Relativisez l'importance du Grand Oral

On en fait tout un foin, de ce grand oral. Franchement, c'est exagéré. Oui, ça compte un peu dans votre bac. Faut pas exagérer non plus, c'est à peine coef 10, sur un total de 100. Et donc en pourcentage, ça représente... ouhlalalalala laissez-moi sortir la calculatrice, 10 au carré multiplié par la racine carrée de 100, divisé par racine carrée de 100, et racine carrée de tout ça... 10%

Vous auriez pas fait comme ça, vous ? On s'en fout, ça marche. Donc 10%. C'est pas énorme. Vous vous représentez pas bien. Imaginez que c'est comme si vous perdiez un de vos doigts. Pas non plus la catastrophe du siècle. Moi j'avais un grand-père qui en avait perdu 3, il s'en sortait très bien. Il arrivait même à tricher à la belote. Alors vraiment, si y a un truc sur lequel vous pouvez vous permettre de rien foutre, même si vous avez pas forcément décidé de pas foirer, c'est bien le grand oral.

En fait, ils ont laissé comme examen final toutes les épreuves où vous pouvez y aller au talent. Regardez la philo. Au talent. Pareil pour le grand oral. Après, quand je dis "au talent", ça veut juste dire que sur un gros malentendu vous avez moyen de taper une note potable, mais c'est loin d'être garanti.

Je vais parler du grand oral, parce que sur la philo j'ai un gros passif et en plus c'est exactement comme avant la réforme. Vous avez des gens qui se cassent le derche à bosser toute l'année, à apprendre des citations, à avoir des références de malade, qui tirent au-dessus de 15 toute l'année, et puis à l'épreuve ça sort un petit 11/20 qu'ils vont garder en travers de la gorge toute leur vie. Et inversement, les petits glandeurs qui ont rien branlé de septembre à juin débarquent en tongs - Ray-Ban, torchent le bidule en une heure et sautent en l'air le jour des résultats quand ils voient de 14/20 en philo. Non vraiment, la philosophie est une science inhumaine.

Mais restons sur le grand oral, plutôt que de ressasser des souvenirs qui devraient rester dans le domaine de la pathologie psychiatrique, au rayon des facteurs de troubles obsessionnels du comportement. Il faut bien que ma thérapie serve à quelque chose. Attendez, il faut que j'aille faire clignoter la lumière du salon pendant dix minutes, sinon des aliens vont kidnapper ma femme. Comme le mois dernier. J'y vais, ça sera pas long.

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(petite musique d'ascenseur)

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Ah voilà, je vous avais dit que j'en avais pas pour longtemps. Qu'est-ce qu'on disait ? Le grand oral. Exactement, merci de me le rappeler. Je vais vous l'expliquer rapidos parce que je dois aller trier tous les spaghettis du paquet par ordre de taille avant le passage du bus de 15h12.

Donc le grand oral est censé se préparer au cours des deux années du cycle Première - Terminale, blabla... Il porte sur les programmes des spécialités choisies par le candidat, oui ça on sait... Le candidat élabore deux questions portant chacune sur une de ses spécialités, ou bien sur les deux, mouiiii... L'évaluation porte sur la capacité du candidat à s'exprimer de façon claire et argumentée sur la question choisie par le jury, ouais c'est ça. Hein ? Qu'est-ce que je fais ? Je relis les instructions officielles, mais bon y a rien de révolutionnaire.  Je vous explique comment ça va se passer en réalité, parce que le monde merveilleux de la théorie c'est bien beau mais ça n'existe que dans le cerveau encore plus torturé que le mien des concepteurs de cette réforme.

En vrai, à partir de mi-mars, vos profs de spé vont vous dire « Bon les pitchounes, ... » Comment ça, vos profs vous appellent pas pitchounes ? Les pioupious ? Même pas, ah bon, ils sont bizarres. Des fois ils vous appellent ... comment ? « Vos gueules » ? Ah, c'est original. Bref, donc mi-mars, ils vous annoncent « Vous avez passé vos épreuves de spé, on a plus rien à faire, donc on va bosser le grand oral. » Cool. Ah faut pas imaginer que vous allez passer deux ans à préparer cette insignifiante épreuve orale qui ne vaut que pour un doigt de votre bac. À partir de ce moment, donc, vous continuez à faire semblant de travailler la matière, tout en réfléchissant à la problématique de votre grand oral. Sauf en maths, où vous continuez à bosser comme des malades parce que le programme est tellement balèze qu'il faudrait trois ans pour le boucler, et que les profs de maths aiment pas tailler dans le programme. Mais revenons au concept le plus problématique de la question; la "probématique". Mais kékécé ?

La problématique est une question que vous vous posez à vous-même, et où vous faites semblant de vous parler à vous-même pour répondre à la question. En gros, vous nous faites un bon vieux dédoublement de la personnalité.

« Hey, Kathia, comment vas-tu par cette journée ensoleillée ? Je me demandais comment les nazis ont justifié l'extermination des juifs auprès de la population allemande. Pourrais-tu éclairer la loupiote de mon iphone ?

— Tu tombes bien, Kathia. Marche un peu avec moi. Cet ensemble te va à ravir, c'est du vrai strass ? Figure-toi qu'en ce temps éloigné... »

Et cætera, et cætera. C'est du latin, ça veut dire Hé t'sais tes rats. Mais cherchez pas.

Vous savez tout sur l'art de la problématique. Le secret, c'est le dédoublement de personnalité. Et si en plus vous faites un plan en oui - non - peut-être, vous allez multiplier les points de vue et finirez peut-être, qui sait, par développer un vrai trouble d'identités. Vous ne serez plus jamais seuls pendant les longues soirées d'hiver. La chance.

Au bout de deux mois et demi d'intense réflexion, malgré les nombreux ateliers ludiques mis en place par votre prof, à base de quiz et autres tours de passe-passe pédagogiques dont seuls ces magiciens de l'éducation on le secret, vous n'aurez évidemment toujours pas trouvé de problématique. Vous irez donc chercher l'inspiration sur internet. Ah quelle riche idée. Là encore, comme devant le catalogue Netflix, vous aurez bien du mal à choisir la question de vos rêves. Encore une ou deux semaines de surf (plus personne dit ça, en vrai) sur les pages de résultats google et les sites de l'Étudiant, vous aurez lu plein d'articles dont le titre commencent par « Les X bonnes raisons de... », mais toujours aucune problématique. Et arrivera le moment de dire au revoir à vos profs. Pour de bon. Et bon débarras. Sauf si vous foirez le bac, bien sûr. Gniark gniark.

Avant que vous ne franchissiez le seuil de la classe, le prof aura à peine le temps de vous hurler : « Pour les problématiques, vous me les envoyez par mail pour que je les valide. » Oui, parce que vos deux questions figurent normalement sur une fiche officielle avec le tampon de votre bahut et la signature de vos deux profs de spé. Sauf que certains profs, et je ne veux par faire de généralité sur cette merveilleuse profession, certains donc n'auront pas forcément l̶e̶ g̶o̶ût̶ la patience de vous lire, et vont se contenter de renvoyer un laconique "validé". Non, laconique c'est pas une allusion sexuelle.

Il est donc possible que certains d'entre vous se présentent devant le jury avec des questions du genre : « Pourquoi les viking on traverser la Tlantique ? », « Quel son les effet du dopage ? », « L'are contreverser aide-til la sociétée a progressée ? » , ou encore « Quels instutitution son indispensable au croissants ? »

Ça fera un effet génial. Vous verrez, tout se passera bien. D'ailleurs, l'entretien qui sert à vérifier si ce que vous avez baragouiné est juste du courant d'air dure à peine dix minutes. C'est pas long. Enfin, quand on a des trucs à dire. Ah, et les cinq dernières minutes on vous interrogera sur ce que vous avez prévu de faire après la Terminale. Évitez simplement de dire que vous avez prévu de foirer, et pour le reste je vous renvoie au chapitre sur Parcoursup.

Oh mais vous avez vu l'heure ? On parle, on parle, et il est 15h18. Le bus est passé, et les spaghettis sont toujours pas triés. Maintenant, des choses terribles vont se produire, par votre faute. Je vous laisse partir devant, le temps que je coche une croix sur chaque mur de ma maison avec chaque stylo que j'ai sur mon bureau.

J'arrive. En attendant, vous n'avez qu'à lire le ...