Chapitre 22
Arya en aurait presque pleuré de joie.
A peine entra-t-elle dans la pièce, à peine ses yeux effleurèrent le lit qui s'y trouvait, qu'elle s'y élança, oubliant les douleurs de son corps. Si elle avait pu le serrer dans ses bras, elle l'aurait fait.
Laura était avec elle et rit en la voyant.
- Espérons que tu dormiras suffisamment pour ne plus ressembler à un cadavre, commenta la garde d'élite.
- Même si un Isaki attaquait la ville, je ne quitterai pas ce lit avant demain matin, assura Arya.
Ils étaient arrivés à Marenne en fin d'après-midi, délaissant les chevaux dans une écurie à l'entrée de la ville. Etonnamment, celle-ci était assez peuplée, et ils avaient dû faire plusieurs auberges avant d'en trouver une avec suffisamment de chambres pour tous les accueillir. A peine avaient-ils réservé leurs chambres que Neven, Justin et Kolm avaient entrepris de retrouver leurs informateurs, délaissant à Laura la mission d'escorter la « prisonnière-invitée » qu'Arya était. Car il était difficile d'imaginer en les voyant – et elle aussi avait tendance à l'oublier – qu'elle était leur prisonnière. D'un point de vue extérieur, elle semblait plus être une noble dont ils étaient tous les quatre l'escorte. Alors que l'empereur voyageait avec elle. Quelle ironie.
Au moins, personne ne l'avait reconnu pour le moment.
Laura se laissa tomber sur le deuxième couchage.
- Est-ce que tu m'autorises à dormir avec toi ou tu préfères que ce soit Neven ? demanda-t-elle, un grand sourire fendant son visage.
Si elle essayait de mettre Arya dans l'embarras, elle allait être déçue.
- Je doute qu'il accepte, tu crois que je devrais tenter ? Réfléchit-elle à voix haute.
- Tu as raison. Il refusera pour la forme, rit Laura. Mais ce serait certainement très amusant à voir.
- Je tenterai le coup, sourit Arya.
Après un instant, Laura reprit plus sérieusement, les bras croisés derrière sa tête et les yeux levés vers le plafond :
- Tu sais, j'ai toujours cru que Neven ne ressentait rien. Que les expressions qu'ils montraient étaient toujours soigneusement calculées. Que c'était dû à sa bénédiction, comme les rumeurs le prétendent. Mais en réalité, je crois que c'est parce qu'il a été forcé de grandir comme ça. Ce n'est pas quelqu'un qui dévoile ce qu'il ressent par des mots, mais par ses actions. Je peux voir qu'il ne t'a jamais oublié... Cela crève les yeux. Il ne cesse de chercher le moindre contact physique, comme s'il craignait que tu ne sois pas réellement là. Comme si ta présence pouvait s'évaporer à tout instant et que ses doigts étaient la seule chose qui pouvaient te retenir. Quand il réfléchit, quand il élabore la moindre de ses stratégies, ses yeux, bien qu'entièrement concentrés, se pose sur toi, inlassablement. Pour le rassurer, lui donner un point de repère.
Arya ne dit rien, car il n'y avait pas vraiment de question et qu'elle n'avait rien de particulier à lui dire. Après un moment, Laura reprit :
- Il a prévu de prendre une calèche pour notre départ demain.
Arya écarquilla les yeux.
- Cela va considérablement nous ralentir, continua-t-elle. Il ne souhaite pas qu'on la garde tout le trajet, juste jusqu'à la prochaine ville. Mais, malgré l'urgence de la situation, il a estimé que le temps que nous perdrons valait la peine.
- Pourquoi me dis-tu tout cela ?
- Pour m'assurer que tu en avais conscience.
Laura sourit étrangement. Arya fronça les sourcils. Quel était le but de la garde ?
- Ce dont je ne doute pas, cela dit, ajouta-t-elle.
Arya en avait parfaitement conscience. Sauf pour l'histoire de la calèche. Son cœur s'était serré à la mention de cette attention.
- Et parce que je n'arrive pas à comprendre, continua Laura. Je vous ai vu ensemble à l'époque. Je ne sais pas ce qui vous liait exactement. Il savait pour ton lien avec la rébellion et pour l'histoire de ta famille. Peut-être était-ce ce qui vous empêchait d'être pleinement ensemble, finalement. Vos passés. Puis tu as fini par mener son père vers la mort. Et il a dû te tuer de ses propres mains. Je suppose que ça laisse des marques.
Il n'y avait pas peu dire. Inutile de les lui rappeler.
Laura secoua la tête comme si tout ça la dépassait.
- Pourtant, je peux également voir que tu ne l'as jamais oublié non plus. Tu ne fais d'ailleurs rien pour le cacher. Ce qui est étrange. Si tes sentiments étaient réels, pourquoi ne pas lui avoir dit que tu étais en vie ? A moins que ce ne soit une autre tentative de le duper ? Que ressens-tu vraiment pour lui ?
Laura tourna la tête vers Arya, qui se contentait de la regarder, l'expression neutre.
- Arya est-elle vraiment plus sincère que Livie ?
Toujours cette question : pourquoi n'a-t-elle pas dit à Neven qu'elle était en vie ? Elle avait hésité encore et encore. Mais elle n'avait pas pu. Pourquoi ? Elle savait pourquoi.
Arya haussa les épaules et regarda pour la première fois la garde en laissant transparaître son trouble.
- Je n'en sais rien. Je ne sais pas si Arya est plus sincère que Livie mais elle est assurément plus lâche.
Car Arya ne pouvait pas promettre de ne pas blesser à nouveau Neven dans le futur. S'il tentait de l'emprisonner : elle ne se laisserait certainement pas faire. La présence de la calèche allait justement lui permettre sa fuite si cela s'avérait nécessaire. Elle avait un plan.
Arya passa sa première bonne nuit depuis leur départ.
Malheureusement, ses songes la ramenèrent au passé.
- Dans une autre vie... On aurait pu être du même côté, murmurait Neven, les yeux emplis d'une lasse et inévitable douleur.
Il replaçait une mèche de ses cheveux derrière son oreille.
Oui, on est du même côté. Ensemble, voulait-elle lui dire.
- Repose-toi, Liv, tu t'es bien battue.
Neven, je suis avec toi, hurlait-elle, sans qu'il l'entende. Neven ! Ne me les enlève pas !
Il lui embrassait tendrement le front. Et plantait la lame dans son cœur.
Elle se réveilla en sursaut, en sueur et tremblante. La main sur sa poitrine.
Inspiration. Expiration. Inspiration. Expiration.
Une fois de plus, comme souvent après ce cauchemar, le vide dans sa poitrine, dans son âme, se fit violemment ressentir, lui arrachant un petit cri.
Rendez-les-moi... priait-elle, intérieurement. Rendez-moi mes bénédictions...
Elle tourna la tête, son œil soudain attiré par du mouvement.
Laura la regardait, appuyé sur ses bras pour se relever.
- Ça va ?
- Ce n'est rien, pardon, s'excusa Arya, gênée, en secouant la tête. Un cauchemar.
- Il avait l'air intense.
- Beaucoup trop, murmura-t-elle avant de reprendre après avoir raffermi sa voix : je dormais à même le sol, après avoir passé trois jours sans toilette décente. C'était horrible.
- J'imagine, répondit Laura en riant, sans chercher plus loin.
Mais elles savaient toutes les deux que c'était surtout pour faire plaisir à Arya.
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