Six heures. Sept heures. Huit heures. Neuf heures. Neuf heures et demie. Neuf heures et trente-et-une minute. Neuf heures et trente-deux minutes. Neuf heures et trente-trois minutes. Les heures sont devenues des minutes, les minutes sont devenues des secondes pour le reste de ma courte nuit. J'avais passé les deux dernières heures à alterner entre lire et discuter par le biais des réseaux sociaux avec mes amis encore réveillés, ou tout juste réveillés, cela dépend pour qui. Je ne leur avais pas encore dit qu'Adam connaissait la nature de mes sentiments et avait, implicitement, mis fin à notre relation amoureuse. Enfin si on peut appeler ça une relation amoureuse. Et quand je repose mon roman, encore inachevé en lecture, sur la table de chevet, je réalise qu'il est temps pour moi de descendre dans le salon afin de pouvoir passer une nouvelle journée de confinement en compagnie de ma famille et de l'homme qui m'a brisé le cœur il y a encore moins de vingt-quatre heures. La cicatrice est encore grande ouverte, ce qui est normal, et je ne sais pas trop comment Adam va réagir. Il est certain qu'il ne va pas m'appeler ma princesse, me faire un câlin. J'aurais peut-être droit à un bisou sur la joue avec un peu de chances. Mais je préfère ne pas trop espérer. Peut être qu'il ne me fera rien du tout parce qu'il craint que je l'interprète mal ou parce qu'il ne veut pas me blesser encore plus que je ne le suis déjà. Enfin un peu plus, un peu moins, j'ai le cœur déjà bien ouvert en train de saigner. Je me pince doucement les lèvres avant de descendre dans le salon, sentant mes pieds s'enfoncer de plus en plus dans le sol alors que mon cœur bat la chamade contre ma poitrine. Je me sens soudainement prise de douleurs dans le ventre et dans la gorge qu'on pourrait assimiler à toute maladie digestive mais ce n'était pas le cas puisque mon état mental reflète sur mon état physique. J'espère qu'on ne va pas voir mon malaise à des kilomètres car je risque de pleurer encore. Et tant bien que mal, malgré la lourdeur et la lenteur de mes pas, je finis par rejoindre la cuisine. Timidement, je jette un premier coup d'œil, sentant mon cœur s'accélérer encore plus sous le coup de la panique. Et avec mon corps tout tremblant, j'ai l'impression que je vais tomber dans les pommes. A première vue, il n'y a pas l'air d'avoir Adam dans les environs. D'un côté tant mieux je n'étais pas prête à l'affronter immédiatement mais d'un autre côté, je redoute encore plus le moment où il va apparaître dans mon champ de vision.

'Doucement mon garçon' Elvira baille alors que Mads grogne car il attend son biberon.

Ma belle-mère tend le biberon à Mads qui le prend entre ses petites mains mais le fait tomber, faisant ouvrir le récipient. Et bien sûr, Mads se met à pleurer car il n'a pas son biberon, ce qui fait soupirer ma belle-mère. Décidément, le réveil est plus qu'agréable. Elvira commence à nettoyer les dégâts causés par le lait alors que je prends Mads contre moi pour le calmer tout en essayant de lui préparer un deuxième biberon. Une fois fait, je me dirige doucement vers le canapé pour le lui donner, Mads arrêtant immédiatement ses pleurs. Mon petit gourmand. Je continue de le nourrir alors que Mads me regarde avec ses petits yeux noisette tout mignons. L'espace de quelques minutes, j'eus l'impression de revenir quelques années en arrière quand je nourrissais Eugene. J'aimerais bien y revenir à cette époque et modifier le cours de ma vie depuis ce jour-là. Je termine de nourrir Mads doucement avant de lui faire son rot, lui faisant des câlins et des bisous car il adore ça. Et moi j'aime profiter de ces moments de tendresse.

'Tout va bien ma grande ?'

Je sursaute avant de voir Elvira qui est assise sur le canapé et à mon avis, elle doit être là depuis un bon moment. Je me mets de dos à Elvira afin de pouvoir poser Mads dans son petit couffin.

'Je suis désolée ...'

Je me tourne doucement vers Elvira, un peu perplexe qu'elle me dise qu'elle est désolée. Pour quelle raison le serait-elle ? Et au moment où j'allais poser la question, pour comprendre le pourquoi du comment, des pas retentissent dans le couloir, dans notre direction. Et comme je reconnais les bruits de pas de tous les membres de ma famille, c'est certain que ce n'est ni mon père ni Eugene. Et il n'y a plus qu'une personne dans la maison à qui pourrait correspondre ces pas. Je me pince fermement les lèvres en me mettant à nouveau de dos à l'entrée de la pièce, portant mon attention sur Mads qui mâchouille sa tétine en jouant avec sa peluche. Mon petit amour. Je pose ma main sur son petit corps, souriant en lui faisant des grimaces pour éviter que mes larmes ne dégoulinent encore plus le long de mes joues.

'Bonjour Elvira' la douce voix profonde du ténébreux retentit dans la pièce.

'Ah bonjour Adam. J'espère que tu as bien dormi ?'

'Ça a été. D'après ce que j'ai vu, ça n'a pas été le cas de tout le monde'

Je ravale difficilement ma salive en étant toujours de moi à eux, concentrée sur les petites mains de Mads qui joue avec sa petite peluche. Pour avoir passé une mauvaise nuit ça c'est le cas je peux te le dire Adam. Et tu sais pourquoi ? C'est parce que tu n'aimes pas et que tu es en train de me détruire. Je prends une profonde inspiration alors que je retiens mes larmes, souriant en observant le petit sourire de Mads. Ça au moins ça me fait du bien. Beaucoup de bien.

'Eugene a encore fait des cauchemars et cette fois-ci, ce n'est pas nous qui l'a réveillé mais sa sœur' mon père arrive à son tour et j'entends une poignée de mains. 'Enfin toi aussi apparemment vu que tu ne dormais pas encore à trois heures du matin'

'Je fais des insomnies en ce moment.'

'Je me doute que le divorce doit encore te faire mal et tu dois penser à Nicole. Elle doit te manquer'

'Ouais c'est ça' Adam confirme à moitié.

Je me pince fermement les lèvres avant de quitter brutalement la pièce, me dirigeant vers la cuisine. Sa femme lui manque ça confirme bien qu'il s'est servi de moi. Quelle conne. J'active brutalement la machine à café, donnant un coup de porte assez violent pour la fermer après avoir récupéré les tasses. Putain quelle conne. Je termine de préparer le café, m'occupant également de faire un petit bol de lait chaud pour Eugene. Je soupire en essuyant d'un revers de la main avant de continuer. C'est alors que je sens deux petits bras s'enrouler autour de mes jambes. Je m'abaisse doucement, pensant à bien éteindre le feu, avant de remarquer la petite bouille toute endormie d'Eugene. Tellement mignon. Je m'abaisse doucement à sa hauteur, lui déposant un baiser sur la joue, avant de le prendre dans mes bras afin de pouvoir lui faire un câlin.

'Pardon Lily pour être venu dans chambre cette nuit' il s'excuse de sa petite voix toute endormie.

'Ce n'est pas grave Eugene. Ce n'est rien. Je ne dormais pas de toute façon' je lui réponds, me détachant de ses bras afin de pouvoir continuer de préparer le petit déjeuner.

'A cause de vilain méchant Lily dort pas ?' Eugene demande alors que les adultes entrent dans la cuisine à leur tour.

'Oui ...' je reconnais à demi-mot, essayant de ne pas croiser le regard d'Adam.

Je me pince fermement les lèvres en retenant mes larmes avant de déposer tout sur le plateau du petit déjeuner afin de pouvoir préparer tout déposer sur la table de la salle à manger. Elvira installe ensuite son fils sur sa chaise en lui mettant son bavoir alors que je m'installe en bout de table, prenant immédiatement une tasse de café. Tout ce que j'espérais c'était qu'Adam ne s'installe pas à mes côtés parce que je ne pense pas avoir la force de rester à ses côtés. Et heureusement pour moi, il s'installe à mon opposé, à côté de mon père, tout en prenant une tasse de café. Je reste rivée les yeux rivés dans ma tasse de café sans relever les yeux, ne voulant absolument pas croiser son regard. Je n'ai pas envie de le voir si heureux, si joyeux, alors que moi, je suis complètement brisée de l'intérieur par sa faute. Il me détruit et lui est heureux ... ça veut bien dire ce que ça veut dire non ? Je soupire en terminant de boire mon café avant de reposer ma tasse, ne prenant pas soin de prendre de quoi me nourrir car mon estomac est complètement noué.

'Ma grande tu ne manges pas ce matin ?' mon père demande, perplexe.

'Je n'ai pas très faim ...' je reconnais, la voix quelque peu cassée.

'Essaye de manger un peu ... je sais que ce n'est pas évident ... mais il faut que tu manges' mon père tente de m'aider à aller mieux.

'Il me manque ... mais j'ai compris que ce sentiment n'était pas partagé ... je me suis fait prendre pour une conne ... et ajouter à cela ma peine de cœur ... c'est difficile'

'Vilain garçon qui rend Lily triste. Encore plus méchant que les monstres' Eugene finit par dire.

Je lâche un petit rire nerveux alors que mes parents sourient en entendant mon petit frère parler avec sa petite voix toute innocente d'enfant. Sacré Eugene. Mais d'un coup, mes yeux se sont brièvement tournés dans la direction d'Adam qui n'osait plus rien dire et le sourire de son visage avait disparu dès lors que j'avais évoqué que mon sentiment de manque n'était pas partagé et qu'il m'avait pris pour une conne. En même temps c'est ce qui s'est passé non ? Il a juste comblé le manque de sa femme avec moi et comme une conne, je suis tombée amoureuse ! Je soupire avant de débarrasser ma tasse de café avant de monter à l'étage afin de pouvoir me préparer. Je prends des affaires propres avant d'aller sous la douche, ayant besoin de sentir l'eau couler le long de ma peau afin de pouvoir me détendre un peu pour affronter les prochains jours qui vont être difficiles. J'ai hâte que le confinement soit levé et que je puisse enfin tourner la page Adam ... ou du moins essayer. Une fois lavée, je sors de la salle de bain en essorant un peu mes cheveux qui sont encore mouillés. Alors que je relève la tête, je m'aperçois qu'il y a des pieds devant moi. Tiens dont. En relevant la tête, je reconnais très rapidement le visage d'Adam qui me fixe du regard. Je ravale difficilement ma salive alors qu'il est toujours aussi inexpressif. Qu'est-ce qu'il me veut ? Sans hésiter plus longuement, je tourne les talons et pénètre dans ma chambre. Je n'ai plus rien à lui dire. Je soupire en fermant lentement les yeux, ne voulant pas me remettre à pleurer. Il m'a pris pour une conne mais je ne dois pas me laisser abattre pour un homme comme ça. Je dois être plus forte que cela. Je me calme tant bien que mal avant de sortir de mes pensées quand la porte de ma chambre frappe doucement. Tiens qui c'est ?

'Entrez'

Ma voix est un peu hésitante, tremblante même car j'appréhende une énième confrontation avec Adam. Je sais très bien que c'est lui puisqu'il n'y a personne d'autre dans le couloir. Mais qu'est-ce qu'il pourrait bien me vouloir encore ? Me dire que ce n'était pas nécessaire de lui envoyer un tacle en plein petit déjeuner alors que lui ne s'est pas gêné pour me faire mal en me disant que sa femme lui manquait. Je me pince les lèvres avant de me retourner, un peu anxieuse à l'idée de me retrouver en face à face avec Adam. Mais à ma plus grande surprise, ce n'est pas le ténébreux qui se tient à quelques mètres de ma porte fermée mais ma belle-mère. Et encore une fois je me suis trompée en espérant inconsciemment voir comme toujours le ténébreux.

'Ce n'est pas réciproque ?' Elvira demande, me regardant attentivement.

Je secoue négativement la tête avant de baisser la tête, sentant les larmes me monter aux yeux. Sans hésiter une seule seconde, ma belle-mère s'approche de moi avant de me serrer dans ses bras alors que je me remets à pleurer. Une vraie madeleine. Elvira glisse sa main dans mes cheveux avant de m'embrasser sur le front, ne cessant de me répéter que le temps finirait par guérir les blessures et que ça allait bien se passer. Je n'en serais pas aussi sûre car je sais que tant qu'Adam sera sous le même toit que moi, je l'éviterais quoi qu'il arrive et je ne lui adresserais pas un mot. 

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Hello, voilà pour le 51ème chapitre de Colocation. J'espère qu'il vous a plu :) Alors dans ce nouveau chapitre, c'est le lendemain et à la maison, entre Adam et Alyssa l'heure est quelque aux règlements de compte : petits tacles discrets que personne ne semble comprendre ... enfin sauf Elvira ;) 

TEASER du prochain chapitre (à venir LUNDI) : Le déconfinement approche et pour Alyssa, éviter Adam est sa stratégie pour éviter de trop souffrir. Est-ce que ça porte ses fruits ? Est-ce que ça ne marche pas au contraire ? ;) 

Alyssa : J'ai été conne c'est tout. 

?? : Ah non ! Je t'interdis de dire que tu as été conne ! 

(A votre avis, qui parle à Alyssa ? ;)) 

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? N'hésitez pas à voter, commenter, partager la fiction, vous abonner à ma page pour (re)découvrir mes autres histoires et ajouter cette histoire à votre bibliothèque pour ne manquer aucune mise à jour ! ❤️ Quant à moi, je vous dis à lundi pour la suite de Colocation ! ❤️ xx