Chapitre 2
Je me lève de bonne heure pour me préparer, je file sous la douche et enroulée d'une serviette de bain j'en sors pour choisir ma tenue. Après avoir choisi mes sous-vêtements au hasard, j'opte pour une robe débardeur noire qui met mes formes en valeur. J'enfile une veste de tailleur blanche et je la laisse ouverte, les manches mi-longues m'arrivent aux coudes. Je chausse alors mes sandales compensées noires qui se nouent autour de la cheville. Je brosse mes cheveux, n'y fais rien de particulier et me maquille légèrement.
Un dernier regard dans le miroir me fait perdre toute confiance en moi, je soupire et chuchote :
— Je ne l'aurai pas...
Ce boulot, pour l'instant, c'est ma seule chance de rester ici.
Prenant une profonde inspiration, je sors de la salle de bain, prend mon CV et mon sac et je ferme la porte à clé derrière moi. J'avais mémorisé le plan trouvé sur le net toute la soirée. Je connais le chemin par cœur pour aller jusqu'à la banque.
Je déambule dans la rue à la recherche de celle-ci, mais surtout de mon courage. Je ne sais pas où il est parti celui-là, mais ce n'est pas le moment qu'il me lâche. Je profite de la vue, j'observe les gens, les bâtiments. Tout ici me fait penser au paradis. C'est certain, c'est mon nouveau chez-moi maintenant. Il fait beau, le soleil et la chaleur sont au rendez-vous et ma veste finit par atterrir dans une de mes mains. J'aperçois la banque à quelques dizaines de mètres de moi. Demi-tour, ma tête me hurle de faire demi-tour. Je souffle, prenant mon courage à deux mains et entre.
Le hall est immense, mais j'étouffe à l'intérieur, mon cœur bat plus vite qu'il ne devrait, le malaise se lit sur mon visage. J'avance vers l'accueil et je me présente.
— Bonjour, je viens pour le poste à pourvoir.
— Dans quel domaine ?
Cette femme est chaleureuse et me réconforte du regard.
— Technicienne de surface.
Je sens mes joues virer au rouge. Quelle catastrophe !
— Je peux avoir votre Curriculum ?
Je le lui tends et elle s'en va avec. Elle revient quelques minutes plus tard.
— Vous pouvez patienter dans un des canapés là-bas, quelqu'un viendra vous chercher.
Elle me montre où je peux patienter et replonge sa tête dans ses dossiers.
Alors que j'avance en direction des sofas, on m'interpelle.
— Mademoiselle, je ne vous attendais plus.
Je me retourne et fais face à ... Ça alors ! Le gars qui m'a aidée hier, Jô !
— Si vous voulez bien me suivre.
Il se place devant moi et je le suis. Je suis terriblement gênée, à ne plus en savoir où me mettre. On se dirige vers un ascenseur, il appuie sur le bouton indiquant le premier étage. Je fixe le sol, je n'ose pas regarder dans sa direction...
— Détendez-vous, tout va bien se passer.
Il me sourit, ce même sourire encourageant qu'il m'a offert hier. Les portes s'ouvrent alors et on se dirige dans un petit couloir, au bout de celui-ci, sur une des portes est écrit « Jô Satou, PDG. »
Il me fait entrer et d'une main m'indique le siège en face du bureau. On s'installe tous les deux.
— Bien... Par où commencer ? Votre installation s'est bien passée ?
Son regard est d'un bleu marin, presque noir.
— Oui je m'y plais beaucoup, merci.
— Je suis content de vous l'entendre dire, l'endroit n'est pas idéal, mais vous êtes à proximité de tout, vous n'avez pas le permis, je suppose ?
— C'est exact.
Je pose les mains sur mes genoux et essaye de stopper leur tremblement.
— Comment comptez-vous vous rendre au boulot ?
— À pied ou en transport en commun, je n'ai pas encore pu envisager cette option.
Il baisse alors la tête et observe mes pieds, mal à l'aise, je ne sais plus où regarder.
— Vous voulez dire que vous avez fait vingt minutes de marche avec ces chaussures ?
Etonné, il montre du doigt mes sandales.
— Oui, pourquoi ?
— C'est une qualité, pour ce boulot il faudra beaucoup marcher, c'est un poste en position debout et qui a une durée de huit heures, toutes les nuits.
Les nuits ?!
— Vous devrez nettoyer cet étage, c'est-à-dire celui de la direction. Il y a vingt-cinq bureaux en plus de WC et de douches. Vous suivrez une formation de quelques jours avec un de vos futurs collègues. Voyons voir votre CV.
Il y jette un œil, mais ne trouvera rien d'intéressant, dans le nettoyage je n'ai aucune expérience.
— Très bien... La formation sera d'autant plus conseillée pour vous. Vous commencez demain en soirée.
— Je vous demande pardon ?
Je le regarde ahurie, celui-ci me fixe un sourire aux lèvres.
— Vingt heures à l'accueil, je m'occuperai personnellement de vous présenter la jeune fille qui vous formera.
Je lui souris, rouge comme une pivoine, et me lève. Il me retient par la main. Ce contact me prend par surprise.
— Si jamais vous avez besoin d'un guide pour la ville, n'hésitez pas.
— Merci, mais ça ira...
Il me fixe avant de se lever et de m'ouvrir la porte de son bureau.
— Heureux de vous avoir revu Mademoiselle, à demain.
— À demain.
Il m'observe une dernière fois, je détourne mon regard et avance lentement vers l'ascenseur.
— Et faites attention en chemin, avec ces chaussures vous risquez l'entorse.
Je ris, pour la première fois depuis que je suis ici. Il me lance un dernier sourire et moi un au revoir de la main avant de monter dans l'ascenseur. En sortant de l'établissement, quelque chose se met à vibrer dans mon sac. Je l'ouvre et cherche mon portable.
En voyant le nom de l'appel entrant, j'hésite un instant avant de répondre.
— Allô ?
— Ma chérie ! Où es-tu ?
Ma mère...
— Au Japon, maman.
Je reprends la route jusqu'à l'appartement.
— Qu'est-ce que tu fiches là-bas ? Qu'est-ce qui t'a pris ?
— Je ne veux pas me marier...
— Et il faut partir aussi loin pour ça ?
— J'aimerais pouvoir vivre ma vie comme je le désire et pas comme tu voudrais qu'elle soit.
— Mais enfin ! Kyle se fait du souci !
— Je ne veux pas finir ma vie avec lui...
— Qu'est-ce qui te prend ?! Où est-ce que tu as dormi ?
— Dans mon appartement...
— Comment as-tu pu trouver un appartement en une seule nuit ?
— J'ai signé le bail il y a quelques mois déjà.
— Quelques mois ? Mais... Je ne comprends rien.
— Je ne suis pas partie sur un coup de tête, je ne l'aime plus. Et je prends un nouveau départ...
— Comment comptes-tu vivre là-bas ?
— J'ai trouvé un boulot et je commence demain...
Je le savais que j'allais devoir subir cet interrogatoire, il faut que j'y passe pour qu'elle s'y fasse et se détende. Je m'assois sur un banc le long du canal et je soupire. Comment la calmer ?
— Un boulot ? Mais tu avais une vie prometteuse sans travailler...
— Ce n'est pas la vie dont je rêvais maman... Sois heureuse pour moi, c'est tout ce que je te demande.
Je l'entends fondre en larmes dans le combiné. C'est le genre de situation qui me met mal à l'aise. Je ne sais jamais quoi dire et faire pour rassurer la personne.
— Très bien... Quand pourra-t-on venir te rendre visite ?
— Bientôt, dès que je serai bien installée.
— Tu nous le promets, chérie ? Ton père est furieux, il lui faudra un peu de temps avant que ça lui passe. Quant à Kyle... Il compte te rejoindre.
— Quoi ?! Mais il ne sait même pas où je me trouve ! Je compte sur toi pour ne pas lui dire.
— Je ne ferais pas ça. On a essayé de lui faire entendre raison de laisser tomber, mais il était dans une énorme rage...
— Osaka est assez grand pour qu'il ne me retrouve pas de toute manière.
— Fais très attention à toi et donne-moi de tes nouvelles demain, d'accord ?
— Promis, maman, passe le bonjour à papa. Je vous aime !
— Nous aussi.
Je raccroche et souffle un bon coup. Pourquoi Kyle veut-il me retrouver ? Il ne se croit quand même pas assez convaincant pour que je parte d'ici ? Sans mon adresse, il risque de mettre du temps avant de tomber sur moi. Je ne comprends pas ce qu'il cherche à faire. Il sait notre relation vouée à l'échec depuis qu'il a commencé à voir d'autres femmes et à me violenter. Je regarde mes mains, je fais glisser lentement l'anneau qui me sert de bague de fiançailles. Je le contemple, anneau fin en or, orné d'un petit diamant taillé en goutte d'eau, colorée en rouge. Je referme ma main autour de celui-ci et me lève. Je me tourne vers le canal et le jette. Je l'observe voler avant de couler, formant au passage un cercle dans l'eau. La page est définitivement tournée... Je souris et reprends ma route. J'évite en passant, quelques regards curieux qui m'ont sans doute espionnée. Alors que je continue de marcher, mon patron me revient en tête.
Celui-ci a les cheveux bruns, ébouriffés. Un écarteur fermé minuscule à l'oreille droite, noir et rond. Son visage fin met en valeur ses yeux bleu marine. Un léger bouc le fait paraître plus âgé qu'il ne l'est réellement et ses avant-bras laissent entrevoir des veines saillantes.
Pourquoi me choisir pour le poste ? J'ai dû lui faire mauvaise impression hier... Il a sûrement dû me prendre en pitié ou admirer ma capacité à supporter des talons... Quoi qu'il en soit, mon CV est aussi vide que mon frigo... Les courses !
Je me lance dans la rue à la recherche d'un petit magasin d'alimentation, que je trouve assez facilement, j'entre à l'intérieur et cherche tous les ingrédients nécessaires à la réalisation de pâtes au scampi. Quand je passe à la caisse, me débrouiller avec les yens, la monnaie japonaise me complique les choses. Je sors l'argent que j'ai de mon porte-monnaie et l'étale sur le comptoir. La caissière, très gentille, m'aide en prenant l'argent demandé.
Je sors du magasin sourire aux lèvres en repensant à la journée d'aujourd'hui. Tout le monde dans cette ville est très accueillant. Du gars qui m'aide à trouver mon logement et qui le lendemain m'offre du boulot, à la caissière qui m'aide à payer mes courses.
En rentrant à l'appartement, je me change rapidement. Je troque ma tenue habillée contre un débardeur blanc et un legging noir. Pieds nus, je marche jusqu'à la cuisine et tire une chaise jusqu'au balcon. Il va falloir que j'investisse dans des transats. Je m'assois et profite du soleil.
La journée passe à une vitesse folle. Après avoir mangé et fait la vaisselle, je prends un bon bain moussant. Je me dis qu'il faudrait que je demande à Jô des endroits pour aller boire un verre ou pour passer une soirée à l'extérieur. Je ne vais quand même pas rester enfermée dans cet appartement pendant deux semaines en attendant l'arrivée de ma coloc'. Je vais mourir d'ennui.
Je sors de la salle de bain, il fait nuit. J'ouvre la baie vitrée, l'air de dehors est frais et il me fait du bien après une journée aussi chaude. Un temps idéal pour faire un barbecue, mais encore une fois sans amis, c'est moins amusant. Malgré tout, je ne peux pas ne pas préparer mon chocolat chaud du soir. Je ne peux vivre sans ! Mon déstressant avant d'aller dormir. La dernière nuit où je vais pouvoir dormir, cette semaine, d'ailleurs.
Un boulot de nuit, ça doit quand même sacrément bouleverser toutes ses habitudes. Mais je m'y ferai, n'étant pas une très grande dormeuse.
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