Chapitre 24
Mes parents inquiets sont venus me voir le lendemain de ma visite rendue à Shôji et ont décidé de rester pour le jugement. Les parents de Kyle ont fait rapatrier le corps de leur fils en Belgique.
Jô est très distant ces derniers jours, depuis ma sortie d'hôpital à vrai dire. Je ne sais pas si c'est l'affaire de Shôji, la perte du bébé ou cette nouvelle assistante qui lui fait tourner la tête...
Nous y sommes, le jour du jugement est enfin arrivé. Je me prépare nerveusement dans ma salle de bains et j'entends Maya s'affairer dans sa chambre. Mes parents me rejoignent là-bas. Mariko n'y sera pas. Nil s'occupe de prendre Gin et Jô vient chercher ma coloc' et moi.
Je suis à peine prête quand Jô sonne à la porte. Il me reluque avant de m'embrasser.
— Pas trop nerveuse ?
Je repars dans la salle de bains pour finir de me préparer, Jô me suit.
— Je le suis extrêmement !
Il se force à me sourire et dit :
— Tout va bien se passer.
Je l'attire à moi et lui demande :
— Tu feras le maximum pour lui ?
Il acquiesce.
— Je sais qu'il compte beaucoup pour toi, trop à mon goût peut-être, mais je ferai ce qu'il faut pour te rendre heureuse.
J'ai le souffle coupé par ses paroles.
— Je t'aime, Anna.
Il se penche vers moi pour m'embrasser, j'enroule mes bras autour de son cou et lui rends son baiser.
— Je t'aime aussi.
Du salon, Maya crie qu'elle est prête. Je termine de me coiffer, j'enfile des escarpins, mets ma veste et prends mon sac.
Nous partons en direction du palais de justice.
Une fois à l'intérieur, j'ai l'impression que mon cœur va éclater, je suis tellement stressée ! Jô nous laisse pour rejoindre l'avocat de Shôji et parler des derniers détails. On aperçoit nos amis ainsi que mes parents assis dans la salle d'attente, juste en face de la pièce dans laquelle aura lieu le jugement.
Je demande à Nil :
— Mariko n'a pas changé d'avis ?
Il secoue la tête de droite à gauche.
— Elle n'apprécie pas trop tout ça, l'ambiance la met mal à l'aise.
Gin se blottit dans les bras de Maya et dit :
— Qui aurait cru qu'on se retrouverait tous ici un jour ?
Maya souffle.
— C'était presque prévisible, Gin.
Je fixe mes parents qui semblent perturbés par les paroles de Maya. Ils s'en veulent autant que moi de ne pas avoir exclu Kyle de ma vie plus rapidement.
Je m'approche d'eux et les prends dans mes bras.
— Merci d'être là.
Ils me sourient légèrement.
Nil s'avance vers moi et me prend la main.
— Ils viennent d'ouvrir les portes, on peut entrer.
Être en présence de Nil m'apaise faiblement. Personne ne pourrait faire mieux de toute manière.
On s'installe au premier rang, derrière celui des avocats de l'accusé et de la victime. Les parents de Kyle sont là pour plaider la défense de leur fils. Ils me dévisagent avec mépris. Je les fusille du regard. Nil tente de me calmer en m'entraînant loin d'eux et en me forçant à m'asseoir.
La salle se remplit peu à peu, la famille de Shôji est là également. J'ai pu les apercevoir quelques fois au bar. Sa maman me lance un regard compatissant. Elle n'a pas l'air de me prendre pour la fautive. Shôji a dû les tenir au courant de la mort de leur petit-enfant.
Cette situation me donne des vertiges, je pose une main sur mon ventre, dorénavant vide... Ma mère attrape ma main pour la serrer dans la sienne et pose sa tête contre la mienne.
— Courage, ma chérie.
Je suis assise entre mes parents, mon père à gauche et ma mère à droite. Nil est assis à côté de ma maman, puis c'est Maya et ensuite Gin. Jô est assis devant moi, à côté de l'avocat.
Mes yeux balayent la pièce pour apercevoir Shôji, mais il n'est toujours pas là.
Les trois juges s'installent derrière leur pupitre et celui de l'accusé est à ma gauche. La salle est pleine à craquer.
Enfin, ils font entrer le prévenu. Shôji. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine quand je l'aperçois. Il a été frappé au visage... Il marche lentement et est menotté. Il me cherche dans la salle et me sourit faiblement quand son regard se pose sur moi.
Je suis tellement nerveuse qu'il le remarque. Les gardes le placent derrière son pupitre et la séance peut commencer.
Un des juges informe Shôji de son droit de se taire avant d'être entendu pour raconter son récit de cette soirée-là, ensuite c'est au tour des parents de Kyle de subir l'interrogatoire, puis vient celui des témoins, dans ce cas-ci, Jô. La manière dont il parle de Shôji comme victime et non, un criminel, me donne des frissons. Il détaille tout, jusqu'à évoquer notre bébé. Une vive douleur à la poitrine me projette à cette soirée-là, une fois de plus. L'avocat de Shôji ajoute comme preuve de légitime défense le rapport des experts disant qu'il y a eu bagarre.
Les parents de Kyle demandent des dommages et intérêts pour la souffrance morale causée.
C'est au bout de deux heures trente de procès, que les juges se retirent enfin pour prendre leur décision.
Je ne cesse de dévisager Shôji pendant tout ce temps. Il semble très inquiet de ce qu'il va lui arriver et je suis frustrée de ne pas pouvoir l'approcher et le serrer contre moi.
Les juges reviennent avec leur décision.
— En vue du casier vierge de Monsieur le prévenu, du rapport des experts et des différents témoignages, nous n'excluons pas la légitime défense. Malheureusement, ces circonstances atténuantes n'enlèvent en rien l'acte en lui-même ; Monsieur a ôté la vie et il y a demande de dédommagements et intérêts des parents de la victime. Pour ce fait, le prévenu est condamné à une peine de prison ferme d'un an.
Mon cœur s'arrête immédiatement de battre et je fonds en larmes. Les parents de kyle râlent dans leur coin jugeant la sanction trop faible, alors que Jô semble content d'avoir évité à Shôji les dix ans qui lui pendaient au nez. Jô me rejoint pour m'embrasser et me prendre dans ses bras. Dans ses bras, j'observe Shôji se faire emmener par les gardes. J'ai le temps de remarquer le clin d'œil qui m'est destiné avant que Shôji ne disparaisse.
Les parents de Shôji s'approchent de moi, pour, tour à tour, me prendre dans leur bras. Je partage leur souffrance et en même temps je ne peux imaginer ce qu'on ressent quand son enfant se fait enfermer pour un an.
Je remarque Maya et Gin essayer de retenir Nil d'aller voir les parents de Kyle. Je les rejoins.
— Qu'est-ce que vous fabriquez ?
Nil me fait face, furieux.
— Qu'ils veuillent défendre leur salopard de fils, je peux le concevoir ; mais qu'ils t'insultent, il en est hors de question.
Il hurle ces paroles à voix haute pour que les parents de Kyle l'entendent. Jô attrape Nil et l'éloigne.
— Votre fils a quand même voulu tirer sur une femme enceinte et l'a battue pour lui faire faire une fausse-couche.
Jô secoue violemment Nil pour qu'il se taise.
— Arrête bon sang ! Tu vas aggraver la situation !
J'observe les parents de Kyle qui me dévisagent et dans toute ma méchanceté, je leur offre mon plus beau sourire, avant de rejoindre tout le monde dans la salle d'attente.
Mes parents reprirent l'avion pour la Belgique dans la journée et pour ne pas me laisser seule en soirée, Jô et mes amis décident d'aller manger au restaurant pour fêter cette victoire.
Une victoire ? Je ne vois pas où elle se trouve. Shôji est parti pour être enfermé une année ! Un an à se faire tabasser, un an à vivre comme un esclave, un an où il devra tout faire pour survivre loin de sa famille et ses amis. Et égoïstement, un an où je ne pourrais plus le toucher, le voir m'offrir des nouilles ou l'observer derrière son bar. Un an c'est tellement long quand cette personne vous manque déjà...
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