Les passagers du vol allant à Toronto sont priés de se rendre aux portiques de contrôle...

La voix douce de la jeune femme se propage dans tout l'aéroport tel un murmure fantomatique. Kaoru resserre ses doigts sur la poignée de sa valise. Sa mère assise près d'elle la tient par les épaules. Comme elle l'avait dit, elle n'a pas tourné le dos à son unique fille contrairement à son mari. Ce dernier n'a plus adressé un seul mot à sa fille depuis leur dernière conversation. Kaoru n'en est pas fière pourtant elle n'a pas changé d'avis.

Armée d'un faux courage, les jambes tremblantes, la future maman se lève de son siège. Aori en fait de même. Elle l'accompagne jusqu'aux portiques.

- Voilà... C'est ici qu'on va devoir se séparer, lâche la plus âgée.

Sa fille affiche un sourire triste, juste pour la rassurer. Elles se jettent dans les bras de l'une et de l'autre. Les deux femmes sont en larmes et ne parviennent pas à se séparer.

Cinq minutes avant le départ pour Toronto, coupe la voix féminine.

Kaoru la maudit intérieurement car elle vient de gâcher un bon moment. Obligée de mettre fin à leur étreinte, la jeune femme ressent un pincement au cœur.

- Je te promets de faire très attention. J'espère que tu viendras quand ce petit être naîtra, dit-elle en caressant son ventre bien rond à présent.

- Je ne manquerai ça pour rien au monde. Je vais tout faire pour convaincre ton père de venir te rendre visite.

- Merci maman. Je dois y aller. Je t'appelle dès mon arrivée.

- Entendu. Je ne vais plus quitter le téléphone des yeux, sourit-elle.

La jeune femme est heureuse de voir sa mère sourire une dernière fois. Après un long soupir, elle va se mettre en rang. Ses yeux ne cessent de guetter la présence de sa mère. Arrive son tour de présenter son passeport et son billet d'avion. Jusqu'à ce qu'elle disparaisse derrière la porte d'embarquement, sa mère est restée près d'elle. Kaoru ressasse tous ses bons souvenirs avant d'entrer dans l'avion, convaincue de prendre la bonne décision. Elle prend place sur son siège. Quelqu'un est déjà assis près de la fenêtre, ce qu'elle trouve rassurant. La grossesse a beau être avancée, il lui arrive toujours d'avoir des vertiges et des nausées. Elle préfère éviter d'être troublée durant le voyage. Un long voyage jusqu'à son nouveau pays, sa nouvelle ville, son nouveau monde.

Un monde sans Shota, sans EraserHead. En soit un monde fade et sans couleur. Mais un monde sûr pour son enfant.

Malgré ses retissences, Kaoru a laissé une lettre au père du bébé qu'elle porte. À présent, il ne lui reste plus qu'à espérer qu'il comprenne pourquoi elle agit ainsi.

- C'est pour le bien de notre enfant, murmure-t-elle.

L'avion quitte lentement l'aéroport. Des vertiges surprennent Kaoru. Au bout de quelques minutes, l'appareil se stabilise et elle aussi. Elle songe maintenant à son avenir et laisse derrière elle son passée.

De son côté, Shota rentre dans son ancien appartement. Son regard s'attarde sur le sofa. Kaoru y passait la plus part de son temps libre à regarder la télévision. Il la trouvait très souvent allongée là quand il rentrait. L'affaire Headcutter étant classée, il peut reprendre le cours de sa vie. En premier lieu, il a décidé de revenir chez lui ou plutôt chez eux.

L'appartement avait pris la poussière mais rien d'autre n'avait bougé depuis leur départ. Il avance dans le salon mais quelqu'un vient interrompre ses retrouvailles en frappant à la porte.

- Qui est-ce ? demande-t-il, nonchalant.

- La concierge. J'ai entendu la porte s'ouvrir alors je suis venue voir si c'est bien vous qui êtes revenus.

Il retourne sur ses pas, ouvre la porte et rencontre la femme d'âge mûr. Elle est toute souriante contrairement à lui.

- Ça faisait longtemps, enchaîne-t-elle. Comment allez-vous ? Et votre copine? Elle est là ? J'aimerais lui dire bonjour. Pourquoi avez-vous disparu durant toutes ces semaines ?

Le jeune soupire, blasé par toutes ces questions.

- Je vais bien et ma copine n'est pas là pour le moment. Il faudra donc repasser pour la saluer. En ce qui concerne les raisons de notre absence, ça reste confidentiel.

Son ton était assez sérieux pour dissuader la femme. Elle en perd même sa bonne humeur.

- Dans ce cas, tenez! Votre courrier. Je l'ai gardé pour vous durant votre absence. Ne dites surtout pas merci, grogne-t-elle en tournant le dos.

- Merci, lance-t-il quand même.

Il referme la porte sans plus de cérémonie. Il n'y a que quelques enveloppes. La plus part sont des publicités, les factures et... Une lettre venant de Nikko. Le cœur de Shota manque un battement. Il jette les lettres superflues pour ne garder que celle-là. Ses mains sont moites. Des semaines qu'il n'avait aucune nouvelle. Il avait pourtant l'intention d'aller au petit village retrouver celle qu'il aime. Pourquoi lui envoyer une lettre? Pourquoi ne pas l'appeler ou lui envoyer un mail? Surtout après tout ce temps... Il l'ouvre délicatement puis sort le papier plié en quatre. Il a l'impression que sa vue est brouillée. D'après la date, elle a été rédigée il y'a une semaine. Son regard glisse aussitôt vers les premiers mots.

Salut Shota,

j'espère que tu vas bien. Moi, ça peut aller. J'imagine que tu te poses beaucoup de questions. Je ne sais pas par où commencer. J'ai pourtant passé des jours à réfléchir à ce que j'allais écrire. En t'avouant tout de but-en-blanc ou en y allant tout doucement, je finirai quand même par te blesser. Alors je vais être directe.

Il reprend son souffle puis entame la suite de la lettre.

Je t'aime comme je n'ai jamais aimé auparavant. Pourtant, malgré tout cet amour, quelque chose m'éloigne de toi.

La peur.

Elle me fait mal au ventre, parfois elle me cloue au lit. Songer à retourner en ville, reprendre le travail, avoir une vie normale m'est impossible. L'origine de cette peur est toute simple. J'ai peur qu'un jour un autre vilain apparaisse et s'en prenne à nous.

Shota commence à comprendre le silence de Kaoru. Elle avait déjà décidé de couper tout lien avec lui.

Rien n'est plus important pour moi que ma famille et toi. Je ne veux plus que ta vie soit en danger à cause de nous. De ce fait, j'ai pris une grande décision.

Ses yeux hésitent sur les prochains mots.

Celle de te quitter définitivement. Je ne reviendrai pas vers toi. J'en suis navrée, vraiment.

Shota sent le sol s'écrouler sous ses pieds. Il prend appui sur le sofa. Son coeur ne supporte pas la nouvelle. Il ne veut pas terminer la lettre. Malgré ça, dans un dernier effort, il lit les derniers mots.

J'avais l'intention de te le cacher mais l'attitude de mon père m'a convaincue que je faisais erreur. J'attends un enfant, notre enfant.

Comme s'il avait regagner des forces, Shota se tient droit sur ses deux pieds. Ses sentiments sont un mélange incompréhensible de joie, de tristesse et de crainte. Sans compter la colère qui commence à monter.

Pour son bien et sa sécurité, j'ai décidé de l'emmener avec moi à Toronto où je lui donnerai la vie. Pour son bien, sa sécurité, ne viens pas. Je t'en supplie.

Ces mots sonnent comme un ordre. Shota remarque un cercle transparent sur le papier, Comme si une goutte de l'arme s'était écrasée à cet endroit.

- Je vois, souffle-t-il.

Sur ces dernières paroles, je pense avoir été assez claire.

Si un jour, la situation dans notre pays change, que le taux de criminalité baisse alors peut-être que je reviendrai. À ce moment là, je serai incapable de t'empêcher de voir ton enfant.

Adieu ou...

- Au-revoir, termine-t-il.

Au-moins il reste un espoir. Un éclair passe dans les yeux du héro. Il comprend mieux que quiconque la décision de Kaoru. Lui non plus ne désire pas mettre la vie de son enfant en danger. Peut-être qu'à sa place il aurait fait la même chose. Pourtant l'idée qu'il grandisse loin de lui ne l'arrange pas. Il aimerait le voir, le porter dans ses bras, jouer avec lui que ce soit une fille ou un garçon. Il veut simplement être un bon père.

Shota ne peut retenir ses larmes. Son expression est plus grave que d'habitude. Son regard est déterminé.

- Si c'est ce qu'il faut pour que nous puissions être ensemble, je ferai de ce monde un endroit sûr pour vous.

Il replie soigneusement la lettre et va la ranger dans un tiroir de la chambre. Il porte sa tenue de héro et quitte l'appartement. À partir de ce jour, il n'aura aucun répit jusqu'à ce que sa famille puisse lui revenir.

*****
C'est le dernier chapitre.
(〒﹏〒)
Comment vous le trouvez?
Comme je l'ai dit, il y'aura une suite mais pas tout de suite. J'espère tous vous retrouver quand je publierai le premier chapitre.
À bientôt.