Chapitre 6
On est mardi, ma première journée de travail seule s'est très bien passée, hier. Je n'ai pas revu Jô et Mariko était aux abonnés absents. Cette histoire avec Shôji est définitivement derrière moi... Alors, je profite des instants de bonheur avec mes amis. Il est vingt-trois heures, je me dirige vers la cafétéria. Nil au comptoir me lance un énorme sourire.
— Bonsoir princesse, comment vas-tu aujourd'hui ?
— Bien merci, un peu à la bourre, je n'ai pas encore le rythme.
Quelqu'un derrière moi pose une main sur mon épaule, je me retourne, c'est Gin.
— Je t'aiderai, dès que j'ai fini je te rejoins.
Ma sauveuse !
— Oh merci ! T'es adorable !
Je lui saute au cou.
— Vous voulez quoi, les filles ?
Je commence :
— Tu peux me mettre deux pancakes fourrés...
— Deux dorayaki ?
Je hoche la tête et mon amie commande :
— Une soupe miso s'il te plaît.
— Je vous apporte tout ça !
Gin et moi, nous nous installons à une table.
— Tu as vu Mariko aujourd'hui ?
Gin hausse les épaules.
— Je l'ai aperçue tout à l'heure.
— Elle avait l'air d'aller bien ?
Je m'inquiète ; depuis son rendez-vous de dimanche soir, plus personne ne l'a vue.
— Il se passe quoi avec Mariko ?
Gin devient curieuse tout à coup. Nil nous dépose nos commandes sur la table et s'en va.
— Je viens manger avec vous dès que j'ai fini.
Nil repart aussi vite qu'il est arrivé.
— Elle n'était pas là hier...
Alors que je murmure ces mots, je la vois arriver vers nous. Et s'asseoir.
— Il me saoule !
Gin hausse un sourcil.
— Jô m'a donné des dossiers à traiter avant la fin de cette semaine...
Je lui lance une grimace désolée.
— Et c'est pour ça que tu es encore ici ?
Gin ne se rend pas compte qu'elle boit sa soupe en faisant énormément de bruit. Mariko rit.
— Je crois qu'il veut me faire payer mon absence d'hier...
— En parlant de ça... Qu'est-ce que tu as eu ?
Gin relève la tête de sa soupe et s'intéresse soudain à la conversation.
— Tu te souviens, ce type avec qui j'ai eu rendez-vous ?
Je hoche la tête.
— J'ai passé la nuit chez lui, au petit matin il est parti bosser et ne voulant pas me réveiller, il m'a laissée dans l'appartement. Sauf qu'il m'a enfermée à l'intérieur.
Gin éclate de rire. Je lui dis :
— Et il n'est pas revenu te libérer ?
— Si, après la réunion qu'il ne pouvait pas quitter, c'est-à-dire quatre heures plus tard...
Gin ne s'en remet plus, elle pleure de rire, frappant sur la table et attirant le regard de tous les autres. Mariko reprend la conversation :
— La discussion qu'on a eue dimanche matin, tu n'en as parlé à personne ?
— Non, mais quelle partie je suis censée garder pour moi ?
Mariko se lève et m'éloigne de la table en me prenant par le bras.
— Sur le fait que je ne peux pas avoir d'enfants.
Je baisse les yeux.
— Et tu le vis bien ?
Je ne sais pas si ma question est appropriée, mais il faut qu'elle sache qu'elle peut compter sur moi.
— Ai-je le choix Anna ?
Elle soupire.
— Tu le sais depuis longtemps ?
— Assez pour m'être fait à l'idée que je ne porterais jamais la vie, que je ne pourrais jamais savoir ce que ça fait d'avoir un petit bout grandir en soi. Je me suis convaincue que je n'aurais pas d'enfant de mon propre sang...
Je lui prends la main.
— Je suis désolée... Sache que si tu ressens le besoin d'en parler, à n'importe quelle heure de la journée, je t'écouterai.
Elle me sourit.
— Merci, Anna.
On rejoint les autres à table, Nil ayant encore réussi à convaincre Gin de se faire un bras de fer.
Après avoir terminé notre pause, j'ai regagné mon étage en vitesse pour rattraper le retard que j'ai pris. Nettoyer les WC est la chose la moins facile à faire ici. Je ne comprends pas comment des membres de la direction peuvent être aussi sales... Tous les jours, je dois ouvrir les fenêtres pour faire partir les odeurs d'urines, de sueurs, de matières fécales... J'entreprends de jeter des pichets d'eau sur les WC, d'asperger le tout de produit nettoyant, de tout savonner dans les moindres recoins, de racler le sol. Et tous les jours, je peux refaire la même chose.
Après avoir terminé les toilettes, je vais en salle de repos me faire un petit chocolat chaud. Je m'assois quelques minutes le temps de souffler. Je me lève ensuite pour respirer l'air frais par la fenêtre. Prenant une grande inspiration, je retourne travailler.
J'aperçois de la lumière dans le dernier bureau qu'il me reste. Je frappe à la porte qui est ouverte et demande :
— Bonsoir, est-ce que je peux nettoyer ?
Ce type me dévisage.
— Oui, faites comme-ci je n'étais pas là.
Il n'a pas l'air très occupé sur son ordinateur. Il m'observe faire les poussières tout en s'humidifiant les lèvres de sa langue. Je suis mal à l'aise, mais continue mon boulot. Je n'en ai plus pour très longtemps. Alors que je m'abaisse pour ramasser un papier au sol. Celui-ci s'étant déjà levé me colle une main aux fesses. Je me relève et le fusille du regard.
— Qu'est-ce qui vous prend ?
Il ne dit rien et rapproche son corps du mien. Je n'ose pas le gifler, ni même bouger.
— Vous êtes très jolie...
Il se permet de me caresser la joue d'une main et mes cheveux de l'autre.
— Vous ne devriez pas faire ça !
— Et pourquoi donc ?
Il me pousse violemment contre le mur.
— Je sais que tu vas aimer ça...
Il baisse vers ma poitrine une de ses mains que j'attrape durement. J'essaye de l'empêcher de me toucher en me débattant. Il me tient fermement et ne compte pas me lâcher. Comment je pourrais faire le poids face à ce type qui fait le double de mon poids et qui me dépasse de trois têtes au moins ?
Il me murmure à l'oreille.
— Chut !
— Lâchez-moi !
Il me gifle. Je me tiens la joue qui me picote tellement que j'ai envie de lui foutre un coup de genou dans ses parties pour me venger. Prisonnière sous son corps, j'entends Gin m'appeler.
Je hurle alors :
— Gin !!!
Ce type me lâche alors et va se rasseoir à son bureau... Je le pointe du doigt.
— Vous n'auriez jamais dû me toucher !
Gin arrive derrière moi et nous fixe. Je suis toute débraillée, mes cheveux ne ressemblent plus à rien et je ne me suis pas rendu compte que mes larmes ont fait couler mon mascara.
— C'est quoi ce bordel ?
Elle fusille ce type du regard alors que lui sourit de toutes ses dents.
— Viens, Anna !
On se dirige vers les toilettes, elle m'aide à me recoiffer et me nettoie la figure. Elle me prend dans ses bras et je fonds en larme.
— Qu'est-ce qui s'est passé ?
Je n'arrive pas à sortir un seul mot de ma bouche.
— Il faut que tu en parles à Jô !
Je secoue la tête.
— Non, c'est sa parole contre la mienne...
Elle s'énerve.
— Tu plaisantes ?! Je t'ai découverte dans cet état et ce n'est pas parce que vous avez joué aux échecs !
Tout se mélange dans ma tête.
— Jô ne nous croirait pas...
Elle ne dit plus rien et me reprend dans ses bras. Après quelques minutes dans le silence, elle me traîne jusqu'à mon chariot, où elle entreprend de le nettoyer avant de le ranger. Ce type n'est plus là. On se rhabille dans le calme et on se sépare à l'entrée de la banque.
— Tu es sûre que tu ne veux pas que je te raccompagne ?
Je secoue la tête.
— Bonne nuit, Gin, et merci...
Je n'attends pas sa réponse et fonce en direction de chez moi. Je ne fais pas attention à ce qu'il se passe autour de moi dans la rue. Je me repasse ces images sans cesse dans la tête et essaye de voir où j'ai merdé... Ou j'ai donné un quelconque signe que je voulais m'envoyer ce type... Je ne sais pas si j'aurai le courage de retourner au boulot demain. Je ne sais pas si je risque ma place. Ou si je dois en parler. Ces mains sur mon corps me donnent envie de brûler mes vêtements. J'accélère le pas, je veux prendre une douche rapidement. Je passe devant la vitrine du club le visage couvert de larmes et grimpe les marches à toute vitesse. Je souffle en rentrant chez moi et hurle de rage. J'attrape ce qui me passe sous la main, un verre, et le fracasse contre le mur. Je m'en veux ! D'avoir été assez idiote pour ne pas m'être défendue. J'étais totalement paralysée... Je me laisse aller et m'agenouille au sol en sanglotant. J'entends des pas derrière moi. Je relève soudain la tête et vois Shôji à la porte, torturé par ma douleur. Il s'approche de moi et me force à me lever. Il m'aide à m'asseoir dans le canapé et entreprend de me soigner les coupures aux mains, que je me suis faites en tombant dans les débris de verre. Il n'a encore rien dit...
Il ferme la porte et ramasse les morceaux. Il s'approche du canapé, s'assoit et m'attire à lui. Je dépose ma tête sur son épaule en fixant mes mains.
— Parle-moi, qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Comment suis-je censé appeler ce qu'il s'est passé ? Est-ce que j'ai envie de lui en parler ?
— Un gars du boulot a tenté de me violer...
Je le sens se tendre à mes côtés et contrôler sa respiration. Il est furieux et n'ose rien dire.
— Il t'a touchée ?
Il m'oblige à le regarder dans les yeux. J'éclate en sanglots.
— Réponds-moi !
— Il m'a touché les fesses et la poitrine...
Il se lève et fait quelques pas dans l'appartement, il essaye de garder son calme.
— C'est qui ce type ?!
Je secoue la tête. Je ne veux pas le lui dire, j'ai trop peur de ce que Shôji pourrait faire...
— Pourquoi tu me le caches ? Je sais qu'il bosse à ton boulot !
Je baisse la tête et la cache dans mes mains.
— C'est ton patron ?
— Non !
Voyant ma réaction face à cette question, il me croit.
— Tu bosses où ?
— À Nomura Bank... C'est un gars de la direction, il bosse à mon étage, je ne sais pas qui c'est.
Il prend mon visage dans ses mains.
— Ce soir je reste avec toi et demain je t'accompagne voir la police.
Je le regarde, horrifiée.
— Pas la police...
— Mais bordel ! Tu ne vas pas le laisser s'en sortir comme ça ?!
Au bout de quelques minutes, il soupire et accepte mon choix.
Je finis par me lever et aller prendre une douche, j'enfile ma nuisette et sors rejoindre Shôji dans le salon. Il n'a pas un regard déplacé à mon égard, juste de la bienveillance. Il me conduit jusqu'à ma chambre, on s'assoit tous les deux sur mon lit dans le silence.
— Dors avec moi ce soir... Je ne me sens pas bien...
Il plonge ses yeux dans les miens. Et dépose un doux baiser sur mes lèvres.
— D'accord.
Il enlève son t-shirt et son pantalon. On se place tous les deux sous les couvertures. Je me blottis contre lui, je me sens en sécurité dans ses bras. Il sent extrêmement bon, une odeur de talc pour bébé qui m'apaise. Je sombre dans un profond sommeil, bercée par la chaleur de son corps.
Note : J'ai eu envie de faire un petit trailer du livre, j'ai publié la vidéo au dessus de ce chapitre. N'hésitez pas à regarder =)
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