Chapitre 1
Je ne sais pas ce qui m'a pris de fuir la maison et d'atterrir ici, mais je ne peux plus faire marche arrière. J'ai toujours adoré la culture japonaise, mais de là à me dire qu'un jour j'irais vivre là-bas, ça me paraissait tout simplement inimaginable et pourtant...
Me voilà dans la fameuse ville d'Osaka, dans le quartier sud de Namba, après de nombreux soucis pour arriver jusqu'ici ; entre la barrière de la langue, la monnaie et les transports en commun, j'ai enfin réussi à fouler la rue populaire, Dotonbori. L'appartement que j'ai réussi à dégoter sur le net se situe dans cette rue, au-dessus d'un bar. C'est une colocation avec une autre française, qui arrivera normalement dans deux semaines.
Chargée comme un âne, avec mes deux valises à roulettes dans chaque main, un sac à dos et ma sacoche, je déambule dans la rue à la recherche de mon logement. Je marche le long du canal, il fait nuit, mais il ne fait pas froid, il y a énormément de monde. Tous mes sens sont en alerte. Des bruits de jeux vidéo m'arrivent jusqu'aux oreilles, les odeurs de nourriture sentent terriblement bon et la vue est tout simplement magnifique.
Je n'en reviens pas d'être en cet instant précis à des milliers de kilomètres de ma ville natale. Je me repose un peu en m'asseyant quelques minutes sur un banc et espère que je trouverai rapidement un boulot. Ça ne risque pas d'être facile tous les jours ici.
En reprenant ma route, je vois des gens m'observer et me sourire, l'un d'eux semble plus préoccupé et s'arrête près de moi, me demandant :
— Anata wa ushinawa rete imasu ka ? Anata wa tasuke ga hitsuyō desu ka ?
Lorsqu'il se rend compte que je ne comprends pas ce qu'il me raconte, je suis terriblement gênée.
— Vous êtes perdue ? Vous avez besoin d'aide ?
Je le contemple surprise cette fois-ci.
— Je... Je cherche le Club Amour...
Ces personnes me fixent à présent avec de grands sourires, certains rigolent, des messes basses se font entendre. Devenant de plus en plus mal à l'aise, je reprends ma route. Sauf que je n'avais pas prévu que le français m'attrape le poignet pour m'arrêter, me regardant inquiet.
— Êtes-vous sûre de vouloir aller là-bas ?
Je ne sais pas ce qu'ils ont avec cet endroit, mais je commence sincèrement à regretter la situation.
— J'habite l'appartement du dessus...
Le français attrape alors une de mes valises et avance de quelques pas, avant de s'arrêter et de me faire signe de la main de le suivre. Je marche rapidement jusqu'à lui et ne dis plus rien. Il a la gentillesse de ne pas m'adresser la parole également. Cette rue est interminable, nous traversons un pont qui nous conduit de l'autre côté du canal et on continue notre route. Soudain, il ralentit le pas puis s'arrête complètement. Je ne reconnais pas la façade, je n'ai eu que l'aperçu intérieur, mais si j'avais appris que c'était ce genre de club, j'aurais pensé à faire des recherches pour un autre appartement ! Je ne sais pas quoi faire... J'hésite entre prendre mes jambes à mon cou et dormir sur un banc ce soir ou entrer dans mon logement en ayant connaissance de ce qu'il s'y passe plus bas...
Je me retourne alors vers lui, qui me sourit et m'encourage du regard.
— Je suis persuadé que votre logement sera à votre goût !
Je soupire.
— Merci de m'avoir aidée, vous pouvez y aller...
Je fixe toujours mes valises et la façade. Ce type voyant très bien mon hésitation me demande les clés de l'appartement. Je les lui tends ne sachant pas où il veut en venir. C'est alors qu'il prend tous mes sacs et grimpe les escaliers, sur le côté de la façade, conduisant à une porte, mon nouveau chez-moi. Je le suis et découvre un adorable lieu. Je me retourne vers lui, lui souriant faiblement. Je sais que s'il n'avait pas fait cet effort, je ne serais pas rentrée ici. On oublie tout de suite ce qu'il se passe en dessous une fois dans l'habitation.
Il dépose mes sacs et sort du sien un journal qu'il me donne.
— Il y a des annonces de petits boulots respectables dans ce journal, c'est le seul rédigé en français pour des sociétés françaises. Ça sera sans doute plus facile pour vous de commencer par là. Je m'appelle Jô.
Il me tend la main et je la lui serre.
— Moi, c'est Anna.
Il me sourit et s'en va vers l'entrée. Avant de faire volte-face et de me dire :
— À bientôt, Anna !
Je n'ai pas le temps de répondre qu'il est déjà parti. Je me retourne alors face à mon chez moi.
Celui-ci est à la fois grand et cosy, le mur en face de moi, prenant toute la longueur de l'appartement, n'est composé que d'une énorme baie vitrée qui conduit sur un balcon. Près de celle-ci, dans le fond à gauche se trouve la cuisine équipée, elle est en bois blanc avec une table en verre et 6 chaises de couleur.
De l'autre côté, sur la droite, autant dire en face de moi, se trouve le salon. Un canapé en coin bleu ciel s'y trouve, une petite table basse ronde blanche et un énorme meuble tv de la même couleur faisant office de mur séparateur entre la cuisine et le salon.
Juste à côté de la cuisine, se trouve la première chambre, celle-ci est très basique, une armoire avec une partie penderie, l'autre partie étagère et en dessous quelques tiroirs, une coiffeuse, un futon deux places et les tables de chevet. Rien d'extraordinaire, mais tout le confort nécessaire. La salle d'eau se trouvant à côté de la première chambre, séparant ainsi les deux chambres de tout éventuel bruit, ronflement, pleur, gémissement, etc... Une très bonne idée finalement !
J'entre dans la salle de bains et suis assez surprise par celle-ci, assez petite mais très moderne. La douche se trouve contre le mur du fond sur la droite. Un genre de cabine italienne, carrelée de minuscules pierres blanches et grises, fermée par une porte vitrée. Collée à cette douche et au mur de gauche, se situe la baignoire, à laquelle on accède grâce à une marche. Je n'ai déjà qu'une envie, celle de me faire couler un bain ! Les WC se trouvent sur la gauche et l'armoire de rangement avec la vasque sur la droite. Je vais en passer des heures dans ce lieu !
Je ressors de là pour entrer dans la seconde chambre. Celle-ci est composée de meubles identiques à l'autre. Une seule chose la différencie de la première, c'est la lumière du jour passant par la fenêtre. La vue n'est pas exceptionnelle, elle donne sur la ruelle d'à côté mais je choisis quand même celle-ci. Première arrivée, première servie !
Je dépose mes sacs au pied du lit et vais prendre l'air sur le balcon, celui-ci offre une magnifique vue sur le canal. Je réalise seulement maintenant ce que cette fugue représente. Bien qu'on ne puisse pas vraiment employer ce terme quand on a vingt-deux ans et qu'on laisse une lettre à ses parents leur disant qu'on part habiter au Japon. Celui pour qui, je le sais, cette décision sera plus difficile à digérer, c'est mon petit copain. Il a également eu droit à un petit mot, mais une lettre de rupture ne va pas l'enchanter... J'avais besoin de tout reprendre à zéro ; après avoir été refusée à l'université de mon choix, mes parents voulaient que je me marie avec Kyle et que je devienne mère au foyer. Pas du tout mon genre de vision de la vie. Kyle va finir par hériter de l'auberge familiale et l'argent qui va avec tout ça. Mes parents savaient très bien qu'avec lui, je ne manquerais jamais de rien... Financièrement parlant. Sauf qu'en amour je n'avais été réellement comblée avec lui que la première année. Par la suite, il est devenu égoïste, infidèle et violent... Trois ans de relation amoureuse à se mentir mutuellement sur la finalité de celle-ci. Au début, j'avais accepté ses écarts, j'avais dans l'idée de prendre un nouveau départ à l'université. Mais quand j'ai enfin su que j'avais été refusée, j'ai dû trouver un autre moyen de partir. Un an que je prépare mon départ, un an que je supporte nos familles en pleine préparation de notre mariage, mais surtout un an que je le supportais lui... C'est dur de se retrouver seule du jour au lendemain, mais comparé à ce que j'avais vécu, c'est enfin les vacances !
Je regarde les gens marcher dans la rue, certains sans doute pressés de rentrer chez eux et d'autres impatients d'aller s'amuser, il est déjà vingt-trois heures. J'en ai presque oublié le club d'en dessous avant d'entendre des hommes rire. Eux, cette nuit, auront de la compagnie... Afin de ne pas tomber dans la solitude, je rentre à l'intérieur, laisse la baie vitrée ouverte et me dirige à l'entrée pour enlever ma veste et l'accrocher. Ensuite je vais dans ma chambre pour vider mes sacs. J'ouvre ma valise et commence à ranger mes vêtements, tout en me demandant si demain j'aurais des nouvelles de mes parents. Je sors mon ours en peluche rose, offert par ma mère quand j'avais à peine six ans, le seul et unique cadeau qu'elle a pu me faire. N'étant pas très riches, à l'époque, ils ne pouvaient gaspiller leur argent pour ce genre de bêtise. Je place l'ours sur la table de chevet. Je sors mes cadres photo, celui de mon chien Loly, petite femelle carlin qui est décédée à l'âge de treize ans d'un cancer généralisé, il y a un an. Je dépose le cadre sur ma table de chevet également. Le second, une photo de famille avec mes parents et moi, fini sur le bureau.
Après plus d'une heure de rangement, tout est enfin à sa place. Je vais donc dans la salle de bain prendre une douche et mettre ma nuisette. En sortant, je fouille dans les placards de la cuisine à la recherche de mon cacao en poudre, je me fais un bon chocolat chaud et je m'installe dans le canapé avec le journal que Jô m'avait donné quelques heures plus tôt. Il n'y a qu'une annonce... Ça commence assez mal. C'est un boulot en tant que technicienne de surface pour des bureaux de la grande banque Nomura. L'annonce dit de se présenter sur place à l'accueil avec son Curriculum Vitae. L'adresse y est inscrite et même la date de parution. Elle date de ce matin... Beaucoup de gens ont déjà dû se manifester pour le boulot, mais j'irai faire un tour demain.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro