Chapitre 20
La semaine me parut bien plus longue que d'habitude, notamment parce que j'avais à peine des nouvelles de Ben. Il m'avait annoncé avoir beaucoup de travail cette semaine. Je commençais à prendre l'habitude que son travail puisse rapidement devenir envahissant – toujours pour une raison que j'ignorais –, mais cette fois-ci, j'avais presque la sensation qu'il m'évitait.
J'aurais bien aimé que cette distance passagère me fasse du bien, sauf que c'était tout le contraire. J'avais même osé le relancer pour qu'on se voie une soirée ou deux. Ce fut toujours un échec. Et ça m'atteignait bien plus que je ne le croyais, ce que j'avais du mal à comprendre.
En même temps, j'étais toujours chamboulée par notre dernière discussion. Je n'avais jamais connu mes parents biologiques et j'avais enchaîné les familles d'accueil. Malheureusement, je devais reconnaître que j'avais terriblement peur de suivre leurs traces...
Et pourtant, n'étais-je pas déjà en train de totalement merder avec Ben ?
Après tout, il avait des sentiments pour moi et semblait faire des efforts, tandis que de mon côté, j'avais juste l'impression d'agir comme une connasse avec lui. Et si c'était ce qu'avaient fait mes parents eux aussi ?
Alors que mes amis s'apprêtaient à rentrer dans le bar, je m'arrêtai à l'extérieur pour appeler Ben. J'étais encore sobre et je préférais pouvoir échanger avec lui dans cet état.
Il ne tarda pas à répondre.
— Rey... Quelque chose ne va pas ?
Je fus assez surprise par sa question. D'habitude, on demandait seulement si ça allait, pas l'inverse. Je sentis quelques larmes monter, sur le point de dévaler mes joues. Je pouvais mentir, sauf que je ne savais plus où était la vérité...
— Je... Je sais pas.
— Autant dire que ça ne va pas, rétorqua-t-il aussitôt. Tu veux que je vienne te voir ?
— Mais t'as pas du travail ?
— Au pire, j'ai tout le week-end pour ça. Tu es avec tes potes au bar comme d'habitude ?
— Euh... Ouais...
Ma voix était aussi tremblante que mes mains et j'étais persuadée que j'allais complètement lâcher mon téléphone.
Encore une fois, j'aimerais terriblement avoir une réponse pour gérer cette situation et savoir qu'elle était la bonne manière à agir, mais j'étais juste face à un énorme brouillard de plus en plus important.
— J'arrive dans quelques minutes, je ne suis pas loin, m'annonça-t-il fermement.
— Non !
Aucun son ne put sortir de ma bouche pendant quelque temps.
— Rey... J'entends que tu ne vas pas bien, alors j'arrive.
Il ne me laissait pas le temps de le contredire qu'il raccrocha. Je serrai mon téléphone dans mes deux mains, plus angoissée que jamais.
Au final, qu'est-ce que je lui dirais quand on se verrait en face ?
J'avais juste l'impression de me compliquer la vie pour rien. Pourquoi ne pouvais-je pas accepter simplement une relation ?
Dans le fond, je connaissais désormais la réponse. Parce que j'avais peur de voir l'autre partir un jour, qu'on m'abandonne encore de nouveau...
Alors, les larmes coulèrent naturellement et je fixai le sol d'un air vide. Je devais avoir l'air pitoyable et il y avait probablement des tas de personnes qui m'ignoraient, parce que ça serait plus simple pour leur petite vie.
Je jetai un coup d'œil à mon téléphone. Mais rien. Seulement mes larmes qui vinrent s'écraser sur l'écran.
Finalement, peut-être qu'au début avec Ben, tout était bien plus simple. Pourquoi tout s'était envenimé à ce point ?
Et maintenant, je m'en voulais d'avoir eu cette stupide idée. Peut-être même que je devrais totalement couper les ponts avec Ben avant que ça n'aille trop loin, avant que je ne sois bien plus perdue.
Quelqu'un se pointa devant moi et j'observais une paire de richelieus noire sous mes yeux. En levant mon regard, je croisai celui de Ben qui portait une tenue entièrement noire. Costard noir, chemise noire, et il avait laissé pousser une barbe de quelques jours au niveau de sa moustache et de son menton. Ça lui allait extrêmement bien... Mais je n'avais pas vraiment l'esprit suffisamment libre pour être réellement excitée, même s'il était très plaisant à regarder.
— Qu'est-ce qui ne va pas ? me demanda-t-il une énième fois.
— Peut-être qu'on devrait s'arrêter là...
— Comment ça ?
— C'est juste n'importe quoi entre nous... Et ça me fout plus mal qu'autre chose. Peut-être que finalement, j'étais bien mieux à me prendre des tas de critiques à la con sur mon célibat...
Il hocha lentement la tête prenant le temps pour assimiler mes propos. Mais je sentais que je venais de le briser et qu'il tentait de maintenir son habituel masque.
— Tu es sûre de ne pas vouloir attendre un mois comme on en avait convenu ?
— Pour quoi faire ? C'est juste totalement ridicule comme situation ! On commence par un faux couple, ensuite, je comprends que tu as des sentiments pour moi... et moi j'en ai pas. Et en plus, faut qu'on perfectionne un mensonge de jour en jour. Tout ça pour tout foutre en l'air à la fin parce qu'on devra provoquer une fausse séparation et qu'on me répétera jusqu'à la fin de mes jours que tu n'étais juste pas le bon. C'est totalement stupide...
Je pris une longue inspiration après ce monologue qui me parut un peu trop long. Puis je repoussai quelques mèches derrière mes oreilles pour me dégager la vue.
— Rey... Si tu veux, je peux juste être ton ami. Un ami avec qui tu pourras te confier et qui ne t'abandonnera pas, peu importe tes états d'âme, peu importe tes doutes... Parce qu'on sait très bien tous les deux ce qu'est la solitude et de se sentir terriblement incompris. Je pourrais accepter de partir de ta vie, mais j'ai pas envie que ce soit parce que ta peur de l'abandon prendrait le dessus et que tu te trouves n'importe quelle justification pour atténuer mon départ...
Soudainement, j'avais presque envie de le frapper ou de lui demander de se taire, mais je me retins, parce que c'était complètement stupide et immature comme réaction. Et puis, je devais reconnaître qu'il avait raison. Malheureusement.
Alors je fermai mes yeux et éclatai en larmes. Il me prit délicatement dans ses bras et me caressa doucement le dos d'une main. Je laissai aller mes pleurs pendant de longues secondes, ne retenant même plus quelques sanglots bruyants.
— Ça va aller Rey... Ça va aller, me répéta-t-il dans un murmure.
— Pourquoi tu me laisses pas tomber ? demandai-je, la gorge nouée.
— Parce que c'est déjà trop tard pour moi... Parce que je me suis trop attaché à toi pour continuer de vivre dans le déni.
Je me détachai de son emprise et le regardai malgré ma vision brouillée par les larmes.
— J'en sais rien de mes sentiments par rapport à toi, lâchai-je entre quelques sanglots. Comment tu peux savoir que tu m'aimes ?
— Je suppose que c'est ça. Je ne suis pas sûr non plus. Je n'ai jamais été amoureux... Mais j'ai envie d'être proche de toi Rey, de te connaître, de te prendre dans mes bras, je veux que tu sois heureuse et je me rends compte que ton absence m'attriste quelques fois... Et j'ai jamais eu ça pour personne. Sauf toi.
— C'est pas comme ça que les gens définissent l'amour, le contredis-je d'une faible voix.
— Mais on s'en fout de ce que disent les autres gens ! s'emporta-t-il légèrement. On peut donner notre propre vision des choses au monde !
Il me tendit sa main.
— Rey... Viens qu'on discute chez moi, qu'on mette les choses au clair... Je pense pas que tu sois d'état pour une soirée un peu trop alcoolisée.
— Non... Je ne veux pas qu'ils se posent des questions.
— Tu t'accroches encore trop à l'avis des autres ! Il faut que tu lâches prise !
Je détournai mon regard un instant et j'aperçus Finn qui venait de sortir du bar. Il y avait une étrange expression qui mêlait la peur et la colère. Il s'approcha alors d'un pas déterminé vers nous.
— Je vais vraiment avoir besoin d'explications cette fois-ci, annonça-t-il, l'air grave.
Puis il se tourna vers Ben, les sourcils d'autant plus froncés :
— Surtout parce que j'ai juste l'impression que tu es un enfoiré qui ne fait que faire pleurer mon amie !
— Finn, ce ne sont pas tes affaires. Laisse-nous gérer ça entre nous.
— Non, j'en ai marre de rester sur le côté, de ne rien dire et de juste voir Rey dans ce genre d'état !
— Il a raison, répliquai-je d'une faible voix.
— Pardon ? Est-ce que t'es au moins au courant des saloperies qu'il fait à son travail ?
Ben leva les yeux au ciel en soupirant, ça se voyait qu'il n'avait même pas envie de prendre la peine de lui répondre. Finn reprit alors de plus belle son discours :
— Visiblement, il essaie encore de te le cacher, mais pendant que nous, on essaie de protéger les gens, d'effacer leurs traces sur internet. Lui, il l'exploite totalement. T'as dû retrouver combien d'adresses de personne pour les refiler à leurs ex abusifs ?
— Ce n'est pas arrivé autant de fois que tu le crois, riposta le concerné.
— Mais c'est tout de même arrivé ! C'était des personnes qui avaient tout fait pour changer de domicile et ne plus retomber sur des connards comme ça, et tout ça, ça a été foutu en l'air, par ton travail. Parce que tu n'as aucune éthique et tu as accepté l'argent de ces enfoirés !
— Finn, tu n'as pas travaillé sur ces cas, alors tu ferais mieux de te taire. Tu n'as qu'entendu des bruits de couloirs !
— N'essaie pas de discréditer mes propos ! l'interdit aussitôt Finn.
Je me tournai vers Ben, probablement avec la pire mine du monde. En même temps, j'enchaînais les mésaventures ce soir.
— C'est pour ça que tu me disais rien ? m'enquis-je en tentant de garder une voix un minimum décente. Parce que nos entreprises avaient des intérêts contraires ? Parce que tu travailles dans tout ce contre je me bats ?
— C'est plus compliqué que tu ne le crois... Si tu veux, je peux t'expliquer en détail, mais chez moi.
— Non ! Je vais pas te suivre chez toi ! refusai-je en reculant d'un pas. Il est hors de question que je t'entende défendre des connards juste parce que c'est ton travail !
Ben évita alors mon regard pour se tourner vers Finn. Ce dernier semblait prendre un peu de plaisir dans cette situation tandis que ça me foutait juste complètement mal.
Puis le regard de Ben revint vers moi. Il lâcha un bref soupir, empreint d'une légère pointe de dédain, puis lança d'un air nonchalant :
— Très bien, je m'en vais. Mais j'espère que tu sauras expliquer à Finn, qui a visiblement un gros crush sur toi depuis un bon bout de temps, qu'il est probablement une des raisons qui t'a poussé à te lancer dans un faux couple.
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