Les gens discutent, rentrent dans la salle progressivement. Eléa m'accompagne et pour la première depuis très longtemps nous sommes habillés de manière accordée. Elle porte une longue robe noire de couturier, c'est assez élégant et j'ai dû exceptionnellement mettre un costume. Un costume. Moi. Isaac Page. La dernière fois que j'en ai mis un... Oscar n'a pas perdu beaucoup de temps pour me l'enlever. Je chasse ces délicieuses pensées en joignant mes mains pour faire cette tête que je fais toujours sur les photos, un peu bougonne. Je suis toujours mal à l'aise face aux paparazzi, mais on est obligé de passer devant eux pour entrer. Un col roulé noir. Une veste et un pantalon noir. Il n'y a que le début de ma poche qui est blanche, je ne sais même pas si ce truc a un nom spécifique.

-         Isaac, par ici!

Je me tourne légèrement vers la voix pour que tout ça se termine au plus vite. Eléa me rejoint au bout de quelque minute et je passe mon bras derrière sa taille pour faire la photo dont tout le monde rêve. Les flashs redoublent et nous aveuglent. On doit continuer. Un couple goal. C'est ce qu'ils veulent. Ce soir on incarne la force et la puissance de l'amour. C'est la première fois qu'elle vient à une remise de prix et que nous posons comme ça ensemble, mais on sait tous les deux la vraie raison de sa présence. J'appréhende déjà.

Un agent nous fait signe qu'on peut enfin y aller et on traverse l'espace destiné aux photos pour se faire passer de mains en mains et être guidé vers nos places réservées. Sur la rangée je peux lire les noms de nos voisins.

Des chanteurs que je connais vaguement de nom, des sponsors. Yliess Mahe et Lili Hamilton. Oh. Quel choix original. Shawn Mendes. Les personnes qui l'accompagnent. Eléa Carlton. Isaac Page.

On retire nos papiers et on s'assoit. Il y a du monde, c'est un endroit plutôt grand. La brune se penche vers moi dès qu'elle tilt.

-         Tu as vu qui était à côté de nous?

Yliess. Bien-sûr que j'ai vu. Comment le louper? Pourtant je feins l'indifférence.

-         Qui?

-         Lili Hamilton. Tu la connais personnellement?

-         Pas vraiment. Je lui réponds sans être réellement ancré à la conversation ; j'évite son regard pour scruter les invités de ce soir.

-         J'aimerai bien lui parler. C'est une femme extrêmement influente dans le monde de la mode.

-         De la haute couture. Je corrige. Les modes passent, le style est éternel.

Elle m'a regardé en haussant les sourcils. On a pas l'habitude d'avoir ce genre de discussions et c'est normal que ça l'étonne, que je m'y connaisse dans ce domaine. Oscar en était passionné, toujours un peu plus au cours du temps. Yves Saint Laurent, j'étais obligé de lui faire honneur au moins là-dessus.

-         Wow. Tu connais ça toi ? Bref, je suis sûre qu'elle pourrait m'aider. Et puis tu sais, Lili [...]

Elle me parle pour faire passer le temps mais je préfère me perdre dans mes pensées. Les vêtements, les costumes incroyablement colorés c'est son truc à lui. Est-ce qu'il compte venir à la cérémonie? Où sera-t-il placé? Et avec qui surtout? Je tourne la tête à droite puis à gauche. Il n'est pas encore arrivé, sinon je l'aurai vu. Ça fait souvent ça quand on aime quelqu'un, on le retrouve dans une foule parmi des centaines de visages en un regard. Certains diraient qu'un fil rouge qui nous relie. C'est une vieille légende japonaise sur les âmes-sœurs que j'aime beaucoup. Il y a du bruit, beaucoup de bruit et Eléa continu son monologue sur son métier d'influenceuse. C'est ennuyant, mais si elle aime... Je croise le regard de Liam, il m'offre un hochement de tête, de loin, pour me saluer, il attend d'être placé. Evidemment, je lui rends, par politesse. Il n'est pas méchant. Yliess non plus. Oscar non plus. C'est juste... Différent maintenant. Je me demande ce que dirait Naël s'il nous voyait. Il me manque terriblement.

-         Oh mon dieu, n'est-ce pas Alison Swanson là-bas?!

J'ai relevé le visage dans la direction que la brune m'indique. Alison, dans une grande robe assez féerique sur des tons pastel, traverse l'allée la plus proche de nous au bras de sa mère. Elle est encore plus belle qu'avant, on dirait une princesse. C'est dingue de se dire qu'on a tous réussi, qu'on est tous ou presque, dans la même salle, à attendre de savoir lequel d'entre nous a remporté un prix. Gagner ou perdre, on s'en fiche un peu. Avoir un trophée en plus ne change pas nos vies. L'important de ces soirées, c'est le prestige d'y assister et d'y être convié. On compte plus souvent les nominations aux titres plutôt que ceux qu'on remporte réellement.

-         Tu comptes aller lui chanter tout son album comme sous la douche? Je demande pour me moquer.

Eléa était bien trop fascinée pour prendre ça méchant.

-         Cette femme est incroyable. Elle met énormément d'émotions dans sa musique. Et puis elle est un peu comme moi, elle a un problème avec Lovell.

J'aurai pu en rire mais je ne l'ai pas fait. Le problème que Eléa a avec Lovell, c'est que je l'aime plus qu'elle. Ça transpire tellement qu'à cause de ça, le management nous force à apparaître tous les deux, à faire des choses ensemble. Et je la comprends, mais personne ne devrait lui en vouloir à lui.

La salle est complète. Tout le monde est assis. Les lumières sont toujours allumées mais ça ne devrait pas tarder. Il y a des caméras partout. Puisque le direct va démarrer d'un instant à l'autre comme me l'avait recommandé Bianca, je pose ma main sur la jambe de ma "petite-amie" et elle pose sa main sur la mienne. C'est à ce moment que je le vois. Forcément à ce moment-là, comme si c'était l'élément déclencheur de la soirée. Lui ne remarque absolument pas ma présence. Il porte une veste scintillante de couleurs rosées, violettes et un peu bleutées, ça me rappelle le drapeau bisexuel. Ses cheveux sont courts. Il est souriant. A ses côtés il y a un homme qui, je crois, est son guitariste. Il est chanceux. Ils le sont tous les deux.

Je n'ai eu le temps de l'observer qu'une poignée de secondes puisqu'au moment où il s'est assis les personnes nous séparant me l'ont fait disparaitre de mon champ de vision.

-         Arrête ça. Eléa chuchote à mon oreille.

Elle a raison. Je me fais mal tout seul.

La cérémonie commence, alternant entre les discours à rallonge et les prestations. Puis la première catégorie dans laquelle je suis nominée fut appelé.

-         Pour l'album de l'année, les nominés sont... Alison Swanson pour son album Amants! Elle est apparue sur les écrans géants. Halsey pour Manic! Elle a fait un grand coucou en souriant. Selena Gomez pour Rare. C'est clair que les femmes se sont imposées cette année, surtout après la dénonciation des injustices dans l'industrie de la musique grâce à Alison lors d'une précédente cérémonie. Et enfin, Isaac Page pour Illusions.

Je me suis vu apparaître à l'écran et j'ai offert un sourire modeste et simple en inclinant légèrement la tête pour remercier les applaudissements. Je n'allais pas gagner celui-ci. Je le savais. Mes ventes ont largement été en dessous de celles d'Alison.

Et je n'avais pas tort. Elle a gagné. Je l'ai applaudi parce que même si nous ne nous parlons plus, elle a été une amie très précieuse. Ça me rappelle la toute première soirée de remise de prix à laquelle j'avais assisté, à cette époque où on pouvait encore s'asseoir à côté. Mon dieu, quel carnage. Elle avait gagné un beaucoup trop de prix et n'avait absolument pas prévu autant de discours... On avait bien ri en rentrant chez nous.

Les catégories passent, Lizzo chante sur scène pour mon plus grand plaisir et James Corden reprend la narration lorsqu'elle termine.

-         Passons à la catégorie Artiste Masculin Solo. Les nominés sont bien évidemment, Isaac Page. J'ai fait un léger mouvement de main. James m'adore. Lewis Capaldi. Il a fait une grimace amusante. Liam Paterson. Il a salué. Et Oscar Lovell.

Il l'aime encore plus je crois. Le tatoué a levé les bras, trop content d'être dans cette catégorie. Adorable. La pression est montée, la batterie a tambourinée, les lumières se sont baissées, le suspens était à son comble.

-         Et le gagnant pour cette année 2021 est... Il a retiré la petite feuille de l'enveloppe pour lire le nom dans le micro. Oscar Lovell!

Oh mon dieu. Je me suis levé pour l'applaudir frénétiquement, le sourire aux lèvres. Il a réussi. Oscar est l'artiste masculin de l'année. Je le savais. Je suis si fier de lui. Mon cœur bat si vite, je le regarde quitter sa place pour rejoindre la scène. Son costume brille. Il est divin. En me rasseyant je retrouve le souffle que j'avais retenu. Je me penche en avant pour l'écouter avec toute mon attention.

-         Merci, merci infiniment. Il a pris le prix dans ses mains en se mettant devant le micro. Je voulais déjà remercier mes musiciens, toute mon équipe pour leur confiance aveugle. Ce titre compte énormément pour moi. Ma tournée s'est terminée avant-hier et c'est un réel honneur [...]

Ses yeux. Je les vois parfaitement grâce aux écrans. J'ai l'impression d'être mort chaque jour où je l'attends mais ce soir il est là, juste en face de moi, plein de succès et de fierté. Il oriente son discours vers la liberté d'expression et la liberté d'être.

-         Personne ne devrait avoir à se cacher, à prétendre pour être apprécié. Brillez dans la lumière, brillez pour qui vous êtes réellement parce qu'on ne vous aimera jamais autant que lorsque vous serez-vous même.

Je baisse les yeux. Evidemment. C'est facile de dire ça quand on est à sa place. Il a terminé et la cérémonie a poursuivis son cours, jusqu'à ce que le gagnant de la catégorie Révélation de l'année soit appelé.

-         Isaac Page!

Eléa a embrassé ma joue pour que je me ressaisisse. J'ai gagné ? Moi ? Je me lève et remercie les gens sur mon chemin qui m'acclament. Même Yliess en passant a posé une main sur mon épaule.

-         Félicitations. C'est mérité.

J'ai esquissé un sourire timide et j'ai rejoint James qui, sans prévenir, m'a pris dans ses bras en murmurant à mon oreille.

-         J'avais misé sur toi. Je suis super heureux.

Le trophée dans mes mains pèse plus lourd que je ne l'imaginais. J'ai du mal à réaliser qu'il m'était destiné. Le public n'attend que mon discours. Je ris nerveusement en réalisant l'ampleur de la salle de ce point de vue. Tout a été prévu avec Bianca, blablabla, mon équipe est géniale, je ne serais pas ici sans votre soutien etc. Le plus important est la dernière phrase et je dois tout miser dessus.

-         Et enfin, je souhaitai remercier ma petite amie, Eléa, pour son soutien incommensurable, sans qui je ne serais pas là aujourd'hui. Ma muse, merci pour tout. Il est pour toi.

J'ai tendu le prix vers elle. Si j'avais pu j'aurais préféré lui lancer pour qu'il soit réceptionné par son front, mais je ne vise pas aussi bien.

On l'a vu aux écrans mettre sa main devant sa bouche comme si elle ne s'y attendait pas, les yeux larmoyants. Elle devait être plus émue d'être sous les feux des projecteurs que par mon discours mais le public était touché. Les tweets allaient fuser, les ventes s'accumuler. J'ai quitté la scène après avoir à nouveau remercié James qui a murmuré loin du micro.

-         C'était nécessaire?

-         Je nous sauve tous les deux.

Il a hoché la tête et je suis retourné m'asseoir. Cette soirée était terminée pour moi. Le Cloud allait définitivement ouvrir sous toutes mes conditions parce que j'avais enfin accompli les leurs. Oscar allait me détester un peu plus mais c'était mieux pour nous deux. Et puis après tout, je ne faisais que lui rendre la pareille. Il me provoquait intentionnellement dans son discours. On ne peut pas pousser les gens à être out quand leur environnement ne leur permet pas. Il savait pourquoi je faisais ça et il continuait de me le faire payer.

Quand les caméras se sont officiellement éteintes, la fête s'est décalée dans une grande salle quelque rues plus loin, et nous y sommes allées. C'était privé, réservé uniquement aux personnes notées sur une liste extrêmement sélective, je trouve toujours ça bizarre d'y avoir accès. Eléa n'avait plus trop besoin de faire semblant, elle n'est pas restée à mon bras très longtemps pour mon plus grand plaisir, et je me suis dirigé vers le bar. Les lumières étaient tamisées, un groupe de jazz jouait en fond des reprises et j'avais besoin de prendre un verre. Ou dix.

J'étouffe dans mon costume. Il ne fait pas chaud mais je ne me sens pas à l'aise. Ça ne me ressemble pas tous ces protocoles. Je ne reste pas seul longtemps car on vient me féliciter pour ma récompense, je discute, je bois. Bianca me dit que j'ai un problème avec la boisson parce que je suis obligé de me mettre des races quand je fais la fête et il paraît que je fais trop la fête. En ce moment les choses sont calmes mais c'est vrai qu'il y a une longue période... Avec Dan... Non, ce soir c'est différent. Oscar est là. Il discute. Il n'y a pas de journaliste. Pas de paparazzis. Pas de fan. C'est une soirée idéale. Je continue de le regarder par-dessus l'épaule d'Aria qui est venue me saluer. Ça faisait longtemps que je ne l'avais pas vu. Elle est petite alors je peux toujours le voir. Il rit. Il n'est plus avec l'autre homme. Il ne boit pas. Il ne boit plus en soirée. Il a pris la célébrité très au sérieux. Je suis minable à côté de lui. Aria parle de son prochain album, elle voudrait qu'on travaille à nouveau ensemble. Je lui réponds vaguement. Ce n'est pas contre elle. Elle est gentille et très douce, je suis juste ailleurs. Elle finit par suivre mon regard.

-         Oh. Vous ne vous parlez vraiment plus?

-         C'est rien. Je réponds sans le penser en me reconcentrant sur elle. Je verrais si je peux t'écrire quelque chose. Enfin, le management verra surtout. Tu sais...

-         Oui. Elle m'a fait un sourire triste. Si tu as besoin d'en parler, n'hésite pas.

-         Isaac! Liam m'interpelle.

Merci. Je m'excuse poliment pour quitter la conversation et elle me laisse rejoindre le brun. Je passe de groupes de discussions en groupes de discussions, de verres en verres. Mais ça va, je tiens le coup, je sais ce que je fais, je sais ce que je dis. Et puis en riant trop fort à une blague qui n'était même pas drôle je me recule et me cogne contre quelqu'un. Les gens qui m'accompagnaient rient encore plus et je me retourne pour vérifier que la jeune femme va bien. En relevant les yeux j'ai croisé son regard à côté d'elle.

-         Oscar! Un homme de mon groupe s'exclame et notre cercle s'agrandit pour les inclure tous les deux.

On se retrouve côte à côte mais on ne se parle pas, on ne se regarde pas, on ne se touche pas. Je ne sais pas lui, mais moi je retiens presque ma respiration parce que sentir son parfum me tuerai. Je me plonge dans mon verre. Oscar répond à des questions.

-         La tracklist sort progressivement oui. L'album est presque complètement terminé mais je vais prendre quelques mois avant de repartir en tournée.

Une femme, d'une trentaine d'année, que je ne connais pas, plisse les yeux en alternant son regard du brun à moi une dizaine de fois avant d'interrompre la conversation.

-         Mais, vous n'étiez pas en couple tous les deux ?

Je postillonne tout ce que j'avais dans ma bouche, heureusement pour moi, dans le vide.

-         Excusez-moi. J'ai marmonné sans relever la tête vers le bouclé.

-         Il y a eu beaucoup de rumeurs là-dessus. Oscar a répondu vaguement, mais très professionnellement.

Je sais qu'il me regarde parce que c'est moi qui réponds le non catégorique d'habitude et contre son gré, je reste muet. Ce n'était pas un oui, ni un non. Il était doué pour ça.

-         Oh, excusez-moi. J'ai cru en entendre parler et vu que vous formez un bon duo...

-         Non, non, l'interromps son partenaire. Isaac est fiancé avec la belle Eléa Carlton Calder. On l'a lu l'autre jour chérie.

-         Nous ne sommes pas fiancés. C'est la première fois que je me prononce contre ces rumeurs. L'alcool. En fait, je ne peux pas me fiancer avec elle parce que je suis dé- Oscar a posé sa main sur ma bouche.

-         Excusez-nous.

Sans enlever ses doigts, il prend mon poignet pour que je le suive. On s'est retiré du cercle pour aller un peu plus loin, près du buffet bien moins convoité. Oscar prend mon verre et l'échange contre un rempli d'eau.

-         Tu comptes être con de bout en bout? Il demande en prenant une assiette qu'il remplit de petits-fours.

-         N'en fait pas tout un drame. Je marmonne en le regardant faire.

-         Tu as trop travaillé pour en arriver là Isaac. T'as tout sacrifié. Alors maintenant tu prends tes responsabilités, tu arrêtes de boire comme un gamin à la fac et tu manges un peu.

Il plaque le bout de l'assiette contre mon torse et je la prends pour qu'elle ne tombe pas.

-         Ne me dis pas ce que je peux faire ou ne peux pas faire. Tu. Je suis triste. D'accord? Il a pris une grande inspiration et j'ai poursuivis. C'est facile pour toi. Tu peux t'afficher comme tu veux, porter toutes couleurs de l'arc-en-ciel, faire des discours sur la tolérance, sortir avec un mec. Tout ce que tu fais sera toujours "cool".

-         Arrête. Je... Je ne voulais pas que tu te sentes mal pour le discours.

-         Je me sens mal pour absolument tout. Pour le discours, pour être dans la même pièce que toi comme si on était des inconnus, pour espérer que tu sois là partout où je vais ou performe, pour attendre que tu m'envoies des messages ou réagisse à ce que je fais sur les réseaux sociaux, pour me demander ce que tu penses de mon costume, pour-

-         Je l'adore. Il me coupe. Il te ressemble, il serre ta taille et c'est très sexy. Tu serais mieux sans, mais il reste très bien.

-         Ne dis pas ça s'il te plaît. J'ai trop envie de toi tout le temps pour entendre ça.

J'enfouie un petit four dans ma bouche pour arrêter de parler. Clairement, il vaut mieux que je m'arrête là. Oscar se mord la lèvre, me regarde de bas en haut. Il réfléchit. Ses doigts décoiffent ses cheveux. Il hésite. Il en a envie lui aussi, je le vois. Sa tête tourne vers le reste du monde puis reviens vers moi. Fuck. S'il craque je ne saurais pas dire non et on retournera un an en arrière, c'est tellement mauvais. Une voix m'appelle. Je l'entends au loin. Nos épaules, tendues à tous les deux, s'affaissent. La tension redescend. Nous sommes saufs.

-         Isaac, il faut qu'on rentre, il est déjà 3.00 am. Notre avion décolle dans... Eléa s'arrête.

Elle est arrivée de derrière Oscar et lorsqu'elle voit que je suis avec lui, son humeur change du tout au tout.

-         Qu'est-ce que vous faisiez, là?

-         On mangeait. J'ai répondu innocemment en lui tendant l'assiette, elle a refusé.

-         Ne vous foutez pas de moi. T'as de la chance que Bianca ne soit pas venue ce soir. Elle te fait confiance.

-         Bonsoir Eléna, Oscar a répondu calmement en prenant ce qui traînait sur mon plateau pour jouer le jeu. Je vais bien, merci. Et Isaac, pour ta gouverne, était en train de refuser mes avances donc tu peux juste te calmer et lui parler correctement, parce qu'il fait son taf.

Elle le regarde de bas en haut avant de se tourner vers moi.

-         C'était Eléa pas Eléna, d'accord. Bon. On ne va pas faire une scène ici de toute façon le chauffeur nous attend déjà dehors.

-         Je te rejoins dans une minute.

-         Mais-

-         Une minute. Je répète en saisissant le verre d'eau que je bois aussi lentement qu'elle disparait. Merci. Je murmure lorsqu'il ne reste plus que nous deux.

-         Tu comptes la citer aussi pour le Cloud?

Sa question m'a surpris. Mais nous n'avons plus beaucoup de temps alors il va à l'essentiel.

-         Je n'ai pas le choix. Je n'ai pas encore écrit mon discours mais je dois le rattacher au fait qu'il était proche de la fac, où on étudiait tous les deux. Elle sera là pour l'inauguration.

-         Super. Encore quelque chose qu'elle me prend. Si j'avais su, je l'aurais acheté moi-même.

-         Tu aurais dû faire la même chose. Quoi que, ça aurait été pire.

Nous savions tous les deux que même si les choses étaient absolument nulles, nous avions fait au mieux. J'ignore lequel de nous maudissait le plus Eléa pour nous avoir arraché l'un à l'autre. Dans la voiture du retour je ne pouvais m'empêcher de me répéter que le soleil avait brillé en plein milieu de la nuit pour la première fois depuis longtemps et que j'en était tant amoureux que mes 3 ans pour l'oublier devaient recommencer ce soir.