Wyatt observait son petit gars baignant dans la mousse, visiblement heureux de toucher des bulles de savon du bout des doigts.

Tyna avait bien tenté de l'aider à le prendre, mais l'enfant avait paniqué en la voyant s'approcher.

Le jeune homme avait à son tour essayé, et la réaction du petit s'était faite plus modérée : ils avaient donc convenus que ce serait lui qui prendrait soin de petit gars concernant sa toilette.

Le plus important était de garder l'enfant en confiance et de ne pas lui faire peur (ou, en tout cas, moins qu'il ne l'était).

Désireuse d'aider, Tyna s'était empressée de partir faire il-ne-savait-quoi et était là haut depuis plus d'une heure.

-Il faudra bien que tu sortes un jour, petit. L'eau est froide. -Dit Wyatt en prenant une serviette.

Des petits yeux innocents se posèrent sur lui et le firent se ramollir.

-D'accord, d'accord...Deux minutes, pas plus. Ok ?

Nouveau regard.

-Je ne céderai pas, deux petites minutes, c'est tout.

Sifflotant, le jeune homme, attendit une dizaine de minutes (bon d'accord il avait craqué : mais comment ne pas être sous le charme de ce petit bonhomme au

regard angélique ?) puis sortit le petit de la baignoire, le séchant énergiquement avant de lui faire enfiler des vêtements chauds.

-Allez, bonhomme ! Tyna nous attend. -Dit-il en le portant dans ses bras.

Il la trouva dans le couloir, en train de soulever des tonnes de carton faisant la moitié de sa taille.

-Tyna ? Qu'est-ce que tu fabriques ?

Elle sursauta, faisant tomber les boites de carton.

-Bon sang, Wyatt ! Tu pourrais prévenir au lieu de me faire peur comme ça !

-Navré. Besoin d'aide ?

Elle le foudroya du regard.

-Serais-tu en train d'insinuer que les femmes ne peuvent pas porter de carton, seules ?

-Pas du tout ! Je pensais juste...

-Oui ?

-Je ne sais pas : je mettais toujours la main à la pâte dans ma famille.

Les traits de la jeune femme s'adoucirent.

-Je veux bien que tu m'aides.

Il hocha la tête, posant petit gars à terre.

-Reste là deux petites secondes, bonhomme. -Lui dit-il avant d'aider Tyna. Où veux-tu que je les mette ?

-Dans le couloir du bas, s'il te plait.

S'exécutant docilement, le jeune irlandais revint la minute d'après, curieux de savoir pourquoi la jeune femme tenait tant à tout changer de place. La petite pièce aux murs crème, sans le moindre objet était dotée d'une petite fenêtre entrouverte.

-Ce n'est pas bien grand mais c'est tout ce que j'ai trouvé...-Fit Tyna d'une voix hésitante.

Il haussa un sourcil à son attention, ne sachant pas où elle voulait en venir.

-C'est une chambre pour toi et petit ange.

-Merci.

-Bien sûr, elle serait mieux aménagée avec un lit et des meubles mais je n'ai pas eu le temps de...-

-Tyna. Tout va bien. -Fit Wyatt en la coupant gentiment.

-Très bien...très bien. Nous pourrions faire un saut chez Ikea dans une heure ?

Mal à l'aise concernant la question monétaire, Wyatt se tut, les lèvres pincées.

-Tu me rembourseras quand tu en auras les moyens. –Ajouta-t-elle rapidement en voyant sa réaction. Je ne suis pas pressée.

-Je pourrais très bien passer le canapé à petit gars et me contenter d'un oreiller.

-Par terre ? -S'exclama Tyna d'un air horrifié.

-J'ai dormi dans des endroits moins confortables qu'un sol recouvert d'oreiller, Tyna. -Lui rappela-t-il d'un ton grave.

Wyatt avait dormi sous les ponts, s'était blotti contre des sacs en plastique et avait fui les forces de police, bougeant inlassablement, le corps toujours en mouvement.

Il était devenu aussi furtif qu'une ombre, aussi sauvage qu'un animal que l'on avait meurtri.

Un homme sans foi ni loi qui le répugnait chaque jour.

-Tant que tu vivras sous mon toit, tu ne dormiras jamais par terre. -S'indigna la jeune femme en fronçant les sourcils.

-Tyna...

-Si tu persistes à me contredire, je te laisserai mon lit.

-Hors de question ! -S'écria Wyatt, outré.

-Alors sois reconnaissant et laisse-moi t'acheter ce lit !

-D'accord...Je te remercie, je n'essaye pas d'être irrespectueux mais ça fait beaucoup d'un seul coup : les vêtements, le toit, les repars chauds, les couvertures, les douches et maintenant ce lit. Ça me dépasse, sincèrement. C'est beaucoup trop, Tyna. Toute ma vie je me suis contenté d'un confort inexistant, de peu de nourriture et du froid mordant qui me léchait le visage...Comment veux-tu que j'accepte ce lit sans broncher ? Petit gars en a besoin, c'est irréfutable. Moi pas.

Elle soupira, visiblement déçue.

-Un lit clic-clac ? –Proposa-t-elle, incertaine.

-Vendu.

Plus tard ...

-Qu'est-ce que c'est que ce truc ? -Demanda Wyatt en regardant attentivement la feuille de Tyna.

-Un oiseau, bien sûr ! -Répondit-elle apparemment satisfaite de son travail. Pourquoi, ça ne se voit pas ?

Wyatt se raclait la gorge, observait attentivement la patate avec deux branches crayonné en bleu, cherchant un compliment.

-C'est...euh...Tes ailes sont parallèles, c'est bien !

Tyna baissa ses bras, fronçant les sourcils.

-Tu trouves ça moche ? C'est ça ? Dis-moi, je peux tout entendre.

-C'est...original. -Lui dit-il avec le plus de tact possible.

-Ne te fous pas de moi, Wyatt, je vois que tu te retiens de rire !

Ne pouvant se retenir, le jeune homme fut pris d'un fou rire incontrôlable.

Même petit gars en face d'elle se mit à sourire.

La jeune femme le fusilla du regard, croisant les bras sur sa poitrine.

-Rigole, rigole...Je serais bien curieuse de savoir comment tu dessines, Monsieur-je-suis-meilleur-que-tout-le-monde !

Wyatt cessa de rire, redevenant sérieux.

-Très bien, donne-moi une feuille.

Tyna le laissa faire, attendant de le voir se ridiculiser à son tour.

Concentré, le jeune sans-abri esquissait des traits d'un geste rapide et désinvolte, alternant fluidité et rigueur.

Ce que vit Tyna la laissa sans voix : une colombe se cabrait sur le papier, si belle, au regard si vif, qu'elle lui semblait réelle.

A côté d'elle se tenait une roseraie et l'oiseau agile battait des ailes, une rose à la tige épineuse dans son bec entrouvert.

Au dessus d'eux, se dessinaient des nuages éclaircissant la brume, et un soleil rayonnant, sous un magnifique coucher de soleil, le tout, délicatement relevé d'ombre et nuances dorées.

Magnifique.

Les larmes aux yeux, Tyna lui prit la feuille des mains, n'osant croire qu'il venait de faire ça en moins de dix minutes.

-C'est extraordinaire...Tu es doué. Un vrai pro. Pourquoi ne pas avoir décidé d'utiliser ton don pour vivre ? -Lui demanda-t-elle en tournant la tête vers lui.

Les yeux étincelants, Wyatt haussa ses épaules.

-J'ai essayé, une fois. Lors de ma quatrième nuit dans la rue, précisément. J'avais récupéré des morceaux de carton et de la vieille peinture acrylique...Certains passants n'aimaient pas voir tout ce monde regroupé autour de moi, à me regarder peindre, et ils ont saccagé toutes mes œuvres, brisant le matériel, arrachant mes peintures. La rue n'est pas propice à l'art, c'est tout. –Expliqua-t-il comme si c'était une évidence.

La jeune femme posa doucement le dessin sur la table, secouant la tête.

-Ils sont tous cons, c'est tout. Comment ne pas reconnaître un génie lorsqu'on en a un sous les yeux ? Mes feuilles et mes crayons sont à toi, Wyatt. Comme je te l'ai déjà dit : j'aime l'art sous toutes ses formes.

-Merci. -Lui dit-il en souriant.

Un mouvement attira leur attention : petit ange s'était levé, armé d'un feutre jaune et le tendait à Wyatt, l'air d'attendre quelque chose.

-Tu veux un dessin, bonhomme ? -Lui demand- t-il d'une voix douce.

Le gamin s'assit à ses côtés, le regardant patiemment.

-Qu'est-ce qui pourrait te faire plaisir ? Un jouet ? -S'enquit-il en penchant la tête.

Silence.

Tyna regardait attentivement l'échange entre le petit et Wyatt, se laissant volontairement en retrait.

Le talent du jeune homme l'avait époustouflée, remise en question.

Si un être humain tel que le jeune irlandais : poli, attachant et talentueux se retrouvait à la rue, ce n'était pas sans raison.

Quel était donc son secret ?

Et pourquoi avait-elle l'impression qu'il était plus sombre que celui que la liait avec Jackson ?

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Nouveau chapitre, nouvelle découverte !

Qu'en avez-vous pensé ?