5; "la pression ça stimule".
"oh ophelia, t'es dans mes pensées, comme une drogue"
ophelia - the lumineers.
LA PORTE d'entrée grinça. Nous les entendîmes se saluer, s'échanger les dernières nouvelles. Georgia semblait sur le point de ronger ses ongles et même ses phalanges s'ils n'allaient pas plus vite.
Et puis, finalement, Olive lui proposa d'aller se poser dans sa chambre.
Lorsqu'Arnaud passa la tête à l'intérieur, nous sortîmes toutes de notre cachette en hurlant "surprise!", à l'exception de Marion qui rampait de sous le lit pour se sortir de son pétrin.
Je vis Arnaud, les yeux écarquillés, qui ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Georgia lui sauter au cou, toute heureuse, et le sourire naissant sur le visage de ce dernier.
"Tu t'y attendais pas, hein ? s'exclama la rousse en renforçant son étreinte.
- Du tout."
Marion évita ses habituelles railleries et se contenta de rejoindre l'accolade. Finalement, ce fut un câlin groupé qui me réchauffa le coeur. J'avais l'impression d'appartenir à quelque chose, un truc à moi, un truc que j'aurais décidé.
"Mais du coup, on fait pas de répèt ? demanda Arnaud, perplexe.
- Si tu veux ! répondit Georgia du tac au tac. J'aimerais bien te voir jouer !"
Arnaud grimaça automatiquement, grattant sa nuque. Olive haussa les épaules.
"J'sais pas trop si ça va te plaire..."
Georgia écoutait assez peu de musique : c'était assez étonnant. Nous avions chacun notre propre rapport à la musique. Olive aimait découvrir des nouvelles choses, avait un répertoire impressionnant et s'y connaissait énormément. Je la voyais même travailler là dedans plus tard, si elle abandonnait cette flemme.
Marion écoutait beaucoup de chanteuses américaines, pas mal de rap, histoire de se booster continuellement, de se rappeler ce qu'elle valait. Mathilde, elle, écoutait tout comme si elle était une héroïne de film. Elle classait ses playlists par ambiance et selon ce qu'elle ressentait, elle lançait une playlist.
Arnaud n'aimait pas le silence. Il avait toujours besoin d'une musique de fond, pour travailler, pour se rappeler, pour réfléchir. Et moi, j'avais peur du silence.
Georgia attachait énormément de souvenirs aux choses, et ça allait de même avec la musique. C'est pourquoi elle n'en écoutait pas vraiment.
"C'est pas grave, vous pouvez toujours jouer. Ca me ferait plaisir, assura-t-elle."
Arnaud sortit alors chercher sa guitare. C'était la première fois que je les voyais jouer : j'avais entendu deux-trois grattes çà et là, je savais que les parents d'Olive, eux aussi très portés musique, avaient entreposés beaucoup d'instruments dans leur bureau. Je savais aussi qu'Olive se débrouillait franchement pas mal au piano, qu'elle avait une jolie voix, assez grave, et qu'elle chantait juste.
"Vous attendez pas à du grand art, prévint Olive en s'affalant sur son lit.
- Ce sera toujours mieux que ce que je peux faire, commenta Mathilde.
- Tu sais quoi louloute, t'es bienvenue dans le groupe. J'peux t'apprendre à jouer du clavier, tu dois savoir quoi faire de tes doigts.
- Euh...oui pourquoi pas..."
Olive répondit d'un rire franc et Arnaud entra dans la pièce, sa guitare sur le dos. Il se débarrassa de ses chaussures craquelées, cala la guitare sur ses jambes et s'accorda avec Olive d'un regard.
Puis, d'un geste souple, le garçon commença à gratter les cordes. Je ne connaissais pas la chanson, pas plus que Georgia et Marion. Un léger sourire flottait sur les lèvres de Mathilde.
Le rythme était doux, entraînant. Je me pris à tapoter mes doigts contre mes cuisses, marquant le rythme. Mathilde dodelinait de la tête. La voix d'Olive s'éleva, racontant cette histoire qui n'était pas la sienne mais qu'elle s'était appropriée.
"Oh, Ophelia, heaven help a fool who falls in love."
Arnaud, la voix tamisée, chantait très bas, comme un murmure, si bien qu'on ne savait pas trop si on l'entendait.
Georgia, le sourire ému, ne le lâchait pas des yeux.
Le moment était hors du temps. Il y avait quelques maladresses dans le jeu d'Arnaud, mais la musique nous portait et j'avais envie de danser avec le monde entier, j'avais ce sentiment de joie qui m'explosait en plein coeur.
Marion entama un battement de main régulier, que tout le groupe suivit. Olive continuait de chanter l'amour qu'elle portait, pas à Ophelia mais à ce qui y ressemblait le plus.
La chanson se finit sur un flottement. Marion applaudit à tout rompre, suivie par Mathilde puis par moi. Georgia avait les yeux brillants. Je la savais très émotive, mais sa sensibilité me surprenait chaque jour.
"Faut vraiment que vous pensiez à la chaîne Youtube, lança Marion. C'était vraiment chouette.
- J'ai pas envie que ça devienne une corvée, rétorqua Olive. Se mettre de la pression, tout ça, ça m'intéresse pas.
- La pression, ça stimule, riposta Mathilde, le regard brillant."
Olive leva les yeux vers ma copine, l'air frappée d'un éclair de génie.
"On ouvre une chaîne si tu te joins à notre groupe, l'encouragea-t-elle.
- Mais je sais pas jouer, bégaya Mathilde qui ne s'y attendait pas.
- T'apprendras vite. La pression ça stimule, ricana Olive."
Mathilde semblait paniquée à l'idée de devoir jouer devant un auditoire aléatoire avec libre accès aux insultes.
"En parlant de pression, c'est quand qu'on la boit ? interrogea Marion.
- C'était vraiment super beauf, remarqua Georgia avec un rire gras."
Marion lui répondit d'un clin d'oeil complice assez agréable à voir étant donné que les deux se chamaillaient constamment.
"Mais t'as bien raison, à boire !"
Les deux filles s'en allèrent bras dessus bras dessous, riant à gorge déployée comme deux adolescentes qui venaient d'acheter leur premier gloss.
Finalement, tout le monde se dirigea vers la petite cuisine de chez Olive. Comme à chaque fois, Georgia regardait les trombines imprimées sur le frigo, les nouvelles annotations. Elle se saisit d'un stylo bille et inscrit "bisous les Rigaud" qu'elle surplomba d'un petit coeur appliqué.
C'est ça qui était fascinant avec Georgia. Elle ne savait jamais vraiment où s'arrêtait la frontière de l'excentrique et du déplacé.
"Louloute, qu'est-ce que tu veux à boire ? s'exclama joyeusement Olive qui sortait ses acquisitions.
- Moi ? fit Mathilde après un temps d'hésitation.
- Bin, oui, toi, Louloute."
Elle ne semblait toujours pas habituée au fait d'être pleinement intégrée dans ma bande d'amis.
"Du Soho, s'il te plaît...indiqua timidement ma copine en pointant la liqueur de litchi du doigt."
Olive lui en servit, diluant le tout dans du soda premier prix. Je l'imitais et tout le monde s'éclipsa sur la terrasse pour profiter des derniers rayons du soleil.
Georgia et Olive s'étaient éloignées du groupe pour fumer leur cigarette sans nous mettre de la fumée plein le visage.
"Alors, ça fait quoi, d'avoir dix-huit ans ? demanda Marion, taquine.
- T'as dix-huit ans depuis trois mois, tu sais ce que c'est.
- Fallait bien que quelqu'un te pose la question."
Elle but une lampée de sa bière avant d'ajouter :
"Mais flattée que tu te sois souvenu de mon anniversaire.
- Eh, je suis pas si nul !
- Ah ouais ? Donne les dates, s'amusa Marion."
Arnaud pointa l'index sur la jeune fille.
"Toi, deux avril. Sido...vingt-deux avril ?
- Vingt-cing, le corrigeais-je.
- Et toi... euh... je crois qu'on en a jamais parlé, grogna Arnaud, embarrassé, devant une Mathilde qui l'était tout autant.
- Quatorze septembre, lui indiqua la brune.
- C'est la petite dernière ! s'exclama Marion."
Mathilde répondit d'un petit rire gêné et trempa ses lèvres dans le liquide pétillant.
L'air frais de l'été nous balayait le visage. Je les regardais tous un à un. Marion et sa cascade de cheveux frisés qu'elle réussissait à dompter en queue de cheval, en train de discuter. Arnaud et ses chaussures tâchées, toujours pas un poil sur le menton : on lui donnait plus seize que dix-huit. Et puis Mathilde.
Je tournais mon regard, le laissant peser sur Olive. Notre amie, une clope coincée entre les lèvres, était occupée à refaire les lacets. C'était la seule personne que j'avais jamais vu faire ça. Le filtre pincé dans sa bouche, la fumée qu'elle crachait sur le côté.
Georgia avait un jour essayé après quelques shots de vodka. Elle s'était étranglée avec sa fumée et avait craché pendant cinq bonnes minutes, jusqu'à en pleurer. En voyant les coulées de liner sous ses yeux, elle avait promis de ne jamais le refaire.
La soirée continua, les verres descendaient vite et se remplissaient plus vite encore. Olive insista pour faire un blind test. Evidemment, vu qu'elle connaissait tout sur tout, elle avait gagné, ce qui eut le mérite de faire bouder Marion. Arnaud lui rendit le sourire en lui offrant la dernière bière rouge. Il n'aimait pas le conflit.
Mathilde et Olive s'étaient installées sur le balcon. Elles discutaient depuis une bonne heure lorsque Georgia isola Arnaud pour lui offrir un cadeau.
"Je suis pudique, j'ai pas envie que vous le voyiez, se justifia-t-elle devant le regard pesant de Marion."
Mon amie et moi roulâmes des yeux en même temps, sous le regard vexé de Georgia.
"C'est toi et moi, alors, constata Marion, confortablement installée sur le fauteuil."
Je me sentais mal à l'aise. Pas que je détestais Marion, loin de là. Mais je n'avais pas l'habitude de me trouver face à face avec elle, et elle n'avait ni la bienveillance d'Arnaud, ni la maternité d'Olive. Elle était simplement brutale. Un peu comme Georgia.
"Alors, Sido, t'as quoi de beau à me raconter ?"
Je regardais Marion jusque dans le fond de ses yeux marrons, un peu embarrassée. Qu'est-ce que j'avais à raconter à Marion ?
"Mes parents divorcent.
- Ouais, ça je sais. Ca craint.
- Non, ça craint pas vraiment, je crois. Ca va nous faire du bien, à tous. Enfin, à moi en tout cas.
- Pourquoi ?"
Je me redressais, posant les coudes sur mes genoux. Ma tête ne tournait plus aussi bien qu'à l'ordinaire.
"Je verrais moins ma mère. Ca me fera du bien.
- Je savais pas que tu t'entendais pas avec ta mère. Fin, je savais que c'était pas l'amour fou entre vous, mais quand même..."
Alors, prise d'une envie de partager ce que je ressentais, j'expliquais à Marion toute la pression que ma mère m'avait posé sur les épaules, exigeant de moi les meilleures notes, les meilleurs résultats, le sérieux le plus total.
"Eh beh, ma mère est peut-être pas si chiante que ça, en fait, constata Marion."
Elle jeta un regard à Olive et Mathilde, toujours en train de discuter dehors. Olive roulait une énième cigarette.
"Et avec ta gonz ? Ca se passe comment ?
- Plutôt bien, je crois.
- Tu crois beaucoup de choses, Sido, faudrait peut-être que tu sois sûre, un jour."
C'était dit sans méchanceté ni volonté de nuire, pourtant je pris cette remarque comme une attaque directe. Je perdais tout repère et je ne croyais pas, ou plus, je ne savais pas encore très bien, et pourtant Marion se permettait des remarques de ce genre.
Pour quelqu'un qui n'avait ni copain, ni copine, ni famille dysfonctionnelle, je trouvais ça facile à dire.
"Eh, bichette, c'est pas une critique. C'est juste que tu dois être sûre de toi, un peu, des fois. Sinon on fait quoi de toi ? Tu vas pas rester un petit tas de doutes jusqu'au cimetière.
- J'ai bien fait ça pendant dix huit ans.
- Eh bien, je te laisserais pas faire ça un an de plus."
Elle me tendit le petit doigt et je fis de même. Dans la lumière faible des néons, sous l'instrumental du rap de Shay que Marion avait mis en fond, mon amie et moi fîmes une promesse. Je ne savais pas trop laquelle, mais c'était sûrement une que j'avais déjà faite et qui se déclinait.
Georgia nous rejoignit, sortie de je ne savais où.
"Vous parliez de quoi ?
- De sa donzelle, répondit vivement Marion."
Georgia détacha la queue de cheval qui dansait sur ses épaules et me fixa avec intérêt.
"Au fait, Sido, j'voulais te demander un truc.
- Mh?
- Avec Mathilde... vous l'avez fait ou pas ?"
J'étais un peu gênée par sa question. Pas que j'étais mal à l'aise d'en parler devant Georgia ou Marion, simplement que ça ne regardait que Mathilde et moi. Après quelques lourdes secondes, je finis par lui répondre.
"Non.
- Mais... ça fait longtemps, quand même ! Qu'est-ce qui va pas, elle te plaît pas ? Ou c'est parce qu'elle est croyante et qu'elle veut pas avant le mariage ?
- Ecoute, Georgia, répondit vivement Marion, c'est pas parce que tu t'es faite sauter au fond d'une voiture au deuxième date que tout le monde fait comme toi."
Encore une fois, la colère constante que Marion portait envers Georgia fit grincer la rousse. Mais visiblement c'était le seul moyen de la faire taire. Alors était-ce finalement le mauvais choix?
Mais je me sentais mal de voir le joli visage de Georgia se tordre sous les remarques acides de Marion. Chaque fois, ce que notre amie lui disait semblait lui porter un coup au coeur. J'avais peur que celle-ci pense qu'on la déteste.
Georgia avait le chic pour se vexer sur des choses qu'elle pouvait elle même dire.
"C'est moche, Marion. Et tu le sais."
L'ambiance s'était refroidie d'un coup. Georgia semblait encore plus piquée que d'habitude. La moue triste ne quittait pas son visage. Pourtant, je ne savais pas qui défendre. Sa question première ne la regardait pas, et elle n'aurait pas du insister. Juste me laisser tranquille. Je n'avais pas encore couché avec ma copine, ça lui faisait une belle jambe.
Mais est-ce que Marion avait raison de dire quelque chose pareil. Certes, elle ne savait pas la relation étrange que Georgia avait avec le sexe. Elle en était à la fois terrorisée, mais s'offrait toujours très rapidement à un garçon quand ils se côtoyaient.
"Comme ça, ils tiennent à moi." m'avait-elle dit un soir où elle était plutôt triste. Je n'avais quoi su quoi lui répondre, sur le coup. Alors je l'avais serrée dans les bras.
Pendant qu'elle était nichée contre ma poitrine, luttant contre les larmes, une réponse fusa, sans que je puisse la retenir.
"Pourtant, on a pas eu à coucher ensembles pour que je tienne à toi."
Georgia m'avait regardé. Longtemps. Ses yeux bleus s'emplissaient de larmes. Et sa réponse fut déformée par un sanglot bruyant, si bien que je l'entendis à peine.
"Mais toi, c'est qu'une question de temps avant que tu me lâches." avais-je cru entendre.
Même moi, qui connaissait le mieux Georgia ici - Arnaud m'avait confié qu'il ne la connaissait pas tant : elle ne parlait pas vraiment d'elle et pourtant, c'était un des rares sujets qu'elle abordait ; ne savait pas trop pourquoi elle grimaçait comme après avoir croqué dans un grain de poivre.
Mathilde et Olive revinrent finalement. Ce fut Olive qui prit place à mes côtés.
"Bin alors, on a enterré quelqu'un ou quoi ?"
Elle sentait le tabac à plein nez mais semblait être la plus lucide de nous tous.
Alors que les conversations reprenaient timidement, Olive se pencha vers moi et me glissa à l'oreille :
"Sido, je t'aime beaucoup, tu sais, mais fais gaffe, avec Mathilde. Tu passes peut-être une passe difficile, mais tu fais de la merde. Je t'aurais déjà quittée."
Et Mathilde ne me parlait pas. Ne me regardait pas. Elle faisait semblant de s'intéresser à ce que Marion lui racontait.
"T'as de la chance, d'avoir quelqu'un comme elle. Et c'est pas parce que tes parents s'aiment plus que t'as plus le droit d'aimer."
En regardant Mathilde, j'avais l'impression qu'elle était déjà partie. Et elle me manquait, alors qu'elle était ici.
j'écris cette histoire de manière très aléatoire mais je l'aime vraiment beaucoup je dois avouer, j'espère que vous aussi <3.
d'ailleurs est-ce que vous avez un personnage qui vous agace un peu plus, ou un autre que vous préférez? même si pour l'instant je mets doucement le décor en place et que j'essaye de pas me prendre trop la tête dans l'écriture, y'a déjà des caractères qui se dessinent.
bref, bisous et profitez de vos vacances <3
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