Chapitre 19
Quatre semaines se sont écoulées depuis notre sortie au club et je n'ai pas pu retourner au boulot, ordre de Jô ! Pour lui, ça serait dangereux pour la grossesse et il faut faire très attention les premiers mois. Je me souviens qu'on s'était pris pas mal la tête à ce sujet. J'étais chez lui cette nuit-là, à me préparer pour le boulot alors que lui venait de rentrer. Il m'avait rejointe dans la salle de bains et demandé :
— Où est-ce que tu vas ?
Il était adossé au chambranle de la porte et me fixait dans le miroir.
— Bosser.
On avait déjà eu cette conversation une bonne dizaine de fois.
— Non.
Il avait tourné les talons pour se diriger dans le salon. Je l'avais suivi.
— Je m'ennuie, Jô !
Il s'était retourné vers moi, fâché.
— Tu me l'as déjà dit. Shôji et moi, on est d'accord là-dessus !
J'avais levé les yeux au ciel, ne baissant pas les bras.
— J'y vais !
Il m'avait attrapé le bras alors que je me dirigeais vers la porte d'entrée.
— T'es inconsciente ou tu le fais exprès ?!
J'avais retiré violemment mon bras de son emprise.
— Des tas de femmes bossent pendant leur grossesse !
Il s'était mordu le poing pour se calmer.
— Toi, tu as la chance de pouvoir rester chez toi à prendre soin de toi !
Je l'avais fusillé du regard.
— Mais je n'en ai pas envie ! Je dois payer mon loyer.
Il avait plissé le front.
— Je le payerai.
J'étais choquée par ses propos, jamais je ne le laisserai faire ça.
— C'est à moi de le faire, c'est chez moi !
Il avait soupiré.
— Anna...
J'avais entrepris d'enlever mes chaussures en m'asseyant sur le lit. Ce n'était pas encore gagné pour ce jour-là.
— J'aimerais que tu vives avec moi.
Il s'était assis à mes côtés et m'avait pris la main, en plongeant son regard dans le mien.
— Tu es sérieux ?
Il avait lâché un petit rire nerveux.
— Tu n'aimerais pas qu'on puisse élever ce bébé à deux ?
J'étais bouche bée.
— Bien sûr que si...
Il avait replacé une mèche derrière mon oreille, tout en me murmurant.
— Pour ça, il faudrait déménager et se trouver une maison rien qu'à nous.
J'avais écarquillé les yeux sous l'étonnement de sa proposition.
— Tu veux dire que...
Il avait terminé ma phrase.
— Qu'on va devoir chercher une maison, tu peux choisir celle qui te plaira.
Je m'étais levée du lit sous le regard perplexe de Jô.
— Ça, c'est inconscient ! Comment peux-tu proposer à une fille que tu connais seulement depuis plus de trois mois de vivre avec elle ?
Il s'était mordu la lèvre inférieure avant de répondre.
— Te proposer de t'aider à élever ce bébé ne l'était pas à tes yeux, pourtant.
J'avais soupiré.
— Tu peux toujours fuir si ça ne fonctionne pas, mais avec une maison...
Il s'était approché de moi pour me faire taire en m'embrassant.
— Je prends le risque, je t'aime tellement.
Je m'étais blottie contre lui en lui murmurant à l'oreille :
— Très bien, faisons ça.
Il m'avait embrassé les cheveux.
— Je t'aime aussi.
Depuis, pour faire passer le temps et jusqu'à ce que je reprenne le boulot, car j'ai quand même l'intention de me remettre à bosser, je vois mes amis et Shôji.
Aujourd'hui, après que Jô m'aie déposée chez moi et que je me suis retrouvée seule là, étant donné que Maya bosse, j'ai voulu rendre visite à Shôji au club.
Je suis arrivée rapidement devant la vitrine et je suis entrée sans hésitation. Son regard s'est illuminé quand il m'a vue m'approcher de mon tabouret habituel. Je n'ai pas le temps de m'asseoir qu'il se dirige vers moi pour poser ses deux mains sur mon ventre et lui dire bonjour.
— Comment va ma petite Souka ?
Je hausse un sourcil, l'interrogeant.
— Bah quoi ? Tu n'aimes pas le prénom Soukaina ? Souka pour les intimes.
Je souris.
— Je me trompe ou tu crois que c'est une fille ?
Il me fait la bise, toujours ce bisou au creux des lèvres et repart derrière son comptoir, me laissant m'asseoir.
— Je pense que le monsieur là-haut veut que je sois entouré de plein de filles.
Il me lance un énorme sourire.
— J'aime bien le prénom, mais tu étais là chez la gynéco et tu sais bien qu'elle n'a pas vu le sexe du bébé.
Cette visite chez la gynécologue était assez étrange. Jô m'avait accompagnée et j'avais aperçu Shôji attendre devant la porte du gynéco, assis sur un banc.
— Tu es venu ?
Jô avait préféré ne rien dire, ne se sentant pas à sa place à ce moment-là.
— Le contraire ne t'aurait pas plu, c'est mon enfant.
Jô m'avait alors dit :
— Je vais vous attendre ici pendant la visite.
Je m'étais retournée vers lui, bouche bée.
— Si tu ne viens pas avec moi, je n'entre pas.
Shôji avait tapoté le bras de Jô en lui disant :
— Allez beau-papa, ne te sens pas exclu !
Jô avait marmonné dans ses dents, mais m'avait accompagné.
La gynéco avait été surprise de me voir entrer avec deux hommes, les deux très proches de moi. Elle avait hésité longtemps sur qui était le père du bébé avant que Shôji se présente et présente Jô par la même occasion. La gynéco avait l'air d'être désolée pour moi et de la situation. Cette même situation qui amusait tant Shôji et rendait mal à l'aise Jô.
Après m'être installée sur la table, les deux s'étaient approchés de moi pour pouvoir apercevoir le bébé à l'écran. Les deux hommes semblaient très émus et n'avaient plus osé parler. Ils avaient contemplé l'écran avec émotion. J'avais même entendu l'un d'eux déglutir bruyamment. Jô avait demandé le sexe du bébé que Shôji voulait tant savoir. Elle n'avait pas su nous répondre, la grossesse étant trop peu avancée.
Shôji en sortant de là avait crié :
— J'aimerais trop que ça soit une nénette !
J'avais éclaté de rire et Jô avait ajouté :
— Moi, j'aimerais un petit gars.
Shôji m'avait alors posé la question :
— Et toi, Anna ?
Je n'avais pas vraiment de préférence, je voulais juste donner naissance à un bébé en bonne santé.
— Peu importe, je l'aimerai de toutes mes forces.
Shôji claque des doigts devant mon visage pour me faire revenir au présent.
— Pardon. Tu disais ?
Je lui souris de toutes mes dents, innocente.
— T'es toujours dans la lune ma parole ! Tu vas bien ?
Je hausse les épaules.
— Je suis vachement fatiguée en ce moment, je suis presque obligée de faire une sieste l'après-midi.
Il frotte un verre mouillé pour le ranger tout en me fixant, inquiet.
— Tu prends bien tes vitamines ?
Je hoche la tête.
— Ne t'en fais pas.
Il plonge son regard dans le mien, je sens mon cœur fondre.
— Ne me regarde pas comme ça...
Il me sourit.
— Pourquoi ? Ça te fait de l'effet ?
Je rougis.
— Cette aprèm, Jô et moi, on va visiter une maison...
Embarrassé, il me demande :
— Tu vas vivre avec lui ?
Je me mords la lèvre inférieure.
— Il me l'a proposé, disant que pour le bébé, ça serait la meilleure chose à faire.
Il soupire.
— Félicitations.
Son ton est froid et il devient distant, tout à coup.
— Ne fais pas ça... Fais pas la tronche, s'il te plaît.
Il acquiesce et me fixe à nouveau.
— Si c'est ce que tu veux. Si ça te rend heureuse, alors fonce.
J'inspire profondément avant de parler du sujet épineux.
— Et Mariko ?
Il passe une main dans ses cheveux.
— Elle me fait toujours la tête. J'ai pourtant tout essayé, mais elle ne veut pas être impliquée dans cette histoire de bébé...
Je pince les lèvres avant de lâcher :
— Je suis désolée. Ça dure depuis combien de temps ?
Il se remet à essuyer des verres tout en me répondant.
— Elle a pris ses distances dès l'annonce, mais c'est de pire en pire... Ça fait deux semaines que je ne l'ai pas vue et une semaine que je n'ai plus du tout de nouvelles.
Je soupire.
— C'est de ma faute, on aurait dû prévoir sa réaction et faire les choses en douceur avec elle...
Il contourne le comptoir pour venir s'asseoir sur le tabouret à côté du mien.
— Si elle n'est pas assez forte pour accepter mon enfant, alors elle n'a rien à faire dans ma vie.
Ses paroles sont dures, son regard est sincère. Il ne plaisante pas.
— Anna... Je ne te remercierai jamais assez de me donner la chance d'être père.
Il me caresse la main du bout des doigts.
— Shôji...
Il secoue la tête, se rendant compte de ce qu'il fait.
— Mariko n'est pas faite pour moi et Jô ne te convient pas.
Il recommence...
— J'aime Jô.
Il soupire.
— Et moi Mariko. Mais nous deux, c'est au-delà de tout ça. C'est bien plus fort.
Je me lève du tabouret et prends mon sac sur le comptoir. Il m'imite.
— Ne pars pas...
Je plonge mon regard dans le sien, qui me supplie.
— Je dois y aller, je bosse ce soir.
Je prends la porte rapidement, mais il me rattrape au bas des marches. Il me colle au mur et place ses deux bras de chaque côté de ma tête.
— Je pensais qu'on te l'avait interdit ?
Je souris.
— De travailler ? Pour un moment, mais je reprends ce soir. Que ça plaise ou non.
Ses yeux me foudroient sur place. Je n'ai pas le temps de réagir, il plonge sur ma bouche et nous partageons un baiser sauvage. Il se colle à mon corps et je ne peux m'empêcher de passer mes deux mains dans ses cheveux. Il caresse ma langue avec la sienne, juste avant d'être interrompu par quelqu'un qui se racle la gorge. Nous ne regardons pas qui nous observe. Shôji s'éloigne un peu de moi, tout souriant, pendant que moi, j'essaye de reprendre mes esprits. Shôji se retourne alors vers cette personne.
— Salut, Maya.
Elle le toise.
— Qu'est-ce que vous foutez ?!
Il tapote l'épaule de mon amie avant de retourner au club. Maya me fixe, attendant des explications.
Je me mets à rire nerveusement et l'invite à rentrer à l'appart pour en discuter. Une fois à l'intérieur, elle claque la porte d'entrée en me toisant, croisant les bras sur sa poitrine et tapotant du pied.
— Quoi ?
Elle semble surprise par ma question.
— Si je n'étais pas arrivée, ose me dire que vous n'auriez pas fini ici, dans ta chambre ?
Je soupire.
— Je ne tromperai pas Jô...
Elle écarquille les yeux.
— Anna... C'est ce que tu étais en train de faire !
Je me mords l'intérieur de la joue. Je sais qu'elle a raison.
— Je n'ai pas réussi à le repousser... Je n'en avais pas envie...
Je sais que c'est mal et je me sens tellement coupable.
— Je ne sais pas ce qui m'a pris...
Elle souffle.
— Je vais oublier ce que j'ai vu. C'est tes histoires. De toute façon, il n'y a plus rien de logique dans vos relations respectives.
Maya part s'allonger dans le canapé, je la rejoins et m'assois à ses pieds.
— Qu'est-ce que je dois faire ?
Elle me caresse la tête.
— Tu devrais quitter Jô et te mettre avec Shôji.
Je replie mes genoux contre ma poitrine et pose mon menton dessus.
— J'aime trop Jô pour ça.
Elle allume la télévision.
— Tu ne pourras pas continuer cette relation malsaine avec Shôji. Tu devras prendre une décision définitive !
Je soupire.
— Ouais, tu as raison.
Quelques heures plus tard, Jô est venu me chercher pour aller visiter cette maison. Il me l'avait montrée sur un site et j'avais immédiatement flashé dessus. Elle est assez coûteuse, mais Jô m'avait assuré en avoir les moyens. On arrive enfin devant la maison au bout de trente minutes de route.
Elle est magnifique ! La façade est blanche avec des châssis et volets en bois brun foncé. La toiture est sur plusieurs niveaux, le rez-de-chaussée est plus avancé que le premier étage. La maison est masquée par des buissons et des barrières. Sur le côté de la partie avancée du RDC il y a une place de parking pour pouvoir y garer une voiture, un carport arrondi en aluminium et en verre surplombe l'emplacement. On grimpe quelques marches pour atteindre la porte d'entrée. Celle-ci est ouverte, on y entre donc. L'agent immobilier, jeune dame, qui nous attendait nous aperçoit et vient à notre rencontre. Elle discute avec Jô en japonais, je réussis à comprendre quelques phrases comme « Comment allez-vous ? » « J'espère que vous avez trouvé facilement. » « On va commencer par l'intérieur avant de visiter l'extérieur. »
En tout cas, ça doit être plus ou moins ce qu'elle a dit. J'entrelace mes doigts avec ceux de Jô. L'agent commence la visite. On est dans le hall d'entrée ; sur la gauche se trouve la porte conduisant aux WC, quelques mètres plus loin toujours sur la gauche se situe la salle de bains avec une baignoire d'angle, douche et emplacement de machine à laver et sèche-linge. On a fini de traverser le hall et on se retrouve dans une pièce de vie très ouverte. Sur notre droite, il y a le salon donnant sur une baie vitrée et par la même occasion la vue donne sur le parking. Rien d'exceptionnel donc. Plus loin sur notre droite toujours, il y a une estrade sur laquelle elle nous conseille de faire un petit coin pour boire le thé. En face de nous, il y a la salle à manger et juste à côté sur la gauche, la cuisine. Il y a une porte dans la cuisine qui conduit au jardin, mais on grimpe d'abord les marches pour monter à l'étage. Escalier qui se trouve entre la cuisine et contre le mur de la salle de bain. En haut des marches, on atterrit sur un palier et juste en face, il y a la plus grande chambre, donnant sur le devant de la maison, quelques pas plus loin sur la gauche, la première chambre enfant et puis la seconde à gauche de la première chambre. Elle nous fait découvrir la troisième chambre enfant ou plutôt une salle de jeux. Cette pièce est ouverte, il y a une barrière où la vue donne juste au-dessus de l'escalier, on se trouve au-dessus de la cuisine et de la salle à manger. Au bout du couloir, entre la salle de jeu et la deuxième chambre enfant, il y a une porte conduisant à un balcon. Le balcon donne une vue sur un incroyable jardin ! On descend vite le découvrir. La terrasse est en bois, typiquement japonais à vrai dire. Il y a quelques bonzaïs et cerisiers à l'entrée. Des pierres par-ci par-là dans l'herbe et un sentier de galets blancs. Qui est illuminé par une lanterne en pierre qui conduit à un petit étang qu'on peut traverser grâce à un pont rouge. Ce jardin est rempli de végétation à tel point qu'on ne distingue rien. On monte quelques marches avant d'arriver sur une autre terrasse grise cette fois, entourée d'eau, sur laquelle il y a des transats et un jacuzzi sous un kiosque japonais.
Je suis tout simplement émerveillée par cette maison, elle semble si petite et pourtant rien ne manque ! On retourne à l'intérieur, Jô discute avec l'agent pendant que je fais le tour de la grande pièce de vie. J'imagine très bien cette maison remplie d'enfants, je me dirige vers l'estrade sur laquelle je vois très bien le parc du bébé, la table à langer et même un coin allaitement et lecture pour plus tard. Il y a une fenêtre qui éclaire parfaitement ce petit coin enfermé entre trois murs. Du salon, j'aperçois la balustrade à l'étage et je pense à ce que je pourrais faire de cette pièce de jeux.
Je sens le regard de Jô s'attarder sur moi quelques instants. Je lui souris et il me tend sa main pour que je le rejoigne.
— Elle te plaît ?
J'ai le souffle coupé.
— Oui beaucoup.
Il esquisse un sourire et reprend sa conversation avec l'agent avant d'en finir. Je comprends qu'il est temps pour nous de partir.
Il est dix-huit heures et sur le chemin du retour, le silence règne, Jô pose sa main sur ma cuisse et me demande :
— Tu veux qu'on fasse une offre ?
Je lui souris.
— Elle est vraiment magnifique cette maison, mais assez chère.
Il me donne une pression, avec sa main, sur ma cuisse.
— Ne pense pas à ça. Tu la veux ou pas ?
Je le contemple, émerveillée.
— Oui, je m'imagine déjà dedans !
Il semble heureux de ma réponse.
— Je règle tout ça demain et je te tiens au courant dès que j'ai des nouvelles.
Je tourne ma tête vers la fenêtre et observe la nuit tomber.
— J'aimerais dormir chez moi cette nuit. J'ai besoin de discuter avec Maya.
Perplexe, il me demande :
— Il y a un truc qui ne va pas ?
Je ne cherche pas à croiser son regard posé sur moi.
— Tout va bien, ne t'inquiète pas.
Voyant que je fuis son regard, il ne cherche pas plus de réponses et se concentre sur la route.
— Très bien.
Il tourne violemment dans une rue pour revenir sur nos pas et pouvoir me reconduire à l'appart'.
Il est énervé, ça se ressent dans sa conduite, j'aimerais pouvoir le rassurer, mais je ne veux pas lui mentir. Ce soir, j'aimerais dormir seule et réfléchir sur ce que je dois faire pour Shôji, ça dure déjà depuis trop longtemps et j'ai déjà essayé de prendre mes distances sans grand succès. Ce petit bout est son enfant et je ne pourrai plus le fuir à présent. Vivre avec Jô est la meilleure chose à faire, le bébé doit avoir un foyer stable et sécurisant. Je l'aime et il me rend heureuse. Mais je ressens la même chose auprès de Shôji.
Alors qu'on arrive à hauteur de Dotonbori, je lui avoue :
— Je vais au boulot ce soir, Gin veillera sur moi.
Ses mains se crispent sur le volant.
— Sérieusement, Anna ?
Il s'arrête brusquement sur le côté.
— Tu ne peux pas juste accepter mon choix ?!
Il me regarde, furieux.
— Tu ne crois pas que j'ai déjà accepté pas mal de choses pour toi ?
Il me jette ses paroles à la figure, avec froideur.
— Je ferai attention, je te le promets. Je ne suis pas faite pour rester femme au foyer toute ma vie Jô...
Il acquiesce.
— D'accord... Je viendrai te chercher dans une heure.
Je le dévisage tendrement.
— Tu n'es pas obligé, je marcherai. Ça me fera du bien de prendre l'air.
Il soupire.
— Que tu veuilles y aller à pied, je peux m'y résoudre, mais cette nuit je te reprends à la banque pour te conduire chez vous.
Je me mordille la lèvre inférieure.
— Gin me raccompagnera, je sais que Maya l'a invitée pour dormir à l'appart' cette nuit.
Il frappe le volant.
— Anna, qu'est-ce que tu cherches à faire ? Je t'ai fait un truc pour que tu m'évites ?
Je me retourne vers lui subitement.
— Pourquoi tu penses toujours que je te fuis quand j'ai juste besoin d'être un peu seule ?!
Cette fois mon regard le calme directement.
— Pardon, fais attention à toi. Tu me téléphones sur le chemin aller-retour ?
Je lui prends la main.
— Je t'appellerai, si ça peut te rassurer.
Il me caresse la joue et m'embrasse le front avant de mettre le contact.
Au bout de dix minutes, la voiture s'arrête pour de bon. On est enfin arrivé.
— Tu veux monter ?
Il me sourit.
— Non, je vais rentrer directement et me reposer pour être en forme quand tu me téléphoneras cette nuit.
J'approche mon visage du sien et l'embrasse tendrement.
— Je t'aime, petit râleur.
Il lâche un léger rire avant de me répondre :
— Je t'aime plus, chieuse.
Je rigole, sors de la voiture en lui faisant un signe par la fenêtre et le regarde s'éloigner.
Quand j'entre, je fais une petite caresse à Keko qui se frotte à mes jambes et fais un bisou sur la tête de Maya qui fait la cuisine, elle prépare une bonne soupe au curry. Je vais rapidement prendre une douche et me changer pour aller bosser. J'avale un bol de soupe en vitesse, en espérant que ça me suffise. Et je file au boulot.
Le début de soirée a été assez difficile, après autant de temps sans bosser, j'ai mal à tous mes muscles, quasiment ! La pause arrive au bon moment. Je me dirige vers la cafétéria où je vois Nil. Je prends des biscuits et passe au comptoir. Nil se penche au-dessus du comptoir pour me prendre dans ses bras.
— Comment vas-tu, ma belle ?
Je laisse échapper un bâillement, il estime avoir eu sa réponse. Il me prépare un chocolat chaud et ajoute des onigiris sur mon plateau.
— Mes biscuits auraient suffi.
Il hausse un sourcil.
— Vraiment ? Permets-moi d'en douter !
Il me sourit et me tend mon plateau.
J'aperçois Gin au loin, assise sur une banquette, me faisant signe pour que je la remarque.
— Alors, tout se passe bien ?
Je bois une gorgée de mon chocolat et lui réponds en toute sérénité :
— Je suis hyper heureuse d'avoir repris le boulot !
Elle éclate de rire.
— Tu es bien la seule à qui ça plaît de bosser.
Je mange tout en conversant.
— Tu dors chez nous finalement ce soir ?
Elle m'offre son plus beau sourire.
— Je ne décline jamais ce genre d'invitation !
Le reste de la nuit se passe sans encombre et le boulot ne me semble pas si difficile à assumer, même enceinte. Bon d'accord, je ne le suis que de trois mois et les mois les plus durs sont les derniers.
Ce matin, je retourne à l'appartement en compagnie de Gin, je passe un bref appel à Jô pour qu'il ne s'inquiète pas davantage et raccroche assez vite pour discuter un peu avec mon amie. Je glisse les clés dans la serrure et ouvre la porte. Maya se réveille en sursaut dans le canapé et se lève en titubant vers Gin. Elle l'embrasse à pleine bouche. Je souris, témoin de cette scène des plus romantiques et je pars me coucher.
Je me réveille en pleine matinée, réveillée par des cris. Je me lève lentement et me dirige vers la porte de ma chambre. C'est Gin et Maya. Il semblerait qu'elles se disputent.
— Tu te rends compte de ce que tu dis ?
Gin répond à Maya violemment.
— Tu ne veux pas comprendre l'absurdité de notre relation...
J'entrouvre la porte et apparais dans la pièce de vie, mais mes amies ne me remarquent pas, trop préoccupées à se bouffer la tronche.
— Gin... Je ne pige pas ce qu'il t'arrive, on dirait vraiment une putain de gamine têtue !
Alors que Maya attrape froidement le bras de Gin pour la retenir, celle-ci la gifle bruyamment. Gin part au petit matin en claquant la porte. Maya hurle son prénom, mais Gin semble être partie pour de bon.
Le souvenir de Kyle me frappant pour la première fois me revient en pleine figure, c'était un soir d'hiver. Alors que je dormais chez ses parents, je l'ai surpris quitter notre lit en pleine nuit pour s'enfermer dans la salle de bains. Réveillée par la lumière du couloir, je l'avais suivi et entendu sa conversation à travers la porte.
— D'ici une petite heure.
— Oui, j'ai très envie de toi.
— Oh que oui... Mets quelque chose de sexy.
L'entendre prononcer ces mots avait couvert mon visage de larmes. J'étais entrée furieuse dans la salle de bains, le prenant sur le fait. Il s'était alors énervé, prétextant que je l'avais espionné, pour me pousser contre le mur et me gifler de toutes ses forces.
— Maya...
Elle est restée plantée au milieu de la pièce sans savoir comment réagir. Je me suis dirigée vers elle pour la prendre dans mes bras et la consoler.
— Elle devient dingue...
Elle file s'asseoir sur son lit. Je la suis.
— Raconte-moi.
Je m'assois à mon tour et elle me répond.
— Elle se fait monter la tête par ses parents, ils n'acceptent pas qu'elle soit en couple avec une fille.
Je lui prends la main.
— Elle est devenue hystérique, je ne la reconnais pas !
Elle pose sa tête sur mon épaule et je continue de la consoler.
— Elle t'aime, elle se rendra compte que ses parents n'ont pas le droit de la forcer à être quelqu'un qu'elle n'est pas.
Je n'étais pas sûre à centpour cent de mes propos, mais j'espérais fortement que ces deux-là se rabibochent.
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