Chapitre 18 BIS
La nervosité crépitait le long des doigts de Minho. La veille avait été une journée riche en émotion : il avait apprit qu'il était accepté à l'école de San Francisco, Seungmin et Hyunjin lui avaient hurlé leur joie au téléphone, et Jisung l'avait noyé de compliment, d'à quel point il était fier de lui. Il s'était senti aimé, choyé plus que jamais...
Et là il se sentait terriblement seul.
Attablé dans un café situé entre l'appartement de Jisung et la maison de ses parents, Minho jouait nerveusement avec l'anse de la tasse de café devant lui. Sa mère lui avait donné rendez-vous ici ce matin pour parler en tête à tête et il ne savait pas à quoi s'attendre. Il avait promis à son petit-ami de rentrer assez tôt pour finir les valises et partir sereinement dans l'après midi chez les parents de ce dernier. Il était encore tôt le matin, Jisung lui avait explicitement demandé de ne pas trop traîner. Il n'avait pas eu la force de dire à son aîné où il allait. Il se serait trop inquiété.
L'avantage d'être dans un lieu public était qu'il ne risquait aucune esclandre. Même si sa mère n'était pas dans son quartier habituel, elle n'allait jamais vouloir s'afficher en publique pour des histoires si personnelles. Le jeune homme consulta son téléphone pour vérifier l'heure : il était légèrement en avance et il avait hâte que tout ça soit terminé. Malgré le brouhaha ambiant, la dizaine de personnes déjà présentes dans le café et l'activité des serveurs, le jeune homme avait la sensation d'être dans une bulle.
Minho sursauta presque en entendant la porte du café s'ouvrir non loin de lui. Son cœur se serra aussitôt dans sa poitrine : il s'agissait de sa mère. Fidèle à elle-même, habillée d'un grand manteau à col revers avec une large ceinture et les cheveux tirés en un chignon impeccable, son regard félin tomba sur lui bien rapidement. Par réflexe, il se redressa sur sa chaise alors que le cliquetis des chaussures à talons résonnait sur le carrelage du café.
« Je ne pensais pas qu'il y aurait tant de monde dans un établissement pareil. » marmonna t-elle en posant son sac à main sur la chaise en face de Minho et en déboutonnant son manteau. « Surtout pour un réveillon du jour de l'an. »
« Tu aurais dû attendre plus longtemps sinon, ce soir je pars fêter le nouvel an assez loin. » répondit le jeune homme, à deux doigts de se mordre la joue pour ne pas baisser les yeux face au regard de sa mère. « C'était plus simple de faire ça tout de suite. »
Après avoir levé les yeux au ciel, sa mère s'installa en face de lui. Minho se sentait comme un enfant de nouveau et ça le perturbait. Il n'aimait pas cette sensation. Il avait réussit à se défaire de son emprise depuis longtemps désormais mais il avait toujours la sensation d'un petit quelque chose qui le retenait. Cette femme restait sa mère, celle qui l'avait élevé même si elle avait été maladroite dans sa façon de faire ou d'agir. C'était ce dont il voulait se convaincre en repensant au message qu'elle lui avait envoyé pour Noël.
Une fois assise, sa mère plongea ses yeux dans les siens et le jeune homme sentit un léger adoucissement de sa part. Elle leva la main pour attirer l'attention du serveur et passa une commande pour elle et reprit un café pour Minho. Ce dernier attendit que le serveur s'éloigne avant de reprendre la parole.
« Comment ça se passe à la maison ? »
« Comme d'habitude. » répondit sa mère en s'adossant à sa chaise. « Ton père fait comme si de rien n'était, il travaille et ne reste pas longtemps que ce soit le matin ou le soir. »
« Je m'en doutais un peu, je n'ai reçu aucun message de sa part depuis... enfin depuis que je suis parti. » reprit le jeune homme, jouant de nouveau avec sa tasse vide. « Il ne doit même pas se poser la question de... »
« Je ne lui ai rien dit. »
Choqué, Minho sentit sa bouche s'entrouvrir à l'entente de la nouvelle. Il ne savait pas ce qui le déroutait plus : le fait que sa mère garde le secret sur la réalité des choses ou que son père se fiche à ce point de lui. Au fond ça le blessait. Il pensait que son père était plus intéressé par la vie de son fils que par son travail.
« C-comment ça tu ne lui as rien dit ? » trouva t-il la force de dire après avoir reprit ses esprits.
« Il ne sait pas que techniquement, tu ne vis plus à la maison. » continua sa mère en soupirant bruyamment. « Il pense que tu passes tout ton temps chez cette fameuse Jisoo. »
« Jisoo n'existe même pas. » rétorqua le jeune homme, confus.
« ça je le sais. »
Minho ne savait pas quoi penser. Il avait un peu mal au cœur et mal à la tête. Pourquoi sa mère admettait si peu en dire à son propre conjoint ? Il savait que les relations entre ses deux parents n'étaient pas au beau fixe, surtout avec le comportement volage de son père... Il fut sorti de ses pensées par le serveur qui déposa leur commande sur la table. Sans hésiter, sa mère régla l'addition immédiatement avant de laisser pour une fois craqueler son masque d'indifférence.
« Je connais ton père, mieux que tu ne l'imagines. » reprit-elle, les yeux cette fois-ci rivés sur son café fumant. « Il est très arrêté sur énormément de chose et je n'ai pas envie que ça détruise davantage le semblant de famille que nous sommes. »
« Tu es malheureuse avec lui. » répondit Minho, la bouche pâteuse à cause de ses nausées. « Tu subis tout ça sans broncher, pourquoi ? »
« On a toujours été comme ça chez les Kang. Ma mère avait toujours accepté les déboires de mon père, parce que c'était pour l'honneur de la famille. »
« C'est tellement archaïque. » rétorqua le jeune homme. « C'est stupide. »
Il ne voulait pas être si buté mais la situation ne l'aidait en rien. Sa mère avait fait un effort en venant ici pour lui parler, lui aussi devait faire en sorte de leur entretien se passe bien. Et pourtant, cette femme subissait des bêtises au sein de son propre foyer... ça le dégoûtait.
« Ton père serait fou d'apprendre que tu es avec un homme. » reprit sa mère, les lèvres pincées. « Encore plus s'il voyait l'écart d'âge que vous avez. »
« Jisung n'est pas si âgé que ça. » répondit-il, soudain plus nerveux à l'idée d'évoquer une chose pareille. Il n'avait pas envie de mettre sur le tapis que Jisung avait été son professeur. Sa mère ne semblait pas le savoir et tant mieux.
« Qu'importe, il n'arriverait pas à assimiler ce genre d'information. » rétorqua la femme en face de lui. « Il... Il te dirait des choses affreuses que je n'ai pas envie que tu entendes. »
Le jeune homme imaginait bien de quoi pouvait parler sa mère, mais il n'avait aucune envie de vérifier si c'était vrai ou pas. Les tensions familiales existaient, c'était certain. Mais il redoutait que son père puisse dire des choses bien pires. Et sa mère qui tentait de le protéger... maladroitement certes, mais elle le faisait.
« Et toi qu'est ce que tu en dis ? » demanda t-il, timidement.
La question semblait surprendre sa mère car malgré la chirurgie qu'elle pratiquait régulièrement pour lisser ses traits, il voulait très clairement de la surprise dans son expression. Lorsqu'il voyait ses yeux, il avait parfois l'impression de se voir dans un miroir.
« J'ai été choqué. A quoi tu t'attendais au juste ? » lança sa mère d'un air pincé. « Ce n'est pas vraiment quelque chose que tu m'aurais fait comprendre autrement, c'était juste... Inattendu. »
« Je ne voulais pas le dire de base. » rétorqua le jeune homme. « Si ce n'était pas sérieux avec Jisung, je n'en aurais probablement jamais parlé. »
Et c'était vrai. Vu la situation dans laquelle il s'était trouvé, à alterner de vivre chez Hyunjin et Seungmin et chez ses parents, si avec Jisung ce n'était pas une histoire profondément sérieuse, il n'aurait jamais craqué. C'était trop compliqué : il pensait sincèrement que les deux seraient opposés à cette histoire. Il était d'ailleurs très surpris de voir que sa mère abordait le sujet sans se mettre à hausser le ton.
« Il se comporte bien avec toi ? » demanda t-elle même au bout de quelques secondes de silence entre eux.
« Oui, c'est vraiment du sérieux avec Jisung. » répondit-il en glissant ses doigts glacés autour de sa tasse. « Il me soutient et m'a beaucoup aidé dans ce que je voulais faire. »
« Et qu'est ce que tu voulais faire ? »
Elle connaissait la réponse, Minho le savait bien. Mais devant lui se trouvait une femme blessée. Par la vie, son mari et par lui désormais. Même si ce n'était que par un retour de bâton du comportement qu'elle avait eu avec lui au fil de son adolescence et de sa vie de jeune adulte, il avait conscience de l'avoir blessé.
« Partir. » déclara t-il d'une voix plus petite qu'il ne l'aura voulu. « Faire les études que je veux, où je veux et sans me poser de limite. »
« L'école que tu veux est à l'étranger, je l'ai vu sur la brochure que j'ai trouvé dans ta chambre. » rétorqua sa mère, l'air moins sûre d'elle. « Je ne suis pas certaine de ton niveau en anglais et ça doit coûter une fortune. Tout ça pour quoi ? Danser ? »
« C'est mon rêve et tu n'as jamais voulu le comprendre. » répondit Minho le plus calmement possible. « Et vous n'avez jamais voulu estimer que c'était une possibilité. Jisung m'a simplement aidé à améliorer mon anglais et m'a poussé à postuler pour que je réalise ce rêve, parce que lui croit en moi. »
La réflexion n'était pas subtile, au grand contraire mais au fond que pouvait-il perdre ? Son rêve allait se réaliser. Il allait pouvoir partir dans l'école qu'il voulait. Lorsqu'il l'avait apprit, la joie avait fondu dans sa poitrine. Il allait approfondir ses connaissances grâce à des professeurs incroyables, dans un autre pays, c'était simplement ce dont il rêvait depuis des années. C'était effrayant bien sûr. Jamais il n'aurait pensé encore plusieurs mois à l'avance que toute cette histoire serait possible ? Il devait tout à Jisung.
La perspective de cet avenir le tétanisait de peur. Il avait hâte et il redoutait en même temps. Étrangement ce n'était ni la crainte de ne pas être à la hauteur ou de changer de pays qu'il redoutait le plus, mais c'était devoir se passer de Jisung si ce dernier décidait de rester en Corée. Les mois seraient longs. Ne pas voir grandir Soonyeon lui déchirerait le cœur. Mais il était prêt : il était capable d'affronter toutes les épreuves et respecter le travail de Jisung. Son compagnon avait tout fait pour le propulser dans l'avenir de ses rêves, c'était désormais à lui d'en assurer la suite.
Minho ne pouvait que contempler la façon dont sa mère réagissait. Un éclair de tristesse passa dans le creux de ses yeux, peut-être mise en porte à faux avec cette accusation. Il ne lui en voulait même pas. L'éducation de sa mère était ancrée dans des comportements archaïques et vieux de plus de trente ans, le monde avait changé depuis.
« Qu'est ce que tu veux dire par là ? » murmura t-elle à peine assez fort pour couvrir le bruit des conversations autour d'eux.
« Que je suis pris à San Francisco. » répondit-il, la gorge serrée. « Je vais partir pour la prochaine rentrée, et j'ai déjà de quoi financer avec les aides de l'université. »
Sa mère semblait réellement prise au dépourvu par la nouvelle. Elle qui restait si composée, si froide même le plus souvent, elle avait l'air réellement affectée par ce qu'il disait. Minho sentit une pointe dans son cœur : il ne voulait pas la blesser davantage ni même être sadique avec elle. Voir un enfant partir si loin devait être difficile. Mais le jeune homme essayait de se rassurer comme il le pouvait : il faisait quelque chose de juste. C'était son avenir, sa future carrière : il avait le droit de faire ce qu'il voulait.
Toujours était-il que ça lui faisait de la peine de voir sa mère perdue comme ça. Elle l'observait avec un air profondément peinée, comme si elle ne comprenait pas réellement les implications à venir au cours des prochains mois. Elle n'allait pas le voir pendant longtemps. Très longtemps.
« Tu vas partir à San Francisco. » lança t-elle, les yeux rivés sur lui. « M-mais, et tout ce que tu as ici ? Tes amis ? Ce... ce Jisung ? »
« Rien n'est encore décidé sur la suite. Hyunjin et Seungmin se contenteront de m'avoir en ligne quand je pourrais et... »
Et il ne savait pas pour Jisung.
La veille, en rentrant de chez la course avec Yongbok, son compagnon lui avait semblé bien heureux. Il était apaisé, pendant toute la soirée cuisine il avait été particulièrement de bonne humeur, joyeux, caressait les cheveux de Soonyeon et venait embrasser le coin de ses lèvres dès que celle ci ne les regardait pas. Il l'avait longuement câliné dans le canapé, comme s'il avait trouvé la paix dans un chantier qui l'agitait depuis bien trop longtemps.
« Je ne sais pas encore pour Jisung. Il a déjà beaucoup de choses ici, je ne sais pas s'il acceptera de me suivre ou si nous continuerons à distance le temps de pouvoir se voir de nouveau. » finit-il par dire, la poitrine déchirée par l'amour qu'il éprouvait à l'égard de son aîné. « Mais il est hors de question dans tous les cas que nous nous séparions. »
Sa mère semblait être perdue. Avec de la chance, elle comprenait peut-être enfin tout ce que Minho essayait de lui faire comprendre depuis des années. Il était majeur, il pouvait faire ce qu'il voulait. Le jeune homme avait du mal à affronter le regard perplexe de sa propre mère. Malgré tout, il espérait recoller un peu les morceaux avant de partir à l'autre bout du monde.
« C'est vraiment sérieux alors ? » demanda t-elle.
« Oui maman, ça l'a toujours été. » répondit Minho. « J'aime les filles, mais aussi les garçons. J'aime la danse et je veux devenir professeur. J'aime Jisung aussi, vraiment plus que tout au monde. »
L'émotion étranglait légèrement sa voix mais le jeune homme finit par sourire. Il était heureux comme il était. Dans un monde idyllique, il aurait suspendu le temps pour toujours vivre aux côtés de Jisung, dans cette douce folie qui les accompagnait depuis qu'ils avaient eu le malheur de se regarder dans les yeux la première fois. Lui avait toujours été attiré par son professeur, ce dernier était encore aveuglé par la mélancolie pour réellement le voir. Mais désormais ils étaient ensemble, et surtout indestructibles. Il en était certain.
« Très bien. » soupira sa mère avant de soulever sa tasse pour boire son café froid. Minho ne s'était attendu à aucune réaction spéciale, et il avait eu raison.
Il comprenait pourquoi néanmoins. Même si en public, sa mère n'avait aucune envie d'afficher leur situation au monde entier, il savait très bien que ses pensées se livraient une guerre sans merci dans sa tête. Minho pouvait presque l'entendre penser. Le jeune homme préféra ne rien dire, se laissant tomber dans un silence inconfortable avant de finir son café à son tour. Il fut surpris en voyant sa mère se lever avant même qu'il ne repose sa tasse pour enfiler son manteau d'un geste ample.
« Préviens moi quand tu partiras. » déclara t-elle d'un ton qui se voulait autoritaire mais que Minho semblait sentir faiblir. « Et... Tu peux toujours venir à la maison si tu le souhaites. »
Sans attendre sa réponse, sa mère attrapa son sac à main et fit volte-face pour quitter le café. Le jeune homme était si prit au dépourvu que les mots lui manquaient. Il ne savait pas réellement ce qu'il ressentait : un mélange de joie et de soulagement, mais aussi une légère appréhension. Sa mère lui en voulait probablement, mais elle avait réussi à mettre de côté sa colère par amour pour lui. Et Minho se sentait touché plus qu'il ne l'aurait jamais imaginé. Il n'avait pas eu le temps de l'embrasser pour la remercier, mais il la verrait certainement avant son départ.
Le jeune homme abandonna la table quelques instants après. Il enfila son manteau et consulta l'heure sur son téléphone portable : il avait encore largement le temps de retourner à l'appartement pour finir de préparer ses affaires avant de partir chez les parents de Jisung. Ça allait être quelques jours fabuleux, il en était certain. Malgré la nervosité, ses beaux-parents semblaient l'apprécier. Avoir toute l'affection de Soonyeon devait jouer énormément. De plus, il s'entendait plutôt bien avec Yongbok et Chan. Ils avaient en effet une génération d'écart, mais le couple était dynamique et très ouvert d'esprit pour son plus grand soulagement.
Il fila hors du café sans demander son reste et prit le chemin de son cocon. Il en avait besoin, après cette confrontation avec sa mère, retrouver la chaleur d'un foyer aimant allait lui faire le plus grand bien. Avec le froid brûlant de la fin de décembre, il se força à se dépêcher à la moindre seconde passée à l'extérieur. Les rues commençaient déjà à se remplir de gens allant dans de la famille pour le nouvel An, et même s'ils avaient réservé leurs billets de trains largement à l'avance, Minho savait qu'ils allaient devoir affronter des hordes de voyageurs sur le chemin.
Après avoir affronté le métro, le jeune homme entra dans l'immeuble où il résidait en compagnie de la famille Han. Il grimpa les escaliers et arriva sur le palier pour entrer dans l'appartement. A l'intérieur, le bruit de la télévision en fond, le ronronnement du four dans la cuisine et une bonne odeur de bougie parfumée formaient une alliance que chérissait Minho. Il referma la porte derrière lui discrètement, mais rapidement il entendit des pas venir vers lui. Soonyeon l'attendait au bout du couloir, un grand sourire aux lèvres.
« Mimho t'es rentré ! » lança t-elle avant de se précipiter sur lui pour avoir un bisou sur le front. A peine l'avait-il fait qu'elle le repoussa comiquement « Brr !! t'as le nez tout froid c'est horrible !! »
« Oooh je vais te faire encore plus de bisous alors !! » s'exclama Minho en essayant d'attraper la petite fille qui se mit à rire et crier avant de foncer dans la cuisine en appelant son père.
« Papaaaa, Mimho il m'embête !! »
Le jeune homme leva les yeux au ciel et enleva son manteau et ses chaussures avant de rejoindre le duo père/fille dans la cuisine. Jisung était entrain de préparer le repas du midi avec les quelques provisions qu'il restait. Aussitôt rentré dans la pièce, le professeur lui décocha le regard le plus doux que Minho pouvait espérer venant de lui. Au creux de sa poitrine, son cœur se mit à battre plus vite. Décidément, Jisung avait toujours cette emprise magique sur lui incroyable.
« Soonyeon, regarde ce pauvre Minho il a l'air d'avoir très froid ! Tu veux bien aller lui chercher le plaid du salon ? » demanda Jisung en se penchant au dessus de sa fille.
En effet, le jeune homme avait froid mais pas à ce point. Cependant, la petite fille sortit de la cuisine sans demander son reste pour se précipiter dans le salon. Le temps qu'elle ne s'éloigne d'eux, Jisung fut sur lui en un instant, venant l'embrasser doucement pour le saluer. Minho frissonna des pieds à la tête au baiser, et ce n'était vraiment pas à cause du froid. Son aîné se décolla de lui avec un sourire aux lèvres : ce fut impossible pour lui de ne pas sourire.
« Ton nez est gelé, elle a raison. » reprit Jisung avec un air énamouré qui faisait fondre Minho. « Tu veux boire quelque chose de chaud ? »
« Non ça va aller merci. » répondit-il, les deux cafés dans son ventre étaient déjà de trop. Ils se décollèrent au même moment où Soonyeon revenait encombrée par le gros plaid du salon.
« Tiens Mimho !! » lança t-elle en essayant de le lui donner pour qu'il se réchauffe.
Minho la remercia avant de s'emmitoufler dans le plaid. Il fallait admettre qu'une fois dans la douceur de la couverture et de son odeur réconfortante, le jeune homme se sentait mieux. Il avait autant envie d'aider Jisung à cuisiner que de retourner dans le lit : le rendez-vous avec sa mère lui avait coûté énormément d'énergie. Soonyeon resta un moment avec eux dans la cuisine à les écouter parler du froid et du monde dans les rues avant de les abandonner pour aller jouer dans sa chambre. A peine sa porte était-elle fermée que Minho sentit de nouveau Jisung s'approcher de lui. Il se fit petit dans les bras de son ancien professeur lorsque ce dernier l'attira à lui. Il n'avait plus froid du tout.
« Il faut partir vers quelle heure ? » demanda le jeune homme en enfouissant son nez dans le cou de son aîné.
« Mhm, vers 14h je pense, le temps de tout ranger et de faire la route on arrivera bien assez tôt. » répondit Jisung, il commença à bercer doucement Minho contre lui. « Tu n'as pas l'air dans ton assiette, quelque chose ne va pas ? »
Le jeune homme hésita quelques secondes. Il avait caché à son compagnon qu'il devait aller voir sa mère. Il n'aimait pas l'idée de ne pas tout lui dire, il le méritait et ça ne changerait en rien la situation. Jisung ne lui aurait jamais demandé d'éviter de voir sa mère. Il n'était en rien contrôlant et le laissait faire ce qu'il voulait. Jamais il ne s'était sentit si bien dans une relation avec quelqu'un.
« J'ai vu ma mère ce matin. » finit-il par dévoiler en s'écartant pour observer l'expression de son aîné. Hormis de la surprise, il n'y voyait rien d'autre. « Elle m'a demandé qu'on puisse se voir à l'extérieur et j'ai accepté. »
« Et... comment ça s'est passé ? De quoi vous avez parlé ? » s'inquiéta aussitôt Jisung. Ses mains étaient ancrées si fort dans ses hanches que Minho en aurait presque soupiré d'aise.
« J'ai parlé de l'école, de toi et d'un peu tout le reste. » expliqua le jeune homme, le cœur battant. « Elle sait que je vais m'en aller bientôt et je ne sais pas trop comment elle l'a prit... »
Il ne pouvait pas forcer sa mère a apprécier ce qu'il faisait et dans le fond il était plutôt heureux d'avoir trouvé la force de le faire. Après la bride qu'il avait eu autour du cou à cause de ses parents, il ne pouvait pas s'empêcher d'être soulagé d'être enfin transparent. Il n'avait jamais aimé mentir mais s'y était senti obligé à de nombreuses reprises pour avoir un semblant de liberté.
« Et comment penses-tu qu'elle l'a prit ? » demanda Jisung l'air sincèrement inquiet.
« Oh et bien... tu as déjà eu à faire à elle, on était en public donc tout s'est bien passé. » ironisa t-il avant de reprendre : « Je suis de mauvaise foi. Elle a été bien plus calme et compréhensive que je ne l'aurais imagé. C'était la première fois qu'elle ne se mettait pas à vouloir donner ses propres directives pour que je suis obéisse. C'était... Bien. »
« C'est rassurant de voir que ta mère a compris que tu ne faisais pas ça pour lui porter du tort. » reprit son aîné, un sourire aux lèvres. « D'ailleurs, j'aimerais qu'on aborde un sujet important tous les deux. »
Minho avait beau être dans les bras de l'homme qu'il aimait, là où il était le plus en sécurité au monde, il ne pouvait pas s'empêcher de sentir un frisson parcourir son échine. Les discussions sérieuses lui donnaient mal au cœur et il craignait vraiment ce que Jisung allait dire. Il espérait simplement que ça ne soit pas un refus de l'accompagner à l'étranger. Son nouvel an serait d'une amertume sans précédent.
« Viens on va s'installer dans le salon ça sera mieux. » continua Jisung avant de se décoller de lui.
Jamais Minho n'avait été victime de crises anxieuses. Ça lui arrivait d'être nerveux certes, comme tout à chacun. Mais sentir un panier de serpents dans son ventre remonter jusque dans sa gorge lui était insupportable. Il laissa ses pieds le guider dans le salon : il avait beau être enroulé dans le plaid que lui avait donné Soonyeon, il était tétanisé de froid désormais.
Il s'installa sur le canapé et son aîné attrapa aussitôt ses mains pour attirer son attention. Minho avait les yeux rivés sur leurs doigts entrecroisés : c'était encore la meilleure chose à faire pour lui. Soutenir le regard de Jisung aurait été très difficile. Il fut d'ailleurs surpris de ne pas entendre son compagnon prendre la parole immédiatement. Au contraire. Patiemment, il attendit qu'il relève la tête. Minho se sentit frémir en croisant son regard, plein de tendresse et de douceur. Rien que pour lui.
« Très bien, il faut que je me lance, n'est ce pas ? » demanda alors Jisung en se mettant à rougir.
« J-je ne sais pas de quoi tu veux parler, je t'avoue que je redoute un peu. »
« Tout va bien se passer, ne t'en fais pas. » lui répondit alors son aîné, ses pouces caressant le dos de ses mains sans discontinuer.
Jisung semblait bien plus confiant que lui, aussi le jeune homme retint son souffle et se promit de ne rien dire pour interrompre son aîné.
« A l'époque nous avons acheté cet appartement avec Jeehee, alors qu'elle venait de tomber enceinte. » commença alors Jisung sans le quitter des yeux. « C'était à un bon endroit pour nous trois : pas trop loin de la crèche et de l'école que nous voulions pour notre enfant, de même que pour nos emplois. C'était vraiment le meilleur endroit possible. Petit, mais confortable. »
Minho ne pouvait qu'approuver. Rarement il s'était senti aussi protégé qu'en vivant ici. L'appartement avait quelque chose de chaleureux et il n'arrivait pas à définir pourquoi. La décoration était somme toute simple, hormis les toiles de Jeehee qui ornaient les murs, mais c'était simplement réconfortant de vivre ici.
« Lorsqu'elle est morte, j'ai passé une période très difficile à tenter de me raccrocher à elle par tous les moyens. Que ce soit via Soonyeon ou encore à travers les possessions. J'ai gardé tous ses tableaux, ses vêtements pendant un certain temps, ses affaires... » continua Jisung, un sourire mélancolique accroché à ses lèvres. Minho aurait aimé le chasser avec un baiser. « Heureusement mon frère et Chan sont venus pour prendre ses vêtements et beaucoup d'autres choses lui appartenant. Ils ont compris que je n'arriverais pas à les enlever et ils les ont déposé auprès de mes anciens beaux-parents. »
Bien que l'histoire déchirait le cœur de Minho, il ne comprenait pas bien pourquoi son aîné l'avait fait s'asseoir pour lui parler de tout ça. Il devait être patient mais il redoutait la moindre phrase.
« Je divague. » reprit-il, sans cesser de sourire. Mais désormais ses yeux étaient illuminés de quelque chose de différent. « Je te l'ai déjà dis. J'ai appris à aimer de nouveau à tes côtés. J'ai compris que ce n'était pas la fatalité et que ça pouvait arriver à n'importe qui. Tu m'as offert une chance de tout recommencer. Et je veux vraiment la saisir pleinement. »
Avant même qu'il puisse esquisser le moindre geste, Jisung l'attira à lui, embrassant ses mains délicatement. Minho sentit son cœur s'emballer. Il voulait y croire. Il voulait sincèrement y croire.
« Je veux redémarrer une nouvelle vie avec toi, à San Francisco. » finit-il par dire, les lèvres caressant encore les phalanges de Minho. « Rien que Soonyeon, toi et moi. Je me sens prêt à sauter le pas et à définitivement tourner la page, et si pour ça il faut partir quelques années à l'étranger pour t'accompagner dans ton rêve alors je le ferais. Et après... »
Minho peinait à croire ce qu'il entendait.
« Advienne que pourra. » conclut Jisung, un sourire cette fois-ci éclatant sur le visage. « On pourra rester là bas, revenir, qu'importe. Tant qu'on est ensemble, rien ne peut nous arriver. J'en suis certain. »
Le jeune homme était tétanisé.
Jisung voulait l'accompagner à l'étranger. Il acceptait de tout quitter ici : famille, logement, confort d'un bon travail, pour se lancer à l'aventure avec lui. Dans quoi il se lançait, ça il n'en avait aucune idée. Mais il allait le faire. Il voulait le faire. Minho sentait sa bouche entrouverte, savait qu'il avait l'air choqué avec ses grands yeux écarquillés et son air surpris. Jisung l'aimait au point de le suivre.
La sensation de se briser face à tant d'amour le laissait coi. Il voulait remercier son compagnon, lui demander s'il était sûr de lui. Mais les mots ne venaient pas. Ils restaient désespérément coincés dans sa gorge et n'arrivaient pas à sortir.
Ce fut alors qu'il comprit pourquoi cet apparemment lui avait toujours semblé si chaleureux et accueillant pour lui. Ce n'était pas sa disposition ou la façon dont il était agencé. C'était simplement la présence de Jisung qui faisait en sorte que cet endroit était devenu son cocon, son lieu de réconfort. Là où se trouvait son aîné était son foyer, que ça soit en Corée ou à San Francisco. Rentrer dans cet apparemment en sentant le dîner se faire dans la cuisine, en entendant les rires de Soonyeon et en voyant le sourire de Jisung : c'était ça, sa vie.
« Tu es certain d-de ça ? » bégaya t-il en observant toujours son amant, la voix faible et fragile. Il se sentait sur le point de se briser.
« Oui, plus que certain même. » répondit Jisung, lui laissant tout le temps dont il avait besoin pour comprendre ce qu'il disait et pour lui laisser le temps de se remettre. « Je ne pourrais pas me passer de toi. Tu es l'homme que j'aime et je veux t'accompagner. »
« Mais... et Soonyeon ? » demanda Minho, l'air concerné. « Est ce que ça lui irait ? »
« On peut toujours lui demander. »
Jisung appela alors sa fille. Minho ne pensait pas qu'il le ferait tout de suite, mais il entendit très clairement l'enfant sortir de sa chambre pour venir les rejoindre. Elle serrait contre elle sa peluche Dori, la même qu'il lui avait offert des mois auparavant sur un coup de tête. Soonyeon semblait surprise et regardait son ancien baby-sitter et son père d'un air perplexe.
« Il se passe quoi ? Mimho t'es tout blanc. » demanda t-elle d'un air perplexe.
« Ma Princesse, viens t'asseoir. » répondit le professeur en relâchant une des mains de Minho pour guider sa fille sur ses genoux. Une fois installée, elle semblait attendre la suite d'un air impatient. « Tu sais, Minho parle de devoir partir faire une école très loin d'ici, c'est pour ça depuis le début que je lui fais des cours en anglais. Tu l'as compris ça ? »
« Oui. » marmonna t-elle en reposant sa tête sur Dori, l'air moins joyeuse. « Mais moi je veux pas que Mimho s'en aille... On est tellement bien tous les trois. »
Minho se sentait fébrile. Il voulait tant cet avenir que ça le rendait muet. Jisung et Soonyeon étaient les deux seules raisons pour lesquelles il accepterait d'abandonner tous ses rêves, mais ils ne semblaient pas l'avoir décidé ainsi.
« Et bien, que dirais-tu de partir avec lui ? » demanda Jisung sans la quitter des yeux. « Tous les trois on changerait de maison, ça serait peut-être difficile tu sais. On ne verrait plus beaucoup Yongbok et Chan, et Grand-Mère et Grand-Père aussi, mais on serait tous les trois ensemble, ailleurs. »
La petite fille semblait confuse. Minho s'en voulait de lui imposer une chose pareille : une enfant n'avait pas à subir ce genre de choix. Elle avait ses oncles qu'elle aimait tant, sa famille, ses amis de l'école, son instructeur... Qui était-il pour briser les habitudes d'une enfant à qui il n'était même pas relié par le sang ?
« Tu veux dire, qu'on irait ailleurs que ici mais tous les trois ? » reprit Soonyeon pour demander confirmation.
« Oui exactement. On irait dans un nouvel appartement, très loin d'ici, mais avec Minho. Est ce que tu as envie d'y aller ? »
Le jeune homme sentait son sang se glacer. Au plus profond de son cœur il espérait que Soonyeon accepte, même si la probabilité était faible. L'inconnu était toujours effrayant, même pour les adultes, alors Minho imaginait bien ce que ça pouvait être pour un enfant. Il ne voulait pas la forcer à faire quelque chose dont elle n'avait pas envie, l'enfant était d'une douceur incomparable, et il n'avait aucune envie d'être pris en grippe pour lui demander un tel sacrifice.
« ça va être long sans voir Oncle Bok et Oncle Chan... Et Grand-Mère et Grand-Père le savent ? » demanda t-elle en observant Minho de ses grands yeux innocents.
« Non, je voulais t'en parler avant. » reprit Jisung. « Tu as toi aussi ton mot à dire. »
« Alors d'accord. »
Encore une fois, la surprise coula dans les veines de Minho. La petite fille avait l'air convaincue sur les genoux de son père. Elle descendit même rapidement de là où elle était sans cesser de serrer contre elle Dori. Le jeune homme était sidéré.
« Tout ce qui compte c'est qu'on soit avec Mimho. » déclara la petite fille très sérieusement. « Et tous les deux vous êtes des amoureux. Tous les moments tous les trois... Y'a que là où on est bien, donc c'est d'accord. »
Désarmante de sincérité, l'enfant offrit un dernier sourire avant de s'éloigner d'elle même pour retourner dans sa chambre. Minho n'y croyait pas. L'homme qu'il aimait était capable de tout abandonner pour lui. L'enfant qu'il aurait aimé considérer comme sa propre fille acceptait de ne plus voir sa famille pour lui. Que pouvait-il demander de plus ? Il était l'homme le plus chanceux au monde.
Alors que la silhouette de Soonyeon disparaissait dans l'encadrement de la porte, Minho tourna naturellement la tête vers son compagnon. Jisung avait les yeux luisants et l'air si amoureux que le jeune homme sentait son ventre se liquéfier. La joie semblait l'étrangler lorsque son aîné prit de nouveau ses mains entièrement entre les siennes.
« Je crois qu'elle a été assez directe. » plaisanta t-il en esquissant un sourire malgré ses yeux embués de larmes. « Si tu acceptes que nous te suivions, alors nous te suivrons. Je veux te laisser ta liberté et... »
« Je le veux !! » s'exclama Minho sans même réfléchir.
Surpris par sa propre véhémence, le jeune homme se mit à rire. Ce fut comme si l'énorme poids qui pesait sur sa poitrine depuis des jours entiers semblait s'être fait balayé par un revers de la main de Jisung. Il voulait de lui, il l'aimait et tenait à faire parti de sa vie. Assez en tout cas pour dire adieu à l'ancienne.
« ça sonnait un peu comme à une réponse de demande en mariage ça. » s'amusa Jisung sans cesser de sourire.
« Déjà monsieur Hannie ? » rétorqua le jeune homme, retrouvant enfin l'usage de la parole. Il se sentait plus libre que jamais. « Tu es certain de ce que tu veux faire Jisung ? »
« Oui plus que tout. » répondit son aîné, ses yeux étaient peut-être embués de larmes mais son sourire était radieux. « Je veux partager ma vie avec toi. »
Minho était à nu désormais. Jamais son cœur n'avait été autant exposé aux émotions d'une autre personne avec qui il se sentait en harmonie. Il dénoua une de ses mains de celle de son aîné pour la poser sur la joue de ce dernier. Son compagnon appuya aussitôt le contact, son adorable sourire en forme de cœur et les lunettes légèrement embuées désarma le jeune homme encore et encore.
« Je n'ai jamais été aussi certain de quelque chose dans ma vie. » murmura t-il, un de ses pouces caressant tendrement la pommette de Jisung. « Tu m'offres l'avenir dont je rêve. »
« C'est un cadeau que je me fais également. » répondit son petit ami. « Reste à mes côtés, et tout ira bien. »
Tout irait bien, c'était pourtant Minho qui s'en berçait depuis des semaines pour se rassurer sur son avenir. Et voilà que Jisung lui murmurait ces quelques mots pour apaiser son âme.
Incapable de lutter, le jeune homme se pencha pour embrasser son aîné tendrement. Ils fondirent ensemble dans leur étreinte, étouffant leurs larmes, leurs promesses et leurs « je t'aime » au milieu de leurs tendres baisers.
Ils ignoraient bien entendu qu'ils étaient observés. Dans l'encadrement de la porte, Soonyeon cachait les yeux de Dori de ses petites mains pour qu'il ne voit pas son père et Minho s'embrasser. Ses yeux brillaient intensément et son immense sourire en disait long. Tout le monde était plus heureux qu'elle ne l'avait jamais imaginé dans ses plus jolis rêves. Et c'était tout ce qui comptait.
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