J'ai préféré me concentrer sur les bons moments et tout ce que je pouvais en ressortir de positif.
— C'est compliqué, lâchai-je dans un demi-soupir.
— En effet... Mais faut accepter que ça prenne du temps.
Je hochai la tête, pensive. Malheureusement, je n'avais pas d'autres solutions que d'attendre que le temps passe, quand bien même je croiserais son visage par hasard.
Poe finit sa cigarette et la jeta dans une poubelle avant de se tourner vers moi :
— On rentre ?
— Je vais prendre l'air encore quelques minutes... Faut que je réfléchisse à un truc.
Il accepta ma demande sans broncher et rentra à l'intérieur du bar. Alors, je pris une grande inspiration.
Évidemment, j'avais envie de pleurer et de juste laisser aller cette tristesse passagère, de la laisser s'exprimer, peu importe la forme. Puis ce bref sentiment fut remplacé par la colère, la même que tout à l'heure. Enfin, elle était soudainement bien plus forte, sans pour autant me couper l'envie de pleurer.
Je repensais à notre dernière discussion dans son bureau. Ce moment où il pensait pouvoir en tirer quelque chose de bien de cette entreprise alors qu'il s'était juste condamné jusqu'à s'y enfoncer.
Puis il y avait cette discussion chez lui, à cette petite fête où je m'étais incrustée. J'avais cru désespérément le ramener à la raison. Et j'avais bien vu qu'il hésitait, qu'il avait envie de retourner avec moi. Mais il s'était interdit de le faire.
Et je lui en voulais...
Tout simplement.
Alors, sous le coup de la colère, je pris mon téléphone pour composer son numéro. Probablement la pire idée du moment au vu de mon état second, mais il fallait que je me défoule... Et il fallait qu'il sache. Tant pis pour les remords, j'aurais tout le lendemain pour les gérer.
J'aurais tellement voulu qu'il décroche aussitôt pour que je lui dise tout ce que j'avais sur le cœur. Mais les sonneries s'enchaînèrent et j'avais peu d'espoir de pouvoir discuter avec lui. Et je ne pouvais même pas entendre sa voix, son répondeur était une simple voix d'une femme quelconque préprogrammée. Dommage, j'aurais été bien heureuse d'entendre sa voix grave, juste une énième fois...
— Je sais que je devrais pas t'appeler et que je vais le regretter demain, mais je m'en fiche. Faut que je te parle et tu ne décroches pas...
Je jetai un bref regard aux alentours en espérant trouver quelque chose pour me raccrocher, mais il n'y avait rien. Absolument rien. Juste des personnes quelconques.
Puis je repris après ce bref silence alors que les larmes me montaient aux yeux.
— Tu n'étais pas que mon petit-ami Ben. Tu es devenu bien rapidement un ami extrêmement proche, mon meilleur ami d'une certaine manière. Je pensais que j'étais seule, que personne ne me comprendrait... Et tu m'as prouvé que je pouvais trouver ma place dans ce monde. Sauf que maintenant, je te hais de m'avoir laissée toute seule... Encore. Je sais que c'est aussi la merde de ton côté, que t'es probablement dans la merde jusqu'au cou... Mais ça n'empêche pas que malgré tout l'amour que j'ai encore pour toi, je déteste !
Je raccrochai brusquement et je retins mon souffle pendant de longues secondes. Je prenais alors conscience de ce que je venais de faire et surtout, des futures conséquences de ce geste.
Ça y est... Je le regrettais déjà.
Je n'avais même pas envie de rejoindre les autres à l'intérieur. Il fallait que je me calme avant, sinon je me retrouverais à éclater en sanglots sous leurs yeux — ce que je n'avais clairement pas envie. Ils étaient tous au courant de ce que je pouvais traverser, sauf que montrer ses vulnérabilités aussi spontanément, je préférais l'éviter pour le moment.
J'aurais pu mettre la faute sur l'alcool, mais dans le fond, ça, j'en avais tellement envie depuis longtemps. J'avais essayé de prendre du recul à chaque fois, mais je ne pouvais plus.
Je me sentais si stupide d'être aussi affectée par une relation... Juste une relation. Mais j'avais toujours eu peur de l'abandon... Ironie que ça m'arrive quand même.
Je finis par laisser aller quelques larmes en espérant ne pas laisser trop de traces sur mon visage, pour que personne ne sache à quel point j'avais été dans le mal quelques minutes auparavant.
Malheureusement, la seule personne qui n'aurait probablement pas dû être là était sous mes yeux. De l'autre côté de la rue...
Ben.
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