Le self. Un endroit de repos, où il n'y a strictement aucun prof pour vous signalez que manger deux pains c'est mauvais. Non, ici c'est un lieu spécialement conçu pour s'amuser, ou manger, lorsque vous n'avez plus d'idée pour vous occuper. Bon, bien sûr, il faut passer par la file, qui mesure trois cent mètres de long... Bon. Il y a aussi quelques tricheurs qui ont un petit autocollant (que leur père a dut payé une fortune) vert qui leur permet de passer prioritaire. Rien que d'écrire ce mot me fais frissonner. Je ne l'employais qu'au collège, à présent, c'est un mythe de doubler la foule...

Gwen mangeait tous les jours avec moi. Avec Maïa et Lilly quelques fois. Ce n'est pas qu'elles étaient... envahissantes, mais presque. Il fallait qu'à chaque fois où je voulais parler de quelque chose de sérieux à Gwen, elles déboulaient avec leurs plateaux chargés de nourriture. Elle avaient une voix forte aussi. Très forte. Vous savez, celle que vous ne supportez pas en début d'année, mais après ça passe.

Les sujets abordés à table ne m'intéressaient que très rarement et je ne faisais presque jamais d'intervention (de peur que Lilly me reproche encore de la couper). Gwen était le centre de la conversation et ça ne me gênais presque pas, mais endurer tous les jours des "Mais Gwen, t'es trop intelligente", "Gwen, t'es super forte en sport", "Gwen, j'adore trop comment t'es habillée", "Gwen, t'es super mince !".

Toutes les phrases commençant pas "Gwen" ont très vite commencées à m'horrifier. C'était perturbant la façon dont Lilly et Maïa avaient une fixation sur elle... et tous les autres gens de la classe par ailleurs...!

Le drame est arrivé ce midi. Juste avant le repas.

J'étais là, à endurer la file pendant que Gwen s'amusait avec Lilly, je ne sais plus si elles parlaient vraiment de choses intéressantes, mais ça m'aurais étonné. En retrait, j'ai très vite remarqué les cheveux bruns et frisés d'Azalée et l'illustre veste bleue de Maury. Ces filles sont en première, notre rencontre s'est déroulée au club journal, pendant que je peinais à faire tenir ma fiction en quatre pages maximum.

Je tapote l'épaule d'Azalée, qui se retourne d'un seul coup.

-Isabella ! s'écrie-t-elle aussitôt.

Maury se retourne à son tour et esquisse un sourire, dévoilant ainsi son appareil dentaire.

-On mange ensemble ? propose Maury en tenant fermement sa carte de self bleu turquoise.

J'hoche la tête et souris sincèrement.

-Une seconde, je préviens les filles.

Je me faufile vers Gwen et lui adresse un regard.

-Je mange avec des amies du club journal, mangez sans moi, OK ?

Elle semble déçue, mais après tout, c'est pas ma présence qui va lui manquer : mon absence n'avait pas l'air de la déranger plus que ça.

Le surveillant (cheveux teint blonds platines et longs) nous fais passer. Je jette un dernier coup d'oeil à mes "amies". Elles s'amusent comme des petites sixièmes à se bousculer.

-Alors, commence Maury, ça va ?

-Ouais et toi ?

Elle se lance dans un monologue plutôt intéressant sur son cours de théâtre qui a mal tourné la semaine dernière.

J'éclate de rire aux remarques d'Azalée et indique à Sonia qu'elle peut s'asseoir avec nous. Elle est timide, mais je l'invite du regard à parler avec nous.

La paella à soudain un goût amer lorsque j'aperçois Gwen entourée des gens de ma classe... Qu'est ce que je disais lorsque Jalousie m'empoisonne l'intérieur ?

Je me lève remplir les deux carafes avec Maury. Je serre tellement la hanse que mes articulations en devinrent blanches. La Gwen timide me manquait horriblement...

-ça va ? me demande Maury, inquiète.

-Oui, oui, t'en fais pas, c'est à propos de ce que je t'ai dis avec Gwen, elle à juste un peu changé.

Je souris faiblement, et, à mon plus grand bonheur, Maury ne fait pas de commentaires.

Sauf que je ne me doutais pas qu'un seul repas allait me coûter toutes mes "amies"...