Chapitre 25
Cela fait deux jours que le jugement de Shôji a été donné. Deux jours que je passe mon temps à bosser sur cet examen pratique du permis. Et on y est enfin ! Je le présente aujourd'hui.
Maya s'occupe de préparer le petit déjeuner pendant que je potasse le code de la route dans le salon.
Maya crie de la cuisine :
— Je te mets quoi sur tes gaufres ?
Je ferme le bouquin et la rejoins.
— Je vais les napper de sucre.
Alors que j'entreprends d'en tartiner sur mes gaufres, elle me demande :
— Tu es prête ?
J'acquiesce.
— Oui, il ne me reste plus qu'à prendre des calmants.
Elle éclate de rire face à mon stress.
— Tu n'as pas besoin de ça, tu t'en sortiras très bien !
Elle me dépose un verre de jus de fruit devant mon assiette, je remarque ses cicatrices sur son bras.
— Comment ça va avec Gin ?
Elle me lance son regard coquin.
— J'ai rencontré ses parents hier soir, ils sont assez sympas en fait ! Et puis, ils n'ont pas pu résister à mon charme naturel !
Je me mets à rire.
— Donc tout va bien dans le meilleur des mondes pour vous deux.
Elle s'installe en face de moi.
— Et toi, Anna ?
Je soupire.
— Jô est adorable, mais il n'est plus aussi présent qu'avant. On se dispute souvent.
Elle secoue la tête.
— Je parlais de Shôji.
Je bois une gorgée de mon jus et lui réponds.
— Shôji est en prison.
Au même moment, mon téléphone se met à sonner. Et je décroche.
— Coucou, princesse !
Je souris.
— Hey Shôji !
Maya hurle dans mon dos :
— Quand on parle du loup !
Il l'entend et ajoute :
— Vous parliez de moi, donc ?
Je lâche un petit rire.
— Je dois l'avouer.
Il semble intéressé.
— Et qu'est-ce que vous disiez ?
Je me mords la lèvre inférieure.
— Maya demandait de tes nouvelles, après cet appel je pourrai lui en donner.
Je l'entends rire.
— Des nouvelles ? Et bien... J'ai mangé du chou hier, j'ai bossé à la bibliothèque et dis-lui que je me sens seul sans vous... Sans toi surtout.
Une chaleur m'envahit entièrement.
— Tu as encore des ennuis ?
Il soupire.
— J'en aurai tant que je resterai là, mais je ne me venge pas, j'ai trop peur de voir ma peine se rallonger...
J'imagine Shôji se faire tabasser et un frisson me parcourt le corps.
— Fais attention à toi. Je ne voudrais pas que tu sortes de là entre quatre planches.
Je l'entends souffler à l'autre bout.
— Ne t'inquiète pas, je partirai d'ici vivant et spécialement pour te revoir.
Je rougis.
— Je vais devoir raccrocher Shôji, je passe mon examen dans trente minutes.
Il ne semble pas apprécier que je doive déjà le laisser.
— Très bien, bonne merde Anna. Tu me raconteras !
Je souris.
— Bien sûr, compte sur moi !
Je raccroche avec un petit pincement au cœur.
Maya me dévisage et demande :
— Il va bien ?
Je hausse les épaules.
— Aussi bien que l'endroit le lui permet.
Elle hoche la tête et soupire.
On frappe à la porte, je me dirige avec enthousiasme jusqu'à celle-ci et l'ouvre.
— Bonjour, toi !
Nil ?
— Ce n'est pas Jô qui devait me conduire ?
Ma surprise le vexe.
— Il a du boulot...
Je le fusille du regard.
— Du boulot avec son assistante, c'est ça ?
Il soupire.
— Qu'est-ce que tu veux que je te dise, Anna ?
Cette assistante commence vraiment à devenir envahissante.
— À tout à l'heure, Maya.
Je prends mon sac et fais une caresse à Keko au passage, avant de suivre Nil jusqu'à la voiture.
Sur la route, le stress me ronge, j'espère que l'examinateur sera conciliant.
Il semble sympa, mais ne donne pas l'impression qu'il laissera passer beaucoup d'erreurs de ma part. Je m'installe au volant, le corps complètement crispé. Nil s'installe sur le siège à l'arrière et l'examinateur à mes côtés.
Je choisis au hasard un trajet à faire, quarante minutes de route interminable. Quand viennent les manœuvres, je redoute la catastrophe. Tout paraît se passer correctement. Je jette un œil à l'examinateur qui écrit de nombreuses choses sur son bloc-notes. Ça me rend anxieuse. Qu'ai-je fait de mal ?
Il me demande de m'arrêter sur le parking où on l'a rencontré tout à l'heure. Je sens la fin de cet examen approcher. Tout le monde sort de la voiture et je peux enfin souffler.
Il me félicite et me dit qu'il va me chercher les papiers pour ma demande de permis. En attendant, il m'en délivre un provisoire. Je suis tellement soulagée.
Nil me prend dans ses bras.
— Tu as été parfaite !
J'ai un large sourire aux lèvres.
— Je suis contente !
Il m'imite et ajoute :
— Allez, monte en voiture, on va aller annoncer ça à Jô !
Je grimpe sur le siège passager, mes jambes tremblent encore trop pour reprendre le volant.
On arrive rapidement à la banque. Quand je sors du véhicule, Nil me suit. On traverse le hall et il s'arrête soudainement.
— Je vais aller dire bonjour à Mariko.
Celle-ci semble impatiente qu'il s'approche de l'accueil.
J'acquiesce et souris.
— D'accord, passe-lui mon bonjour.
Je marche lentement jusqu'à l'ascenseur et appuie sur le premier étage. Je me dirige vers son bureau entrouvert. Alors que je lève mon poing pour frapper à la porte, je l'entends parler.
— Tu as réservé la chambre d'hôtel ?
Son assistante répond :
— Je me suis permis de réserver une séance de massage, je crois que tu en as bien besoin.
Je mords mon poing, me retenant de lui sauter à la gorge.
— Ce n'était pas nécessaire.
Je jette un coup d'œil et la vois penchée au-dessus de l'épaule de Jô. Il ajoute :
— Pas un mot à qui que ce soit ! Je ne veux pas qu'Anna soit au courant.
Au courant de quoi ?
Je vacille un peu et me retiens à la porte qui grince. Ils ne m'ont pas vue, j'ai réussi à m'éloigner rapidement.
— Va voir qui c'était.
Je m'avance discrètement dans le couloir pour atteindre l'ascenseur, mais je sais qu'elle m'observe au loin.
— C'est Anna !
Sale garce !
J'attends l'ascenseur qui arrive.
— Retourne à ton bureau, je m'en charge !
J'entre dans l'ascenseur et jette un regard noir à son assistante quand elle passe devant, avant que les portes ne se ferment.
Je suis dans le hall quand Jô me rattrape.
— Anna !
Nil et Mariko me fixent stupéfaits, je suis furieuse.
Nil m'arrête.
— Qu'est-ce qu'il se passe ?
Jô arrive enfin à ma hauteur.
— Pourquoi tu te barres comme ça ?
Je le fusille du regard.
— Je ne voulais pas te déranger pendant ce moment intime avec ton assistante.
Mes amis en restent bouche bée, mais lui ne se laisse pas démonter.
— Je ne sais pas ce que tu as vu ni entendu, mais en aucun cas je n'ai pu laisser croire qu'il se passe un truc avec mon assistante.
Je croise les bras sur ma poitrine.
— C'est quoi cette histoire d'hôtel et de massage ?
Il soupire. Mes amis se regardent, embarrassés.
— Je pars ce week-end, j'ai une réunion, je lui ai demandé de me trouver une chambre d'hôtel, elle en a profité pour réserver un massage.
Je me sens stupide en cet instant, mais j'ajoute :
— Pourquoi je ne devais pas être au courant ?
Il essaye de se trouver une échappatoire.
— Je sais que tu ne vas pas bien et te laisser deux jours n'est pas une bonne idée, mais je n'ai pas le choix. Je ne voulais pas qu'elle en parle parce que ça serait arrivé à tes oreilles avant que je puisse te l'annoncer moi-même.
Il fixe à présent mes amis qui détournent leurs regards.
— Et tu pars où ?
Il m'attrape la main.
— En Chine, mais je serai revenu dimanche.
J'acquiesce.
— Tu es ici pour quelle raison, Anna ?
Je soupire.
— Pour te parler de mon examen.
Il m'éloigne un peu de mes amis et dit :
— Comment ça s'est passé ?
Je hausse les épaules.
— J'ai réussi.
Il me sourit.
— C'est super ! Félicitations.
Il m'embrasse tendrement.
— Je comptais fêter ça ce week-end, mais tu ne seras pas là.
Il semble désolé.
— On fêtera ça à deux quand je reviendrai.
Il me caresse la joue et s'éloigne de moi.
— On se voit ce soir ? Je dois y aller, je dois préparer ce voyage.
Il continue sa route sans même attendre ma réponse, que je donne tout de même.
— À ce soir...
Nil et Mariko s'approchent de moi et Mariko me dit :
— Tu penses qu'il te trompe ?
Je secoue la tête négativement, certaine que je peux lui faire confiance.
— Non, mais son assistante n'est pas innocente...
Nil lâche :
— On fête ça ce week-end donc ?
J'acquiesce.
— Au Bouddha Bleu !
Le vendredi est vite là et mes au revoir avec Jô également. Je suis en bas des marches de mon appartement, dans ses bras.
Je murmure entre deux baisers :
— Tu me préviens quand tu es arrivé et tu me donnes des nouvelles tous les jours, d'accord ?
Il me sourit.
— Je reviens dans deux jours, amuse-toi bien.
Il se dirige vers sa voiture et je lui cours après. Je le colle contre la portière passager et l'embrasse fougueusement.
— Tu vas me manquer.
Il plonge son regard dans le mien et me fait fondre.
— Toi aussi, chérie.
Il contourne son véhicule et s'installe derrière le volant. Il me fait un clin d'œil avant de filer à toute vitesse.
Sans les hommes de ma vie, je suis totalement perdue. Je me sentais terriblement seule, mais encore plus depuis que Jô est parti en Chine. Heureusement pour moi, mes amis n'ont pas voulu me laisser tomber. Ce samedi Gin, Maya et Mariko ont voulu m'emmener faire du shopping pour me trouver de quoi m'habiller ce soir. On parcourt des tas de magasins sous la pluie d'hiver. L'été me manque déjà !
On finit par entrer dans un dernier, celui où on me fait essayer beaucoup de robes, tout aussi bizarres les unes que les autres. Ce qui fait marrer mes amies. Mais je tombe sur la petite perle. C'est une robe bleu foncé bien saillante avec les manches en dentelle noire. Elle m'arrive aux cuisses et me va terriblement bien. Dans le genre provocant, on ne fait pas mieux.
On commence la soirée toutes les quatre chez moi, à boire comme des hommes, en attendant que Nil nous rejoigne. Ce qu'il ne tarde pas à faire.
On marche jusqu'au Bouddha Bleu, l'air frais de dehors nous aide à dessaouler un peu avant d'entrer. Gin n'a décidément pas une tête pour avoir accès facilement à cette boîte, mais Mariko étant l'habituée règle le souci.
On s'installe sur une banquette et on commande nos boissons.
Maya hurle :
— Il est top ce club, pourquoi on n'est jamais venus tous ensemble ?
Parce qu'il y a eu beaucoup de complications après notre première soirée ici.
Nil dit :
— C'est dommage que Jô ne soit pas présent, je me serais senti moins seul !
Mariko se jette à son cou pour l'embrasser, ce qui étonne mes deux autres amies.
— Tu ne l'es pas, je suis là !
Alors ces deux-là sortent enfin ensemble ?! Il était temps. Du coup, je suppose qu'elle a dû mettre les choses au clair avec Shôji. Le pauvre, il doit se sentir bien impuissant de là où il est.
Ils filent danser, rejoints de près par Maya et Gin, me laissant seule sur cette banquette à ruminer ma solitude.
Si je n'étais pas venue au Bouddha Bleu la première fois, est-ce que les choses se seraient passées telles qu'elles se sont déroulées ? Et si je n'avais pas embrassé Shôji ? Jô m'aurait-il dévoilé sa jalousie et ses sentiments par la même occasion ?
Je pose mon regard sur mon ventre et me demande si les choses se seraient passées autrement pour le bébé.
Je vide un verre, puis vient le deuxième et je me retrouve vite à siffler la bouteille. J'observe mes amis danser et déprime dans mon coin.
Que fait Jô en cet instant ? Je l'imagine en train de partager un repas d'affaires. Et Shôji ? Lui, je le devine à fixer le plafond de sa chambre, dans son lit, couvert d'hématomes et souffrant en silence.
Pourquoi Jô ne m'a-t-il pas encore pas contactée ? Il devait déjà m'appeler hier pour me dire qu'il était bien arrivé. Je vais vers la sortie pour lui passer un coup de fil. Je tombe sur sa messagerie et son silence ne fait que m'inquiéter davantage.
Je réessaye une seconde fois, sans succès cette fois encore. Et s'il avait eu un accident ? Je fais des recherches sur mon portable pour trouver le numéro de téléphone de la compagnie aérienne de l'avion. Une fois en sa possession, j'arrive à les joindre et à avoir une réponse.
Il s'est bien posé en Chine.
Alors pourquoi est-ce qu'il ne m'a pas contactée ?
Inquiète, je décide de filer en douce et de rentrer à l'appartement sans prévenir mes amis. Là-bas, je me sens terriblement seule, je ne sais pas si c'était une bonne idée de quitter la soirée, mais je voulais être au calme.
Je me couche dans le canapé, mon téléphone à mes côtés pour être sûre de ne pas louper son appel s'il me contacte. J'allume la télévision pour essayer de ne pas y penser.
Mon portable se met à vibrer, je me jette rapidement sur lui et vérifie qui c'est. C'est Maya.
Je soupire, déçue et réponds.
— Oui ?
Elle semble inquiète.
— Où est-ce que tu es ?
Mon cœur se serre, où est Jô ?
— Je suis rentrée, je n'ai pas le moral.
Un silence pesant s'installe, j'ai l'impression qu'elle discute avec mes autres amis.
— Nil arrive !
Nil ? Pourquoi lui ?
— Tu ne reviens pas Maya ?
Elle semble embarrassée.
— Je passe la nuit chez Gin, mais Nil va venir te tenir compagnie.
Je raccroche, je n'ai pas besoin de compagnie, j'ai juste envie d'avoir des nouvelles de mon petit copain ! Cette situation me rend folle.
Nil arrive rapidement jusqu'à mon appartement après avoir reconduit mes amies, complètement torchées chez elles.
— Ça ne va pas, Anna ?
Il me rejoint sur le canapé.
— Je n'ai pas de nouvelles de Jô et pourtant l'avion est bien arrivé là-bas.
Je me blottis contre lui.
— Il souhaite peut-être être tranquille ?
Je lève les yeux vers ceux de Nil.
— Tu crois ?
Il ajoute :
— Tu sais, tu n'es pas facile à vivre en ce moment. Tu te sens coupable de l'emprisonnement de Shôji et tu en veux à la terre entière d'avoir perdu ton bébé.
Ces mots sont douloureux à accepter.
— Tu trouves que j'ai été insupportable avec lui ?
Il acquiesce.
— C'est compréhensible, tu as eu beaucoup de chagrin et tu t'es tournée vers la seule personne qui pouvait comprendre, mais je crois que Jô a vite été saturé.
Cette conversation me bouleverse.
— Je ne me rendais pas compte de ça... Je n'ai pensé qu'à moi.
Je me sens tellement mal.
— Tu ne le perdras pas, il est fou de toi. Mais vas-y doucement dorénavant avec lui et avancez lentement ensemble.
Nil et moi, avons discuté toute la nuit et quand je me suis finalement endormie, j'ai pu l'entendre partir rejoindre Mariko.
Au petit matin, je me suis levée tout endolorie d'avoir passé une nuit dans le canapé et un peu nauséeuse d'avoir trop bu la veille.
Il devrait revenir aujourd'hui normalement. Alors pour patienter, je vais me préparer. Je me déshabille et me glisse sous la douche, je reste bien trente minutes à laisser l'eau ruisseler sur mon corps. Je glisse mes doigts dans mes cheveux pour les plaquer en arrière et je me détends.
Je m'enroule dans une serviette et file mettre une tenue adaptée au sport. Je vais aller courir pour faire passer le temps. Je me fais une queue de cheval et me maquille légèrement.
Je me suis trop laissé aller dernièrement, moralement et physiquement ; c'est le moment de reprendre ma vie en main.
Je prends mon petit-déjeuner dans le calme, je m'assois face à mon bol et verse mes céréales, suivies par le lait. J'observe la pluie tomber, finement, mais celle-ci dure depuis des jours.
Je dépose mon bol dans l'évier et me précipite enfiler un gilet pour aller courir. Je chausse mes baskets et attrape mon portable et mes écouteurs.
Je m'arrête devant la vitrine du club, je jette un regard à l'intérieur, sachant très bien que je n'y verrais plus Shôji derrière le bar avant un moment. Sa maman m'aperçoit et me fait un signe de la main, je l'imite et place mes écouteurs dans mes oreilles, enclenche la musique sur mon portable et me met à courir.
J'accélère le plus vite que je peux, j'oublie tout. Ça me fait un bien fou.
Je cours pendant plus d'une heure, mais à bout de souffle, je décide de rentrer à l'appartement.
Les heures défilent et je n'ai aucune nouvelles de Jô. J'ai cette impression que tout m'échappe. Shôji est en prison, Jô est porté disparu et mes amis vivent leurs amours. Je ne peux pas toujours compter sur leur présence. J'aurais trop la sensation d'être un boulet.
Je me rafraîchis vite fait et me change. Je fais un peu de ménage et des papouilles à Keko. Je me retrouve à jouer avec lui avec une souris au bout d'une ficelle. Que ma vie est triste !
Il ne devrait pas tarder. J'attends alors son retour sur le balcon, il me doit des explications cette fois, je suis à la fois énervée et excitée de le retrouver.
Alors que j'observe la rue, une voiture gris foncé, s'arrête en bas. Je ne reconnais pas le véhicule, un taxi ? Non, il y aurait un insigne. J'arrive quand même à apercevoir un chauffeur. Deux personnes sont à l'arrière, elles s'apprêtent à sortir. Comme je le pressentais, c'est Jô qui en sort avec son assistante... La sale peste. Je l'observe se diriger vers lui qui l'attend sur le trottoir. Il se penche vers elle pour lui faire la bise et celle-ci l'embrasse à pleine bouche.
Furieuse, je me retourne, les larmes me brouillent la vue, mon sang ne fait qu'un tour dans mes veines... Mon cœur tambourine dans mes oreilles, la tête me tourne et je suis prise de tremblement. Ma respiration est saccadée et je n'arrive plus à réfléchir correctement.
Je ne le vois donc pas la repousser et la remettre à sa place.
En faisant les cent pas dans l'appartement, je l'entends grimper les marches et ouvrir la porte.
— Ah ! Tu es là !
Il me sourit et se dirige vers moi pour me donner un baiser. Je recule et le fusille du regard.
— Je t'ai vu embrasser l'autre...
Il soupire, il sait qu'une scène de ménage l'attend. Il plonge ses yeux dans les miens.
— Elle s'est jetée sur moi.
Je hausse un sourcil.
— Je peux savoir ce que tu fabriques avec elle ?
Il se mord la lèvre inférieure, mal à l'aise.
— Elle m'a accompagné à la réunion...
Un rire nerveux s'échappe de ma bouche.
— Tu veux dire que tu as passé tout le week-end avec elle ?
Mon cœur se brise... Une douleur atroce envahit ma poitrine.
— Il ne s'est rien passé et tu m'as vue la repousser en bas...
Cette situation me dépasse.
— Non !
Mon ton est froid, voire cassant. Je lui en veux de me faire du mal en cet instant.
— Tu me fais confiance, quand même ?
Il s'approche de moi, de quelques pas.
— Je croyais pouvoir... Mais ce n'est plus le cas.
Mes mots le blessent, il recule de quelques centimètres, tandis que ses yeux se remplissent de tristesse.
— Elle m'a accompagné parce que je le lui ai demandé, je voulais avoir un avis féminin sur notre situation, pour savoir comment réagir avec toi...
Je grogne.
— Parce qu'elle connaît quelqu'un qui a fini en prison par sa faute ? Elle a perdu un bébé, elle, peut-être ?! Avoir une famille est ton rêve et tu décides de tout bousiller pour le vivre avec elle...
Il se prend la tête dans ses mains avant de me fixer.
— Ne dis pas de bêtise ! Tu es celle avec qui je veux fonder une famille !
Ces mots ne me calment pas. Je n'arrive plus à me contrôler.
— Pourquoi tu ne m'as pas donné de nouvelles pendant deux jours ?! Tu voulais être tranquille pour lui faire l'amour ?!
Ses yeux deviennent noirs.
— Arrête !
Il se met lui aussi en colère.
— Anna... J'avais besoin de respirer, de prendre mes distances...
Il n'ose plus me fixer, sachant que ce qu'il vient de dire déclare la fin de notre relation.
— Tu veux de la distance ? Je vais t'en donner !
Alors que je me précipite pour prendre les clés de la voiture, celui-ci m'arrête en m'agrippant le bras, voulant me forcer à les laisser tomber. On se fusille du regard. Je respire un bon coup avant de le gifler de toutes mes forces. Il me lâche un instant. Il me laisse assez de temps pour attraper mon sac, les clés et filer. Je l'entends me suivre dans l'escalier et me crier après. Il arrive à me rattraper.
— Anna...
Ses yeux m'implorent de rester... Il me prend la main.
— Lâche-moi !
Je me retire de son emprise et m'en vais en courant jusqu'à ma voiture. Je monte et démarre à toute vitesse. Je ne le regarde même pas une dernière fois, de toute façon mes larmes m'en empêchent.
La nuit commence à tomber, le ciel est plus sombre que d'habitude, les nuages laissent penser que la pluie ne va plus tarder. J'emprunte l'autoroute. Je ne sais pas où je vais, ni quand je m'arrêterai. Je pleure et l'averse qui s'abat n'arrange pas la visibilité de la route. Je me dirige vers une nationale. Il fait désormais noir, seul l'éclairage des réverbères se reflète sur le sol mouillé de la chaussée que je traverse. Le paysage est verdoyant, je roule tellement vite, que je distingue à peine les arbres qui font de l'ombre à la lumière des réverbères.
Il m'a menti... Comment réussir à lui faire de nouveau confiance ? Il m'a laissée seule, sans nouvelles, pendant deux jours, alors qu'il sait que je culpabilise pour Shôji et que je souffre toujours de la perte du bébé... Il a passé tout un week-end avec elle en osant m'affirmer qu'ils n'ont pas fait l'amour, cependant elle l'embrassait tout à l'heure. Je ne sais plus distinguer le vrai du faux. Je suis épuisée d'avoir ressenti autant d'émotions en si peu de temps... Je regarde l'heure... Déjà partie depuis une heure, je suppose qu'il doit me chercher. Je n'arrive pas à expliquer la douleur qui m'envahi, mais je le sens, mon cœur est en mille morceaux.
Cette douleur me fait tellement mal que je ne comprends pas, tout de suite, pourquoi une voiture klaxonne. Je traverse un carrefour alors que le feu de signalisation vient de se mettre au rouge. Mes yeux fixent la route sans y être attentifs. Je suis furieuse ! Je passe la cinquième vitesse, 90km/H... Puis 100km/H. Je mets la sixième. J'aperçois le feu plus loin passer au rouge. 110km/H. La pluie s'abat tellement sur le véhicule qu'elle fait un bruit infernal sur la carrosserie, les essuie-glaces fonctionnent à la vitesse maximale. Je ne vois plus les voitures autour de moi. 120km/H. Je traverse un nouveau carrefour au rouge. Il ne se passe rien. Aucun véhicule ne me rentre dedans. 130km/H. Je décide d'avoir assez joué avec ma vie ce soir. Je freine brusquement, trop pour que la voiture ne réagisse pas. Sur la pluie, le véhicule dérape, mes roues ne touchent plus le sol. Je n'ai plus aucun contrôle sur le volant. Deux heures que je suis partie. 120km/h. L'accident ne peut plus s'éviter, la voiture part dans la direction opposée à la route. Je ne suis plus que spectatrice de la scène. Je m'accroche à ce que je trouve et, en pleurant, je me laisse balader dans tous les sens. Le véhicule fait plusieurs tonneaux. Quand ma tête se heurte à la fenêtre, la fracassant au passage. Je fixe une dernière fois la route, ne comprends plus rien à ce qu'il se passe. Puis, je sombre dans ce trou noir.
-------------------
Coucou,
J'espère que ce tome 1 vous a plu et que vous serez au rendez-vous pour le tome 2. Je ne sais pas encore quand je vais le publier.
J'aimerais savoir si vous préférez que je publie le tome 2 en une seule fois ou continuer à publier un chapitre par semaine voire toutes les deux semaines ?
Qu'avez-vous pensé de ce premier tome ? Des personnages ? Avez-vous remarqué des choses à changer ou à approfondir (comme le triangle amoureux, par exemple) ?
Pensez-vous qu'Anna donne l'impression d'être insensible, par moment ?
J'attends vos réponses (ici ou sur FB)
Merci d'avoir suivi cette histoire :)
Et à bientôt !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro