Chapitre 13 BIS
L'air brûlait ses poumons plus que jamais. Mais il devait courir, courir et encore courir, il devait courir au point où son cœur cesserait de battre dans sa poitrine et peut être qu'à ce moment là, la souffrance disparaîtrait.
Minho avait déjà eu des relations bien entendu. Il avait déjà été en couple avec d'autres personnes et lorsque ça s'était finit, il avait été parfois triste, parfois soulagé. Tout dépendait de la façon dont la séparation s'était faite et dans quel contexte. Mais c'était la première fois qu'une personne le repoussait alors qu'il la savait amoureuse de lui. Jisung voulait le sortir de sa vie pour protéger sa fille, pour protéger son travail, parce qu'il devait se comporter comme un adulte responsable et non pas comme un jeune étudiant inconscient qui cherchait le frisson de l'interdit. Minho ne pouvait pas lui en vouloir. C'était normal.
Alors pourquoi il avait l'impression de crever à ce point ?
En sortant de l'immeuble de son professeur, il s'était mis à courir. Ignorant les regards perplexes des passants et le ballottement désagréable de son sac dans son dos, il avait couru jusqu'à ce que l'air lui donne l'impression que des épées enflammées se plantaient dans sa poitrine. La nuit était déjà tombée depuis longtemps, le froid paralysait le bout de ses doigts mais il n'en avait que faire. Les larmes avaient brûlé ses yeux en naissant, il les avait donc ravalé encore et encore pour ne pas pleurer. Il ne devait pas pleurer.
Minho se sentait vidé. Lui qui s'était sentit si bien, si protégé dans les bras de Jisung, il était désormais seul avec un cœur en morceaux. Pathétique. Ridicule. Les mots tournaient en boucle dans sa tête comme une litanie. Qu'est ce qu'il avait espéré dans le fond ? Les idylles comme celles-ci n'étaient rien de plus que des contes pour enfants, des histoires bercées où l'amour triomphait de tout, en toute circonstance. Que se serait-il passé s'il avait fondu en larmes devant Jisung en le suppliant de le garder ? Est-ce que le professeur l'aurait supplié de rester et de dire que tout allait bien se passer ? L'aurait-il laissé partir ?
A crever. Il l'aimait à en crever et il n'y pouvait rien.
Alors que de la buée épaisse s'échappait de ses lèvres, Minho finit par ralentir. Il avait couru au hasard, sans prêter attention où ses pas le guidait, pour finir dans les allées d'un jardin botanique en plein cœur du centre ville. Comme d'habitude, ses émotions l'avaient fait fuir dans un coin isolé d'autres personnes, pour se retrouver face à lui même. Sur le chemin de terre battue, il n'y avait aucune âme autour de lui. Le vide était aussi écrasant que celui dans sa poitrine. Dans les ténèbres de l'automne, quelques éclairages de sol permettaient de voir les allées qui serpentaient entre les arbres et les massifs vides de toutes fleurs à l'approche de la saison froide.
Minho laissa ses pas le guider à travers le chemin, errant sans but précis. Ses pensées le torturaient inlassablement. Il se sentait trahit par lui-même : c'était une honte. Comment avait-il pu tomber pour Jisung, lui qui voulait simplement s'amuser et passer du bon temps avec son professeur ? Ce n'avait été qu'un jeu, et au final il s'était laissé avoir. Il était tombé, vite et fort, incapable de lutter contre cet homme mélancolique, tendre et doux, qui semblait ne trouver le sourire que lorsqu'il lui chuchotait des mots doux à l'oreille.
La pointe dans son cœur finit par être insupportable. Le jeune homme chercha du regard de quoi s'asseoir : sa respiration était erratique, il prenait de grandes bouffées d'air froid qui lui glaçaient les poumons et faisaient presque siffler sa poitrine. Bientôt, il aperçut un banc non loin de lui dans une courbe et se débarrassa de son sac à dos pour s'affaler dessus.
Il avait froid. Il se sentait seul. Il avait tout gâché.
La culpabilité lui rongeait le cœur. Pourquoi avait-il proposé à Jisung de venir avec lui à ce parc ? Ils auraient pu continuer s'ils n'avaient pas été vus là bas. Ils auraient pu rester à se bercer l'un contre l'autre, à se soutenir, à être là s'ils en avaient envie ou besoin... Jusqu'à son départ.
Minho sentait les larmes de nouveau monter dans ses yeux, alors qu'il était à moitié allongé sur le banc au milieu du jardin botanique. Le regard perdu dans le vague du ciel éclairé par les lumières de la ville, le jeune homme était perdu. Et si ce n'était qu'un mal pour un bien ? De toute façon, il allait être mené un jour ou l'autre à quitter la Corée pour aller faire son école. Il avait juste besoin de réussir son TOEIC. Ses amis le poussaient dans ce sens et ils avaient raison : il devait absolument faire cette école, c'était son rêve, sa voie de sortie, il avait tout fait jusqu'alors pour y arriver. Se séparer de Jisung allait arriver tôt ou tard, il le savait et pourtant avait refusé d'ouvrir les yeux. L'amour l'avait aveuglé.
Le plus douloureux dans toute cette histoire restait encore le fait qu'il sentait que Jisung l'aimait en retour. Ça lui déchirait le cœur. Ils auraient pu être heureux tous les deux. Minho s'en voulait d'être trop jeune et d'avoir de trop grandes ambitions. En étant simplement un étudiant lambda de dernière année, il aurait pu en parler à son professeur, ils auraient pu se rapprocher... Son cœur lui faisait mal : il était incomplet. Jisung était la pièce manquante et il en souffrait terriblement.
Il ne réussit pas à compter les heures passées sur le banc. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il était transis de froid lorsqu'il remit les pieds sur terre. Secoué par les tremblements erratiques de ses mains, le jeune homme ramassa son sac à dos et se décida à rentrer dans le seul refuge qui lui restait : chez Hyunjin et Seungmin.
La mort dans l'âme, il quitta le parc après avoir serpenté longuement à travers les allées plongées dans la nuit. Minho n'osait même pas regarder son téléphone pour connaître l'heure. Si la ville vivait encore tout autour de lui lorsqu'il sortit du parc, il se rendit compte qu'il devait être vraiment tard. Il n'y avait plus beaucoup de femmes dans les rues, il restait quelques bandes de jeunes et des hommes pressés. Rarement il avait traîné dans le coin où il se trouvait, aussi le jeune homme se mit à déambuler au hasard des rues sans réfléchir. C'était sa hantise : il ne voulait pas penser.
Alors ses yeux se perdaient sur les enseignes lumineuses et sur les vitrines décorées. Que ça soit les restaurants ou les magasins de chaussures, tout était fermé à cette heure avancée de la nuit. Un frisson parcouru son corps sans qu'il puisse le contrôler. Son manteau était bien trop fin pour la saison, mais il ne voulait pas retourner chez ses parents pour en récupérer un autre. Depuis sa dispute avec sa mère, l'ambiance était devenue délétère à la maison.
Malgré le retour de son père au domicile familial, sa mère ne semblait avoir rien dit au sujet de sa relation avec un homme. D'ailleurs, elle lui adressait à peine la parole lorsqu'il était dans la maison. Ils se contentaient de s'observer comme des bêtes curieuses, sans rien dire. Son père était si désintéressé par la situation qu'il ne semblait rien avoir remarqué de particulier. Dans le fond, Minho ne comprenait pas pourquoi sa mère n'avait rien dit. Elle qui se mêlait de tout, sans cesse, pour une fois elle semblait avoir voulu garder tout ça pour elle.
Minho lui en voulait presque. Ça aurait été bien plus facile pour lui de prendre ses affaires et de s'en aller sans un regard en arrière s'il s'était fait jeter à la porte.
A la place, il allait encore de temps en temps chez ses parents pour prendre des affaires mais il ne restait plus jamais dîner. Au fond, rien n'allait changer lorsqu'il serait prit pour son école. Ce n'était qu'une suite logique. Il devait se détacher de tout le monde pour réussir.
A force d'errer dans les rues, Minho finit par tomber sur une station de métro. Ses dents claquaient lorsqu'il descendait les escaliers pour repérer dans quel quartier il se trouvait exactement. Les mains enfoncées dans les poches de sa veste, il trouva la ligne pour effectuer sa correspondance et ainsi retourner dans les résidences universitaires.
Le trajet jusque chez Seungmin et Hyunjin se fit dans le néant le plus total. Il n'y avait plus beaucoup de monde à cette heure avancée, où on ne savait plus s'il fallait parler de la nuit ou du petit matin. Minho était resté la tête appuyée contre le dossier de son fauteuil jusqu'à entendre son arrêt et puisa dans ses dernières forces pour sortir de la rame de métro. La nuit était toujours lourde autour de lui lorsqu'il prit le chemin pour rejoindre le logement de ses amis. Il n'allait pas dormir. Mais peut-être aurait il moins froid et c'était déjà ça de gagné.
En poussant la porte de l'appartement, le jeune homme sentit l'air tiède se heurter à ses joues glacées. Le chauffage avait beau être coupé la nuit, il avait tant erré dans les rues qu'il se rendait compte à quel point il était gelé. Son corps tremblait totalement alors qu'il ouvrait la lumière de la pièce, éclairant faiblement le salon et la kitchenette. L'endroit était plus ou moins bien rangé sous ses yeux, l'odeur du repas du soir flottait encore dans l'air et était plus réconfortante qu'il ne l'aurait imaginé. Tétanisé, Minho décida tout de même d'enlever sa veste. Il ne savait même pas quoi faire.
Alors qu'il allait se décider à aller dans la salle de bain pour se doucher et tenter de se réchauffer, la porte de la chambre de Hyunjin s'ouvrit et son ami étudiant l'observa de la tête aux pieds. Il semblait être encore endormi et était enroulé dans un énorme sweat-shirt pour tenter de garder la chaleur autour de lui.
« Minho ? » murmura t-il en fermant la porte de sa chambre derrière lui pour certainement ne pas réveiller Seungmin. « Qu'est ce que tu fous debout à cette heure là ? »
Voir un de ses amis proches alors qu'il était si désespéré secoua plus Minho qu'il ne l'aurait jamais admis. Il ne quittait pas Hyunjin des yeux, incapable de prononcer un seul mot. Il ne ressentait que le vide, que le gel dans sa poitrine. Son ami resta sans bouger quelques secondes avant de finalement s'approcher de lui, l'air sérieux.
« Merde, t'as l'air gelé... » reprit Hyunjin avant d'attraper une de ses mains. La pulpe de ses ongles était presque violette. « Viens, tu dois te réchauffer. »
Minho se laissa faire. Son ami le fit s'asseoir dans le canapé du salon et alluma le chauffage d'appoint pour le mettre à côté de son aîné avant d'aller dans la kitchenette. Muet comme une tombe, l'étudiant resta blottit dans le canapé jusqu'à ce que Hyunjin ne revienne à ses côtés armé d'un mug de thé chaud qu'il glissa dans ses mains avant de s'asseoir à côté de lui. Ç'aurait été méchant de dire que Minho aurait presque préféré avoir Seungmin à ses côtés, le barista comprenait mieux que lui même ses émotions, Hyunjin était souvent plus maladroit mais il avait un bon fond.
« Tu étais où cette nuit ? » demanda son ami en posant une main sur son épaule. A travers le tissu de son haut, Minho sentait la chaleur de sa main alors que lui brûlait les siennes contre la céramique du mug. « Quand on t'a pas vu arriver on s'est dit que tu étais chez Han... »
« C'est fini. » vomit-il sans pouvoir se contenir plus longtemps. Sa voix était enrouée à cause du froid et de sa course effrénée à travers la ville. Malgré la chaleur physique qu'il ressentait il se sentait toujours aussi vide. « C'est fini avec Jisung... »
Ses lèvres étaient gercées à cause de la nuit passée dans le froid glacial et lui faisaient mal lorsqu'il articulait. Rien que de dire que c'était fini avec Jisung, qu'il n'allait pas pouvoir continuer avec lui, de vive voix, lui arracha le cœur. L'impression qu'on lui ouvrait la poitrine en deux était si déstabilisante qu'il faillit renverser le mug sur lui à cause de ses tremblements. A ses côtés, Hyunjin l'observait d'un air peiné.
« Minho... c'est parce qu'il t'a repoussé ? » demanda t-il l'air maladroit.
« N-non !! » répondit l'étudiant, la voix étranglée par sa propre gorge tant il se sentait mal. « Non, on a pas parlé de tout ça, on a parlé de rien, c'est juste... C'est con. On a été vu en public et il a été convoqué par sa direction... »
Le jeune homme vit à peine l'air scandalisé de Hyunjin lorsque ce dernier mit sa main devant sa bouche. Une nouvelle horrible sensation prit Minho à la gorge : la culpabilité. A cause de lui, Jisung avait faillit perdre son emploi. Sans être marié ou en couple, la vie restait chère et son professeur devait garder son emploi pour élever sa fille à tout prix. C'était si compréhensible et il n'y pouvait rien. Son aîné n'avait fait qu'un choix logique : faire passer Soonyeon avant tout et il ne pouvait pas le blâmer pour ça, ç'aurait été injuste.
« Il est viré du coup ? » reprit Hyunjin sans cesser de serrer son épaule fermement.
« Non, non, il veut juste être plus prudent, il doit... enfin c'est normal je peux pas lui en vouloir. C'est juste normal... »
Les larmes venaient toutes seules s'inviter à la conversation. Minho prit une grande inspiration et le résultat fut catastrophique. Il ferma les yeux de toutes ses forces pour s'empêcher de pleurer mais un énorme sanglot l'étrangla et il se mit à tousser à cause de sa gorge sèche. Hyunjin lui retira le mug de ses mains encore froides et s'approcha de lui pour le prendre maladroitement dans ses bras. Minho se montrait si peu faible envers ses cadets que son ami ne semblait même pas savoir quoi faire pour le calmer, tapotant ses cheveux et l'enserrant dans ses bras comme il pouvait alors que l'étudiant commençait à sangloter sans pouvoir s'arrêter. La tête enfoncée dans le sweat-shirt de Hyunjin, Minho se permettait de geindre tout son saoul à cause de la douleur qui broyait ses côtes.
La tête du jeune homme bourdonnait. C'était un bruit de fond, presque trop fort qui emplissait ses oreilles comme une musique stridente. Il voulait que ça s'arrête. Il ne voulait plus penser à rien, ses émotions étaient vides et il ne voyait même pas quelle solution trouver. Même l'idée de pouvoir vivre sa vie sans un regard en arrière lui coûtait. Tout ce qu'il voulait, c'était Jisung. La vie avec Jisung, l'amour avec Jisung, la peine avec Jisung, c'était tout ce qu'il désirait. Sa vie de famille, ses sourires et ses blagues, il voulait s'y noyer jusqu'à ne plus pouvoir respirer.
Un grincement de porte le fit presque sursauter et en relevant la tête, Minho fut surpris de voir Seungmin debout non loin de lui, à l'entrée de sa chambre partagée avec son petit ami. Son cadet semblait être très endormi mais il observa la scène quelques secondes avant de s'approcher d'eux.
« Il y a eu un souci... » commença Hyunjin en observant son petit ami qui hocha la tête d'un air compréhensif. Lorsque Seungmin arriva à leur hauteur, il glissa sa main sur le front de Minho et soupira à peine.
« Tu es gelé, tu dois prendre une douche d'accord ? » lança le jeune homme en attrapant une des mains crispées de son aîné. « Tu penses que tu en es capable ? Je peux t'aider sinon. »
Minho secoua la tête. Il se sentait faible et il savait que Seungmin proposait son aide par pure compassion. Mais il ne voulait pas se sentir humilié à ce point. Il tâcha de reprendre sa respiration et Seungmin fit signe à Hyunjin de l'aider à l'emmener dans la salle de bain. Le barista s'éclipsa dans sa chambre pendant que les deux étudiants allèrent dans la minuscule salle d'eau. Le moindre muscle de Minho lui faisait mal, il était encore tétanisé par le froid au plus profond de lui. Il s'assit maladroitement sur les toilettes en attendant que Seungmin revienne avec un change propre et l'air inquiet qui peignait ses traits.
« On laisse la porte entrouverte. » déclara t-il avant de faire sortir Hyunjin de la salle de bain. « Prends ton temps et appelle nous si tu as besoin, on est là. »
Le jeune homme hocha la tête pour marquer son accord et observa ses amis quitter la pièce non sans un regard inquiet en arrière. Minho savait qu'il devait se réchauffer, il était vraiment tétanisé et une douche chaude lui ferait le plus grand bien. Les mains encore tremblotantes, il enleva avec précaution ses vêtements. Sa peau habituellement tannée était terriblement pâle. L'étudiant se déshabilla entièrement avant de mettre le jet d'eau chaude dans la cabine de douche et s'y glissa.
Son esprit vagabondait. Il essayait de se répéter en boucle que ce ne pouvait être que la suite logique de cette histoire. Même si Jisung l'aimait, auraient-ils réellement trouvé la force d'entretenir une relation à distance pendant tant d'années ? Ses études sur place pouvaient prendre jusqu'à cinq ans, et il se doutait bien que supporter une telle relation était bien trop demander à qui que ce soit. Il se voyait mal partir à l'étranger alors que Soonyeon n'avait que cinq ou six ans pour revenir après des années sans qu'elle ne se souvienne de lui. Tout était voué à l'échec depuis le début. Lui même aurait dû mettre le holà lorsqu'il commençait à se questionner sur ses propres sentiments.
Si son esprit restait désespérément embrouillé, son corps semblait reprendre vie grâce à l'eau chaude. Minho se lava mécaniquement, manquant l'odeur du gel douche qu'utilisait Jisung lorsqu'il se lavait chez lui après avoir fait l'amour. Après s'être rincé, il se glissa dans une serviette de bain qui était étendue sur le radiateur mural que ses amis laissaient toujours de côté pour lui. Il grelottait encore, mais le jeune homme sentait que c'était à cause de la fatigue. Ce n'était pas ses muscles qui restaient désespérément froids, c'était son cœur.
Une fois habillé par les vêtements que lui avait donné Seungmin, Minho sortit de la salle de bain pour tomber sur ses amis assis dans le salon. Tous les deux semblaient plongés dans une conversation sérieuse et s'arrêtèrent en le voyant venir vers eux. Hyunjin semblait vraiment dépité par la situation. Alors qu'il allait présenter des excuses pour les avoir réveillé en pleine nuit, Seungmin le prit de court :
« Tu restes ici aussi longtemps que tu as besoin. » lança t-il en se relevant du canapé. « Hyunjin prendra les cours pour toi. »
« Je n'ai plus de quoi payer quelques courses. » croassa Minho de sa voix éraillée. « Je n'ai plus... »
« On ne peut pas t'empêcher de retourner chez tes parents de temps en temps. » le coupa Hyunjin en se relevant à son tour. « Mais la porte ici est toujours ouverte pour toi, on peut se débrouiller avec Minnie. »
La reconnaissance débordait du cœur de Minho, lui qui avait été si froid et si aride ces dernières heures. Le jeune homme hocha péniblement la tête avant d'inspirer profondément. Il devait relativiser. Tout n'était pas perdu. Bien entendu qu'il mettrait beaucoup de temps à s'en remettre, c'était certain. Mais ses amis étaient là, il n'était pas seul.
« Merci. » bredouilla t-il en se sentant rougir, peu habitué à ce qu'on s'occupe de lui à ce point.
« C'est normal, allez va te mettre au lit. » enchaîna Seungmin en désignant sa chambre du pouce. « Il est encore tôt et tu dois te reposer. »
Après avoir hoché une dernière fois la tête, Minho laissa son couple d'amis rejoindre leur chambre à coucher avant de rejoindre la sienne. Son cœur était désespérément serré dans sa poitrine lorsqu'il ferma la porte derrière lui. En se tournant, il constata que Seungmin avait déposé ses affaires sur son lit ainsi que son sac à dos. Las, le jeune homme sortit son téléphone de sa veste avant de se glisser dans les couvertures.
Il était 4h du matin passé. Épuisé, Minho déverrouilla son téléphone et sentit sa poitrine se serrer. Il contempla la photo de Jisung et de Soonyeon qui lui servait de fond d'écran quelques secondes avant de la remplacer par un fond noir. Il n'avait reçu aucun appel ou message de la part de qui que ce soit et c'était bien mieux ainsi, il en avait conscience. Alors qu'il allait reposer son téléphone, il déglutit péniblement avant d'enlever la coque de protection pour en tirer les photos qu'ils avaient fait au parc Lotte World.
C'était ironique de les voir tous les trois si heureux, entassés dans la cabine pour prendre des photos où ils grimaçaient le plus possible les uns après les autres. Entre deux regards attendris vers sa fille, Jisung semblait absolument extatique. Les yeux rieurs et le sourire en forme de cœur, son professeur semblait ne pas le quitter des yeux au travers de la photo.
Peut-être devait il s'en débarrasser, mais il ne s'en sentait pas le courage. Pas tout de suite du moins. A la place, il remit la bande de photos dans sa coque de protection et posa son téléphone sur la table de chevet avant d'éteindre la lumière.
Minho se sentait vidé. Que ça soit ses émotions ou sa force physique, il avait tant couru cette nuit là qu'il aurait aimé disparaître dans un trou béant. Jamais il n'aurait eu la force de retourner en cours le lendemain, voir même le surlendemain. Heureusement qu'il pouvait compter sur Hyunjin.
Happé par l'épuisement, le jeune homme ouvrit les yeux le lendemain midi après avoir passé un sommeil nourri de cauchemars. Il avait mal dormi, ce n'était pas vraiment une surprise. A cette heure-ci, il aurait volontiers eu faim mais rien d'autre ne lui faisait envie que de se rouler dans la couette où il se trouvait. Il n'aimait pas l'idée d'être un poids pour ses amis. Les sessions pour le TOEIC n'allaient pas tarder, il ne pouvait plus réviser son anglais d'autre manière que seul donc il fallait qu'il travaille dessus. Minho pensait à trop de chose, il en avait conscience. Mais son esprit vagabondait, se disant qu'il pouvait abandonner définitivement la faculté, trouver un petit boulot pour aider ses amis au loyer et surtout en attendant les bourses d'études pour partir faire ses années universitaires à l'étranger. C'était une solution.
Minho soupira avant de finir par se lever. L'appartement était vide à cette heure de la journée, Hyunjin était certainement en cours et Seungmin devait faire son service au Sunshine Club. Le jeune homme décida d'aller aux toilettes et de se laver le visage avant de retourner dans la chambre. Après un énième soupir, il prit son ordinateur portable pour tenter de travailler quelques cours, mais finit par mettre une série quelconque pour s'occuper l'esprit.
Il faillit sursauter au plafond en entendant son portable se mettre à vibrer. L'espace d'un instant, le vide dans sa poitrine fut remplacé par un mince espoir d'y voir un message de Jisung, n'importe quoi. Mais Minho s'en voulu bien rapidement en voyant qu'il s'agissait d'un message de Seungmin qui lui disait qu'il prenait de quoi manger le soir venu.
Le jeune homme n'aimait pas rester sans rien faire, mais il ne se sentait pas la force de sortir pour aller où que ce soit. Ses yeux lui faisaient encore mal à cause de ses crises de larmes de la veille et il se sentait faible. Quand il se sentait mal, il arrivait généralement à trouver la force de danser pour se vider la tête, mais même pour ça l'envie n'y était pas. Le jeune homme n'avait pas non plus envie de sortir, de crainte de croiser quelqu'un qu'il connaissait et avec qui il aurait dû échanger des banalités.
Minho resta donc enfermé cette journée là. Il trouva le courage de retrouver ses amis le soir venu, après avoir fait du ménage dans l'appartement pour au moins remercier Hyunjin et Seungmin de l'accueillir chez eux. Ils mangèrent devant la télévision, parlant des journées respectives du couple avant de dévorer des pâtisseries que le barista avait ramené de son travail. Malgré la bonne intention, Minho ravala son envie de pleurer en mangeant les douceurs qu'il avait l'habitude de grignoter chez Jisung, quand il ramenait lui-même les invendus de son frère le soir venu.
Sa nuit fut courte, la journée suivante désespérément longue.
Le jeune homme resta plusieurs jours à l'appartement avant de trouver la force de sortir au bout d'un moment. Emmitouflé dans un manteau prêté par Hyunjin, Minho avait décidé de passer chez ses parents pour récupérer des affaires propres. Il avait calculé son coup : à cette heure ci, en fin d'après midi, sa mère était probablement chez une des voisines et son père était bien évidemment à son travail. Il avait largement le temps de récupérer ce dont il avait besoin avant de retourner chez ses amis.
Se retrouver dans la foule des transports en commun après avoir passé plusieurs jours enfermé dans une chambre le déstabilisa légèrement. Mais le jeune homme se concentrait sur sa mission : simplement faire l'aller-retour jusque chez lui, rien de plus.
Comme prévu, la maison était vide à son arrivée. Tout était terriblement bien rangé, comme si de rien n'était. Minho enleva ses chaussures et fila dans sa chambre avec son sac à dos vide. Il y enfourna des vêtements propres, quelques livres et des effets plus personnels, comme des photos et quelques carnets qu'il n'avait pas encore emmené chez ses amis. En voyant sa chambre se vider petit à petit, le jeune homme se demandait sincèrement si sa mère se rendait compte de quelque chose ou pas du tout. Avant de perdre trop de temps, il ferma son sac et fit demi-tour. Il n'avait aucune envie de tomber sur ses parents.
Remontant son col le long de son visage pour ne pas être reconnu, Minho fila hors de la maison pour quitter le quartier. Il savait à quel point les voisines aimaient avoir les yeux rivés sur leurs fenêtres pour guetter le moindre mouvement dans le quartier, aussi il se mit presque à trottiner pour n'être vu de personne.
Le jeune homme ne fut soulagé qu'en entrant dans la rame de métro pour retourner sur le campus. Son sac était un peu lourd, mais ce n'était rien. Il avait au moins d'autres affaires plus chaudes à se mettre sur le dos et Hyunjin lui avait assuré à plusieurs reprises qu'il n'avait pas besoin du manteau qu'il portait sur le dos.
Tout aurait pu être si simple si Minho n'était pas stupide.
Alors qu'il avançait pour rentrer chez Hyunjin et Seungmin, le jeune homme leva les yeux pour vérifier les noms des prochains arrêts. Son cœur manqua un battement en voyant un nom bien trop connu arriver d'ici peu. Aussitôt, il sentit un profond mal-être prendre possession de lui. Il devait continuer, ne pas s'arrêter. Ce n'était que se faire du mal pour rien. C'était stupide de sa part... Et pourtant lorsque les portes s'ouvrirent à la station, il s'engouffra dans le flot de gens qui quittait la rame.
Sans réfléchir, il remonta à la surface avec les autres passagers. Son cœur battait la chamade dans sa poitrine. Minho remonta même la capuche du manteau qu'il portait pour couvrir ses cheveux et légèrement son visage : il n'avait aucune envie de se faire reconnaître. Surtout pas maintenant.
Le froid piqua son nez lorsqu'il se mit à marcher d'un bon pas au coin d'une rue qu'il ne connaissait que trop bien. A travers les baies vitrées de l'école primaire, Minho devina sans peine les silhouettes des enfants occupés à ranger leur classe. Son cœur tambourinait dans sa poitrine avec force. Comme d'habitude, à cette heure ci il y avait déjà quelques mères de famille devant l'établissement, à attendre que leurs précieux enfants puissent sortir. Ne sachant pas quoi faire, le jeune homme s'adossa à plusieurs mètres de là contre une rambarde de sécurité pour observer la sortie des classes.
Au fond, qu'est ce qu'il espérait ? Qu'est ce qu'il voulait voir ? C'était une erreur de venir ici pour observer la sortie d'école de Soonyeon. Si Jisung avait trouvé un ou une baby-sitter, il allait se sentir pathétique. Le jeune homme espérait de pas être trop étrange, ainsi bien enrobé de son manteau à observer ce qu'il se passait. Personne ne faisait attention à lui, aussi il décida de sortir son téléphone pour faire semblant de s'occuper. Pourtant, son regard était rivé sur la sortie des classes.
Les minutes lui semblèrent interminables, mais il n'y avait aucune trace de Soonyeon. Le jeune homme déglutit péniblement. Peut-être qu'au fond, la petite fille était partie quelques jours chez ses grand-parents ou quelque chose de ce style ? Les enfants avaient désormais presque tous quitté l'école et la nuit commençait à tomber de plus en plus. Minho était inquiet pour Soonyeon. Il savait qu'elle n'aimait pas être seule. C'était une de ses plus grandes peurs. Jamais il n'aurait dû s'arrêter là, c'était une terrible erreur.
Ce fut au tour de plusieurs membres du personnel éducatif de quitter l'établissement scolaire. Minho sentait qu'il perdait son temps. A quoi s'était il attendu dans le fond ? Il se sentait vraiment ridicule à faire la sortie des classes d'une école primaire comme ça, gratuitement, sans même être certain de pouvoir assouvir sa curiosité malsaine. Il fut même étonné de voir l'instituteur Yang sortir de l'établissement, encore habillé de son tablier jaune professionnel.
Et il fut encore plus pris au dépourvu en le voyant se diriger vers lui.
Minho ne savait pas quoi faire, il était tétanisé, et lorsque le professeur arriva à sa hauteur, il semblait plutôt sévère. L'instituteur avait tendance à sourire beaucoup, mais sans cet air bienveillant, il avait presque l'air effrayant. Le jeune homme s'en voulu aussitôt : il passait pour n'importe quoi, voilà qu'il venait assouvir sa curiosité malsaine et il se dégoûtait lui même.
« Donnez-moi une bonne raison de ne pas vous signaler à la police. » lança l'instituteur Yang en l'interpelant. « ça fait bien une demi-heure que vous êtes là à surveiller les enfants. »
En relevant la tête vers le professeur, Minho vit aussitôt son expression changer. L'instituteur Yang s'adoucit aussitôt, il eu l'air si surpris que toute la dureté de son visage s'envola.
« Oh, mince je suis désolé. » continua t-il en observant autour de lui, manifestement gêné de s'être emporté de cette manière en public. « Avec le manteau je ne voyais pas bien qui vous étiez, je ne voulais pas vous accuser à tort de quoi que ce soit... »
« Il n'y a aucun mal. » répondit Minho, le cœur battant un rythme infernal dans sa poitrine. « C'est moi, je ne devrais pas être là... »
Le jeune homme devait s'en aller immédiatement. Il avait été surpris par quelqu'un et si jamais Jisung l'apprenait, il risquait gros il en était certain. L'instituteur Yang l'observa légèrement avant de s'approcher d'un pas pour parler plus discrètement. Minho cherchait une excuse pour s'enfuir, mais rien ne venait et ça le frustrait.
« ça fait plusieurs jours que vous ne venez plus et que monsieur Han récupère de nouveau sa fille... » commença t-il, manifestement mal à l'aise. « La relation que vous entretenez, ou entreteniez, ne me regarde pas. Mais Soonyeon a vraiment changé depuis. »
Minho sentit son cœur manquer un battement dans sa poitrine. Ce n'était pas ce qu'il avait envie ou besoin d'entendre. Il voulait juste s'évaporer, partir loin et ne plus rien ressentir. De nouveau, l'envie de disparaître le prenait au ventre. Ça avait été une erreur de s'arrêter ici, toutes ses émotions ressortaient de plus belle.
« Elle sourit beaucoup moins et elle est souvent perdue... » continuait pourtant l'instituteur Yang. « Je n'ai pas réussi à aborder le sujet avec son père car il est toujours en retard le soir et je ne veux pas en parler devant elle. Mais... »
« On ne doit plus se voir. » le coupa aussitôt Minho, le cœur au bord des lèvres. « Avec Jisung, on doit prendre nos distances pour plusieurs raisons. »
« Je vois... » répondit le maître d'école avant de se tourner pour observer la sortie de son établissement. « C'est vraiment dommage. Vous étiez une bonne personne pour elle. »
Les quelques mots de l'instituteur Yang piétinèrent le cœur de Minho dans sa poitrine. Il baissa de nouveau la tête et salua l'homme devant lui avant de s'en aller. Il ne pouvait pas supporter d'en entendre plus. Il ne voulait pas en entendre plus. L'instituteur pensait bien faire, il n'en doutait pas, mais tout ce qu'il réussissait à ressentir n'était que tristesse et dégoût. Tout avait été si idyllique avec Jisung le temps de quelques mois, pour qu'au final tout vole en éclat dans cette tornade de souffrance.
Le jeune homme ne faisait attention à rien ni personne, la capuche rabattue sur sa tête cachait en grande partie son visage. Pourtant, alors qu'il descendait les marches de la station de métro pour reprendre sa route, son cœur fit un bond dans sa poitrine.
Dans le sens inverse, il reconnu sans peine Jisung monter les marches quatre à quatre. Les lunettes dorées sur le nez, une écharpe maladroitement enroulée autour de son cou et son caban boutonné de travers, le professeur était à bout de souffle et semblait faire tout ce qu'il pouvait pour arriver à l'école. Minho profita de la seconde qu'il avait pour imprégner de ce visage qu'il ne verrait probablement plus jamais dans un cadre privé et intime.
Aussi rapide que le vent, le professeur sortit de son champs de vision et disparu dans le flot de voyageurs. Minho aurait aimé trouver la force de faire demi-tour et de le suivre, de lui parler et lui supplier de tenter de se revoir. Mais à quoi bon ? Ce n'avait été qu'un bel épisode dans l'histoire de ses amours. Et il devait s'en détacher.
Le jeune homme reprit son chemin pour retourner chez ses amis. Son cœur était lourd, et ses yeux terriblement humides.
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