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Isaac. Chapitre 1

-         Ok Isaac, t'es prêt?

Georges peaufine encore un ou deux détails puis ajuste le niveau sonore de l'enceinte en tournant la tête vers moi. Les mains dans les poches, assis sur une table derrière lui, je hoche la tête en silence, en pinçant mes lèvres entre elles. C'est un vieux tic qui trahit mon appréhension.

« Je t'ai appelé la nuit dernière, pour au moins tomber sur ton répondeur... »

La musique démarre par ma voix et pour la première fois de toute ma vie je m'entends, moi, chanter seul sur une version propre d'un de mes morceaux que nous venons à peine d'enregistrer. Je n'irai pas jusqu'à dire que j'adore m'écouter mais ça me fait une sensation toute bizarre, comme un mélange de fierté et de satisfaction, d'avoir enfin réussi à passer derrière le micro pour une création qui n'appartient qu'à moi.

« Tu n'écouteras jamais mon message, mais je le laisse, au cas où. »

J'ai écrit ces paroles, je les ai joués, je les ai chantés, pourtant j'ai l'impression de les découvrir pour la première fois. Oscar aurait adoré me voir dans la cabine d'enregistrement. Il aurait probablement sauté dans tous les sens et prit la place de l'ingénieur du son comme s'il savait mieux faire son travail, pour que tout soit parfait, pour que je sois à l'aise. Quand j'enregistrais je le voyais dans ma tête faire de grands signes avec son pouce, le sourire jusqu'en haut des oreilles parce qu'il était comme ça, il me soutenait dans ces projets là et surtout, il aimait ma voix et mes chansons. Personne ne m'a jamais autant encouragé que lui. Quoi que...


Avant

Lors de ma seconde année à l'université, il y a eu un concours d'écriture organisé par le club de poésie. Est-ce que c'est ringard de participer à un club de poésie? Oui, je sais. Même quand le prince de Bel-Air y était (Will Smith tout de même), ça restait rasoir. Pourtant mon meilleur ami m'avait supplié presque à genoux pour que je m'y inscrive.

-Je crois que tu ne saisis pas réellement l'ampleur des choses.

-C'est un concours de fac Naël, je pense que je réalise assez bien l'ampleur ridicule des choses.

Nous étions devant le grand panneau d'affichage, dans l'entrée principal du bâtiment où nous avions cours. Une feuille (sur laquelle on pouvait lire en lettres capitales: CONCOURS DE POÈMES. Thème: écrivez sans rimes, écrivez comme ça vient, honorez la poésie moderne de votre sensibilité) était épinglée et contenait déjà les noms d'une bonne trentaine de personnes. Il restait de la place, mais pas assez pour que je reste indécis trop longtemps non plus.

-Tu passes ton temps à écrire dans ton carnet! Même l'autre jour en boîte tu t'es caché dans les toilettes pour faire je ne sais trop quoi avec. Ne me fais pas croire que tu n'as rien à proposer qui puisse gagner un concours !

Cette fameuse soirée de la semaine passée m'était revenue en mémoire mais étrangement, ce qui m'a le plus marqué n'était pas le moment où Naël est entré pour me trouver mais plutôt celui du type qui voulait coucher directement contre la porte. Ses pupilles étaient très dilatées mais je crois que ses yeux étaient verts. En tout cas il avait dû beaucoup danser car ses joues étaient rougies et ça se voyait qu'il avait chaud. Je crois qu'il était beau, mais ce n'était pas mon type. Trop de colère, trop de frustration. Juste après notre altercation, ses doigts ont essayé de recoiffer ses cheveux un peu longs et vu que je ne lui accordais plus aucune attention, il s'est avancé vers moi pour croiser les bras sur son torse et m'affronter du regard.

-         Qu'est-ce que tu écris?

-         Des trucs.

-         Nul.

Il a râlé encore sans que je ne comprenne pourquoi. Peut-être qu'écrire dans un carnet pendant que d'autres essayent de trouver quelqu'un avec qui danser pour lui c'était "nul", mais pour moi c'était le seul truc que je pouvais faire, sur l'instant, d'un minimum intéressant. Après son départ j'ai retrouvé l'inspiration. J'écrivais avec presque un sourire aux lèvres:

"T'es pire qu'un cauchemar et pourtant toutes les nuits je n'attends que de m'endormir."

Ça n'avait pas de sens. Ce n'étaient que des mots mis bouts à bout. Toute inspiration était un prétexte pour écrire.

Naël me sortit de mes pensées en tirant le bouchon de son stylo avec ses dents afin de noter de manière totalement discrète c'est-à-dire en lettres capitales: ISAAC PAGE.

-         Je n'ai vraiment rien à présenter, t'es au courant?

-         Et moi je suis au régime.

Il a haussé les épaules en riant, ça m'a conforté dans l'idée que ce garçon allait causer ma perte. Evidemment, j'ai ris avec lui -surtout à l'idée qu'il se lance dans un régime parce que Naël passait son temps à grignoter- et nous nous sommes dirigés vers notre amphithéâtre en passant à un autre sujet. Cette histoire de concours m'a hanté pendant la semaine entière et finalement, deux heures avant la clôture des inscriptions j'ai envoyé mon poème par mail. Un truc stupide que j'avais noté dans le coin de mon carnet un an auparavant. La poésie moderne ne se concentrait pas sur les rimes, l'important était l'intensité, le message, l'émotion. La forme on s'en fichait du moment que ça touche. Deux semaines plus tard, les résultats étaient disponibles sur le même tableau d'affichage.

Naël a tiré sur mon bras pour que je marche plus vite, incapable d'attendre plus pour savoir qui avait gagné. Je me suis demandé si ce n'était pas lui qui avait participé à ce concours plutôt que moi puisqu'il était enthousiaste pour deux.

En grand, quelques lignes étaient imprimées sur du papier coloré.

Tes yeux le long de mon corps,

Ne me déshabillerons jamais aussi bien,

Que tes mains

- I.P.

Je ne sais pas si le plus fou dans cette histoire ait que j'ai gagné pour si peu ou que ce papier bleu ciel se soit retrouvé collé absolument PARTOUT dans l'université en plus d'être dans le journal local. Si la veille je vivais une vie paisible et tranquille, j'entendais à présent mes initiales à chaque tournant de couloir car évidemment, tout le monde se demandait qui avait bien pu écrire le texte qui se diffusait même sur le panneau lumineux dans la cafétéria. Merde. Je n'aurai clairement pas dû participer. J'ai maudit Naël pendant encore 2 jours. En réalité aucun de nous deux n'avait prévu cette médiatisation. Ne pas lire les conditions de participation m'a toujours fait défaut.

-         Je ne pouvais pas savoir qu'un concours de poésie de bas étage pouvait mettre autant de moyens pour la "récompense".

Naël essayait de s'excuser en croquant dans le hamburger qu'il venait de prendre au drive.

-         Un des candidats aux élections pour le poste de président des élèves m'a demandé sur ma boite mail si je pouvais le lire en public pour promouvoir les arts au sein la faculté blabla, j'ai répondu en mangeant la seule patatoes de mon cornet de frites.

Tous deux installés dans Bernard (sa voiture), les doigts gras, nous déjeunions sur le parking de la faculté. Heureusement pour moi, personne n'avait encore réellement deviné mon identité et j'imaginais déjà de loin le scandale si on apprenait que ce poème avait été écrit par un homme et pire encore: pour un homme.

-         Génial! Qu'est-ce que tu as répondu?

J'ai sorti mon téléphone pour retrouver l'email.

-         "Merci de votre proposition mais je crois que tout le monde le connaît déjà par cœur".

Naël a ri à gorge déployée.

-         Il a dû envoyer sa demande à tous les I.P de la faculté.

-         Pour ta gouverne, nous sommes 47 I.P. Il a surtout dû demander au club de poésie la liste d'inscription où mon nom est clairement écrit en capital.

-         Oops.

Il rit à nouveau et cette fois ça m'a amusé aussi. Naël était de loin mon meilleur ami bien qu'il me conduise très souvent dans des situations embarrassantes, comme quand il m'a demandé en primaire si je pouvais lui prêter mon maillot de bain et que je me suis retrouvé à être le seul de la classe à ne pas avoir le sien, au bord de l'eau. Tout le monde a dit que c'était parce que j'avais trop peur et cette rumeur a couru jusqu'au lycée au moins.
Sinon il y a cette fois où Naëll a trouvé une araignée dans l'herbe, juste avant un concert de festival l'année dernière.

-         TIENS 'ZAAK !

En fait il n'a pas attendu d'avoir mon approbation minimum pour me la mettre sur le haut du crâne pendant que je me reposais. J'ai hurlé pendant une bonne minute en courant partout, non pas que j'ai une peur bleue des araignées mais parce que je la sentais beaucoup plus grosse que ce qu'elle était vraiment et qu'elle ne voulait pas me lâcher.

Après avoir terminé notre repas, nous nous sommes dirigés vers notre salle de cours. Sur le chemin, les mains dans les poches, je me suis surpris à râler pour la première fois depuis longtemps en voyant cette multitude de bleue trainer sur le sol.

-         Tous ces papiers d'utilisés pour ça alors que je ne voulais même pas g-

-         C'est clair.

Je me suis stoppé net et Naël l'a remarqué au bout de quelques mètres seulement. La personne qui m'a répondu tenait l'un des papiers qui était autrefois accroché sur un panneau en liège dans ses mains, ses yeux étaient rivés sur le poème.

-         En plus c'est complètement stupide. Personne n'aime la poésie. I.P, il eut un bref silence comme s'il cherchait où il avait pu entendre ça auparavant. Il a repris avec assurance. Franchement il a bien fait de ne mettre que ses initiales parce qu'il craint.

Si j'avais des doutes, à présent j'en étais sûr. Ce mec, avec ses vêtements noirs et ses cheveux bouclés, c'était celui des toilettes de la boîte de nuit. Ce n'est pas possible. Moi qui pensais que je n'allais jamais le recroiser de toute ma vie (et je l'avais espéré), je me retrouvais confronté à lui de nouveau.

-         Ça va pas la tête? Naël est intervenu pour prendre ma défense. C'est très courageux de publier quelque chose d'aussi intime.

Le bouclé s'est tourné pour être en face du blond qui ne se dégonflait pas malgré sa taille légèrement inférieure.

-Si ça l'était il aurait mis son nom complet le génie. T'as une tache sur ton t-shirt.

J'ai entrouvert la bouche, prêt à répondre mais incapable de dire quoi que ce soit. C'est quoi son problème? Je crois que je ne l'avais jamais entendu dire quelque chose de sympathique. Il a chiffonné la feuille dans ses mains et l'a jeté dans la poubelle à côté de moi. Nos yeux se sont croisés et la manière dont il m'a regardé ce jour-là m'a réellement marqué. Je ne saurai pas dire pourquoi et avec du recul peut-être que c'était juste parce qu'il me fixait pour essayer de se souvenir d'où il me connaissait.

-         C'est toi le pervers de la boîte de nuit?

-         Je croyais que c'était toi ? J'ai répondu sans savoir d'où sortait ce courage.

Naël s'est étouffé avec son soda. La grande aiguille de l'horloge s'est basculée vers le 12 et à peine une seconde plus tard toutes les portes se sont ouvertes presque à l'unisson pour rompre notre duel du regard.

-         Carooooo!

Une grande femme aux longs cheveux blonds et aux lèvres pulpeuses s'est avancée vers nous pour prendre le bras du bouclé qui ne me lâchait pas des yeux pour autant.

-         Ali'. Il était bien plus froid qu'elle. On y va.

En silence je les ai regardé s'éloigner ensemble et se confondre à la foule bruyante. Ce mec est vraiment bizarre. Est-ce que c'était sa copine? J'étais sûr que ce n'était pas la même que la dame de la boite. Est-ce qu'elle sait ce qu'il fait dans son dos ? J'ai sursauté en entendant la paille de Naël avaler de l'air près de mon oreille.

-         Woooah. Canon, mais....

-         Stupide. Je complète pour lui.

-         Il a l'air prit.

-         Je ne flash pas sur lui. Ne crois pas que parce que je suis gay, tous les mecs sur Terre sont des potentielles proies pour moi.

-         J'ai juste cru qu'il y avait une tension.

-         Il est une tension à lui tout seul.

-         Et donc comme ça vous êtes tous les deux des pervers, ça fait un point commun ça non?

Je lui ai donné un coup de coude en guise de réponse et il a gloussé. Je n'imaginais pas que je reverrais ce garçon à nouveau. Il a détesté mon poème, comme la bonne majorité des personnes ici -si ce n'était tout le monde- et ce n'était pas grave parce que c'était un vieux truc que j'avais pioché dans un carnet pour faire plaisir à Naël. Ça a pris plus d'ampleur que prévu tous ces papiers et ces affichages en tout genre mais peu importait. Il n'était pas difficile pour moi de passer à autre chose.

Il y a des gens qui, en quelques années semblent avoir tant vécu que l'ensemble de leurs expériences représenterai une éternité de vies pour une personne lambda. Le dénommé Caro, par exemple, semblait si fermé sur lui-même qu'il m'était impossible d'imaginer que c'était dû au hasard, à rien de particulier. A quel point doit-on souffrir pour avoir besoin d'être aussi agressif pour tout et rien? Ces pensées plutôt étranges ne m'ont pas occupées très longtemps car j'ai rapidement fini par oublier son existence pour me concentrer sur mes études, les gens qui m'entourent et surtout mon dernier carnet.

Mon tout premier carnet me venait de ma mère. Il était bleu parce qu'elle pensait que c'était ma couleur favorite, comme tous les petits garçons (ce n'était pas le cas, pour moi ça a été et ce sera toujours le vert). J'avais 7 ans, je savais enfin écrire et elle a jugé bon de me donner un moyen d'expression. Il faut dire que je n'étais pas très bavard et contrairement à ce qu'elle imaginait, pouvoir partager mes idées sur le papier n'a fait que me rendre davantage timide.

J'ai commencé par raconter mes journées, puis par dessiner, ensuite j'ai recopié des phrases qui m'ont marqué, des paroles de chansons, jusqu'à ce que j'écrive les miennes. Au total je compte près de 18 carnets, rangés par ordre chronologique sur la dernière étagère de ma bibliothèque. Aujourd'hui encore il m'arrive d'écrire des mots entendus ou mes pensées, comme ce matin-là par exemple, trois semaines après ma dernière altercation avec Caro.

«Caro est assis à une table pas très loin de moi, avec sa copine. Je crois que j'ai retenu son prénom parce qu'il est vraiment étrange. Caro. C'est pas un prénom ça. Pavé plat en forme de carré c'était trop long? Ou pique? Trèfle? Plus je le fixe et plus je me dis qu'il pourrait peut-être être un bon sujet pour une chanson. Un truc du genre "souris stp, c'est super chiant de voir quelqu'un râler TOUT LE TEMPS".

Finalement, je ne sais pas si ça donnerait bien.

Pas sûr qu'il aime non plus.»

Les rumeurs sur mon poème précédent ont disparu à mesure que les papiers ont été décrochés ou remplacés par d'autres, à mon grand plaisir. L'anonymat, avait toujours été une grande amie.

J'ai relevé la tête en entendant sa petite amie rire aux éclats malgré le silence requit dans une salle d'étude. Tout le monde l'a fusillée du regard mais elle n'avait pas l'air de s'en soucier, trop occupée à rouler une mèche de cheveux autour de son doigt en mâchant la bouche ouverte.

J'avais horreur de ça, les chewing-gums.

Ça colle et c'était toujours trop fort ou bien pas assez et là ça ne servait plus à rien. Sans parler du goût qui s'évapore au bout des 3 minutes. C'est bourré de pétrole en plus. Je n'y voyais aucun intérêt. Puis j'ai entendu dire que ça donnait le cancer. Comme beaucoup de choses finalement. C'est nul les maladies. C'est nul les trucs qui collent. Si elle en mâche alors il aime ça aussi. Pourquoi est-ce qu'il aime ça? Les pastilles c'est mieux.

-         Si tu continues de la fixer comme ça je vais finir par croire que t'as changé de bord.

Mon meilleur ami m'a sorti de mes pensées envahissantes, me permettant enfin de détourner le regard.

-         Tu ne trouves pas que quelque chose cloche chez elle ?

-         Non, quoi que... Il a plissé les yeux en jouant avec sa lèvre du bout des doigts, l'air concentré. Ses cheveux sont vraiment trop beaux. Tu crois que je pourrais aller lui demander la marque de son après-shampoing?

-         T'es pas cap.

En temps normal, ce genre de rigolade prendrait fin rapidement et les choses reviendraient sérieuses surtout dans le cadre des révisions. Mais la personne que je venais de défier n'était justement pas normale. Le blond s'est levé d'un coup, avant que je n'aie le temps de dire que je plaisantais.

-         Attends, je, non, reviens!

J'ai chuchoté pour ne déranger personne autour de nous et pourtant, quelques regards se sont braqués vers moi. Arg. Je me suis réinstallé correctement à ma place, baissant les yeux avec presque honte d'avoir dérangé, jusqu'à ce que j'entende au loin Naël oser demander, dans le silence de la bibliothèque:

-         Salut, désolé de te déranger mais je me demandais quel soin tu utilisais pour avoir des cheveux aussi splendides.

Le courant avait l'air de bien passer entre eux parce qu'ils se sont mis à rire en cœur au bout de quelques instants. Mes doigts tournaient frénétiquement mon stylo pendant que je la fixais. Je ne sais pas pourquoi je faisais ça, mais cette fille m'intriguait. Qu'est-ce qu'elle lui trouve? Pourquoi est-ce qu'elle reste à ses côtés? Il doit bien avoir un truc. Ou alors c'est elle qui l'a, ce truc et il rame pour qu'elle reste avec lui.

Caro a tourné la tête vers moi et je ne l'ai remarqué qu'au bout de longues secondes. Il a dû sentir que je regardais sa copine depuis un moment. Nous nous affrontions une nouvelle fois du regard, aucun de nous n'écoutait la conversation que Naël entretenait avec la jeune femme. J'ai compris. Il veut jouer. Celui qui baisserait les yeux en premier perdrait, les enfants font ça souvent. Ses vêtements noirs contrastaient incroyablement avec ses lèvres rosées et ses yeux verts. Il n'était définitivement pas mon genre. Dès que la conversation s'est achevée mon ami a traversé notre champ de vision en revenant s'asseoir face à moi, le match était nul.

-         Tu ne devineras jamais.

-         Elle n'utilise pas de soins.

Sa mâchoire semblait vouloir se décrocher.

-         Comment t'as su?

J'ai haussé les épaules en reportant mon attention sur mon carnet.

-         Le pire dans toute cette histoire, il a repris avec enthousiasme, c'est qu'en plus d'avoir des cheveux soyeux, elle est vraiment super douce et si gentille! Un ange, je te jure. La prochaine fois je lui demande son parfum parce qu'il est di-vin! Comme ça elle a l'air superficielle mais penses-tu, ce n'est qu'un rôle pour mieux nous surprendre ! Elle a un vocabulaire large, son sourire est fantastique. En fait elle est même très fine d'esprit, elle a réussi à faire une blague sur Durkheim. Tu te rends compte? Faire de l'humour, drôle, sur un mec qui a consacré sa vie à écrire sur le suicide.

En première année, nous passions beaucoup de temps à chercher des blagues à faire sur Durkheim sans jamais trouver quoi que ce soit de réellement drôle, c'était trop souvent source de malaise. Elle devait être super douée.

-         Et elle s'appelle Alison. Elle étudie le chinois et le français, elle parle d'ailleurs déjà 4 autres langues.

Je me suis renfermé en griffonnant dans mon carnet quelque chose d'incompréhensible même pour moi.

-         Super Naël, qu'est-ce que tu veux que je fasse de ces informations?

Je savais qu'il m'observait avec étonnement. Mon intonation était très sèche. Je n'avais plus l'habitude de me renfermer comme ça et je crois qu'il a été aussi surpris que moi.

-         Détends-toi 'Zaak, j'ai juste essayé de connaître une nouvelle personne. Elle était vraiment chouette, je suis sûr que tu pourrais l'aimer aussi.

-         Hm.

Le pire c'est que j'étais même pas jaloux. Naël avait d'autres amis que moi et ça ne m'avait jamais posé de problème. Je n'avais juste pas envie de parler de ça. Pour une raison que j'ignorais je n'arrivais pas à la voir d'un bon œil. Elle était trop parfaite avec ses beaux cheveux naturels et ses chewing-gums. A force de me connaître Naël a compris que ça ne servirait à rien de forcer dans ce genre de situations et à mon plus grand plaisir, il a simplement soupiré.

-         En attendant, elle m'a proposé de passer la voir au musée d'art contemporain où elle travaille, samedi. Elle nous offre la visite.

J'ai relevé les yeux vers lui, lui faisant silencieusement comprendre que c'était bon, il pouvait juste s'arrêter là. Innocemment il a levé les mains en l'air.

"De longs cheveux blonds, de belles lèvres et de la gum."


Bien que j'aie ignoré tous les messages de Naël et les conversations concernant cette sortie au musée, je me suis retrouvé forcé de monter dans Bernard (toujours la voiture), alors que mon meilleur ami tapotait ses doigts au rythme de la musique sur son volant.

-         Tu ne vas pas faire la gueule toute la journée rassure-moi?

Je m'étais contenté de rouler des yeux en regardant à travers la fenêtre le paysage londonien qui défilait à une allure lente. Les bouchons, ça craint. Mais notre résidence universitaire, tout comme notre faculté, ne se situaient pas exactement dans le centre-ville.

-         Bon... Comme tu veux... Je vais être obliger de...

-         Pitié, pas encore.

-         Tu ne me laisses pas le choix cher ami. Alors c'est où déjà...

Sur ces mots il s'est penché légèrement vers le lecteur CD pour triturer les boutons et passer de la radio aux musiques de sa clef-USB. Il a fait défiler les différents morceaux jusqu'à s'arrêter au numéro 28.

-         Ah, la voilà!

En moins d'une seconde j'ai retrouvé toute mon énergie et ma bonne humeur. La musique Hey Ya! de OutKast m'a toujours fait ce même effet revitalisant.

-         My baby don't mess around/ 'Cause she loves me so/ This I know fo sho!

Nous chantions en cœur en clappant dans nos mains entre les différentes parties du couplet avant d'improviser une chorégraphie comme si on avait assez de place pour faire ça ici. Depuis des années cette musique ne quittait jamais nos coups de blues, même les plus tenaces. J'adorais chanter avec Naël. On chantait tout et n'importe quoi ensemble, tout le temps, sans jugement. C'est si triste de se dire que les garçons, quand ils se lancent dans la chanson se dirigent surtout vers le rap pour cultiver cette idée de virilité retiré par la pureté et le sentimentalisme des autres genres musicaux. La virilité ne devrait pas se baser sur cette idée d'être une armoire insensible et puissante. C'est stupide. C'est réducteur. C'est oppressant.

A la fin de la chanson nous nous sommes arrêtés sur une place de parking, juste en face de l'immense muséum d'art contemporain.

Mon premier soupir fut en sortant de la voiture, le second en attendant que Alison arrive après qu'une de ses collègues l'ai appelé, le troisième lorsqu'elle est enfin venu, avec son sourire parfait et sa bonne humeur maladive, le dernier pour l'entrée en scène de Caro lorsque la blonde nous faisait visiter la 3e salle en commentant absolument chaque œuvre (au grand plaisir de Naël qui posait des questions comme s'il allait obtenir une note à la fin).

-         Excusez-moi pour le retard, j'étais dans les bouchons, quel calvaire.

Un bouton de sa chemise au niveau du nombril était détaché, il était à peine coiffé et sa braguette était ouverte. Est-ce que Alison sait qu'il la trompe? Ça n'avait pas l'air d'être le cas puisqu'elle ne pouvait pas s'empêcher d'agrandir encore plus son sourire, se penchant vers lui sur la pointe des pieds pour embrasser sa joue.

-         Tu arrives pile poil pour les tableaux de Debré trésor.

Il a levé la tête vers nous ensuite, pour nous saluer de la main rapidement. J'ai baissé les yeux vers son pantalon pour lui faire comprendre que ce n'était pas correctement fermé et je crois qu'il a reçu le message instantanément parce que lorsque je l'ai regardé à nouveau, quelques minutes plus tard, il était habillé décemment.

-         Ses œuvres sont colossales, Alison nous les montrait du bout de la main, 6 d'entre elles représentent une collection impressionnante appelé Les Nymphéas, en référence à Claude Monnet, et chaque tableau mesure environs 4 mètres sur 9!

J'ai relevé les yeux, au pied d'une énorme surface bleue. C'était assez grand pour remplir intégralement mon champ de vision. Tout était bleu. Il y avait quelques nuances, certes, mais ça restait bleu. C'était si immense que je me sentais noyé. Partout. Du bleu. 3 des 6 œuvres l'était. C'est quoi toujours cette obsession morbide pour cette couleur, encore et toujours la même, en permanence.

-         Pourquoi bleu? J'ai demandé.

Alison et Naël étaient aussi surpris que moi d'entendre ma voix. La blonde a esquissé un nouveau sourire en réalisant que je m'intéressais à ses explications, puis a tendu le bras vers le peu de blanc et de noir que contenait le tableau dans un coin.

-         Ça ne te fait penser à rien? La guide faisait son travail.

-         Je n'aime pas le bleu.

-         Pourtant c'est ce qui devrait t'aller le mieux. Caro a commenté soudainement.

Nous nous sommes tous tournés vers lui, intrigués par son commentaire plutôt étrange.

-         Quoi? Il jouait l'innocent. Il a les yeux bleus, alors ça devrait les faire ressortir, d'en porter.

Ils ont ri mais je n'ai pas saisi ce qui était drôle. J'ai essayé de mal le regarder comme il sait si bien faire, jusqu'à ce que Alison me donne enfin ma réponse.

-         Il s'est inspiré d'un fleuve. Comme on peut le voir, la peinture a une sorte de mouvement vers l'extrémité gauche, ici, comme si l'eau coulait dans ce sens.

Elle est ensuite passé à autre chose juste à côté de nous mais je suis resté bloqué devant ces trois gigantesques tableaux. Je me suis assis sur un banc pour réfléchir. Pourquoi avoir représenter un fleuve? L'eau est froide et sale, on ne sait jamais ce qu'il y a dedans, sans parler de la pollution qui borde beaucoup de ces espaces et des animaux qui y vivent. Je suis resté bloqué là au moins quinze minutes sans bouger. Ils ont eu le temps d'aller à l'autre bout de la salle.

Le bleu, c'est vraiment laid.

Puis j'ai sorti mon carnet et mon stylo et j'ai commencé à faire un croquis du mouvement des tableaux.

"L'importance des yeux dans une tenue?"

-         Pourquoi tu fais une fixette sur les tableaux bleus alors qu'il y en a tout un tas avec d'autres couleurs?

Caro s'était posté devant moi, bien en face pour me gâcher la vue. J'ai levé la tête vers lui. Il venait de me couper dans mon élan d'inspiration.

-         Parce que je n'aime pas le bleu. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi tout le monde l'aime.

Il s'est contenté d'échapper un rire fier en enfouissant les mains dans ses poches.

-         Moi je sais.

-         Et tu ne comptes pas me le dire?

-         Tu ne comptes rien dire à Alison toi?

Ah. Donc c'est vrai. J'ai regardé la blonde rire de Naël qui imitait quelque chose de manière terrifiante tant c'était incompréhensible. Un gorille? Une photocopieuse? Aucune idée. Puisque le bouclé voulait jouer à répondre à une question par une question, j'allais jouer.

-         Tu râles réellement tout le temps?

-         Tu ne souris jamais?

-         Tu aimes les chewing-gums?

Je crois que m'a dernière question l'a décontenancé car il a enfin esquissé un vrai sourire.

-         Je préfère largement les pastilles.


"Je n'aimais pas son poème parce qu'il devait être une chanson." O.

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